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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 16 octobre 2024, n° 24/00339

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Money (SAS)

Défendeur :

Gp Investissements (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Champion

Conseillers :

Mme Parent, Mme Hauet

CA Rennes n° 24/00339

15 octobre 2024

La société Money exerce une activité d'agent immobilier.

Par acte authentique du 20 décembre 2021, M. [J] [W], Mme [X] [V] épouse [W], Mme [K] [W] épouse [N], M. [M] [W], M. [L] [W] (ci-après les consorts [W]) ont renouvelé le bail commercial de la société Money portant sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 10], moyennant un loyer annuel de 19 500,30 euros, hors charges et hors taxes, payable annuellement et d'avance le 15 mai de chaque année.

Ce bail était conclu pour une durée de 9 ans, à compter du 15 mai 2021 pour se terminer le 14 mai 2030.

En page 9 de ce contrat de renouvellement du bail commercial, le paragraphe 11°) stipule qu'en cas de cession 'dans tous les cas, le LOCATAIRE demeurera garant solidaire de son cessionnaire pour le paiement du loyer et des charges et l'exécution des conditions du bail et cette obligation de garantie s'étendra à tous les cessionnaires successifs occupants ou non les lieux' et que 'en outre, toute cession devra avoir lieu moyennant un loyer égal à celui en' vigueur à cette date, qui devra être stipulé payable directement entre les mains du BAILLEUR et elle devra être réalisée par acte authentique auquel le BAILLEUR sera appelé et dont une copie exécutoire lui sera remise sans frais pour lui'.

Suivant acte contresigné par avocat du 19 mai 2022 (enregistré le 20juillet 2022), la société GP Investissement et la société Money ont régularisé un compromis portant sur la vente de la branche d'activité immobilière du fonds de commerce pour un prix de 135 000 euros, prix réduit suivant avenant du 15 juin 2022 à la somme de 115 000 euros.

L'acte de cession devait être réitéré devant notaire le 1er août 2022. Cependant, en l'absence de la société GP Investissement, le notaire désigné pour rédiger l'acte de cession devait constater sa défaillance et dresser un procès verbal de carence.

Suivant assignation du 15 septembre 2022, la société Money a saisi le tribunal de commerce de St Nazaire afin de faire juger la vente de la branche d'activité immobilière du fonds de commerce parfaite.

Par jugement du 16 novembre 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a jugé que la vente de ladite branche d'activité était parfaite à la date du 15 juin 2022. Ce même tribunal a condamné la société GP Investissement à verser 115 000 euros et dit que le jugement valait acte de sa cession. Le tribunal de commerce a condamné la société GP Investissement à effectuer toutes les formalités juridiques de la cession sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement. Cette signification est intervenue le 28 novembre 2022.

La société GP Investissement a interjeté appel de la décision du tribunal de commerce suivant déclaration du 16 décembre 2022.

Suivant acte du 12 janvier 2023, les consorts [W] faisaient délivrer à la société Money une sommation d'exploiter visant la clause résolutoire.

Le 16 janvier 2023, le conseil de la société Money rappelait les dispositions du jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint Nazaire s'agissant de la cession parfaite au bénéfice de société GP Investissement.

La société GP Investissement a pris possession des clés du local sis [Adresse 1] à [Localité 10] le 18 janvier 2023.

En février 2023, la société GP Investissement a préparé l'ouverture du local commercial, dont le loyer était payé jusqu'au 14 mai 2023.

À compter du 15 mai 2023, il n'était plus procédé au règlement du loyer entre les mains des bailleurs.

Suivant acte du 15 juin 2023, les consorts [W] faisaient notifier à la société GP Investissement et à la société Money un commandement avec sommation visant la clause résolutoire pour défaut de paiement de la somme de 28 170,71 euros (loyer annuel du 15 mai 2023 au 15 mai 2024 payable d'avance selon contrat) et pour voir les lieux exploités.

Par actes d'un commissaire de justice des 20 et 25 juillet 2023, les consorts [W] ont assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, la société Money et la société GP Investissement.

Par ordonnance en date du 21 novembre 2023, le juge des référés de Saint-Nazaire a :

- constaté l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle à la mise en cause de la société GP Investissement,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail portant sur des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 10] et de ce fait la résiliation du bail au 17 juillet 2023,

- en conséquence, ordonné l'expulsion de la société Money et de tous occupants et biens de son chef de l'immeuble loué et ci-dessus mentionné, à défaut de libération volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,

- dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à application des articles L 433-1 et s. et R 433-1 et s. du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné la société Money au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle s'élevant à la somme mensuelle de 2 347,55 euros à compter du 17 juillet 2023 et jusqu'à complète libération des lieux, toutes taxes en plus,

- condamné la société Money à payer aux consorts [W] la somme provisionnelle de 28 170,71 euros au titre de l'arriéré des loyers et charges,

- dit n'y avoir lieu a référé sur les demandes formées au titre de la clause pénale (majoration de 10% des sommes dues et majoration de 4 points du taux d'intérêt légal),

- condamné la société Money aux entiers dépens, en ce compris les frais du commandement, le coût de levée des inscriptions et de notification aux créanciers inscrits,

- condamné la société Money à payer aux consorts [W] la somme de

1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a seulement autorité de chose jugée provisoire,

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Le 18 janvier 2024, la société Money a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 février 2024, la société Money demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire en date du 21 novembre 2023,

Statuant à nouveau,

- débouter les consorts [W] de leur demande de constatation de la clause résolutoire de plein droit à son égard, de leur demande de paiement d'une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation, de leur demande de paiement des arriérés de loyer, de leur demande d'expulsion ainsi que de leurs demandes au titre d'article l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner les consorts [W] à lui verser la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance d'appel.

Le 17 avril 2024, la société Money était placée en liquidation judiciaire et la Selarl [A] [G] et associés était désignée en qualité de liquidateur.

Le 15 mai 2024, puis le 27 mai 2014, les consorts [W] assignaient en intervention forcée la Selarl [A] [G] et associés en qualité de liquidateur de la société Money.

Par dernières conclusions notifiées le 22 août 2024, la société GP Investissement demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la société Money irrecevable en tout cas mal fondé,

- débouter la société Money de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Money à lui payer une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 2 septembre 2024, les consorts [W] demandent à la cour de :

- les juger recevables et bien fondés en leurs demandes,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

* constaté l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle à la mise en cause de la société GP Investissement,

* dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées au titre de la clause pénale (majoration de 10% des sommes dues et majoration de 4 points du taux d'intérêt légal),

* condamné la société Money au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle s'élevant à la somme mensuelle de 2 347,55 euros à compter du 17 juillet 2023 et jusqu'à complète libération des lieux, toutes taxes en plus,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

* constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail portant sur des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 10] et de ce fait la résiliation du bail au 17 juillet 2023,

* en conséquence, ordonné l'expulsion de la société Money et de tous occupants et biens de son chef de l'immeuble loué et ci-dessus mentionné, à défaut de libération volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,

* dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à application des articles L 433-1 et s. et R 433-1 et s. du code des procédures civiles d'exécution,

* condamné la société Money à leur payer la somme provisionnelle de

28 170,71 euros au titre de l'arriéré des loyers et charges,

* condamné la société Money à payer aux la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Money aux entiers dépens, en ce compris les frais du commandement, le coût de levée des inscriptions et de notification aux créanciers inscrits,

Et statuant à nouveau :

- constater l'absence de paiement des loyers et des provisions sur charges par les sociétés Money et société GP Investissement, infraction au bail non régularisée dans le délai d'un mois suivant la sommation en date des 15 et 16 juin 2023,

- constater l'absence de reprise d'exploitation effective des locaux loués dans le délai d'un mois suivant la sommation en date des 15 et 16 juin 2023,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire et de ce fait la résiliation du bail au 17 juillet 2023,

- ordonner l'expulsion des sociétés Money et société GP Investissement et de tout occupant de leur chef et s'il y a lieu avec assistance d'un serrurier et de la force publique,

- dire que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à application des articles L 433-1 et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- condamner solidairement les sociétés Money, prise en la personne de son liquidateur Me [G], et GP Investissement à payer une indemnité d'occupation et jusqu'à la libération effective des lieux, c'est-à-dire du déménagement complet du locataire et de la remise des clés, tout mois entamé étant entièrement dû,

En conséquence,

- condamner solidairement les sociétés Money, prise en la personne de son liquidateur Me [G] et GP Investissement à leur verser par provision la somme 28 170,71 euros correspondant à l'arriéré des loyers et des charges, outre une majoration forfaitaire de 10% ainsi qu'une majoration au taux légal augmenté de 4 points, cette somme devant également être majorée de 50% au titre de l'indemnité d'occupation à compter du 17 juillet 2023 et jusqu'à parfaite libération des lieux,

- fixer la créance des consorts [W] à l'encontre de la société Money à la somme de 29 170,71 euros au titre de l'échéance 2023/2024,

- débouter la société Money et la société GP Investissement de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement les sociétés Money, prise en la personne de son liquidateur Me [G] et société GP Investissement à leur verser par provision la somme de 29 604,71 euros outre une majoration forfaitaire de 10% ainsi qu'une majoration au taux légal augmenté de 4 points, cette somme devant également être majorée de 50% au titre de l'indemnité d'occupation jusqu'à parfaite libération des lieux,

- débouter la société Money et la société GP Investissement de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement les sociétés Money, prise en la personne de son liquidateur Me [G] et société GP Investissement à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel,

- condamner solidairement les sociétés Money prise en la personne de son liquidateur Me [G] et société GP Investissement en tous les dépens, en ce compris les frais du commandement visant la clause résolutoire du bail, le coût de levée des inscriptions et de notification aux créanciers inscrits.

La Selarl [A] [G] et associés en qualité de liquidateur de la société Money n'a pas constitué avocat. L'acte d'intervention forcée lui a été signifié à personne les 13 et 27 mai 2024.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la mise en cause de la société GP Investissement

Les consorts [W] forment appel incident sur ce chef de la décision, et rappellent que la sommation visant la clause résolutoire a été délivrée aux deux sociétés. Elle ajoute que par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 2 juillet 2024, le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire a été confirmé. Ils estiment parfaitement justifiée la mise en cause de la société GP Investissement, celle-ci étant tenue des obligations du bail commercial.

La société GP Investissement soutient que seule la société Money est tenue à l'égard du bailleur. Elle indique que l'arrêt de la cour d'appel de Rennes est critiquable, ce qui peut justifier un pourvoi en cassation et réaffirme que selon elle, la vente ne peut être déclarée parfaite. Elle ajoute que les bailleurs ne sont pas intervenus à l'acte de cession de sorte que le défaut du respect des formalités de la cession a pour conséquence que la résiliation du bail ne peut être qu'imputable à la société Money.

Par jugement du 15 juin 2022, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a déclaré parfaite la cession par la société Money de la branche d'activité d'agence immobilière à la société GP Investissement.

La contestation retenue en première instance, au visa d'un jugement frappé d'appel, relativement à l'identité de l'actuel locataire, doit être écartée, la cour d'appel de Rennes ayant confirmé, par arrêt du 2 juillet 2024, le jugement du tribunal de commerce du 16 novembre 2022.

Les consorts [W] soulignent à raison que cet arrêt est exécutoire, nonobstant un éventuel pourvoi, dont la société GP Investissement se contente d'ailleurs de dire, en critiquant les termes de cette décision, qu'il pourrait être formé.

Le moyen opposé quant à une absence des bailleurs à l'acte de cession est

inefficace, la cession ne résultant pas d'un acte de cession mais d'une décision judiciaire.

En conséquence, et alors que la sommation visant la clause résolutoire a été délivrée également à la société GP Investissement, la cour considère que cette dernière est à bon droit appelée à la cause par les consorts [W]. L'ordonnance sur ce point est infirmée.

- sur la résiliation du bail

Les consorts [W] demandent à la cour de confirmer le jugement, s'agissant de la résiliation du bail et d'ordonner l'expulsion des deux sociétés Money et GP Investissement ; elle fait valoir que la sommation visant la clause résolutoire a été délivrée à ces deux sociétés les 15 et 16 juin 2023 et qu'il n'est pas justifié du paiement des loyers ainsi commandés par aucune.

La société GP Investissement considère que la résiliation est imputable à seule la société Money.

En application des dispositions de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile le juge des référés du tribunal judiciaire peut même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures nécessaires pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite résulte, quant à lui, de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'article L 145- 41 du code de commerce dispose :

Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Le bail renouvelé le 20 décembre 2021 a été consenti à la société Money moyennant un loyer annuel de 19 500,30 euros HT payable annuellement et d'avance, le 15 mai de chaque année, une provision sur charges annuelles de 1 404 euros, payée à la même époque que le loyer, et une indexation du loyer.

Le bail comprend en outre au titre des obligations pesant sur le preneur au paragraphe 'exploitation du commerce' que 'le bien loué doit être constamment ouvert et achalandé, sauf fermeture d'usage.'

L'acte comporte aussi une clause résolutoire prévoyant la faculté pour le bailleur, à défaut pour le preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du bail ou en cas de non paiement à son échéance d'un seul terme de loyer, de résilier le bail un mois après un simple commandement de payer contenant déclaration de son intention d'user de la clause dont s'agit.

En l'espèce, les consorts [W] ont délivré à la société GP Investissement et la société Money un commandement et sommation visant la clause résolutoire, le 16 juin 2023 à la première et le 15 juin 2023 à la seconde, leur faisant commandement de payer la somme de 28 170,01 euros et d'avoir à exploité les lieux.

Sont versées aux débats deux notifications antérieures, l'une adressée le 24 mai 2023 à la société GP Investissement, l'autre adressée le 31 mai 2023 à la société Money, faites par les consorts [W], dans lesquelles les bailleurs adressent la facture de loyer pour l'échéance du 15 mai 2023 représentant :

- loyer annuel HT : 22 292,26 euros,

- TVA 20 %: 4 458,45 euros,

- provision pour charges (compris taxe foncière): 1 420 euros,

total annuel TTC : 28 170,71 euros.

Il n'est démontré par aucune pièce que la somme commandée au titre des loyers impayés a été acquittée.

Par constat, un commissaire de justice indique s'être déplacé au [Adresse 1] à [Localité 10], lieux donnés à bail, les 20 avril 2023, 3 mai 2023, 5 mai 2023, 11 mai 2023 et avoir constaté que les lieux étaient fermés et inexploités (aucune affichette de vente, le mobilier n'a pas bougé, l'ordinateur n'est pas branché ...).

La société Money a remis les clés du local loué à la société GP Investissements en janvier 2023; elle est en liquidation judiciaire depuis le 17 avril 2024.

Il n'est justifié d'aucune exploitation du local loué dans le délai de la sommation délivrée.

La cour confirme l'ordonnance en ce qu'elle constate la résiliation du bail

au 17 juillet 2023.

Il est désormais acquis que le locataire des consorts [W] est la société GP Investissement. Il convient d'ordonner son expulsion dans les mêmes conditions que celles fixées par le premier juge s'agissant de la société Money, la demande d'expulsion de la société Money est sans objet et la décision sur ce point est infirmée.

- sur la provision à valoir sur les loyers et les indemnités d'occupation

Les consorts [W] demandent la condamnation solidaire de la société Money prise en la personne de son liquidateur et de la société GP Investissement, et ce, en application de la clause de solidarité prévue au bail, au paiement des sommes suivantes, par provision des sommes suivantes :

- une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux,

- 28 170,71 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges, pour l'échéance 2023/2024, outre une majoration forfaitaire de 10% et une majoration au taux légal augmenté de 4 points, somme elle-même majore de 50% au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 17 juillet 2023 jusqu'à libération des lieux,

- 29 604,71 euros correspondant à l'échéance de loyers et charges pour l'échéance 2024/2025 dans les mêmes conditions de majorations.

Ils demandent en outre de fixer leur créance à l'encontre de la société Money à la somme de 29 170,71 euros au titre de l'échéance 2023/2024.

La société GP Investissement estime que la cession n'a pas eu lieu.

En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite.

La cour approuve le premier juge qui fixe l'indemnité d'occupation, de manière provisionnelle à la somme mensuelle de 2 347,55 euros, cette somme étant due aux consorts [W] jusqu'à libération des lieux. Seule la société GP Investissement, désormais locataire et donc occupante des lieux, est redevable de celle-ci, la clause de solidarité ne concernant en tout état de cause que les loyers et charges et non les indemnités d'occupation.

La résiliation du bail étant constatée au 17 juillet 2023, aucun loyer ou charges n'est dû à compter de cette date. En effet, seule une indemnité d'occupation peut être réclamée par les bailleurs. La demande en paiement formée à titre provisionnel portant sur l'échéance de loyer 2024/2025 et les demandes accessoires à celle-ci ne sont pas fondées.

Si la clause de solidarité prévoit que la société Money est redevable des loyers dus après la cession (en l'espèce la somme commandée de 28 170,71 euros au titre de l'échéance 2023/2024), les consorts [W] ne peuvent solliciter sa condamnation, puisqu'elle a été placée en liquidation judiciaire le 17 avril 2024, et ce, conformément à l'article L 622-21 du code de commerce.

Ils ont appelé en cause le liquidateur de celle-ci, toutefois, ils ne sont pas recevables à solliciter en référé, dans le cadre d'une demande provisionnelle, la fixation au passif de la créance de loyer correspondant à l'échéance 2023/2024, la reprise des actions en justice tendant à la fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire visée par les dispositions susvisées n'étant possible que pour les actions au fond. (Com., 26 juin 2019, pourvoi n° 18-16.777).

La cession étant parfaite à la date du 15 juin 2022, la cour condamne par provision la société GP Investissement à payer aux consorts [W], à titre de provision la somme de 28 170,71 euros correspondant à l'échéance 2023/2024.

L'ordonnance est infirmée sur ces points.

La cour approuve le premier juge en ce qu'il rejette les demandes de majoration de 10 %, de 4 points sur l'intérêt légal, de 50% sur l'indemnité d'occupation, qui s'analysent en des demandes portant sur des clauses pénales, que le juge du fond pourrait être amené à apprécier.

- sur les frais irrépétibles et les dépens

Il est inéquitable de laisser à la charge des seuls consorts [W] la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont engagés à l'occasion de cette instance d'appel. La cour condamne la société GP Investissement à leur payer une somme de 2 000 euros à ce titre et à payer les dépens d'appel.

Les demandes de ce chef formées par la société Money et la société GP Investissement sont rejetées.

La cour infirme la décision qui condamne la société Money au titre des frais irrépétibles et aux dépens, ces derniers devant être supportés par la société GP Investissement, en ce compris les frais du commandement visant la clause résolutoire du bail, le coût de levée des inscriptions et de notification aux créanciers inscrits.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe :

Confirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle constate l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle à la mise en cause de la société GP Investissement, et en ce qu'elle ordonne l'expulsion de la société Money et prononce condamnations à son encontre ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Ordonne l'expulsion de la société GP Investissement et de tous occupants et biens de son chef de l'immeuble loué et ci-dessus mentionné, à défaut de libération volontaire des lieux dans le mois de la signification du présent arrêt, et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

Condamne la société GP Investissement à payer à titre provisionnel aux consorts [W] une indemnité d'occupation mensuelle de 2 347,55 euros aux consorts [W], à compter de la résiliation du bail jusqu'à libération des lieux ;

Condamne la société GP Investissement à payer aux consorts [W], à titre provisionnel, la somme de 28 170,71 euros correspondant à l'échéance 2023/2024 ;

Y ajoutant,

Condamne la société GP Investissement à payer aux consorts [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société GP Investissement aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais du commandement visant la clause résolutoire du bail, le coût de levée des inscriptions et de notification aux créanciers inscrits.