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Décisions

Cass. 2e civ., 17 octobre 2019, n° 18-16.683

COUR DE CASSATION

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Avocat :

SCP Foussard et Froger

Paris, du 14 févr. 2018

14 février 2018

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI Charles de Gaulle a consenti à M. B... un bail à usage d'habitation ; que M. B... a fait assigner devant un juge des référés Mme H..., qui avait entre-temps acquis le bien, pour voir ordonner sa réintégration dans les locaux, la restitution de ses meubles et affaires personnelles sous astreinte ainsi que sa condamnation au paiement d'une provision à valoir sur son préjudice ; que Mme H... a relevé appel de l'ordonnance ayant accueilli la demande ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme H... fait grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration de M. B... dans les lieux situés [...] et la restitution de ses effets personnels sous astreinte, alors, selon le moyen :

1°/ que si le juge des référés peut procéder incidemment à une vérification des écritures sous seing privé, c'est à la condition que la contestation ne soit pas sérieuse ; qu'en l'espèce M. B... ayant contesté être l'auteur du congé adressé à Mme H..., les juges du fond ont procédé à une vérification d'écriture puis considéré que la signature apposée sur le congé ne correspondait pas à celle de M. B... ; qu'en procédant ainsi, les juges du fond ont tranché une contestation sérieuse et violé l'article l'article 848 du code de procédure civile ;

2°/ que l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution précise les conditions dans lesquelles le bailleur peut expulser le preneur ; en décidant que Mme H... ne pouvait expulser M. B... dès lors qu'elle n'avait ni fait valider le congé par une décision de justice, ni obtenu l'autorisation d'expulser, sans rechercher si, comme le soutenait Mme H..., M. B... n'avait pas quitté volontairement les lieux, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les lieux loués à M. B... avaient été vidés de ses biens meubles et effets personnels par la bailleresse qui en avait changé les serrures et que Mme H... n'établissait pas avoir engagé de procédure d'expulsion à l'encontre de son locataire ni qu'un procès verbal de conciliation exécutoire avait été signé entre les parties après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux ainsi que le commande l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution l'autorisant à débarrasser les lieux loués de meubles et effets personnels de son locataire, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche qui lui était demandée, en a exactement déduit, par ces seuls motifs, que M. B... avait subi un trouble manifestement illicite justifiant sa réintégration et la restitution de ses effets personnels ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme H... fait encore grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration de M. B... et de la condamner à verser la somme de 2 000 euros à titre de provision, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef du dispositif d'un arrêt emporte, par voie de conséquence, censure des chefs de l'arrêt qui sont dans sa dépendance nécessaire ; que la condamnation de Mme H... au paiement d'une somme provisionnelle de 2 000 euros est dans la dépendance nécessaire du chef de l'arrêt ayant ordonné la réintégration de M. B... ; qu'en conséquence, la cassation encourue au titre du premier moyen emporte censure du chef de l'arrêt visé par le second moyen ;

2°/ que le juge des référés peut octroyer une provision s'il constate que l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que, pour octroyer la somme de 2 000 euros à titre de provision, les juges ont estimé que M. B... avait subi un préjudice « avec l'évidence requise devant le juge des référés » ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'obligation de Mme H... à l'égard de M. B... n'était pas sérieusement contestable, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 849 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le rejet du premier moyen rend le deuxième moyen, pris en sa première branche, sans portée ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que l'expulsion de M. B... de son logement d'habitation et l'enlèvement de ses meubles meublants et effets personnels en son absence puis le changement de serrures des lieux l'empêchant de réintégrer les lieux lui avait causé un préjudice moral avec l'évidence requise devant le juge des référés, faisant ainsi ressortir que le droit à réparation du locataire n'était pas sérieusement contestable, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 567 du code de procédure civile, ensemble l'article 70 du même code ;

Attendu que, pour dire irrecevable la demande reconventionnelle en paiement des arriérés de loyers et charges impayés formée par Mme H..., l'arrêt retient que devant le premier juge Mme H... n'a pas formulé cette demande, se contentant en première instance de conclure au débouté pur et simple du demandeur, qu'il en résulte qu'elle présente une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, qu'en outre cette demande de provision ne tend pas aux mêmes fins que celle soumise au premier juge lequel n'était saisi que d'une demande de réintégration des lieux et de restitution des effets personnels du locataire, qu'elle ne tend pas non plus à expliciter les prétentions qui y étaient virtuellement comprises et qu'elle n'ajoute aucune demande qui en est l'accessoire, la conséquence ou le complément ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel lorsqu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, sans rechercher si un tel lien n'existait pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de Mme H... tendant au paiement d'une provision au titre des loyers et charges impayés, l'arrêt rendu le 14 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.