CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 11 octobre 2024, n° 24/03962
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Cime Immobilier (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseillers :
Mme Bret, Mme Girard-Alexandre
Avocats :
Me Voisin, Me Barbier, Me Toutain de Hauteclocque, Me Dechezlepretre Desrousseaux
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé daté du 26 janvier 2019, rédigé par la SARL Cime Immobilier, Mme [Z] [D] veuve [R], Mme [Y] [R] et M. [T] [R] ont consenti à M. [K] [E] une vente sous conditions suspensives, dans une copropriété sise [Adresse 1], sur la commune de [Localité 7] (91), pour un prix de 195.000 €, dont 186.000 € net vendeur, d'un appartement et un local :
'- le lot n°3 : un appartement situé dans le bâtiment de droite au premier étage, comprenant : Séjour, cuisine aménagée, dégagement, salle d'eau, buanderie, wc, Grenier aménagé : une pièce avec salle de bains et wc. Et les 150/1.060èmes des parties communes générales,
- le lot n°8 : Local Atelier, situé au rez-de-chaussée du bâtiment du fond. Et les 20/1.060èmes des parties communes générales',
l'acte précisant 'Loi Carrez : déclaré 89,27 m² habitables ... le mesurage ... Etabli le 26.04.2018 par la Sté Diag Précision de [Localité 14] (91)'.
La vente a été réitérée par acte authentique le 3 mai 2019, par devant Me [A] [I], notaire au sein de l'étude [V] [C], sise à [Localité 11] (94), en la présence de Me [L] [P], notaire assistant les vendeurs, concernant :
'Désignation du bien ...
- lot n°3 :
Au premier étage bâtiment de droite Un studio, avec grenier aménageable en trois chambres Et les 150/1060èmes des parties communes générales
- lot n°8 :
Un local au rez-de-chaussée du bâtiment du fonds, porte à l'arrière du bâtiment
Et les 20/1060èmes des parties communes générales
Tel que le bien existe avec tous droits y attachés, sans aucune exception ni réserve
Par suite d'aménagements effectués par le vendeur la désignation actuelle est la suivante:
Un appartement situé dans le bâtiment de droite au premier étage, comprenant : séjour, cuisine aménagée, dégagement, salle d'eau, buanderie, wc,
Grenier aménagé : Une grande chambre avec salle de bains et wc ...
Superficie de la partie privative :
La superficie de la partie privative des biens soumis aux dispositions de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est de :
- 89,27 m² pour le lot numéro 3".
M. [E] indique avoir appris à l'occasion de l'assemblée générale des copropriétaires du 29 août 2019 que l'appartement, présenté comme le lot n°3, était constitué de deux lots, le lot n°3 et le lot n°4, de sorte que 'sa quote-part de charges de copropriété ne s'élevait pas à 16% (150+20 =170/1060) mais à 35 % (150+20+188 = 358/1060)'.
Par actes d'huissier des 8 novembre, 4 et 10 décembre 2019, M. [K] [E] a assigné Mme [Z] [D] veuve [R], Mme [Y] [R], M. [T] [R], Mme [V] [C], Mme [L] [P], et la SARL Cime Immobilier devant le tribunal de grande instance d'Evry, devenu le tribunal judiciaire d'Evry.
Par ordonnance du 1er juin 2021, le juge de la mise en état a constaté que la SARL Cime Immobilier s'était désistée de son incident de communication de l'acte authentique de vente.
Dans ses dernières écritures du 19 octobre 2021, M. [K] [E] a sollicité à titre principal l'annulation de la vente, et la condamnation des consorts [R] à la remise des parties en l'état antérieur et au paiement de diverses sommes, sur le fondement de l'erreur et subsidiairement du vice caché, et à titre subsidiaire une somme à titre de réduction du prix de vente.
Les consorts [R] s'y sont opposés et ont sollicité d'ordonner l'établissement par Me [C] et la signature par M. [E] d'un acte rectificatif mentionnant le lot 4 et à titre subsidiaire de condamner M. [E] au paiement d'une indemnité d'occupation, condamner les deux notaires à les garantir de toute condamnation éventuelle, condamner l'agence immobilière à effectuer les démarches pour trouver un nouvel acquéreur et condamner les notaires et l'agence au paiement d'une indemnité.
L'agence a sollicité à titre subsidiaire la condamnation des consorts [R] à lui payer une indemnité en cas d'annulation de la vente.
Les notaires ont sollicité de déclarer la demande de nullité de la promesse de vente irrecevable à défaut de publication de celle-ci à la conservation des hypothèques.
Par jugement du 24 octobre 2022, le tribunal judiciaire d'Evry a statué ainsi :
- déclare recevables les demandes d'annulation et de résolution de vente présentées par M. [K] [E],
- déboute M. [K] [E] de l'ensemble de ses demandes,
- ordonne la rectification de l'acte notarié du 3 mai 2019 portant vente par Mmes [Z] [D] veuve [R] et [J] [R] ainsi que par M. [T] [R] à M. [K] [E] d'un appartement et d'un local constituant respectivement les lots n°3 pour 150/1.000èmes des parties communes générales et n°8 pour 20/1.060èmes des parties communes générales dans une copropriété sise [Adresse 1], sur la commune de [Localité 7] (91), l'acte rectificatif devant être rédigé et signé dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision rendue dans cette affaire sera devenue définitive,
- ordonne à cette fin à Me [V] [C] d'établir un rectificatif de cet acte mentionnant que le bien vendu inclut également le lot n°4 de la copropriété et les 188/1.060èmes des parties communes générales, ainsi que de procéder aux formalités de publicité foncière,
- ordonne à toutes les parties audit acte de vente de venir signer l'acte rectificatif dans le délai imparti ci-dessus,
- déboute les autres parties de toutes leurs autres demandes,
- dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu'elle a exposés dans la présente instance.
M. [E] a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 13 janvier 2023 à l'encontre de Mme [Y] [R], M. [T] [R], Mme [Z] [D] veuve [R], Mme [V] [C], Mme [L] [P] et la SARL Cime Immobilier.
[Z] [D] veuve [R] est décédée le 12 septembre 2023. L'acte de notoriété dressé le 7 février 2024 mentionne que ses deux héritiers sont Mme [N] [R] et M. [T] [R].
La procédure devant la cour a été clôturée le 25 avril 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions en date du 2 avril 2024 par lesquelles M. [K] [E], appelant, invite la cour à :
Vu les articles 1128, 1130, 1132,1133 du code civil
Vu les articles 1240 et suivants du code civil
Vu l'article 1112-1 du code civil
Vu l'article 1641 du code civil
Vu la promesse de vente du 26 janvier 2019
Vu l'acte authentique de vente du 3 mai 2019
Vu l'acte de liquidation de la SCI LES AMIS DE BALIZY du 11 mars 2015
DEBOUTER LES TROIS INTIMES de l'intégralité de leurs demandes à quelque fin qu'elles tendent,
EN CONSÉQUENCE :
CONFIRMER le jugement dont s'agit en ce qu'il a déclaré l'action de M. [E] RECEVABLE;
INFIRMER en toutes ses autres dispositions;
STATUANT à NOUVEAU :
DIRE ET JUGER que la vente de l'immeuble sis à [Adresse 1] par les consorts [R] à M. [E] a été viciée par l'erreur sur un élément substantiel à savoir le nombre de lots privatifs vendus;
DIRE ET JUGER que ce vice du consentement entraine la nullité de l'acte de vente et sa
conséquence à savoir que les parties seront remises en l'état antérieur à la vente.
SUBSIDIAIREMENT
DIRE ET JUGER que la vente de l'immeuble sis à [Adresse 1] par les consorts [R] à M. [E] est entachée d'un vice caché,
DIRE ET JUGER que ce vice caché entraîne la résolution de la vente et sa conséquence,
à savoir que les parties seront remises en l'état antérieur à la vente.
En conséquence, en échange de la restitution du bien immobilier par M. [E] aux consorts [R],
LES CONDAMNER SOLIDAIREMENT À LUI PAYER LES SOMMES SUIVANTES:
- Le prix d'achat soit 195 000 €
- Le montant des frais de notaire soit 15600€ sauf à parfaire
- Le montant des travaux de remise en état effectué soit 42 000 €
Soit un total de DEUX CENT CINQUANTE DEUX MILLE SIX CENTS EUROS en
principal (252 600 €)
DIRE ET JUGER que M. [E] bénéficiera de la jouissance gratuite du bien immobilier durant toute la période d'occupation à titre de dommages et intérêts complémentaires,
LES VOIR, par ailleurs, CONDAMNER à payer à M. [E] la somme de VINGT MILLE EUROS à titre de dommages et intérêts, pour tous les autres chefs de préjudice confondus,
SUBSIDIAIREMENT :
Si par extraordinaire, le Tribunal ne prononçait ni l'annulation, ni la résolution de la
vente, sur les fondements évoqués ci-dessus,
REDUIRE le prix de vente de SOIXANTE MILLE EUROS, pour tenir compte de la
charge des travaux, liée au vice du consentement et /ou au vice caché de l'immeuble
vendu,
En conséquence, CONDAMNER les consorts [R] à payer solidairement à M. [E] la somme de 60 000 €, en principal au titre de la diminution du prix de vente,
LES CONDAMNER à payer à M. [E] la somme de DIX MILLE EUROS à titre de dommages et intérêts, pour tous les autres chefs de préjudice confondus.
TRÈS SUBSIDIAIREMENT,
CONDAMNER les consorts [R] à payer solidairement à M. [E], une somme de SOIXANTE DIX MILLE EUROS à titre de dommages et intérêts sur le fondement de leur responsabilité quasi délictuelle ; compte tenu de la faute commise dans la mise en vente du bien Immobilier et du préjudice subi par ce dernier à cause de cette faute.
LES CONDAMNER à payer à M. [E] la somme de DIX MILLE EUROS à titre de dommages et intérêts, pour tous les autres chefs de préjudice confondus.
En tout état de cause :
CONDAMNER les consorts [R] ou toute partie succombante à payer solidairement à M. [E] la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la partie succombante en tous les dépens dont le recouvrement direct
sera effectué par en vertu des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions en date du 2 avril 2024 par lesquelles M. [T] [R] et Mme [Y] [R], intimés, invitent la cour à :
Vu les articles 1132, 1133, 1231-2, 1583 et 1641 du Code civil,
' CONFIRMER la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a
« débouté les autres parties de toutes leurs autres demandes ».
Y AJOUTANT
' Débouter M. [K] [E], Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
' Ordonner à M. [K] [E] de signer l'acte rectificatif sous astreinte définitive de 10.000 € par défaut constaté.
' Condamner solidairement M. [K] [E], Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier à payer une somme de 30.000 € à Mme [N] [R] et une somme de 30.000 € à M. [T] [R] à titre de dommages-intérêts.
' Condamner solidairement Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier au paiement d'une somme de 10.000 € à Mme [N] [R] et une somme de 10.000 € à M. [T] [R] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
' Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de 1 ère instance et d'appel.
- INFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a « débouté les autres parties de toutes
leurs autres demandes ».
SUBSIDIAIREMENT, STATUANT SI BESOIN SUR LES POINTS INFIRMÉS
' En cas d'annulation ou de résolution de la vente, condamner M. [K] [E] à payer à Mme [N] [R] et à M. [T] [R] une indemnité d'occupation de 102.816 € pour la période du 13 mai 2019 au 12 mai 2023.
' Le condamner à leur payer une indemnité d'occupation de 2.500 € par mois à compter
du 13 mai 2023 jusqu'à la restitution effective de l'appartement.
' Dire que cette indemnité d'occupation sera indexée sur l'indice de référence des loyers
tous les 3 mois à compter du 13 mai 2023, l'indice de base étant celui du 1er trimestre 2023.
' Condamner solidairement Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier à garantir Mme [N] [R] et M. [T] [R], de toute condamnation éventuelle et à payer, en leur lieu et place, toute condamnation éventuelle au profit de M. [K] [E].
' Condamner la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier à effectuer toutes les
démarches nécessaires pour trouver un nouvel acquéreur dans les conditions
initialement prévues et ce, dans un délai de quatre mois à compter de la signification
de la décision à intervenir et condamner solidairement Me [V] [C] et Me [L] [P] à rédiger les actes pour parvenir à la vente effective.
' Condamner solidairement Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier à payer à Mme [N] [R] et à M. [T] [R] une somme de 62.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'annulation ou de la résolution de la vente.
' Au cas où la vente ne serait pas annulée ou résolue, condamner solidairement Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier à garantir Mme [N] [R] et M. [T] [R] de toute condamnation éventuelle et à payer, en leur lieu et place, toute condamnation au profit de M. [K] [E].
' Débouter M. [K] [E], Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Vu les conclusions en date du 2 avril 2024 par lesquelles Me [L] [P] notaire et Me [V] [C] notaire, intimées, invitent la cour à :
Vu les dispositions des Articles 1240 et suivants du Code Civil,
Confirmer le jugement rendu par la 3 ème Chambre du Tribunal Judiciaire d'Evry le 24 octobre 2022 en toutes ses dispositions.
Ainsi, donner acte à Me [V] [C] de ce qu'elle accepte de recevoir l'acte
rectificatif mentionnant que l'acte de vente du 3 mai 2019 inclut non seulement le lot n°3, mais également le lot n°4 de la copropriété sise [Adresse 1] à [Localité 7] et à procéder aux formalités auprès de la publicité foncière, et ce, aux frais des Consorts [R].
Débouter M. [E] de ses plus amples demandes.
Subsidiairement,
Dans l'hypothèse où la Cour réformerait le jugement rendu et prononcerait l'annulation ou la résolution de la vente :
Dire et juger que les Consorts [R] ne justifient pas de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice, susceptible d'engager la responsabilité des notaires.
Les débouter de leur demande en garantie et de leur demande de dommages-intérêts.
Condamner la partie qui succombera au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la même aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de Me
Valérie TOUTAIN de HAUTECLOCQUE, en application de l'article 699 du Code de procédure Civile ;
Vu les conclusions en date du 11 mars 2024 par lesquelles la société Cime Immobilier, intimée, invite la cour à :
Vu l'Article 1984 et suivant du Code Civil
Vu l'Article 1240 du Code Civil
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions
Rejeter les demandes fins et conclusions formulées à l'encontre de Cime Immobilier
Rejeter la demande de condamnation de Cime Immobilier de vendre aux mêmes
conditions
Rejeter les demandes de dommages et intérêts à l'encontre de Cime Immobilier.
Condamner les consorts [R] au payement de la somme de 9.000 € au profit de Cime
Immobilier à titre de dommages et intérêts en cas d'annulation de la vente.
Subsidiairement,
Ramener les réclamations formulées à ce plus juste proportion.
En tout état de cause,
Condamner toute partie succombante à payer à la société Cime Immobilier la somme de
4.000 € en application des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile ainsi
qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Emilie DECHEZLEPRETRE
DESROUSSEAUX, membre de la SELARL CABINET DECHEZLEPRÊTRE, Avocat aux offres de Droit en applications des dispositions de l'Article 699 du Code de Procédure Civile ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Au préalable, il convient de constater que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré recevables les demandes d'annulation et de résolution de vente présentées par M. [K] [E] ;
Sur les demandes de M. [E] à l'encontre des consorts [R]
M. [E] sollicite, à titre principal sur le fondement de l'erreur et à titre subsidiaire sur le fondement du vice caché, de prononcer la nullité de la vente et subsidiairement la réduction du prix de vente ;
Plus subsidiairement, il sollicite des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;
Sur l'erreur
M. [E] estime que l'erreur porte sur les lots de copropriété ; il précise qu'il a acheté un appartement dont la superficie habitable de 89,27 m² et la description dans l'acte correspondent aux pièces qu'il occupe, que l'erreur porte sur un élément essentiel, à savoir l'omission dans les actes de vente, mentionnant les lots n°3 et 8, que le bien acquis comportait également le lot n°4 de la copropriété, correspondant à 188/1060ème des parties communes générales ; l'agence avait lors des négociations mis en avant le coût réduit des charges de copropriété et il avait pu apprécier que sa quote-part des travaux de réfection de la toiture entrait dans son budget ; la découverte de cette erreur est intervenue lors de la première assemblée générale du 29 août 2019 sur la réfection de la toiture où il a appris que sa quote-part des charges générales était de 35% au lieu de 16% et que pour la réfection de la toiture sa quote-part passait de 37.920 € à 82.950 € ;
Les consorts [R] opposent qu'il n'y a pas d'erreur sur la chose vendue qui correspond à la totalité de l'appartement d'une surface de 89,27 m² Loi Carrez soit environ 125 m² réels, résultant de la réunion du lot 3 de 66 m² et du lot 4 de 59 m² (66 + 59 = 125), que dans le cadre d'une vente immobilière, les qualités essentielles de la prestation correspondent à la chose vendue, et que le montant des charges ne constitue pas une qualité essentielle du bien mais un caractère accessoire et secondaire ;
Aux termes de l'article 1130 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, ' L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné' ;
Aux termes de l'article 1131 du même code, 'Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat' ;
Aux termes de l'article 1132 du même code, 'L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou de celles du cocontractant' ;
Aux termes de l'article 1133 du même code, 'Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté ...' ;
Aux termes de l'article 1136 du même code, 'L'erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n'est pas une cause de nullité' ;
En l'espèce, M. [E] n'allègue pas une erreur sur l'appartement qui constitue les qualités essentielles de la prestation convenue, mais excipe d'une erreur portant sur l'omission d'une partie des tantièmes des parties communes affectant la vente de son appartement ;
Or il convient de considérer que les tantièmes des parties communes qui sont des accessoires des lots privatifs ne sont pas une qualité essentielle de la vente ;
Au surplus, M. [E] ne démontre pas que la mention de 170/1060èmes au lieu de 358/1060èmes de parties communes avait, à la date de la vente du 3 mai 2019, un caractère déterminant pour lui, en ce qu'il ne produit aucune pièce justifiant que l'agence avait, lors des négociations, mis en avant le coût réduit des charges de copropriété, tel qu'il l'allègue, ni qu'il ait affirmé au moment de la vente que le montant des tantièmes était déterminant pour lui, ni qu'il avait connaissance à la date du 3 mai 2019 du coût de réfection de la toiture et de la part qu'il aurait à régler ; en effet, les devis qu'il produit du 2 juillet 2019 (pièce 4), 23 septembre 2019, 16 octobre 2019, 16 novembre 2019, 9 décembre 2019 (pièce 3) sont postérieurs à la vente ;
En conséquence, il y a lieu de constater que M. [E] ne justifie pas d'une erreur sur une qualité essentielle de la prestation au sens de l'article 1133 du code civil permettant d'annuler le contrat pour vice du consentement ;
Ce moyen est donc rejeté ;
Sur le vice caché
M. [E] indique que le faible pourcentage du coût des charges de copropriété était un élément essentiel de son consentement lors de la vente car la réfection de la toiture est obligatoire à terme rapproché et qu'il n'a pas les moyens de prendre en charge le coût qui va passer de 16% à 35% soit une somme de 82.950 € au lieu de 37.920 € ;
Aux termes de l'article 1641 du code civil, 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus' ;
Aux termes de l'article 1642 du même code, 'Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même' ;
Aux termes de l'article 1643 du même code, 'Le vendeur non professionnel est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie' ;
L'acquéreur doit démontrer que les vices :
- sont d'une gravité suffisante,
- existaient avant la vente,
- n'étaient pas apparents pour lui à la date de la vente ;
En l'espèce, M. [E] ne démontre pas que les conséquences de l'omission d'une partie des tantièmes des parties communes dans l'acte de vente rendent l'appartement 'impropre à l'usage auquel on le destine' ou en 'diminuent l'usage', au sens de l'article 1641 du code civil ;
Il ne justifie donc pas d'un vice caché au sens de cet article ;
Au surplus, tel que cela a été analysé ci-avant, M. [E] ne produit pas de pièces attestant qu'il avait connaissance à la date du 3 mai 2019 du coût de réfection de la toiture et de la part qu'il aurait à régler ;
Ce moyen est ainsi rejeté ;
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de prononcer l'annulation de la vente, de ses demandes subséquentes et de sa demande à titre subsidiaire de réduction de prix ;
Sur la demande indemnitaire
M. [E] forme une demande indemnitaire 'sur le fondement de l'article 1240 du code civil', les consorts [R] ayant par leur attitude engagé 'leur responsabilité quasi délictuelle', compte tenu de leur faute commise en proposant à la vente une version erronée de leur propriété qui a entraîné un préjudice à son égard puisqu'il doit se battre pour faire valoir ses droits ;
Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, 'Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé' ;
Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, 'Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants' ;
En l'espèce, le juge devant restituer leur exacte qualification aux actes litigieux, il y a lieu de considérer qu'en qualifiant l'omission d'une partie des tantièmes des parties communes d'une 'faute (délictuelle) en proposant à la vente une version erronée (du montant de ces tantièmes)', M. [E] estime en réalité que les consorts [R] ont manqué à leur obligation précontractuelle d'information en qualité de vendeur, sachant qu'en tout état de cause, M. [E] ne peut se prévaloir d'une responsabilité délictuelle compte tenu du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ;
Les parties ayant conclu sur l'absence d'information donnée à M. [E] de la totalité des tantièmes des parties commune lors de la vente, il est considéré que ce moyen est dans le débat et il convient, sans qu'il n'y ait lieu de réouvrir les débats, de requalifier le fondement de la responsabilité délictuelle invoqué par M. [E] en un manquement à l'obligation d'information précontractuelle au regard des dispositions de l'article 1112-1 du code civil;
En application des dispositions de l'article 1112-1 du code civil précité, il appartient à M. [E] de démontrer que l'information, dont il estime qu'elle était connue des consorts [R] qui l'en ont privée, était d'une importante déterminante pour son consentement ;
Or il ressort de l'analyse ci-avant que les tantièmes des parties communes qui sont des accessoires des lots privatifs ne sont pas une qualité essentielle de la vente et qu'au surplus, M. [E] n'a pas démontré que la mention de 170/1060èmes au lieu de 358/1060èmes de parties communes avait, à la date de la vente du 3 mai 2019, un caractère déterminant pour lui ;
Ainsi, il convient de considérer que M. [E] ne justifie pas que l'omission d'une partie des tantièmes des parties communes était d'une importance déterminante pour son consentement ;
En conséquence, ce moyen est rejeté ;
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts ;
Sur les demandes des consorts [R] relatives à la régularisation de l'acte de la vente
En l'espèce, les premiers juges ont exactement estimé que "dès lors que la vente n'est pas invalidée, il convient d'ordonner les mesures propres à sa régularisation" ;
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a :
- ordonné la rectification de l'acte notarié du 3 mai 2019 portant vente par Mmes [Z] [D] veuve [R] et [J] [R] ainsi que par M. [T] [R] à M. [K] [E] d'un appartement et d'un local constituant respectivement les lots n°3 pour 150/1.000èmes des parties communes générales et n°8 pour 20/1.060èmes des parties communes générales dans une copropriété sise [Adresse 1], sur la commune de [Localité 7] (91), l'acte rectificatif devant être rédigé et signé dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision rendue dans cette affaire sera devenue définitive,
- ordonné à cette fin à Me [V] [C] d'établir un rectificatif de cet acte mentionnant que le bien vendu inclut également le lot n°4 de la copropriété et les 188/1.060èmes des parties communes générales, ainsi que de procéder aux formalités de publicité foncière,
- ordonné à toutes les parties audit acte de vente de venir signer l'acte rectificatif dans le délai imparti ci-dessus ;
En appel, les consorts [R] sollicitent d'ordonner à M. [K] [E] de signer l'acte rectificatif sous astreinte définitive de 10.000 € par défaut constaté ;
Il convient d'ajouter au jugement qu'il est ordonné à M. [K] [E] de venir signer l'acte rectificatif, sous astreinte de 2.000 € dans le cas d'un défaut de comparution chez le notaire constaté suite à une sommation des consorts [R], signifiée dans le délai de trois mois à compter du jour où la décision rendue dans cette affaire sera devenue définitive ;
Sur les demandes de dommages et intérêts des consorts [R]
Les consorts [R] sollicitent de condamner solidairement M. [K] [E], Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier à payer une somme de 30.000 € à Mme [N] [R] et une somme de 30.000 € à M. [T] [R] à titre de dommages-intérêts, pour les motifs suivants :
- M. [E] a commis une faute en refusant de signer un acte rectificatif alors qu'un contractant de bonne foi ne peut pas refuser de rectifier une erreur matérielle et sa procédure en appel a gravement perturbé les consorts [R],
- l'agence immobilière et les notaires, en leur qualité de rédacteurs d'acte ont été fautifs, vu l'erreur de rédaction,
- les consorts [R] ont subi un préjudice important en raison de leur état de santé et des menaces pesant sur eux du fait de la procédure harcelante et injustifiée ;
Concernant M. [E]
Aux termes de l'article 1104 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, "Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public" ;
En l'espèce, le refus de signer l'acte rectificatif ne relève pas d'une obligation contractuelle de M. [E] mais de l'exécution du jugement alors que celui-ci n'est pas définitif ;
Il y a donc lieu de rejeter ce moyen ;
En application des dispositions des article 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ; l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute ;
Les consorts [R] ne rapportent pas la preuve de ce que l'appel de M. [E] aurait dégénéré en abus du droit de former un recours ;
Le jugement est confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de M. [E] ;
Concernant l'agence immobilière et les notaires
Aux termes de l'article 1104 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, "Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public" ;
Aux termes de l'article 1240 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer" ;
En l'espèce, il ressort de l'analyse ci-avant que l'absence de mention du lot n°4 dans la promesse de vente et dans l'acte de réitération n'a pas engagé la responsabilité des consorts [R] à l'égard de M. [E], qui est débouté de toutes ses demandes à leur égard ;
Les consorts [R] ne sont donc pas fondés à invoquer une faute de l'agence immobilière et des notaires qui serait à l'origine de leur préjudice subi en raison de la présente procédure ;
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de Me [V] [C], Me [L] [P] et la Sarl Agence Immobilière Cime Immobilier ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
M. [E], partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux consorts [R] la somme unique de 2.000 €, à l'agence immobilière la somme de 2.000 €, à Me [C] et Me [P] la somme unique de 2.000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par M. [E] ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Ordonne à M. [K] [E] de venir signer l'acte rectificatif, sous astreinte de 2.000 € dans le cas d'un défaut de comparution chez le notaire constaté suite à une sommation des consorts [R], signifiée dans le délai de troismois à compter du jour où la décision rendue dans cette affaire sera devenue définitive ;
Condamne M. [K] [E] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux qui l'ont sollicité, ainsi qu'à payer à Mme [Y] [R], M. [T] [R] et Mme [Z] [D] veuve [R] la somme unique de 2.000 €, à Mme [V] [C] et Mme [L] [P] la somme unique de 2.000 € et à la SARL Cime Immobilier la somme de 2.000 €,
par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Rejette la demande de M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;