CA Grenoble, ch. com., 4 novembre 2021, n° 19/04865
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Home'dis (SARL)
Défendeur :
AR Conseil (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
Mme Blanchard, M. Bruno
Avocats :
Me Mihajlovic, Me Vacarie, Me Chapuis
EXPOSE DU LITIGE
La société HOME'DIS gérée par X… exerce l'activité d'agent commercial pour le compte d'une société de droit espagnol GIA, fabricant des appareils de climatisation principalement sous la marque 'High Technology World' (HTW).
La société HOME'DIS a fait appel à Y… en 2017 en vue de distribuer les produits sur la région Rhônes Alpes. Celle-ci a ensuite constitué la société AR CONSEIL.
Les parties ont échangé par mail sur les modalités de rémunération.
Ensuite d'un courriel daté du 1er novembre 2017 de la société HOME'DIS faisant état d'une base de rémunération, Y… a adressé à cette société un projet de contrat d'agent commercial qui n'a jamais été signé.
La société AR CONSEIL a exercé son activité au bénéfice de la société HOME'DIS et a sollicité à plusieurs reprises le paiement de sa rémunération et le remboursement de ses frais.
Par courrier recommandé reçu le 8 août 2018, la société AR CONSEIL a mis en demeure la société HOME'DIS de lui régler la somme de 41.370,59 ' au titre de ses commissions et de ses frais.
Elle a engagé ensuite le 14 décembre 2018 une procédure judiciaire devant le tribunal de commerce de Vienne.
Par jugement du 14 novembre 2019, le tribunal de commerce de Vienne a:
- rejeté l'exception de connexité formée par la société HOME'DIS au motif qu'elle est mal fondée
- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société HOME'DIS au motif qu'elle est mal fondée,
- jugé que la société AR CONSEIL exerçait une mission d'agent commercial auprès de la société HOME'DIS,
- constaté l'accord entre les parties sur la rémunération de l'activité de la société AR CONSEIL,
- constaté que la société HOME'DIS n'a versé aucune rémunération à la société AR CONSEIL pour ses prestations d'agent commercial pour la période courant sur l'année 2017 et les cinq premiers mois de l'année 2018,
- jugé que la rupture du contrat de fait d'agent commercial entre la société HOME'DIS et la société AR CONSEIL est justifiée par des circonstances imputables à la société HOME'DIS au sens de l'article L134-13 du code de commerce,
- condamné la société HOME'DIS à payer un montant de 19 631.80 ' HT outre intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement au titre des commissions dues pour l'année 2017,
- rejeté la demande formée par la société AR CONSEIL pour le surplus au motif qu'elle est insuffisamment fondée,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité de 2 209.03 euros HT au titre des commissions dues par HOME'DIS pour la période courant du 1er janvier 2018 au 31 mai 2018, date de la rupture de la relation contractuelle, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement,
- débouté la société AR CONSEIL de sa demande de paiement de commissions de 13 541.67 euros calculé sur le chiffre d'affaires budgété pour l'année 2018, au motif qu'elle est insuffisamment fondée,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL la somme de 1 675.98 euros correspondant aux frais de constitution de la société AR CONSEIL, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL la somme de 2.404,72 euros en remboursement des frais engagés par elle dans le cadre de sa mission commerciale pour le compte de la société HOME'DIS, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité d'un euro sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce pour rupture du contrat d'agent commercial,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la capitalisation des intérêts dus par la société HOME'DIS en application de l'article 1343-2 du code civil,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel mais sous réserve de la production par la société AR CONSEIL d'une caution bancaire au profit de la société HOME'DIS d'un montant de 28 000 euros délivrée par un établissement bancaire membre de la Fédération Bancaire Française,
- condamné la société SARL HOME'DIS aux dépens.
Par déclaration du 5 décembre 2019, la société HOME'DIS a interjeté appel du jugement du 14 novembre 2019 en ce qu'il a:
- rejeté l'exception de connexité formée par la société HOME'DIS au motif qu'elle est mal fondée
- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société HOME'DIS au motif qu'elle est mal fondée,
- jugé que la société AR CONSEIL exerçait une mission d'agent commercial auprès de la société HOME'DIS,
- constaté l'accord entre les parties sur la rémunération de l'activité de la société AR CONSEIL,
- constaté que la société HOME'DIS n'a versé aucune rémunération à la société AR CONSEIL pour ses prestations d'agent commercial pour la période courant sur l'année 2017 et les cinq premiers mois de l'année 2018,
- jugé que la rupture du contrat de fait d'agent commercial entre la société HOME'DIS et la société AR CONSEIL est justifiée par des circonstances imputables à la société HOME'DIS au sens de l'article L134-13 du code de commerce,
- condamné la société HOME'DIS à payer un montant de 19 631.80 ' HT outre intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement au titre des commissions dues pour l'année 2017,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité de 2 209.03 euros HT au titre des commissions dues par HOME'DIS pour la période courant du 1er janvier 2018 au 31 mai 2018, date de la rupture de la relation contractuelle, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL la somme de 1 675.98 euros correspondant aux frais de constitution de la société AR CONSEIL, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL la somme de 2.404,72 euros en remboursement des frais engagés par elle dans le cadre de sa mission commerciale pour le compte de la société HOME'DIS, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité d'un euro sur le fondement de l'article L134-12 du Code de commerce pour rupture du contrat d'agent commercial,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la capitalisation des intérêts dus par la société HOME'DIS en application de l'article 1343-2 du code civil,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel mais sous réserve de la production par la société AR CONSEIL d'une caution bancaire au profit de la société HOME'DIS d'un montant de 28 000 euros délivrée par un établissement bancaire membre de la Fédération Bancaire Française,
- condamné la société SARL HOME'DIS aux dépens.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 3 août 2020, la société HOME'DIS demande à la cour d'appel de:
' réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vienne le 14 novembre 2019 en toutes ses dispositions;
' Statuant à nouveau :
- faire droit à l'exception de connexité par application de l'article 101 du code de procédure civile et en conséquence;
- se dessaisir du dossier et renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Foix (RG nº2018J46 et RG nº2019J10);
- Subsidiairement, surseoir à statuer dans l'attente de la décision que rendra le tribunal de de Foix (RG nº2018J46 et RG nº2019J10), ou toute autre juridiction de renvoi, sur les demandes de la société HOME'DIS;
- Plus subsidiairement, rejeter toutes les demandes de la société AR CONSEIL contre la société HOME'DIS;
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société AR CONSEIL;
- condamner la société AR CONSEIL à payer la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure engagée, outre 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que le tribunal de commerce de Vienne a examiné le fond du litige sans la mettre en demeure de conclure au fond; qu'il a donc violé l'article 446-3 du code de procédure civile disposant
« Le juge peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu'il estime nécessaires à la solution du litige et les mettre en demeure de produire dans le délai qu'il détermine tous les documents ou justifications propres à l'éclairer, faute de quoi il peut passer outre et statuer en tirant toute conséquence de l'abstention de la partie ou de son refus. Lorsque les échanges ont lieu en dehors d'une audience en application de l'article 446-2, les parties sont avisées par tout moyen de la demande faite par le juge.».
Sur l'exception de connexité, elle relève que l'instance engagée par la société HOME'DIS en août 2018 à l'encontre de la société GIA GROUP devant le tribunal de commerce de FOIX l' a été en raison de la rupture brutale de son contrat d'agent commercial par le GIA GROUP; qu'elle a appris que Y… avait repris le contrat d'agent commercial auprès de cette société; qu'elle l'a donc attraite à l'instance engagée devant le tribunal de commerce de Foix; que la nécessité d'instruire les deux affaires est incontestable; que les agissements de la société AR CONSEIL sont directement la cause du préjudice subi par la société HOME'DIS; que s'agissant des commissions, tout laisse à penser que la société AR CONSEIL a en définitive pu percevoir elle-même ces commissions à la place de la société HOME'DIS.
Sur le sursis à statuer, elle considère que le lien est tel entre les deux instances qu'il convient de connaître le résultat du premier dossier avant de statuer sur le second.
Sur le fond, elle indique que les demandes sont infondées et dénuées de toute justification; que la collaboration avec la société AR CONSEIL était occassionnelle et n'a pu se transformer en relation pérenne en raison de la rupture du contrat d'agent commercial que la société HOME'DIS avait passé avec la société GIA GROUP; que la collaboration avec la société AR CONSEIL ne peut être qualifié de contrat d'agent commercial; que les demandes de la société AR CONSEIL se heurtent au principe d'exécution de bonne foi des conventions et de la moralité des affaires.
Dans ses conclusions déposée et notifiées le 16 octobre 2020, la société AR CONSEIL demande à la cour d'appel de:
' confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
- rejeté l'exception de connexité formée par la société HOME'DIS au motif qu'elle est mal fondée,
- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société HOME'DIS au motif qu'elle est mal fondée,
- jugé que la société AR CONSEIL exerçait une mission d'agent commercial auprès de la société HOME'DIS,
- constaté l'accord entre les parties sur la rémunération de l'activité de la société AR CONSEIL,
- constaté que la société HOME'DIS n'a versé aucune rémunération à la société AR CONSEIL pour ses prestations d'agent commercial pour la période courant sur l'année 2017 et les cinq premiers mois de l'année 2018,
- jugé que la rupture du contrat de fait d'agent commercial entre la société HOME'DIS et la société AR CONSEIL est justifiée par des circonstances imputables à la société HOME'DIS au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL la somme de 1 675.98 euros correspondant aux frais de constitution de la société AR CONSEIL, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL la somme de 2.404.72 euros en remboursement des frais engagés par elle dans le cadre de sa mission commerciale pour le compte de la société HOME'DIS, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS jusqu'à parfait paiement,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la capitalisation des intérêts dus par la société HOME'DIS en application de l'article 1343-2 du code civil,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel mais sous réserve de la production par la société AR CONSEIL d'une caution bancaire au profit de la société HOME'DIS d'un montant de 28 000 euros délivrée par un établissement bancaire membre de la Fédération Bancaire Française,
- condamné la société SARL HOME'DIS aux dépens,
' infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a:
- condamné la société HOME'DIS à payer un montant de 19 631.80 ' HT outre intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement au titre des commissions dues pour l'année 2017,
- rejeté la demande formée par la société AR CONSEIL pour le surplus au motif qu'elle est insuffisamment fondée,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité de 2 209.03 euros HT au titre des commissions dues par HOME'DIS pour la période courant du 1er janvier 2018 au 31 mai 2018, date de la rupture de la relation contractuelle, outre intérêt au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS,et jusqu'à parfait paiement,
- débouté la société AR CONSEIL de sa demande de paiement de commissions de 13 541.67 euros calculé sur le chiffre d'affaires budgété pour l'année 2018, au motif qu'elle est insuffisamment fondée,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité d'un euro sur le fondement de l'article L134-12 du Code de commerce pour rupture du contrat d'agent commercial,
'Statuant à nouveau :
- condamner la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL les sommes de : ' 21 087.34 ' au titre de la rémunération de son activité d'agent commercial entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2017, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première date de mise en demeure et ce, jusqu'à complet paiement;
' 15 750.69 ' au titre de la rémunération de son activité d'agent commercial entre le 1er janvier 2018 et le 31 mai 2018, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première date de mise en demeure et ce, jusqu'à complet paiement;
' 75 602.74 ' au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial;
- ordonner la capitalisation des intérêts légaux en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil;
- condamner la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL la somme de 5 000 ', outre tous dépens;
- débouter la société HOME'DIS de ses demandes plus amples ou contraires.
Elle fait valoir sur la violation de l'article 446-3 du code de procédure civile alléguée par la société HOME'DIS que si le juge peut inviter les parties à fournir les explications de fait et de droit qu'il estime nécessaire, il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation; qu'il appartenait à la société HOME'DIS de conclure sur le fond du dossier.
Sur l'exception de connexité, elle fait remarquer que l'instance devant le tribunal de commerce de Foix a été intentée par la société HOME'DIS à titre principal contre le GIA GROUPE qui n'est pas partie à la présente instance; que ce n'est qu'après avoir été assignée le 14 décembre 2018 par la société AR CONSEIL devant le tribunal de commerce de Vienne que la société HOME'DIS l'a assignée le 24 janvier 2019 devant le tribunal de commerce de FOIX; qu'il s'agit d'une manoeuvre dilatoire; qu'au surplus, l'exception de connexité devrait jouer en faveur du tribunal de commerce de
Vienne; qu'il n'y a pas de risque de contrariété de décision dès lors que la société AR CONSEIL sollicite le paiement de ses factures alors que la société HOME'DIS réclame la réparation des préjudices subis en raison de la rupture des relations contractuelles.
Sur le sursis à statuer, elle fait observer que la procédure devant le tribunal de commerce de Foix n'a aucun impact sur la procédure en cours.
Concernant sa demande de paiement de sa rémunération, elle souligne que le contrat d'agent commercial peut être prouvé par de simples échanges de correspondances; que les parties se sont mises d'accord pour que Y… exerce sa mission d'agent commercial pour la société HOME'DIS dans la région Rhône Alpes et nationalement pour les clients amenés par Y…; que ce travail n'était pas bénévole; que dans son mail du 1er novembre 2017, X… a précisé les éléments de rémunération de Y…; que même si le projet de contrat n'a pas été signé, il y a bien eu un accord sur la rémunération ; que contrairement à ce que soutient la société HOME'DIS, il ne s'agissait pas d'une collaboration occasionnelle.
Sur le montant de sa rémunération, elle indique que les commissions 2017 ont été calculées sur le chiffre d'affaires de la société HOME'DIS tel que communiqué par la société GIA; que la société HOME'DIS ne donne aucun élément de nature à contredire ces chiffres; que s'agissant des commissions 2018, elles sont calculées au prorata temporis de son temps de travail ayant cessé en mai 2018 sur la base d'un prévisionnel qui n'a pas été contredit par la société HOME'DIS par la production de documents; que s'agissant de ses frais, le jugement doit être confirmé.
Sur l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, elle fait valoir que cette rupture est imputable au mandant qui ne lui a versé aucune rémunération pour ses prestations d'agent commercial pour la période courant sur l'année 2017 et les cinq premiers mois de l'année 2018; que selon la jurisprudence dominante, l'indemnité de rupture doit être évaluée à 2 années de commissions brutes; qu'au vu des éléments de calcul produits, elle doit être fixée à 75.602,74 ' (37.801,37 x 2); que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de commerce de Vienne, le fait qu'elle a pu par la suite conclure un contrat d'agent commercial avec la société GIA ne doit pas servir à diminuer son indemnisation.
S'agissant de la demande de la partie adverse en dommage et intérêts pour procédure abusive, elle indique qu'il s'agit d'une demande nouvelle.
Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er juillet 2021.
Par conclusions déposées le 13 juillet 2021, la société HOME'DIS a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture afin que soient communiquées deux pièces, à savoir l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 10 février 2021 et l'avis de renvoi de l'affaire du 5 juillet 2021 devant le tribunal de commerce de Foix à l'audience du 11 octobre 2021.
Par conclusions du 4 août 2021, la société AR CONSEIL s'est opposée à ce rabat en faisant valoir qu'il s'agit uniquement de retarder la décision de la cour d'appel de Grenoble.
Il n'a pas été fait droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture faute pour la société HOME'DIS de justifier d'une cause grave survenue depuis l'ordonnance de clôture.
Par courrier du 16 septembre 2020, la société HOME'DIS a fait une demande de renvoi des plaidoiries dans l'attente de la décision qui doit être rendue par le tribunal de commerce de FOIX.
La partie adverse s'est opposée au renvoi.
Le renvoi n'a pas été ordonné, celui-ci s'apparentant à la demande de sursis à statuer formée dans les conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION :
Les pièces communiquées les 13 juillet et 4 août 2021 postérieurement à l'ordonnance de clôture doivent être déclarées irrecevables en application de l'article 802 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la société HOME'DIS fait valoir que le tribunal a violé l'article 446-3 du code de procédure civile en ne l'invitant pas à conclure au fond. Elle ne sollicite toutefois pas la nullité du jugement. En tout état de cause, l'article 446-3 du code de procédure civile dispose uniquement que '
Le juge peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu'il estime nécessaires à la solution du litige et les mettre en demeure de produire dans le délai qu'il détermine tous les documents ou justifications propres à l'éclairer'. Il s'agit donc d'une possibilité pour le juge et non pas d'une obligation. Toute prétention sur le fondement de l'article 446-3 du code de procédure civile sera donc rejetée.
1/ Sur l'exception de connexité
Le renvoi pour connexité suppose qu'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble.
En l'espèce, dans l'affaire portée devant la cour, la société A.R CONSEIL sollicite le paiement par la société HOME'DIS de ses commissions pour la période du 1er janvier 2017 au 31 mai 2018 au titre d'un contrat d'agent commercial les liant ainsi qu'une indemnité pour rupture de ce contrat.
L'instance diligentée devant le tribunal de commerce de Foix a été engagée le 7 août 2018 par la société HOME'DIS à l'encontre de la société GIA GROUPE en paiement des commissions du mois de juin 2018 au titre du contrat d'agent commercial liant les parties, en résolution de ce contrat pour manquements de la société GIA GROUPE et en allocation d'une indemnité de rupture. Le 24 janvier 2019, la société HOME'DIS a assigné en intervention forcée la société A.R CONSEIL devant le tribunal de commerce de FOIX aux fins de la voir condamner solidairement avec la société GIA GROUPE à lui payer les sommes réclamées dans son assignation du 7 août 2018 en faisant valoir ses agissement déloyaux consistant à avoir repris fin 2018 à son profit le contrat d'agent commercial qui liait la société GIA GROUPE à la société HOME'DIS.
Les deux instances portent sur des contrats commerciaux distincts et sur des périodes différentes.
Les agissements allégués de la société A.R CONSEIL dans le cadre d'une reprise fin 2018 du contrat d'agent commercial liant précédemment la société GIA GROUPE à la société HOME'DIS sont sans incidence sur les demandes formées dans la présente instance par la société A.R CONSEIL au titre du contrat d'agent commercial exercé de 2017 à fin mai 2018.
Il n'existe donc pas de lien tel entre ces deux instances qu'il soit nécessaire de les juger ensemble.
En tout état de cause, comme relevé par la société A.R CONSEIL, lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l'exception de connexité ne peut être soulevée que devant la juridiction du degré inférieur.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de connexité.
2/ Sur le sursis à statuer
En l'absence d'un sursis de droit, la demande de sursis s'apprécie au regard de l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Eu égard aux éléments relevés précédemment, l'intérêt d'une bonne administration de la justice ne commande pas qu'il soit prononcé un sursis à statuer.
Celui-ci ne ferait que retarder inutilement la solution du litige.
Le jugement sera aussi confirmé sur ce point.
3/ Sur le fond
Sur l'existence du contrat d'agent commercial
Le contrat d'agent commercial est un contrat consensuel qui peut être prouvé par tout écrit dès lors qu'il est accepté par les co-contractants et qu'il indique la qualité de chacune des parties. Il peut être prouvé par des échanges de correspondances.
En l'espèce, dans un courriel du 6 novembre 2017 adressé à Y…, en réponse au projet de contrat d'agent commercial qu'elle lui avait transmis, Laurent X…, gérant de la société HOME'DIS, lui indiquait ' En effet, nous sommes sous un contrat d'agent... Ce contrat c'est avant tout la confiance des deux parties qui vont dans un même sens de réussite commune'
Dans un courriel précédent du 25 octobre 2017, Laurent X… avait fait état des bases de la rémunération d'Y… pour l'année 2017 et les années 2018 et 2019.
Par courriel du 1er novembre 2017, il précisait cette rémunération en joignant un tableau excel et en indiquant qu'il prendrait en charge les frais de création de la société d'Y… avec un maximum de 2.500 ' et ses frais de déplacement sur justificatifs.
Dès lors, même si le projet de contrat d'agent commercial transmis par Y… n'a pas été signé, il ressort des échanges de correspondances entre les parties que celles-ci ont conclu un contrat d'agent commercial et que Y… a droit à une rémunération.
La société HOME'DIS ne peut sérieusement soutenir qu'il s'est agi d'une collaboration occasionnelle la dispensant de tout versement de rémunération.
En conséquence, le jugement du tribunal de commerce doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un contrat d'agent commercial entre les parties.
Sur la demande de rémunération au titre de l'année 2017
Les conditions de rémunération de Y… sont connues précisément aux termes du mail du 1er novembre 2017. Les commissions sont calculées sur la base du chiffre d'affaire global HTW outre des commissions sur les clients de Y….
Il ressort d'un mail émanant de la société GIA commercialisant la marque HTW et d'une extraction d'un document GIA que le chiffre d'affaire réalisé en France est de 2.092.394,51 ' HT. Dès lors, au vu des pourcentages de commissions visés dans le mail du 1er novembre 2017, la commission sur le chiffre d'affaires global s'élèvent à 17.923,94 ' HT.
Par ailleurs, Y… produit le détail des commandes concernant les propres clients de la société AR CONSEIL duquel il résulte un montant de commissions de 3.123,28 ' *
Dès lors, la société HOME'DIS doit à la société AR CONSEIL au titre des commissions pour l'année 2017 la somme de 21.047,32 ' HT, étant précisé que la somme réclamée par la société AR CONSEIL à hauteur de 21.087,34 ' HT a été calculée à partir du chiffre d'affaire prévisionnel de 2.096.396 HT et non à partir du chiffre d'affaire réel de 2.092.394,51 ' HT *
Le jugement du 14 novembre 2019 sera donc infirmé sur le montant de la somme allouée.
Sur la demande de rémunération au titre de l'année 2018
Il n'est pas contesté que le contrat d'agent commercial a pris fin le 31 mai 2018.
La commission de la société AR CONSEIL sur l'année 2018 ne peut être calculée sur la base d'un chiffre d'affaire prévisionnel dont il n'est pas établi qu'il se soit réalisé.
En revanche, comme l'a retenu le tribunal, il ressort des extractions du système ERP de la société GIA que les ventes auprès des clients de Y… se sont élevées à 220.902,74 ' HT sur l'année 2018. Sa commission correspondant à 1% du chiffre d'affaire est donc de 2.209,03 ' HT.
Le jugement du tribunal sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité de 2 209.03 euros HT au titre des commissions du 1er janvier 2018 au 31 mai 2018.
Sur le remboursement des frais de constitution de la société AR CONSEIL
La société HOME'DIS s'est engagée à prendre en charge les frais de constitution de la société AR CONSEIL.
Le tribunal a exactement retenu que selon le détail produit par la société AR CONSEIL, ces frais s'élèvent à la somme de 1.675,98 'HT, sont inférieurs au plafond de prise en charge fixé à 2.500 ' et doivent donc être remboursés par la société HOME'DIS.
Sur le remboursement des frais de déplacement
La société HOME'DIS s'est engagée à prendre en charge les frais de déplacement de Y….
Le tribunal a exactement retenu que selon le détail produit par la société AR CONSEIL, ces frais s'élèvent à la somme de 2.404,72 ' et doivent être remboursés par la société HOME'DIS à la société AR CONSEIL.
Sur l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial
Aux termes des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code du commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi sauf si la cessation est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent ou en cas de cession à un tiers des droits et actions du contrat selon un accord avec le mandant.
Il est établi que la société HOME'DIS n'a pas réglé les sommes qu'elle devait à la société AR CONSEIL au titre du contrat d'agent commercial. La société AR CONSEIL a donc dû mettre fin à ce contrat faute de pouvoir obtenir sa rémunération malgré les multiples courriels envoyées à la société HOME'DIS. En conséquence, la cessation du contrat est imputable au mandant et la société AR CONSEIL a droit à une indemnité compensatrice.
Cette indemnité vise à indemniser l'agent de la perte de son pouvoir de représentation de la part de marché qu'il avait constitué et du potentiel de commissions généré par son activité.
L'usage professionnel évalue à la valeur de deux années de commissions brutes le montant de l'indemnité de cessation de contrat.
Toutefois, l'indemnisation doit tenir compte des circonstances de l'espèce et réparer le préjudice réellement subi.
Ce préjudice ne peut être fixé à l'euro symbolique comme retenu par le tribunal. En effet, si la société AR CONSEIL admet avoir conclu fin 2018 un contrat avec la société GIA, elle indique qu'il a été conclu après un effort important et qu'elle a été privée de rémunérations pendant plusieurs mois.
Il n'est pas contestable que la société AR CONSEIL a perdu des commissions auxquelles elle aurait pu prétendre en l'absence de cessation du contrat.
Au vu de ces éléments, l'indemnité compensatrice sera fixée à la somme de 15.000 '.
Sur la demande de la société HOME'DIS en dommages et intérêts pour procédure abusive
Cette demande nouvelle en appel doit être déclarée irrecevable.
Sur les demandes accessoires
La société HOME'DIS qui succombe en appel en supportera les dépens et sera condamnée à payer la somme de 4.000 ' à la société AR CONSEIL sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a:
- condamné la société HOME'DIS à payer un montant de 19 631.80 ' HT outre intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018, date de la première mise en demeure de la société AR CONSEIL adressée à la société HOME'DIS et jusqu'à parfait paiement au titre des commissions dues pour l'année 2017,
- rejeté la demande formée par la société AR CONSEIL pour le surplus au motif qu'elle est insuffisamment fondée,
- condamné la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité d'un euro sur le fondement de l'article L134-12 du Code de commerce pour rupture du contrat d'agent commercial.
L'infirmant sur ces deux points et statuant à nouveau,
- Condamne la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL la somme de 21.047,32 ' HT outre intérêts au taux légal à compter du 2 août 2018 au titre des commissions dues pour l'année 2017.
- Condamne la société HOME'DIS à payer à la société AR CONSEIL une indemnité compensatrice de 15.000 ' au titre de la cessation du contrat d'agent commercial.
Y ajoutant,
- Déclare irrecevables les pièces communiquées les 13 juillet et 4 août 2021 postérieurement à l'ordonnance de clôture.
- Déclare irrecevable la demande de la société HOME'DIS en dommages et intérêts pour procédure abusive.
- Condamne la société HOME'DIS aux dépens d'appel.
- Condamne la société HOME'DIS à payer la somme de 4.000 ' à la société AR CONSEIL sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.