CA Paris, Pôle 6 ch. 4, 16 octobre 2024, n° 22/01302
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Team World Security (SAS), Unedic, Delegation AGS CGEA Ile de France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Meunier
Conseillers :
Mme Norval-Grivet, Mme Marques
Avocat :
Me Lanes
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [Z] [G] soutient avoir été engagé par la S.A.S. Team world security suivant contrat de travail verbal à compter du 18 septembre 2019, en qualité d'agent de sécurité cynophile.
Aux termes d'un courrier en date du 25 février 2020, la société Team world security , après avoir rappelé que M. [G] avait été engagé le 1er janvier 2020 et que son contrat de travail prévoyait 'une période d'essai de 2 mois avec un mois renouvelable', a mis 'fin à la période d'essai'.
M. [Z] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 25 janvier 2021 aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la S.A.S. Team world security à lui payer diverses sommes.
Par jugement en date du du 19 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.S. Team world security, désignant la SCP BTSG, prise en la personne de M. [F] [B], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement en date du 1er décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- fixé la créance de M. [Z] [G] au passif de la S.A.S. Team world security représentée par la SCPG BTSG en la personne de Maître [F] [B] en qualité de liquidateur aux sommes suivantes :
* 518.02 € à titre du solde des salaires pour les mois de janvier et février 2020,
* 921.38 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonné à Maître [F] [B] de la SCP BTSG mandataire liquidateur de la S.A.S. Team world security de remettre à Monsieur [Z] [G] un certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi ;
- débouté Monsieur [Z] [G] du surplus de ses demandes ;
- dit que le jugement opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest dans sa limite de garantie ;
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par déclaration au greffe en date du 14 janvier 2022, M. [G] a régulièrement interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses uniques conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 11 avril 2022, M. [G] demande à la cour de :
- dire et juger M. [G] bien fondé en son appel ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [G] de ses demandes de rappel de salaire de septembre 2019 à décembre 2019, de congés payés incidents, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés incidents, d'indemnité pour travail dissimulé par dissimilation d'emploi salarié sur le fondement de l'article L.8223-1 du Code du travail, de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de remise des documents de rupture, de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-paiement des salaires dus, de dommages et intérêts pour non-respect de la visite d'information et de prévention et d'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant du rappel de salaire dû à M. [G] au titre des mois de janvier et de février 2020 à la somme de 518,02 euros et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de congés payés incidents au rappel de salaire qu'il lui a alloué ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée à M. [G] à la somme de 921,28 euros ;
Et, statuant à nouveau,
- fixer la créance de M. [G] au passif de la liquidation judiciaire de la société Team world security aux sommes suivantes :
* 10 469,02 nets euros net à titre de rappel de salaire de septembre 2019 à février 2020,
* 1 046,90 nets euros net au titre des congés payés incidents,
* 1 842,77 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 184,27 euros au titre des congés payés incidents,
* 1 842,77 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 11 056,62 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé par dissimilation d'emploi salarié sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail,
* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de remise des documents de rupture,
* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-paiement des salaires dus,
* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la visite d'information et de prévention,
- ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
- dire que la Cour se réservera le droit de liquider l'astreinte ;
- condamner in solidum l'AGS CGEA IDF et la SCP BTSG en la personne de M. [F] [B], liquidateur judiciaire de la SAS Team world security et, en tout état de cause, l'une à défaut de l'autre, à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, subsidiairement, fixer la créance de M. [G] au passif de la liquidation judiciaire de la société Team world security à la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum l'AGS CGEA IDF et la SCP BTSG en la personne de M. [F] [B], liquidateur judiciaire de la SAS Team world security et, en tout état de cause, l'une à défaut de l'autre, aux entiers dépens et, subsidiairement, statuer ce que de droit sur les dépens ;
- dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et jusqu'au 19 février 2021, date du prononcé de la liquidation judiciaire de la société Team world security ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit les créances de M. [G] garanties par l'AGS CGEA ;
Et, y ajoutant,
- dire et juger l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA IDF et les créances garanties par l'AGS CGEA IDF.
Par acte d'huissier en date du 6 avril 2022 remis à la personne habilitée, M. [G] a signifié à l'AGS sa déclaration d'appel.
Par acte d'huissier en date du 6 avril 2022 remis à la personne habilitée, M. [G] a signifié à la SCP BTSG, prise en la personne de M. [F] [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire S.A.S. Team world security sa déclaration d'appel.
L'AGS et la SCP BTSG, prise en la personne de M. [F] [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire S.A.S. Team world security n'ont pas constitué avocat.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux dernières conclusions échangées en appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle que l'intimé qui ne conclut pas, ou dont les conclusions sont irrecevables, est réputé adopter les motifs de la décision de première instance, sans pouvoir se référer à ses conclusions ou pièces déposées devant la juridiction de première instance. Ainsi, la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions de l'intimé doit uniquement examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
1-Sur la date de commencement du contrat de travail et les demandes de rappel de salaire du 18 septembre au 31 décembre 2019, des congés payés afférents et des dommages et intérêts en réparation du préjudice pour non paiement des salaires
Il est admis que le contrat de travail est caractérisé par l'existence d'une prestation de travail, d'une rémunération et d'un lien de subordination juridique entre l'employeur et le salarié, ce dernier étant de ce fait soumis au pouvoir disciplinaire de celui pour lequel il travaille.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs
Il appartient à celui qui en revendique l'existence d'apporter la preuve du contrat de travail, mais en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
Il se distingue du contrat d'entreprise dans lequel une partie s'engage à accomplir pour l'autre un travail déterminé moyennant un prix convenu en dehors de tout lien de subordination.
M. [G] indique que le contrat de travail verbal a débuté le 18 septembre 2019 sans établir l'existence d'un lien de subordination avec la société, la production aux débats d'un 'rapport de surveillance ' sur un document établi à l'entête de la société Team World Security, établi pour la seule période du 18 au 30 septembre inclus ainsi que la copie d'un chèque d'un montant de 5860 euros émanant de 'Europe Protect', dont il n'est pas précisé son lien avec la société et celle d'un chèque en date du 10 janvier 2020 d'un montant de 4091 euros émanant du gérant de la société ( et rejeté par la banque) étant insuffisants à le caractériser.
La date du début du contrat est fixée au 1er janvier 2020, date à compter de laquelle des bulletins de paie ont été délivrés. M. [G] est en conséquence débouté de sa demande de rappel de salaire pour 2019, des congés payés afférents et de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré de l'absence de paiement des salaires.
Le jugement est confirmé de ce chef.
2-Sur la demande de rappel de salaire pour janvier et février 2020 et les congés afférents
Les bulletins de paie de janvier et février 2020 démontrent qu'il était dû sur cette période la somme de 4725,53 euros bruts et que le salarié a touché une somme de 3254 euros par virement. Il lui reste dû la somme de 1471,63 euros, outre celle de 147,16 au titre des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé sur le quantum alloué.
3-Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé
L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le salarié ayant été débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période du 18 septembre au 31 décembre 2019, il ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé.
4-Sur la rupture du contrat de travail
Par courrier en date du 25 février 2020, la société Team world security a informé le salarié qu'elle mettait fin à sa période d'essai et qu'il cesserait de faire partie de ses effectifs à l'issue d'un délai de deux semaines à compter de la présentation de la lettre.
S'agissant d'un contrat verbal, il ne peut exister de période d'essai laquelle doit être expressément stipulée, comme la possibilité de la renouveler.
Dès lors, la rupture du contrat de travail intervenue par courrier du 25 février 2020 sans aucun motif est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement est confirmé de ce chef.
5- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salaire mensuel de référence à retenir est de 1842,77 euros
5-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Le salarié peut prétendre à un mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 1842,77 euros, outre la somme de 184,27 euros pour les congés payés afférents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
5-2-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié peut prétendre, au regard de son ancienneté dans l'entreprise, à une indemnité équivalente au maximum à 1 mois de salaire brut, sans qu'une indemnité minimale ne soit prévue.
En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [G] de son âge au jour de son licenciement (31 ans), de son ancienneté à cette même date ( 2 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 1842,77 euros ( un mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement est infirmé de ce chef.
6-Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de visite d'information et de prévention
La visite d'information et de prévention prévue à l'article R4624-11 du code du travail, qui, depuis le 1er janvier 2017 remplace la visite médicale d'embauche , doit être réalisée dans les trois mois suivant la prise effective du poste.
Le contrat de travail ayant été rompu après seulement deux mois de travail, le défaut d'organisation de cette visite ne peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Le jugement est confirmé de ce chef.
7-Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du subi en raison de l'absence de remise des documents de rupture
Il résulte des dispositions des articles L. 1234-19, L. 1234-20 et R. 1234-9 qu'à l'occasion de la rupture du contrat de travail, l'employeur doit remettre au salarié les documents de fin de contrat constitués par le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation destinée à Pôle emploi devenu France travail.
Au cas d'espèce, l'employeur n'a pas remis au salarié les documents de fin de contrat et notamment pas son attestation Pôle Emploi devenue l'attestation France Travail. Pour autant, le salarié qui n'avait qu'une ancienneté de deux mois dans l'entreprise, ne justifie d'aucun préjudice.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
8-Sur la remise des documents de fin de contrat.
Il convient d'ordonner, à la charge du liquidateur judiciaire, la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif, d'une attestation France Travail et d'un certificat de travail conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire.
9-Sur les intérêts
Le jugement d'ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations .
Le salarié a saisi le conseil des prud'hommes le 25 janvier 2021, l'employeur a reçu sa convocation devant le bureau de jugement le 3 février 2021. La société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 19 février 2021. Ainsi les créances salariales porteront intérêts au taux légal pour la période du 3 au 19 février 2021. La créance indemnitaire ne portera pas intérêts.
10-Sur la garantie de l'AGS
L'AGS doit sa garantie dans les conditions et limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail, notamment dans la limite des plafonds visés à l'article L.3253-17.
11-Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé sur les dépens et infirmé sur l'article 700 du code de procédure civile. Il sera fixée une somme de 2000 euros au passif de la société au titre des frais irrépétibles.
La société liquidée supportera les dépens d'appel.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit du salarié ainsi qu'il sera dit au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement déféré sur le quantum retenu pour le solde,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
REQUALIFIE la rupture du contrat de travail de M. [Z] [G] en date du 25 février 2020 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
FIXE comme suit les créances de M. [Z] [G] au passif de la liquidation de la SAS Team World Security :
- 1842,77 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 184,27 euros au titre des congés payés afférents,
- 1842,77 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1471,63 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier et février 2020, outre celle de 147,16 au titre des congés payés afférents,
- 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE à la SCP BTSG, prise en la personne de M. [F] [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire S.A.S. Team world security de remettre à M. [Z] [G] un certificat de travail, une attestation destinée à France Travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification,
DIT n'y avoir lieu à astreeinte;
DIT que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal du 3 février au 19 février 2021,
DIT que le présent arrêt est opposable à l'AGS qui doit sa garantie dans les limites légales et réglementaires,
FIXE les dépens d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. Team world security.