CA Rennes, 5e ch., 16 octobre 2024, n° 21/07908
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Champion
Vice-président :
Mme Parent
Conseiller :
Mme Hauet
La société [6] a été créée par M. [L], associé majoritaire et gérant, et Mme [S] [K], qui l'ont immatriculée au Registre du Commerce le 9 mai 2014, avec pour objet : 'Restauration traditionnelle et débit de boissons avec licence IV, organisation de soirées, animations'.
Par acte sous seing privé du 1er mars 2014, la société [X] a donné à bail un local commercial situé [Adresse 2] à Mme [S] [K], avec possibilité, réalisée, de se faire substituer par la société [6], comprenant :
'Au rez-de-chaussée; salle de café avec bar, et première salle de restaurant, cuisine, toilette, cave et garage, derrière la cuisine une autre salle de restaurant. A l'étage: bureau, réserve et salle d'eau avec WC. Faux grenier au-dessus. Installation du chauffage central au gaz de ville',
et ce pour une durée de neuf années commençant à courir à compter du 1er mars 2014 pour se terminer le 28 février 2023, le loyer annuel étant de
14 567 euros HT et la destination des lieux étant la suivante :'servir au preneur exclusivement à l'exploitation du commerce de débit de boissons restaurant et spectacles;'.
La société [6] y exerce ces activités sous l'enseigne 'Le Kilimandjaro 44".
Le 13 mars 2014, M. [L] a signé une reconnaissance de dette pour un montant de 16 183,63 euros, correspondant aux loyers dus à la société [X] par l'ancien locataire, payables à raison de 1 000 euros par mois à partir du 1er avril 2014.
Dans la nuit du 21 au 22 mai 2014, les locaux ont subi un incendie, qui les a rendu inexploitables, en totalité.
Le procès-verbal de constatation mentionne que 'l'incendie a impacté lourdement l'intégralité de la partie arrière, l'étage à l'aplomb supérieur du bar. Il est constaté dans les lieux plus de 5 départs de feu distincts...'.
L'enquête a mis en évidence le caractère criminel de cet incendie sans que l'instruction n'ait pu aboutir.
La société [6], assurée auprès de la MAPA et a fait une déclaration de sinistre. Une procédure d'expertise amiable a été mise en place par le cabinet Texa, mandaté par la MAPA, et par le cabinet Eurexo intervenant pour le compte de la société MAAF Assurances, assureur de la société [X].
Le rapport établi le 11 septembre 2014 par le cabinet d'expertise Texa confirme cette origine criminelle de l'incendie, 'exonératoire de responsabilité présumée de la société [6] en cas d'incendie'.
L'évaluation des dommages du locataire par Texa en date du 10 décembre 2014 retenait 64 678 euros de travaux de remise en état, outre une valeur de 22 152,89 euros au titre des propres pertes matérielles de la société [6] assurée (mobilier et contenu, appareils électroménagers, électriques et électroniques).
La société [X] a reçu de son assureur la MAAF, au titre de la garantie perte de loyers, une indemnisation de 13 354 euros, correspondent à 11 mois de loyers, outre son indemnisation pour la réalisation de travaux de réfection.
La société [X] a exposé avoir mandaté la société ACTB, indiquant que des travaux avaient débuté au mois de novembre 2014 et que le locataire avait pu réintégrer les lieux le 15 mai 2015.
Aucune réception expresse des travaux n'a toutefois été organisée, le locataire considérant que les travaux effectués n'étaient pas terminés et ne permettaient pas l'exploitation du commerce.
Le 11 janvier 2016, la société [X] a fait délivrer à son locataire un commandement de payer aux fins d'acquisition de la clause résolutoire, pour un montant en principal de 33 454,60 euros, qui est resté sans effet.
Après une mise en demeure du 8 novembre 2016 de payer la somme de
36 687 euros, la société [X] a assigné en référé la société [6], aux fins que soit constater la résiliation du bail commercial, d'obtenir l'expulsion du preneur et sa condamnation au paiement des sommes dues au titre de la reconnaissance de dette, au titre des travaux restés à la charge du preneur et au titre des arriérés de loyers.
De son côté, la société [6], après une mise en demeure de réaliser les travaux du 24 février 2016, a assigné en référé la société [X] ainsi que la MAPA le 18 novembre 2016, aux fins de solliciter la réalisation de travaux de remise en état sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ainsi que la suspension des loyers jusqu'à remise en état des locaux (et donc remise des clés).
Les deux procédures de référé ont été jointes. Le juge des référés a fait droit à une demande d'expertise, s'est déclaré incompétent pour ordonner les travaux sous astreinte, a dit la reconnaissance de dette contestable et a rejeté le surplus des demandes.
Le rapport d'expertise a été déposé le 12 février 2018.
Par acte d'huissier du 29 avril 2019, la société [6] a assigné la société [X] devant le tribunal de grande instance de Nantes en vue d'obtenir notamment la réalisation de travaux.
Par jugement en date du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- ordonné à la société [X] de faire réaliser les travaux de remise en état
du local commercial donné à bail à la société [6], sis [Adresse 2], sous astreinte non comminatoire de 500 euros/jour de retard, courant à l'issue d'un délai de 2 mois à compter de la signification du présent jugement, à savoir :
* remplacement des serrures des portes des WC et du local de service,
* installation d'un chauffage dans la deuxième salle de restaurant à l'arrière,
* remplacement de la fenêtre de l'étage,
- constaté qu'aucun loyer n'est dû par le preneur pendant 12 mois entre le
1er juin 2014 et le 1er juin 2015 en raison des travaux de réfection suite à l'incendie, et qu'en l'absence d'installation de chauffage dans la seconde salle de restaurant, le loyer contractuellement fixé est diminué de 50% pendant les mois de décembre, janvier et février,
- ordonné la suspension, sur le fondement de la force majeure, des loyers pour la période du 15 mars 2020 au 21 juin 2020, et pour la période du 16 octobre 2020 au 9 juin 2021, dus par la société [6],
- condamné la société [X] à payer à la société [6] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice d'image commercial et moral,
- condamné la société [6] à payer à la société [X] les sommes suivantes :
* 12 491,74 euros au titre des loyers restant dus au 31 décembre 2019,
* 4 056,70 euros au titre des loyers restant dus au 31 juin 2021,
* 428,70 euros au titre du remboursement de la facture d'eau de 2015,
* 41,85 euros, au titre de la taxe de devanture,
* 456 euros, au titre des taxes d'ordures ménagères 2015,
- condamné la société [X] à payer à la société [6], en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 6 000 euros,
- condamné la société [X] à supporter les entiers dépens de la présente instance, ainsi que les dépens de la procédure de référé et ceux de l'expertise judiciaire,
- ordonné l'exception provisoire du présent jugement,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Le 20 décembre 2021, la société [X] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 4 juin 2024, elle demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'en dire bien fondée,
- dire et juger la société [6] irrecevable et mal fondée en son appel incident, et le rejeter,
S'agissant des préjudices matériels :
- dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles à l'égard de son locataire, la société [6],
En conséquence :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à faire réaliser les travaux de remise en état du local commercial donné à bail à la société [6], sous astreinte de 500 euros/jour de retard, courant à l'issue d'un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement, à savoir :
* remplacement des serrures des portes des WC et du local de service,
* installation d'un chauffage dans la deuxième salle de restaurant à l'arrière,
* remplacement de la fenêtre de l'étage.
Et, statuant de nouveau :
- débouter la société [6] de sa demande de condamnation formée à son encontre à faire réaliser les travaux de remise en état du local commercial sous astreinte,
En conséquence,
- condamner la société [6] à lui verser les sommes suivantes exposées par elle suite à la condamnation de faire réaliser les travaux de remise en état dans le local commercial sous astreinte assortie de l'exécution provisoire :
* 3 078 euros au titre du remboursement du coût des travaux relatifs au remplacement des serrures des portes des WC et du local de service (désordre n°2 ),
* 9 643,09 euros au titre du remboursement du coût des travaux relatifs à l'installation de chauffage dans la deuxième salle de restaurant à l'arrière (désordre n°4),
* 486 euros au titre du remboursement du coût du remplacement de la fenêtre de l'étage.
S'agissant des préjudices immatériels :
- dire et juger que les locaux commerciaux sont parfaitement exploitables par le locataire depuis le mois de mai 2015,
En conséquence :
- réformer le jugement en ce qu'il a constaté qu'aucun loyer n'est dû par le preneur pendant 12 mois entre le 1er juin 2014 et le 1er juin 2015, en raison des travaux de réfection suite à l'incendie, et qu'en l'absence d'installation de chauffage dans la seconde salle de restaurant, le loyer contractuellement fixé est diminué de 50% pendant les mois de décembre, janvier et février,
- réformer le jugement en ce qu'il a ordonné la suspension, sur le fondement de la force majeure, des loyers pour la période du 15 mars 2020 au 21 juin 2020, et pour la période du 16 octobre 2020 au 9 juin 2021, dus par la société [6],
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société [6] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice d'image commercial et moral,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société [6] à lui payer les sommes suivantes :
* 12 491,74 euros au titre des loyers restant dus au 31 décembre 2019,
* 4 056,70 euros au titre des loyers restant dus au 31 juin 2021,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société [6] de sa demande relative à la réparation de son préjudice commercial,
Et, statuant de nouveau :
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à ordonner une décote de 80 % sur le loyer dû par la société [6],
- débouter la société [6] de sa demande de restitution de trop perçus de loyers,
- débouter la société [6] de sa demande relative au paiement de la somme de 419 744 euros (à parfaire à la date des travaux) au titre de la perte de chiffre d'affaires,
- débouter la société [6] de sa demande relative au paiement de la somme de 30 000 euros, en réparation du préjudice d'image commercial et moral,
- débouter la société [6] de sa demande d'exonération ou de suspension de loyers pour les périodes de fermeture liée à la crise sanitaire,
- débouter la société [6] de sa demande de délais,
Sur les factures restant à la charge de la société [6]
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [6] à lui payer les sommes suivantes :
* 428,70 euros au titre du remboursement de la facture d'eau de 2015,
* 41,85 euros, au titre de la taxe de devanture,
* 456,00 euros, au titre des taxes d'ordures ménagères 2015,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes complémentaires au titre du remboursement de factures d'eau, de la taxe d'ordures ménagères 2014, de la facture de modification de l'alimentation dans la salle de restaurant et de la chaudière,
Et statuant de nouveau :
- condamner la société [6] à lui verser les sommes suivantes :
* 682,15 euros, au titre du remboursement de la facture d'eau de 2014,
* 452 euros, au titre des taxes d'ordures ménagères 2014,
* 612,24 euros au titre de la modification de l'alimentation dans la salle de restaurant,
* 7 744,80 euros au titre de la chaudière,
Sur la demande de résiliation du bail commercial et le paiement d'indemnités dues au titre des loyers
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résiliation du bail commercial et de sa demande indemnitaire au titre des loyers non versés par la société [6],
Et statuant de nouveau :
À titre principal, sur l'acquisition de la clause résolutoire :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire,
- prononcer la résiliation du bail commercial dont s'agit au 11 février 2016, aux torts exclusifs de la société [6],
- ordonner l'expulsion de la société [6] et de tous occupants de son chef des locaux susvisés qu'elle occupe sis [Adresse 2] et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- autoriser le recours à la force publique dans l'hypothèse où la société [6], ou tous occupants de son chef, ne libérerait pas les lieux spontanément,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation dû par la société [6], à un montant équivalent au loyer conventionnel (1 291,34 euros HT), payable immédiatement à compter du 11 février 2016, avec en sus les provisions sur charges maintenues comme si le bail avait continué et normalement régularisées et ce, jusqu'à la libération complète des lieux,
- condamner la société [6] à lui payer la somme de 128 989,09 euros TTC à parfaire, au titre des arriérés de loyers,
À titre subsidiaire, sur la résiliation judiciaire :
- dire et juger que la société [6] a commis de nombreux et graves manquements dans l'exécution de son contrat de bail commercial, de nature à justifier la résiliation judiciaire de ce contrat,
- prononcer la résiliation du bail commercial liant la société [X] à la société [6], aux torts exclusifs de cette dernière,
- ordonner l'expulsion de la société [6] et de tous occupants de son chef des locaux susvisés qu'elle occupe sis [Adresse 2] et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- autoriser le recours à la force publique dans l'hypothèse où la société [6], ou tous occupants de son chef, ne libérerait pas les lieux suite à la délivrance du commandement d'avoir à quitter les lieux,
- dire et juger que la société [6] devra continuer à s'acquitter du paiement de l'intégralité des loyers et charges liées aux locaux objets de la présente procédure, sis [Adresse 2], dans les conditions visées au bail commercial versé aux débats et ce, jusqu'à complète libération des lieux,
- condamner la société [6] à payer à son bailleur une indemnité d'occupation à compter du prononcé de la résiliation du bail jusqu'à la libération complète des lieux, correspondant au montant du dernier loyer mensuel impayé,
- condamner la société [6] à lui payer la somme de 128 989,09 euros TTC à parfaire, au titre des arriérés de loyers,
Subsidiairement, sur la demande d'exécution du congé avec refus de renouvellement du 28 juillet 2022 :
- déclarer valable le congé délivré le 28 juillet 2022 par elle à la société [6], à l'adresse de son siège social sise [Adresse 2],
En conséquence,
- constater que le congé a mis fin le 28 février 2023 au bail conclu le 1er mars 2014, entre la société [X] et Mme [S] [K], qui a été substituée par la société [6], concernant les locaux sis [Adresse 2],
- ordonner l'expulsion de la société [6] et de tous occupants de son chef des locaux susvisés qu'elle occupe sis [Adresse 2] et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- autoriser le recours à la force publique dans l'hypothèse où la société [6], ou tous occupants de son chef, ne libérerait pas les lieux spontanément,
- condamner la société [6] à lui payer à compter du 1er mars 2023, une indemnité d'occupation mensuelle correspondant à un montant équivalent au loyer conventionnel majoré des charges et accessoires comme si le bail avait continué et normalement régularisées et ce, jusqu'à la libération complète des lieux,
- condamner la société [6] à lui payer la somme de 111 943,38 euros TTC à parfaire, au titre des arriérés de loyers,
En tout état de cause :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société [6], en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 6 000 euros,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à supporter les entiers dépens de la présente instance, ainsi que les dépens de la procédure de référé et ceux de l'expertise judiciaire,
Et, statuant de nouveau :
- condamner la société [6] à lui payer la somme de :
* 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance, en ce compris la procédure de référé,
* 7 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société [6] à supporter les entiers dépens de la première instance et d'appel,
- rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions de la société [6].
Par dernières conclusions notifiées le 25 mai 2024, la société [6] demande à la cour de :
- débouter la société [X] de son appel,
- la recevoir en son appel incident et y faire droit,
- homologuer le rapport de l'expert judiciaire sur les seules constatations techniques faites par ce dernier,
- confirmer le jugement du 23 novembre 2021 en ce qu'il a ordonné à la société [X] de :
* procéder au remplacement des portes des WC et du local de service,
* à l'installation du chauffage dans la deuxième salle de restaurant,
* et de procéder au changement de la fenêtre de l'étage
sous astreinte non comminatoire de 500 euros/jour de retard courant à l'issue d'un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement,
- réformer ledit jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de remise en état concernant les autres désordres et, statuant à nouveau, ordonner à la société [X] de faire réaliser les travaux complémentaires de remise en état du local commercial mis à bail, sis [Adresse 2], sous astreinte non comminatoire de 500 euros/jour de retard, courant à l'issue d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, à savoir :
* remplacement de la porte arrière du bâtiment conforme aux normes anti-panique,
* remplacement de la porte intermédiaire coupe-feu entre fumoir et salle de restaurant et d'animation (seconde salle de restaurant),
* remplacement du chauffe-eau de l'étage,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [X] de sa demande de paiement de la somme de 16 183,63 euros ou de toute autre somme au titre de la reconnaissance de dette du 13 mars 2014,
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'aucun loyer n'était dû par le preneur du 22 mai 2014 au 1er juin 2015,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a diminué le loyer contractuel de 50% en raison de l'absence de chauffage de la deuxième salle de restaurant,
- réformer ledit jugement en ce qu'il a limité cette diminution de la valeur locative aux seuls mois de décembre, janvier et février et l'a déboutée de sa demande de diminution au titre de l'année entière, et statuant à nouveau juger que la diminution de loyer porte sur l'année entière jusqu'à la pose d'un chauffage par le bailleur,
- réformer ledit jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de diminution de loyer de 30 % de la valeur locative pour la non réalisation des travaux nécessaires à la mise en conformité des lieux suite à l'incendie,
Statuant à nouveau,
- juger, en conséquence, que du 1er juin 2015 jusqu'à la remise en état locatif des lieux, le loyer sera diminué de 80 % du loyer contractuel soit un loyer de 242,78 euros/mois,
- confirmer le jugement en ce qu'il a suspendu les loyers et charges locatives pour les périodes de fermeture administrative, soit du 15 mars 2020 au 21 juin 2020, et du 16 octobre 2020 au 9 juin 2021,
Subsidiairement,
- faire droit à la demande de suspension sur le fondement de la force majeure, et très subsidiairement sur le fondement de la perte de la chose louée,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 12 491,74 euros au titre des loyers et charges impayés et statuant à nouveau, juger qu'elle n'est redevable d'aucune somme à ce titre,
- débouter en conséquence la société [X] de toutes ses demandes de ce chef,
- condamner la société [X] à restituer les loyers trop perçus, soit la somme de 34 613,69 euros au 31 juillet 2021, à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir,
Subsidiairement,
- la condamner au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de délivrance,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer les factures de charges locatives sur la période d'incendie et des travaux,
Statuant à nouveau,
- juger qu'elle n'est redevable d'aucune somme à ce titre et débouter la société [X] de toutes ses demandes de ce chef,
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire au titre de la perte de chiffre d'affaires,
Statuant à nouveau,
- condamner la société [X] au paiement de la somme de 544 355,50 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires pour la période du 22 mai 2014 au 31 juillet 2021 (soit 6 558,50 euros x 83 mois = 544 355,50 euros) à parfaire à hauteur de 6 8850 euros/mois jusqu'à la date de réalisation travaux,
Subsidiairement,
- la condamner au paiement de cette somme à titre indemnitaire au titre de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [X] au paiement de la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice d'image commercial et moral subi par elle,
- débouter la société [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Très subsidiairement :
- ordonner la compensation,
- en cas d'impayé après compensation, lui accorder un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil,
- juger que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital,
En tout état de cause :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [X] au paiement de la somme de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, les dépens de référé ainsi que ceux de l'expertise judiciaire y étant expressément inclus,
- condamner, en outre, la société [X] au paiement de la somme de 7 000 euros, au titre des frais irrépétibles d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur l'obligation de délivrance du bailleur
La SCI [X] conteste avoir manqué à ses obligations et demande à la cour d'infirmer le jugement qui la condamne à exécuter divers travaux.
Elle fait valoir que :
- les 4 désordres constatés par l'expert sont des désordres de finition, qui sont imputables à la maîtrise d'oeuvre (porte des WC et du local de service), ou au preneur lui-même (système d'ouverture de la porte anti-panique arrière, porte intermédiaire entre le fumoir et la salle de spectacles, et chauffage insuffisant),
- le preneur a, en effet, agrandi sans autorisation du bailleur la salle de restaurant située à l'arrière, en abattant notamment une cloison, et ce, en violation de ses obligations contractuelles,
- il a crée ainsi une nouvelle porte d'accès à l'arrière du bâtiment, n'a pas installé de chauffage supplémentaire ni sollicité une quelconque prise en charge par le bailleur de cette installation,
- l'expert a mis en évidence que le désordre lié à la porte anti-panique était lié à un mauvais usage de la porte par le preneur, qui l'a utilisée comme porte d'entrée et de sortie,
- la chaudière est contractuellement la propriété du preneur, qui conserve la charge de son entretien, la réparation et son changement éventuel,
- le chauffage existant à l'entrée dans les lieux, avant l'extension non autorisée, était suffisant pour la surface exploitée et n'a fait l'objet d'aucune remarque,
- le preneur n'est aucunement fondé à solliciter de son bailleur la réalisation de travaux portant sur une fenêtre de l'étage ou du chauffe-eau qui aurait une fuite, et ce à défaut d'établir la preuve de l'existence de ces désordres et d'un accord du bailleur pour la prise en charge de ceux-ci.
Elle sollicite la condamnation du preneur à lui rembourser les sommes payées par elle au titre des travaux pour lesquels condamnation a été prononcée par le tribunal et qu'elle a donc assumés.
La société [6] soutient que le bailleur n'a pas respecté son obligation de délivrance et doit, à cette fin, exécuter un certain nombre de travaux.
Elle fait observer que ses demandes portent sur des travaux devant être pris en charge par le bailleur suite à l'incendie, et pour lesquels il a reçu indemnisation de son assureur, et non en application des obligations pesant sur le bailleur fixées au bail. Ainsi en est-il des travaux suivants :
- remplacement des portes des WC et du local de service,
- remplacement de la porte intermédiaire coupe-feu entre le fumoir et la salle de restaurant et d'animation,
- remplacement de la fenêtre de l'étage dégradée par l'incendie et dont la fermeture est assurée par des planches ; elle soutient que ce remplacement était prévu, était visé dans le plan de travaux et que le bailleur a reçu indemnisation de ce chef,
- remplacement du chauffe-eau de l'étage qui fuit ; elle indique qu'il s'agit de travaux que le bailleur s'était engagé à faire et pour lesquels il a reçu des indemnités correspondantes,
- remplacement de la porte anti-panique à l'arrière du bâtiment, dont l'expert a constaté qu'elle ne remplissait plus son office ; elle soutient que cette porte est une porte d'entrée/sortie, et que l'expert ne peut, sans élément, considéré que le preneur aurait modifié le sens de circulation de cette porte. Selon elle, il s'agit là d'un désordre lié à la structure insuffisante de la porte choisie par le maître d'oeuvre du bailleur.
S'agissant de l'installation d'un chauffage dans la salle de restaurant et d'animation, elle fait valoir que cette question ne relève pas de l'incendie mais qu'elle avait été promise au titre de l'obligation de délivrance.
Elle conteste les plans des lieux et photographies, produits par la SCI [X], sensées montrer un agrandissement des lieux par le preneur avant l'incendie.
Elle s'étonne de la prétendue absence d'autorisation par le bailleur à des travaux d'amélioration, alors qu'il produit dans le même temps des photographies des lieux, ce qui témoigne de ce qu'il en avait connaissance. Elle affirme qu'il n'y a eu aucune modification structurelle par le preneur et conteste toute extension.
Elle rappelle que l'indemnisation du bailleur pour les travaux a été évaluée par l'assureur, au terme d'un accord du 29 octobre 2014, à 138 423 euros réduit à 110 368 euros après vétusté et observe que le bailleur ne justifie pas tous les travaux réalisés avec les sommes ainsi perçues. Elle reproche notamment à ce dernier de n'avoir pas fait reprendre les malfaçons.
Au visa de l'article 1719 1° et 3°, le bailleur est tenu, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° de délivrer au preneur la chose louée,
3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Les lieux donnés à bail sont décrits comme suit dans le bail liant les parties:
- au rez de chaussée: salle de café avec bar, et première salle de restaurant, cuisine, toilette, cave et garage, derrière la cuisine une autre salle de restaurant.
- à l'étage: bureau, réserve et salle d'eau avec WC,
- faux grenier au dessus,
- installation de chauffage central au gaz de ville.
Il n'a pas été fait d'état des lieux d'entrée.
En l'absence de tout constat des lieux avant l'incendie, les plans dressés par le bailleur lui-même comme les photographies, d'ailleurs peu lisibles, puisqu'en noir et blanc, ne peuvent valablement être pris en considération par la cour pour décrire les lieux avant ou après les travaux réalisés par le preneur.
Les experts ont évalué le préjudice de la SCI [X], au titre des travaux de remise en état des bâtiments après incendie à 60 649 euros HT.
La SCI [X] a fait procéder à des travaux. Il n'y a pas eu de réception de ceux-ci.
Le procès-verbal de constatation dressé le 29 octobre 2014 par les experts d'assurance mentionne que 'les sapeurs pompiers interviennent et maîtrisent l'incendie qui a impacté :
- lourdement l'intégralité de la partie arrière,
- l'étage à l'aplomb du bar.
Ils constatent :
- une trace de pesée sur la porte extérieure sur rue donnant sur la circulation ouverte en courette du bâtiment,
- des traces de griffes sur le montant côté extérieur de l'huisserie PVC de l'accès cour du bar,
- la salle de restaurant ne disposait pas de porte (accès libre), donnant sur le couloir extérieur de la courette,
- la courette est protégée par la porte précédemment citée côté rue, et latéralement par un mur maçonné,
- la porte de la cuisine sur cour ne présente pas de traces de pesée.
Cette description donne des indications sur l'existence d'une courette à l'avant, mais ne permet pas de connaître la configuration des lieux loués à l'arrière, ceux-ci ayant été détruits par l'incendie.
Un arrêté du maire de la ville de [Localité 7] du 4 novembre 2014 déclare abroger un arrêté du 23 mai 2014 interdisant l'accès à l'ensemble des bâtiments et autorise cet accès aux professionnels experts du bâtiment principal situé à l'avant côté [Adresse 5], indiquant que l'ouverture au public est conditionnée à l'avis du service des commissions de sécurité.
Il est produit une lettre du maire du 13 janvier 2015 adressée à la société Le Monfleury en ces termes:
'Par courrier du 2 janvier 2015, vous m'attestez que la partie arrière du bâtiment qui a été incendiée, a été évacuée et fermée au public.
D'autre part, vous m'indiquez que l'installation électrique a été mise aux normes relativement à la réglementation ERP.
En conséquence, rien de s'oppose à l'utilisation par le public du Restaurant [6], [Adresse 3].'
L'expert judiciaire dans son rapport déposé le 12 février 2018, après réunion sur place le 11 juillet 2017, retient 4 désordres :
- le système d'ouverture de la porte anti-panique à l'arrière du bâtiment est dégradé,
- les serrures des portes des WC et du local service défoncé sont inadaptées et ne permettent pas la fermeture,
- la porte intermédiaire entre le fumoir et la salle de spectacles est dégradée,
- le chauffage de la salle de spectacle est insuffisant.
* sur le remplacement de la fenêtre du 1er étage
La cour constate que l'expert n'a formulé aucune observation portant sur une fenêtre du premier étage.
La société [6] ne peut arguer du seul fait que le remplacement d'une fenêtre est noté sur le planning des travaux demandés par le bailleur pour prétendre à un désordre persistant sur ce point.
La cour infirme le jugement qui fait droit à cette demande et fait droit à la demande en paiement de la société [X] à hauteur de 486 euros représentant le montant de la dépense engagée par elle à ce titre (cf facture du 6 avril 2022 (pièce 38 de la SCI [X]).
* sur le chauffe-eau
L'expert indique avoir été alerté par M. [L] de la dégradation avancée du parquet devant le bar. Il poursuit en expliquant : 'après avoir effectué quelques investigations, j'ai relevé que les tuilages qui affectent le parquet ont pour origine et causes une fuite d'un ballon d'eau de production d'eau chaude situé à l'étage dans la salle de bains'.
Il a noté que 'ce désordre n'était pas en lien avec la procédure', précisant être de l'avis du bailleur qui observe qu'un tel désordre relève de l'assurance du locataire.
Il est justement rappelé par les premiers juges l'obligation d'entretien pesant sur le preneur. Les premiers juges ont justement écarté cette prétention.
* sur la porte intermédiaire entre le fumoir et la salle de spectacle
L'expert a constaté 'de légères détériorations' qui constituent des désordres purement esthétiques' et conclut qu'ils sont dus 'à l'usage commercial ou un manque d'entretien'.
Il conclut que les dommages constatés ne sont pas en lien avec la réalisation des travaux du bailleur.
C'est à raison que le tribunal a rejeté les prétentions de ce chef de la société [6].
* sur la porte anti-panique
En ce qui concerne le système d'ouverture de la porte anti-panique à l'arrière du bâtiment, l'expert est catégorique sur la cause de ce désordre, indiquant que la dégradation résulte d'un'usage détourné et excessif'par le preneur de cette porte, dont il précise que contrairement à ce qui est soutenu par la société [6], elle 'ne constitue pas une porte à double circulation, mais est une issue de secours', ainsi que 'le prévoient les règlements incendie des établissements recevant du public'.
L'expert explique ainsi que 'dans un ERP de ce type, avec spectacle, il convient de définir un sens de circulation précis permettant d'éviter qu'en cas de panique les personnes utilisant la sortie de secours, qui doit être repérée par un bloc de signalisation autoalimenté, ne se heurtent pas à d'éventuelles personnes souhaitant entrer dans l'établissement'.
Il est à tort prétendu que la reprise d'un tel désordre incombe au bailleur, l'argument de la société [6] tenant à un défaut dans la réalisation de cette porte étant infondé. La cour infirme le jugement sur ce point.
* sur les portes des WC et local de service
En ce qui concerne les serrures des ces portes, l'expert indique avoir constaté que ces portes sont 'des portes habituellement posées en extérieur et non à l'intérieur des locaux intérieurs.' Il explique que 'le système de fermeture est de trois points et la manoeuvre de fermeture consiste à être contraint de relever le bec de canne afin de verrouiller les ergots de fermeture, principe réservé aux portes devant assurer une protection contre les intrusions ou une étanchéité renforcée à l'air. Les conséquences se caractérisent par un usage inadapté rendant difficile et pouvant rendre dangereux l'utilisation des lieux ouverts au public.'.
L'expert impute la responsabilité de ce désordre à l'entreprise ACTB relevant un défaut de conception. C'est à raison que le tribunal a considéré que le bailleur, seul en lien contractuel avec la société ACTB devait supporter le coût de cette reprise.
La SCI [X] justifie avoir réalisé ces travaux (cf facture du 23 avril 2022). Il n'y a plus lieu de prononcer condamnation sur ce point, les désordres ayant été réparés. La cour infirme le jugement sur ce point mais déboute la SCI [X] de sa demande en remboursement de la somme acquittée à ce titre, celle-ci devant demeurer à sa charge.
* sur le chauffage dans la salle de spectacle
L'expert a rappelé que cette salle est décrite dans le bail comme étant ' autre salle de restaurant' et que le bail prévoit une installation de chauffage central pour les locaux loués.
Cette salle est située à l'arrière. Aucune surface de salle n'est mentionnée dans le bail et aucun état des lieux n'a été dressé.
L'expert a constaté la présence de radiateurs raccordés au système de chauffage central dans cette pièce, mais l'insuffisance de ces moyens de chauffage.
Quand bien même cette pièce aurait été 'agrandie' par le preneur, l'accord de la SCI [X] à ces travaux d'amélioration résulte des plans de rénovation signés par elle, suite à l'incendie, dont il n'est pas contesté, s'agissant en particulier de cette salle de restaurant, qu'il porte sur la surface existante au moment du sinistre.
Le bailleur étant tenu à une obligation d'assurer un système de chauffage normal dans les pièces données à bail, conformément à son obligation de délivrance, les premiers juges ont justement mis à la charge de la SCI [X] les travaux relatifs au chauffage dans la salle de spectacle.
La cour constate qu'en exécution du jugement prononçant condamnation de ce chef, la SCI [X] a accepté un devis le 9 février 2022 et que la société Thireau a établi une facture le 31 mars 2022 relative à des travaux de chauffage dans la salle de restaurant.
Il n'est pas démontré par le preneur que ces travaux ne sont pas satisfactoires. Ces travaux étant à ce jour réalisés, la cour infirme le jugement prononçant condamnation de ce chef, une telle mesure étant à ce jour sans objet.
La SCI [X] est déboutée de sa demande formée devant la cour de remboursement de la facture réglée par elle au titre de ces travaux.
- sur les sommes dues par le preneur
Rappelant que le locataire a pu réintégrer les lieux le 15 mai 2015, la SCI [X] convient qu'aucun loyer ne peut être réclamé à la preneuse de juin 2014 à avril 2015. Elle considère que lui sont dus les loyers à compter du mois de mai 2015 et qu'aucune décote en raison de difficulté de circulation dans l'établissement, comme en raison d'une insuffisance de chauffage ne se justifie. De même, elle soutient que les périodes de fermeture administrative ne justifient pas de facto une suspension des loyers, tant au titre d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance ou au titre d'une force majeure, le bailleur n'étant pas responsable de la crise sanitaire qui a affecté tout le tissu économique. Elle rappelle que la jurisprudence exclut également l'application de l'article 1722 du code civil, invoqué à cette fin.
Elle indique que les loyers dus depuis mai 2015 sont de 164 112,02 euros, que la société [6] ne règle pas ses loyers ou règle de manière aléatoire des sommes ne correspondant pas aux loyers dus, que cette dernière n'a réglé qu'une somme totale de 36 522,93 euros. Il s'ensuit, selon elle, que lui reste due une somme de 128 989, 09 euros TTC au 4 juin 2024.
Elle ajoute que plusieurs autres sommes lui sont dues :
- au titre des factures d'eau : 1 110,85 euros,
- au titre de la taxe de devanture 2015 : 41,85 euros,
- au titre des taxes d'ordures ménagères 2014 et 2015 : 908 euros,
- au titre d'une facture Thireau (travaux demandés par le locataire au titre d'un changement de place du bar) : 612,24 euros,
- au titre de la nouvelle chaudière : 7 744,80 euros, celle-ci étant la propriété de la société [6],
- au titre d'une reconnaissance de dette signée par son gérant : 12 783,63 euros.
La société Le Monfleury fait valoir les éléments suivants :
- elle n'est redevable d'aucun loyer du 21 mai 2014 date du sinistre au 1er juin 2015
- l'absence de chauffage dans la salle de spectacle justifie une réfaction du loyer de 50%; en outre, malgré sa prise de possession des lieux le 1er juin 2015, elle n'a pu les exploiter, les travaux n'étant pas terminés, ce qui justifie une réduction supplémentaire du loyer de 30 % ; elle demande donc de dire qu'elle n'est redevable que d'un loyer minoré de 80% du 1er juin 2015 à la date de réalisation des travaux par le bailleur,
- en raison des mesures sanitaires prises dans le cadre de la lutte contre la maladie de Covid 1, elle a du fermer son établissement du 15 mars 2020 au 21 juin 2020 puis du 16 octobre 2020 au 9 juin 2021; il convient de retenir pour ces périodes une exception d'inexécution, étant dans l'impossibilité de jouir de la chose louée conformément à sa destination prévue au bail et donc de suspendre le loyer et les charges durant ces deux périodes ; subsidiairement, elle estime que cette suspension doit être prononcée en raison de la force majeure et très subsidiairement, sur le fondement de la perte de chose louée,
- les sommes réclamées par la SCI [X] sont fantaisistes,
- la SCI [X] est infondée à réclamer à la société [6] des sommes pour lesquelles M. [L] a signé une reconnaissance de dette, à titre personnel et non en qualité de gérant de la société [6],
- en ce qui concerne les charges, elle estime que les factures d'électricité, eau et autres charges pour des dépenses correspondant à la période des travaux et doivent donc être supportées par le bailleur,
- la chaudière ayant été remboursée à la SCI [X] par l'assureur suite à l'incendie, cette dernière n'est pas fondée à en réclamer le remboursement par le preneur,
- au regard des loyers qui ont été payés par elle il apparaît un trop perçu par le bailleur de 34 613,69 euros, dont elle sollicite paiement.
* Sur les loyers
En application de l'article 1728 2° du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
Le bail prévoit un loyer annuel de 14 567 euros HT, payable mensuellement, soit 1 213,91 euros HT majoré de la TVA à 19,6 %, à compter du 1er mars 2014, avec indexation.
Le bailleur a perçu 11 mois de loyers de son assureur (soit 13 354 euros)
soit pour la période juin 2014 à avril 2015. Les parties admettent toutefois que le chantier a duré 12 mois. Les loyers ne sont pas dus pendant les travaux de réparation suite à l'incendie pendant la période durant laquelle les lieux n'ont pu être exploités. La cour approuve le tribunal qui retient que la société [6] ne doit aucun loyer jusqu'en mai 2015 inclus.
* sur les réfactions de loyers
La cour a reconnu l'existence d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance s'agissant de l'insuffisance de chauffage dans la salle de spectacle.
Ce manquement justifie une réfaction du loyer pendant les périodes de chauffe et ce, jusqu'à réalisation des travaux, soit selon ce qui précède à compter d'octobre 2015 à mars 2022.
La cour considère que la décision des premiers juges de procéder à une réfaction de loyers de 50 % du loyer durant trois mois par an correspond à une juste prise en compte de ce préjudice de jouissance, dont il est rappelé qu'il n'affecte pas la totalité des lieux donnés à bail.
Il n'est démontré par aucune pièce probante que l'absence des autres travaux mis à la charge du bailleur portant sur les portes du WC et local de service) jusqu'en 2022 a affecté l'exploitation des locaux. Le tribunal a justement écarté les prétentions tendant à des réfactions de loyer supplémentaires.
* sur la suspension des loyers pendant la crise sanitaire
Au visa de l'article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un ou l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.
S'agissant des périodes de fermetures en 2020 et 2021, si les décisions gouvernementales liées à l'état d'urgence sanitaire ont empêché une exploitation normale des locaux, ces décisions n'ont pas fait cesser leur mise à disposition par le bailleur.
En outre, le bail commercial n'a pas subordonné le paiement des loyers à une occupation particulière ni à un taux de remplissage, ni n'oblige le bailleur à garantir au preneur l'occupation des lieux loués. Le trouble de jouissance résultant de la fermeture administrative des locaux ne résulte que de décisions administratives indépendantes de la volonté du bailleur.
Il ne peut être reproché au bailleur un manquement à son obligation de délivrance à ce titre.
Si la pandémie de Covid-19 est un événement imprévisible, il ne peut être considéré comme un événement irrésistible rendant manifestement impossible toute mesure d'exécution dès lors que l'obligation concernée est de nature pécuniaire et qu'elle est toujours susceptible d'être exécutée, les difficultés d'exécution étant par ailleurs dues non pas à la pandémie mais aux mesures gouvernementales. Aucune force majeure ne peut être retenue.
L'impossibilité d'exploiter s'explique par l'état d'urgence sanitaire qui ne vise que l'activité économique exercée et non pas les locaux, lesquels n'ont pas été affectés par ces mesures en 2020 et 2021. Les mesures de police administrative et notamment l'interdiction de recevoir du public sont sans lien avec la destination contractuelle du bien loué et leurs effets ne peuvent être assimilée à la perte de la chose au sens de l'article 1722 du code civil, précité.
Les moyens soulevés tant en principal qu'à titre subsidiaire, ne peuvent justifier une suspension des loyers durant les périodes du 15 mars 2020 au 21 juin 2020 puis du 16 octobre 2020 au 9 juin 2021.
La cour infirme le jugement qui ordonne la suspension, sur le fondement de la force majeure, des loyers pour la période du 15 mars 2020 au 21 juin 2020, et pour la période du 16 octobre 2020 au 9 juin 2021, dûs par la société [6].
* sur les charges
Le bail prévoit que le preneur devra rembourser au bailleur en sus du loyer l'ensemble des charges afférentes aux locaux loués, le loyer étant net de charges. Il indique expressément que le preneur remboursera au bailleur l'ensemble des impôts et taxes afférents aux locaux loués, notamment la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
En ce qui concerne les charges d'eau et de taxes d'ordures ménagères de l'année 2014, il est rappelé que les locaux n'ont pu être exploités par la preneuse de la date de l'incendie au 1er juin 2015. La société [6] n'a occupé ceux-ci que du 1er mars 2014 au 22 mai 2014.
S'agissant des charges réclamées pour l'année 2014, la facture d'eau produite ne permet pas de déterminer précisément les charges devant être supportées par la preneuse avant l'incendie pendant la période durant laquelle elle a occupé les locaux, étant rappelé qu'elle ne peut être tenue au paiement pour la période postérieure, les frais de remise en état ne lui étant pas imputables. Il en est de même de la taxe d'ordures ménagères. La SCI [X] a été à raison déboutée de sa demande de remboursement d'une somme de 682,15 euros de ces chefs.
La taxe des ordures ménagères n'est due qu'à compter du 1er juin 2015, soit pour 7 mois, il est donc du de ce chef par la société Le Monfleury à la bailleresse, une somme de 456 : 12 x 7 = 266 euros. La cour infirme le jugement qui retient à ce titre une condamnation de 456 euros.
La cour approuve les premiers juges en ce qu'ils mettent à la charge de la preneuse la somme de 41,85 euros au titre d'une taxe municipale de devanture réglée par le bailleur en 2015. Le jugement est confirmé sur ce point.
La facture d'eau de l'année 2015 acquittée par le bailleur porte sur les consommations arrêtées au 15 janvier 2015, à une date à laquelle les travaux de remise en état étaient toujours en cours. La cour estime cette prétention injustifiée et infirme le jugement qui condamne la société [6] à payer à la SCI [X] une somme de 428,70 euros de ce chef et déboute la SCI [X] de cette demande.
La facture de la Sarl Thireau électricité du 20 août 2015 porte sur une 'alimentation pour la nouvelle salle de restaurant'. Ce seul document ne peut permettre à la cour d'affirmer qu'il s'agit là de travaux demandés par le preneur, exclus des travaux de remise en état après incendie. La date de réalisation de ceux-ci n'est pas précisée, et cette facture est peu explicite ; la cour confirme le rejet de cette prétention.
En ce qui concerne le remplacement de la chaudière, la somme réglée à ce titre figure sur une facture de travaux de M. [E] [I] du 12 juin 2015. Le bail prévoit en effet que ' la chaudière de chauffage central faisant partie du matériel du fonds de commerce qui était exploité dans l'immeuble faisant l'objet de la présente location, restera la propriété du preneur et qu'il en aura en conséquence entièrement à sa charge l'entretien, la réparation et le changement de la chaudière éventuellement'.
Toutefois les premiers juges ont avec raison écarté cette demande, en soulignant que la chaudière avait été remplacée car détériorée par l'incendie et que le bailleur avait été indemnisé par son assureur du paiement fait par lui à ce titre, ce qui ne peut être contesté par la SCI [X], dont la cour relève que dans un courrier au preneur, elle indique : ' pour la chaudière, j'ai avancé le paiement de la MAAF [son assureur] de 7 744 euros, pour que la livraison de la cuisine se fasse et que le restaurant fonctionne'. Le rejet de cette prétention est confirmé.
* sur la reconnaissance de dette
La reconnaissance de dette litigieuse est ainsi formulée :
' Je soussigné M. [L] [O] demeurant [Adresse 4] reconnaît être redevable de la somme de 16 183,63 euros correspondant aux loyers impayés par la société Markin arrêté au 28 février 2014. Cette somme sera versée à M. [X] [F] suivant un échéancier conclu entre nos deux parties soit 1 000 euros par mois à compter du 1er avril 2014.'
Il est exactement souligné par le tribunal que cet acte n'engage que M. [L] à titre personnel et non la société [6]. Cet engagement est d'ailleurs pris envers M. [F] [X] et non la SCI [X]. Cette demande est manifestement mal fondée et c'est à raison que les premiers juges ont débouté la SCI [X] de cette demande. La cour confirme ce rejet.
Les montants de loyers suivants avec indexation indiqués par le bailleur ne font l'objet d'aucune contestation :
de mars 2015 à mars 2017 : 1 451,85 euros TTC
de mars 2017 à mars 2020 : 1 476,84 euros TTC
de mars 2020 à juin 2024 : 1 549,61 euros TTC.
Les sommes dues par la société [6] à la SCI [X] au titre des loyers et charges sont donc au 4 juin 2024 :
- loyers du mois de juin 2015 à juin 2024 :
* juin 2015 à mars 2017 : 21 x 1 451,85 = 30 488,85 euros TTC
* avril 2017 à mars 2020 : 36 x 1 476,84 = 53 166,24 euros TTC
* avril 2020 à juin 2024 : 51 x 1 549,61 = 79 030,11 euros TTC
soit un total de 162 685,20 euros TTC, dont à déduire la réfaction de loyers
au titre de l'insuffisance de chauffage pour les années 2015 à 2021, c'est-à-dire :
pour 2015 et 2016 : (1 451,85 : 2) x 3 mois x 2 années = 4 355, 55 euros,
pour 2017 à 2019 : ( 1 476,84 :2) x 3 mois x 3 années = 6 645,78 euros,
pour 2020 et 2021 : ( 1 549,61 : 2) x 3 mois x 2 années = 4 648,83 euros,
soit un total à déduire de 15 650,16 euros, ce qui fait un solde de loyers de 147 035,04 euros TTC,
- taxes d'ordures ménagères 2015 : 266 euros,
- taxe de devanture 2015 : 41,85 euros
soit un total de 147 342,89 euros.
Sur cette somme la bailleresse indique que le locataire a réglé la somme de 36 522,93 euros. Or, l'expert comptable du preneur indique dans une attestation du 23 août 2021 que la société [6] a payé ses loyers du 5 mai 2014 au 12 décembre 2019 pour 62 890,63 euros et a réglé pour la période de juin 2021 à juillet 2021 une somme de 2 800 euros.
La cour arrête en conséquence la somme due par la société [6], déduction de ces versements à la somme de 81 652,26 euros.
Elle infirme, dans un souci de clarté, les condamnations prononcées au titre loyers et charges, entre en voie de condamnation à son encontre pour cette somme et déboute la société [6] de sa demande en paiement au titre d'un trop perçu, lequel est inexistant.
- sur les demandes indemnitaires formées par le preneur
La SCI [X] conteste tout préjudice commercial tel qu'allégué par la preneuse. Elle note que l'intimée se contente d'affirmations sans preuve, effectuant des calculs grossiers, basé sur des spéculations. Elle indique qu'elle peut soit demander une diminution de loyer soit solliciter une indemnité au titre de la perte de marge brute et ce durant les trois mois d'hiver, et constate donc qu'elle sollicite une double indemnisation. Selon elle, cette demande a été justement rejetée par le tribunal.
Elle entend également contester sa condamnation au paiement au titre d'un prétendu préjudice d'image, observant que les motifs fondant cette demande sont les mêmes que ceux invoqués pour son préjudice financier et qu'en tout état de cause, aucune preuve de la réalité d'une quelconque gêne pour les clients n'est rapportée.
La société [6] en réponse, et au terme de son appel incident, soutient avoir subi un préjudice financier en raison du non respect par le bailleur de son obligation de délivrance. Elle sollicite paiement d'une somme de 544 355,50 euros au titre de la perte de son chiffre d'affaires du 22 mai 2014 au 31 juillet 2021, outre une somme de 6 558,50 euros par mois jusqu'à réalisation totale et effective des travaux. À titre subsidiaire, elle demande à la cour de faire droit à cette prétention au titre d'une perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires.
Elle ajoute qu'elle a subit un préjudice d'image, en raison de l'absence de chauffage dans son établissement et des portes cassées dans les toilettes. Elle demande la confirmation de la condamnation prononcée de ce chef en première instance à une somme de 30 000 euros.
Elle formule également une demande indemnitaire, à titre subsidiaire, en cas de rejet de sa demande en paiement au titre d'un trop perçu, et sollicite la condamnation du bailleur au paiement d'une somme de 34 613,69 euros pour non respect de son obligation de délivrance.
Le bailleur peut être amené à réparer les troubles de jouissance causés au preneur.
La société Le Monfleury a obtenu une réfaction du loyer durant les mois d'hiver en raison de l'insuffisance de chauffage que la cour a imputé au bailleur.
Sa prétendue perte de chiffres d'affaires ne repose sur aucun élément pertinent, puisqu'elle s'appuie sur un prévisionnel, qui n'est qu'hypothétique. Ses allégations de perte de la moitié du chiffre d'affaires qu'elle aurait pu générer si elle avait disposé du chauffage dans la salle de spectacles ne sont donc que pures spéculations.
Il en est de même si l'on examine sa demande sous l'angle d'une perte de chance, une telle prétention nécessitant de caractériser une chance perdue réelle et sérieuse de réaliser un chiffre du double de celui qu'elle indique avoir été le sien, ce qu'elle ne démontre pas.
Il est d'ailleurs relevé que l'expert, amené à se prononcer sur ce point, conclut que 's'il y a eu perte de jouissance, elle est sans conséquence économique, précisant ne pouvoir en tout état cause établir une éventuelle perte d'exploitation'.
La cour rappelle que le non respect du bailleur de son obligation de délivrance, du fait de l'absence de chauffage dans la salle de spectacle a été pris en compte dans le cadre d'une réduction partielle de loyers. La société [6] ne peut obtenir double indemnisation de ce chef.
Pas davantage, la société [6] ne rapporte la preuve d'une perte de chiffres d'affaires en raison des désordres affectant la porte des WC.
L'existence d'une perte d'image liée aux désordres imputés au bailleur et au retard pris par ce dernier pour les réparer est affirmée par la société [6] sans élément pour l'établir, et repris d'ailleurs également sans motivation par le tribunal. La cour considère l'ensemble de ces demandes indemnitaires injustifié et rejette celles-ci.
- sur la demande de délais de paiement
La société [6] demande à la cour après compensation des sommes dues de part et d'autre, de lui octroyer un délai de 24 mois pour régler sa dette, conformément à l'article 1343-5 du code civil.
La cour rejette cette demande, à défaut de tout élément permettant de déterminer avec exactitude les capacités de paiement actuelles de la société [6], et ce d'autant qu'elle ne justifie d'aucun paiement à son bailleur depuis trois ans.
- sur la demande de résiliation du bail
La SCI [X] entend obtenir la résiliation du bail,
- à titre principal, par l'effet du commandement de payer délivré le 11 janvier 2016 visant la clause résolutoire, soutenant que les conditions d'une exception d'inexécution ne sont pas remplies,
- à titre subsidiaire, en prononçant celle-ci aux torts exclusifs du preneur en raison du non respect par le preneur de son obligation principale de payer le loyer à bonne date, laquelle constitue une violation grave du contrat,
- à titre encore plus subsidiaire, du fait du non renouvellement du bail par l'effet du congé délivré le 28 juillet 2022.
La société [6] s'oppose à ces demandes, considérant que les circonstances (incendie, manquements du bailleur et crise sanitaire) ne sauraient permettre la résiliation du bail et son expulsion.
* sur le constat de la résiliation du bail
L'article L 145-41 du code de commerce dispose :
Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
La SCI [X] a délivré le 11 janvier 2016 un commandement de payer la somme de 33 454,60 euros. Cet acte renvoie à un décompte qui n'est pas joint.
Le bailleur ne peut pour démontrer la carence du preneur se baser sur les sommes restant dues par lui en juin 2024, le constat de la résiliation du bail nécessitant d'apprécier la défaillance du preneur dans ses obligations au terme du délai de un mois.
Le tribunal, à raison, rejette la demande tendant à constater la résiliation du bail du fait de ce commandement qui visait la clause résolutoire, alors qu'il est établi qu'à la date de cet acte, le bailleur n'avait pas satisfait pleinement à son obligation de délivrance et que la cour a confirmé ainsi le bien fondé d'une réfaction partielle de loyer, en raison de cette inexécution. La cour confirme le jugement sur ce point, rejetant les prétentions de la SCI [X] à ce titre
* sur le prononcé de la résiliation du bail
L'article 1184 du code civil ancien prévoit que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfera pas à son engagement.
Les développements précédents établissent que la société [6] reste devoir au bailleur à la date arrêtée au 4 juin 2024 une somme de
81 652,26 euros, somme conséquente rapportée au montant du loyer annuel (d'environ 15 000 euros).
Elle ne justifie d'aucun paiement depuis 2021, alors que le bailleur s'est exécuté en réalisant, en mars et avril 2022, les travaux que le tribunal avait mis à sa charge.
La crise sanitaire, qui d'ailleurs remonte à 2020 et 2021, loin de constituer un motif de non paiement des loyers au regard de ce qui précède est avancée de mauvaise foi pour expliquer sa carence persistante.
La cour considère que le non respect répété et ancien par le preneur de son obligation de payer les loyers et les charges au bailleur constitue un manquement grave à ses obligations qui justifie pleinement le prononcé de la résiliation du bail.
La demande formée à titre infiniment subsidiaire n'est donc pas examinée par la cour.
- sur les conséquences de la résiliation du bail
Les demandes formées par la SCI [X] à ce titre sont parfaitement fondées et la cour ordonne l'expulsion de la société [6] et de celle de tous occupants de son chef des lieux qu'elle occupe [Adresse 2] à Nantes. Le recours à la force publique sera autorisé et la cour considère n'y avoir lieu à astreinte, la première mesure étant suffisante.
La société [6] est condamnée à payer à la SCI [X] une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail de ce jour, indemnité qui sera égale au montant du dernier loyer impayé, avant la résiliation.
- sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la bailleresse en seule cause d'appel, la cour ayant pour partie confirmé le jugement déféré.
La cour condamne la société [6] à lui payer la somme de 7 000 euros de ce chef au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel et à supporter les dépens de l'instance d'appel. Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- ordonné à la société [X] de faire réaliser les travaux de remise en état
du local commercial donné à bail à la société [6], sis [Adresse 2], sous astreinte non comminatoire de 500 euros/jour de retard, courant à l'issue d'un délai de 2 mois à compter de la signification du présent jugement, à savoir :
* remplacement des serrures des portes des WC et du local de service,
* installation d'un chauffage dans la deuxième salle de restaurant à l'arrière,
* remplacement de la fenêtre de l'étage,
- ordonné la suspension, sur le fondement de la force majeure, des loyers pour la période du 15 mars 2020 au 21 juin 2020, et pour la période du 16 octobre 2020 au 9 juin 2021, dûs par la société [6],
- condamné la société [X] à payer à la société [6] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice d'image commercial et moral,
- condamné la société [6] à payer à la société [X] les sommes suivantes :
* 12 491,74 euros au titre des loyers restant dûs au 31 décembre 2019,
* 4 056,70 euros au titre des loyers restant dûs au 31 juin 2021,
* 428,70 euros au titre du remboursement de la facture d'eau de 2015,
* 41,85 euros, au titre de la taxe de devanture,
* 456 euros, au titre des taxes d'ordures ménagères 2015 ;
- débouté la société [X] de sa demande tendant à prononcer la résiliation du bail liant les parties ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
Constate que la SCI [X] a fait procéder aux travaux de remplacement des serrures des portes des WC et du local service et aux travaux d'installation de chauffage dans la deuxième salle de restaurant ;
Déboute la société [6] de ses demandes de condamnation de la SCI [X] à faire des travaux sous astreinte ;
Déboute la société [6] de sa demande de suspension des loyers pour la période du 15 mars 2020 au 21 juin 2020, et pour la période du 16 octobre 2020 au 9 juin 2021;
Déboute la société [6] de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice d'image ;
Condamne la société Le Monfleury à payer à la SCI [X] la somme de
81 652,26 euros au titre des loyers et charges dus au 4 juin 2024 ;
Déboute la SCI [X] de sa demande de condamnation de la société [6] concernant la facture d'eau 2015 ;
Prononce la résiliation du bail commercial liant la société [X] à la société [6], aux torts exclusifs de cette dernière ;
Ordonne l'expulsion de la société [6] et de tous occupants de son chef des locaux susvisés qu'elle occupe sis [Adresse 2] ;
Autorise le recours à la force publique dans l'hypothèse où la société [6], ou tous occupants de son chef, ne libérerait pas les lieux suite à la délivrance du commandement d'avoir à quitter les lieux ;
Condamne la société [6] à payer à la SCI [X] une indemnité d'occupation à compter de ce jour, prononcé de la résiliation du bail jusqu'à la libération complète des lieux, correspondant au montant du dernier loyer mensuel impayé ;
Y ajoutant,
Condamne la société Le Monfleury à payer à la SCI [X] la somme de 486 euros au titre du remplacement de la fenêtre de l'étage ;
Déboute la société [6] de sa demande en paiement au titre d'un trop perçu de loyers, de sa demande de délais de paiement et de sa demande en paiement au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société [6] à payer à la SCI [X] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [6] aux dépens d'appel.