Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 4, 16 octobre 2024, n° 21/08475
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 16 OCTOBRE 2024
(n° /2024, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08475 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPQE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F 20/00568
APPELANT
Monsieur [M] [V]
[Adresse 4], chez M. [Y] [V]
[Localité 9]
Représenté par Me Benoît PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R260
INTIMES
Maître [R] [S] es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL SUD NORD LOGISTICS
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
S.A.R.L. SUD NORD LOGISTICS-SNL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
SELARL MJC2A, prise en la personne de Maître [N] [D], es qualité de « liquidateur » de la « SARL SUD NORD LOGISTICS »
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST représentée par son Directeur, Monsieur [O] [P]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme GUENIER-LEFEVRE Sophie, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence MARQUES, conseillère, pour la présidente empêchée et par Clara MICHEL, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Sud Nord logistics est spécialisée dans la mise en containers et la manutention non portuaire de tous objets et marchandises.
Elle a engagé M. [M] [V] à temps complet suivant contrat à durée indéterminée en date du 6 mai 2013, en qualité de manutentionnaire, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 831,99 euros.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Par jugement du 7 janvier 2019, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé le redressement judiciaire de la S.A.R.L. Sud Nord logistics, et désigné :
- Mme [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
- La SCP [N] [D], prise en la personne de M. [D], en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier du 24 avril 2019, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 mai 2019, puis au 7 mai suivant, avec mise à pied conservatoire.
Par courrier du 14 mai 2019, M [V] a été licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant notamment des injures et propos diffamants à l'encontre de son supérieur hiérarchique ainsi qu'un comportement inadapté avec ses collègues.
Par acte du 29 mai 2020, M. [V] a assigné la société. Sud Nord logistics, représentée par Mme [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [N] [D], en qualité de mandataire judiciaire, devant le conseil de prud'hommes de Longjumeau aux fins de voir, notamment, dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, et ainsi fixer au passif de son employeur diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle.
Par arrêt du 28 août 2020, la cour d'appel de Paris a arrêté un plan de redressement, et désigné M. [F] [A] en qualité de gérant de la société SNL et Me [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par jugement du 8 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a statué en ces termes :
- prend acte que la SARL Sud Nord logistics au 16 septembre 2020 n'est plus en redressement judiciaire,
- prend acte que Maître [R] [S] est désormais commissaire à l'exécution du plan,
- met hors de cause la SELARL MJC2A, en la personne de Maître [D], mandataire judiciaire,
- dit et juge que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [M] [V] pour faute grave est fondé,
- dit et juge M. [M] [V] est mal fondé en ses demandes (sic),
- déboute M. [M] [V] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute la SARL Sud Nord logistics de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- met les éventuels entiers dépens à la charge de Monsieur [M] [V].
Par déclaration du 7 octobre 2021, M. [V] a interjeté appel de cette décision, intimant la S.A.R.L. Sud Nord logistics, représentée par Mme [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [N] [D], en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 30 octobre 2023, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Sud Nord logistics, et désigné la SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [N] [D], en qualité de mandataire liquidateur.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 avril 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, M. [V] demande à la cour de:
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* (mis) hors de cause la SELARL MJC2A, en la personne de Me [D], mandataire judiciaire;
* dit et jugé que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [V] pour faite grave est fondé ;
* dit et jugé M. [V] est mal fondé en ses demandes ;
* débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;
* débouté la SARL Sud Nord logistics de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* [mis] les éventuels dépens à la charge de M. [V] ;
Statuant à nouveau,
- juger que M. [V] est recevable et bien fondé en ses demandes ;
- juger que le licenciement de M. [V] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
- juger que le plafond prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté ;
En conséquence,
- voir fixer la créance de M. [V] à l'encontre de la société Sud Nord logistics à la somme de 27 479,85 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à titre subsidiaire, à la somme de 12 823,93 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- voir fixer la créance de M. [V] à l'encontre de la société Sud Nord logistics aux sommes suivantes :
* 5 135,11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
* 11 274,88 euros au titre de l'année 2016, outre 1 127,49 euros au titre des congés payés y afférents,
* 17 451,13 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées en 2017, outre 1 745,11 euros au titre des congés payés y afférents,
* 17 611,10 euros au titre de rappel de salaire des heures supplémentaires effectuées en 2018, outre 1 761,11 euros au titre des congés payés y afférents,
* 5 469,23 euros au titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019, outre 546,92 euros au titre des congés payés y afférents,
* 7 403,35 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période allant de mai 2016 à décembre 2016,
* 12 780,96 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période allant de janvier 2017 à décembre 2017,
* 12 161,30 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période allant de janvier 2018 à décembre 2018,
* 2 717,50 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période allant de janvier 2019 à avril 2019,
* 2 000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée maximale hebdomadaire,
* 2 000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée minimale de 11 heures consécutives du repos quotidien,
* 10 991,90 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
* 10 080 euros net à titre de rappel de salaire au titre des retenues en espèce injustifiées,
* 1 296,24 euros brut à titre de rappel de salaire, outre la somme de 129,62 euros brut à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,
* 3 663,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 366,40 euros au titre des congés payés afférents,
* 2 747,99 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire,
- dire que l'AGS devra sa garantie sur les sommes susvisées ;
- débouter la société Sud Nord logistics de l'ensemble de ses demandes ;
- dire que toutes ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de la demande de convocation portée devant le conseil de Prud'hommes de céans et que les intérêts échus des capitaux produisent intérêts selon les dispositions de l'article L. 1343-3 du code civil.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2022, la société Sud Nord logistics, représentée par Mme [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [N] [D], en qualité de mandataire judiciaire, demande à la cour de :
- mettre hors de cause la SELARL MJC2A, en la personne de Me [D], mandataire judiciaire ;
- acter que Me [R] [S] est désormais commissaire à l'exécution du plan ;
A titre principal :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longjumeau du 8 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire, sur le licenciement, en cas d'infirmation du jugement entrepris :
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes relatives au licenciement (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis, rappel de salaire sur mise à pied, congés payés et indemnité légale de licenciement) ;
A titre très subsidiaire, sur le licenciement, en cas d'infirmation du jugement entrepris :
- juger que le licenciement de M. [V] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- limiter les condamnations de la société aux sommes de 3 237,10 euros d'indemnité de préavis, de 323,71 euros de congés payés afférents, et de 1 250,69 euros de mise à pied conservatoire ;
A titre infiniment subsidiaire, sur le licenciement, en cas d'infirmation du jugement entrepris :
- en cas de condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, limiter l'indemnisation de M. [V] au strict minimum de 1,5 mois de salaire, à défaut pour M. [V] de justifier son préjudice ;
A titre subsidiaire, sur les autres demandes, en cas d'infirmation du jugement entrepris :
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes relatives à la durée du travail ;
- débouter M. [V] de sa demande de rappels de salaires au titre de prétendues espèces retenues ;
- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
En tout état de cause :
- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter M. [V] de sa demande de délivrance de documents modifiés ;
- condamner M. [V] à verser à la société Sud Nord logistics la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2024, l'AGS CGEA d'Ile-de-France demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes ;
- dire irrecevables car prescrites les demandes de M. [V] au titre des sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail (indemnités de préavis, de licenciement, de congés payés, indemnité pour licenciement sans cause, indemnité pour travail dissimulé) ;
- dire irrecevables car prescrites les demandes de M. [V] au titre des heures supplémentaires, des congés payés y afférent et des indemnités pour repos compensateur, s'agissant de ses demandes antérieures au 29 mai 2017 ;
- dire inopposables à la procédure collective les demandes de M. [V] au titre des demandes relatives à la rupture du contrat de travail (indemnités de préavis, de licenciement, compensatrice de congés payés, indemnités pour licenciement sans cause et pour travail dissimulé) ;
- renvoyer M. [V] à mieux se pourvoir à l'encontre de la société WTDC s'agissant de ses demandes de rappels d'heures supplémentaires et les demandes y afférentes : congés payés, violation du droit au repos, travail dissimulé, indemnité pour repos compensateurs non pris, indemnités pour absence de droit au repos ;
En conséquence,
- débouter des demandes ci-dessus dirigées à l'encontre de la société Sud Nord logistics, de ses mandataires de justice et avec garantie de l'AGS ;
- dire mal fondé M. [V] en l'ensemble de ses autres demandes ;
Subsidiairement,
- constater que l'AGS s'en rapporte sur le bien-fondé du licenciement aux observations de la société Sud Nord logistics et de ses mandataires de justice ;
A titre infiniment subsidiaire,
- réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause dans le cadre de l'article L1235-3 du code du travail ;
Sur la garantie :
- dire que l'AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-18 et suivants et L 3253-17 du code du travail ;
- limiter la garantie, toutes causes confondues à la somme de 81 048 euros correspondant au plafond 6 en vigueur au jour de la rupture du contrat de travail ;
- dégager l'AGS de toute obligation de garantie des sommes qui viendraient à être fixées au passif de la société Sud Nord logistics à titre de salaires exigibles pendant la période d'observation ;
- constater le caractère très subsidiaire de la garantie, la société Sud Nord logistics ayant bénéficié d'un plan de redressement et étant in bonis ;
- limiter l'éventuelle l'exécution provisoire, à supposer qu'intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail ;
- rappeler que la somme éventuellement due au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'une éventuelle astreinte, qu'elle soit ou non liquidée n'entrent pas dans le champ de la garantie de l'AGS ;
- condamner le demandeur aux entiers dépens.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription :
Sur la prescription des créances salariales :
La société Sud Nord logistics et l'AGS soutiennent que les demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés y afférent et des indemnités pour repos compensateur antérieures au 29 mai 2017 sont irrecevables car prescrites en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, dès lors que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 29 mai 2020.
Conformément à l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour, ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
La prescription de l'action en paiement du salaire court à compter de la date à laquelle ce dernier devient exigible.
Les créances litigieuses ayant une nature salariale, leur prescription est régie par ces dispositions.
En l'espèce, le contrat ayant été rompu le 14 mai 2019, le salarié est recevable à réclamer des sommes correspondantes à des créances devenues exigibles à compter du 14 mai 2016.
Les intimées ne sont donc pas fondées à se prévaloir de la prescription des demandes portant sur une période antérieure au 29 mai 2017, seules se heurtant à la prescription les créances antérieures au 14 mai 2016.
Sur la prescription des demandes portant sur la rupture du contrat de travail :
L'AGS soutient que les demandes au titre des indemnités de préavis, de licenciement, de congés payés, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité pour travail dissimulé étant relatives à la rupture du contrat de travail, elles étaient, en application du délai de prescription d'un an prévu par l'article L. 1471-1 du code du travail, prescrites au moment où l'action a été introduite par le salarié.
M. [V] réplique que ces demandes étaient recevables compte tenu de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, dès lors que les actions qui devaient être prescrites dans la période comprise entre 12 mars et le 23 juin 2020 sont réputées avoir été intentées dans les délais si elles ont été introduites avant le 23 août 2020.
D'une part, en ce qui concerne l'action en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé issue de l'article L. 8223-1 du code du travail, celle-ci n'est pas soumises aux dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail mais à la prescription quinquennale.
D'autre part, selon l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture
Néanmoins, en vertu de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, prise en application de la loi n°2020-290 dite loi d'urgence pour faire face à l'épidémie du covid-19, tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er est réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois, les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
En l'espèce, le contrat ayant été rompu le 14 mai 2019, le délai de prescription annale expirait durant la période prévue par l'ordonnance du 25 mars 2020 et M. [V] était par conséquent, à la date de saisine du conseil de prud'hommes du 29 mai 2020, recevable à réclamer les créances litigieuses. L'AGS n'est donc pas fondée à opposer la prescription.
Sur l'exécution du contrat de travail :
Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [V] soutient avoir effectué un grand nombre d'heures supplémentaires de mai 2016 à avril 2019 en indiquant qu'il travaillait du lundi au vendredi de 6h à 20h avec une heure de pause.
Au soutien de sa demande, le salarié produit notamment :
- un tableau détaillé des heures qu'il estime avoir effectuées pour le compte de la société ;
- un courrier adressé à l'administrateur judiciaire de la société aux termes duquel il indiquait que son employeur lui faisait charger les camions après ses heures de travail sans prise en compte du paiement des heures supplémentaires, ainsi que plusieurs courriers sollicitant le paiement d'heures supplémentaires.
Si l'AGS indique que les prestations relatives au déchargement des véhicules dont se prévaut l'appelant concernait ceux de la société WTDC et que le salarié aurait donc dû diriger ses demandes à l'encontre, il ressort des pièces du dossier que cette société était l'un des clients de son employeur, pour le compte duquel était effectuées ces taches.
L'appelant présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre. Dès lors, il incombe à ce dernier de répliquer utilement en produisant ses propres éléments.
L'employeur, qui conteste devoir une somme au titre d'heures supplémentaires, objecte que les allégations du salarié, dont le contrat de travail mentionne la durée de travail hebdomadaire de 35 heures ainsi que les horaires de travail de M. [V] de 8h30 à 12h30 et de 14h à 17h, sont fluctuantes et incohérentes, et ne prennent pas en compte ses congés et absences. Elle fait valoir que ses bureaux étaient ouverts selon des horaires précis et que l'activation du système d'alarme empêchait l'accès même à l'entreprise en dehors de certains horaires. Elle produit à cet égard un bon d'intervention de la société gérant le système d'alarme ainsi que trois attestations concernant notamment ses horaires d'ouverture, faisant état d'une fermeture tantôt à 17h, tantôt à 17h30 ou à 17/18h.
Au regard de l'ensemble des éléments produits par l'une et l'autre partie, l'existence d'heures supplémentaires est établie, dans une moindre mesure que celle alléguée par le salarié. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement sur ce point, et de fixer le montant de la créance à la somme de 6 790,57 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 14 mai et le 31 décembre 2016 outre 697,05 au titre des congés payés y afférents.
Sur la contrepartie obligatoire en repos :
L'article L.3121-30 du code du travail instaure, au profit du salarié, une contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel.
Celle-ci s'ajoute à la rémunération des heures au taux majoré ou au repos compensateur de remplacement.
L'article D. 3121-23 du même code prévoit que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Selon l'article 12-2 de la convention collective des Transports routiers et activités auxiliaires du transport, le contingent d'heures supplémentaires est fixé à 130 heures.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
Les juges du fond, forment leur conviction au vu des pièces produites et en tenant compte des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent.
Il résulte de l'examen de l'ensemble des pièces produites que le salarié n'a pas été en mesure de solliciter le repos correspondant à un excédent d'heures supplémentaires.
Toutefois, contrairement à ce qu'indique M. [V], la durée de la contrepartie obligatoire en repos s'élève en l'espèce à une part moins importante que celle alléguée.
Au regard des pièces du dossier, il lui sera alloué une somme de 900 euros correspondant à la réparation du préjudice subi, faute d'avoir pu obtenir la contrepartie en repos des heures supplémentaires effectuées et ci-avant évaluées.
Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :
Aux termes du 2° de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.
Il résulte de l'article L. 8223-1 du même code qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours sans s'être soumis aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé en application de l'article L. 8221-5 précité du code du travail, le juge doit rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation, le seul fait de mentionner sur la fiche de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement exécuté ne suffisant pas à caractériser une intention de dissimulation.
En l'espèce, au regard des éléments du dossier, l'intention de dissimulation de l'employeur n'est pas établie. Par suite, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [V] tendant à l'octroi d'une indemnité pour travail dissimulé.
Sur la demande tendant au rappel de salaire au titre de retenues injustifiées :
Si M. [V] soutient que son employeur lui a imposé, depuis 2013, de lui reverser chaque mois une somme de 280 euros en espèce sous peine de licenciement, la seule plainte qu'il produit ne permet pas d'établir la réalité des faits allégués.
Dès lors, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande.
Sur les congés payés :
M. [V] soutient qu'à la date de son licenciement, il n'avait pas pris l'ensemble de ses congés payés et que s'il ressort du bulletin de paie d'avril 2019 qu'il cumulait 34,9 jours de congés payés non pris, il en cumulait en réalité bien plus dès lors qu'en août 2017, alors qu'il n'avait pris un seul jour de congé, la société lui en a soustrait 33,67 jours.
Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. [V] avait pris deux mois de congés en janvier et février 2016, qui n'ont été régularisés qu'en août 2017 et que l'indemnité compensatrice de congés payés qui lui a été versée correspondait à sa créance.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :
En application de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
En cas de licenciement pour faute grave, c'est-à-dire rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, et qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, il appartient à l'employeur qui l'invoque de rapporter la preuve d'une telle faute.
En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants : « (') Vous avez été officiellement convoqué (') pour un entretien fixé au 2 mai 2019 à 9 heures. Vous étiez assisté par Monsieur [K] [G], Conseiller salarié.
Cet entretien avait pour objet de vous faire part des griefs relevés contre vous que nous vous rappelons ci-après, et de recueillir vos observations :
- Le 25 Avril 2019 à 17 heures alors que vous êtes en poste de travail, vous montez au bureau et dans le couloir vous proférez des insultes et injures envers le Gérant de la société.
- Vous tenez des propos diffamants pouvant porter atteinte à l'intégrité et à la réputation de Monsieur [A] : A vite et haute voix, vous le traitez de menteur, de voleur.
- Lorsque Monsieur [A] vous fait rentrer dans le bureau et vous demande de vous calmer vous l'invectivez de plus belle devant deux salariés de la société : le responsable d'équipe, et l'assistante.
- Une mise à pied à titre conservatoire vous a été signifiée le 25 avril 2019, malgré tout vous vous présentez le 26 avril 2019 et lorsque nous vous indiquons que vous n'avez pas à prendre votre travail en raison de la mise à pied, vous menacez de bloquer l'entreprise, vous recommencez à insulter M. [A].
- Nous ferons appel aux forces de l'ordre, Commissariat de Police de [Localité 10], qui vous somment de quitter l'entreprise, et même devant eux vous renouvèlerez vos injures.
Au cours de cet entretien, nous vous invitons à vous exprimer sur les griefs qui vous sont reprochés :
- Vous ne ferez que répéter que Monsieur [F] [A] est un voleur, un menteur, vous irez même jusqu'à nous dire que le bailleur des locaux de [Localité 7] vous a tenu ces mêmes propos.
Monsieur [K] vous conseillera de vous calmer.
- Vous nous informez alors que des jours de congés payés vous ont été enlevés et que c'est Monsieur [A] qui vous les a « volés ».
Vous connaissez le fonctionnement des congés payés dans l'entreprise qui répond aux règles légales en la matière.
Monsieur [K] nous indique qu'il serait bon de rappeler les règles aux salariés et de les inviter à prendre leurs congés.
Monsieur [A] vous invite à porter votre demande d'éclaircissement sur ce point précis auprès de l'ancienne direction puisque lui-même n'est gérant que depuis le 8 Avril 2019.
- Vous indiquez qu'il y a une mauvaise ambiance au sein de l'équipe depuis Janvier 2019. En janvier vous aviez déjà eu un comportement inadapté envers vos collègues. (') ».
M. [V] conteste ces faits, et fait valoir que la lettre de licenciement ne précise pas certaines dates, que les attestations produites par son employeur sont dépourvues de valeur probante et que la cause réelle de son licenciement est liée à la volonté de le réprimer à la suite de sa réclamation adressée à l'administrateur judiciaire le 14 avril 2019.
Il résulte des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail que, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.
En premier lieu, la société soutient que le 12 avril 2019, le salarié a bloqué l'accès à l'entrepôt tout en proférant des menaces et insultes, et que son supérieur hiérarchique a sollicité le concours des forces de l'ordre.
L'employeur produit, au soutien de son argumentation, des attestations établies par M. [C], voisin, les 14 décembre 2020 et 19 janvier 2021 et par M. [E], l'un de ses collègues, le 14 décembre 2020, dont la valeur probante n'est remise en cause par aucun élément du dossier et dont il résulte que ces faits sont établis.
En deuxième lieu, la société soutient que le 24 avril 2019, le salarié a réitéré ses menaces et insultes, ce qui l'a incitée à engager une procédure de licenciement à son encontre.
L'employeur produit, au soutien de son argumentation, des attestations établies par deux salariés, Mme [Z], et M. [E], le 24 avril 2019, dont la valeur probante n'est remise en cause par aucun élément du dossier et dont il résulte que ces faits sont établis.
En troisième lieu, la société soutient que le 26 avril 2019, M. [V] s'est présenté dans les locaux alors qu'il s'était vu notifier une mise à pied à titre conservatoire et s'est de nouveau montré virulent et injurieux à l'encontre de son supérieur hiérarchique, ce que confirme l'attestation établie par M. [E] le 14 décembre 2020.
Ce grief est donc ainsi établi dans sa matérialité.
Ces faits caractérisent une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Dès lors, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de M. [V] tendant à juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que toutes les demandes financières procédant de cette prétention.
Le jugement doit donc être confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l'existence de circonstances brutales et vexatoires :
M. [V] soutient que son licenciement a été particulièrement vexatoire en ce qu'il n'a été motivé que par la volonté de son employeur de l'évincer après avoir alerté l'administrateur judiciaire sur des pratiques qui lui semblaient illégales.
Ces circonstances ne ressortent toutefois pas des pièces du dossier.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur l'inopposabilité à la procédure collective et à l'AGS des demandes relatives à la rupture du contrat de travail et garantie de l'AGS :
L'AGS soutient à titre principal que compte tenu du jugement de redressement judiciaire du 7 janvier 2019, l'administrateur avait la mission d'assurer seul l'administration de l'entreprise et que le dirigeant de l'entreprise n'avait plus le pouvoir d'administrer la société sans le concours de l'administrateur. Elle indique que les conséquences de la procédure de licenciement sont donc inopposables au redressement judiciaire et à l'administrateur, aucune fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire ne pouvant intervenir et la garantie de l'AGS devant dès lors être écartée. Subsidiairement, elle fait valoir que l'arrêt ne pourra lui être rendu opposable que dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail, étant observé que la garantie est subsidiaire, la société ayant bénéficié d'un plan de redressement. Elle indique qu'au surplus, l'ensemble des sommes éventuellement dues pendant la période d'observation à titre de salaires et accessoires de salaires, soit entre le 7 janvier 2019 et le 28 août 2020, date d'arrêté du plan de redressement mettant fin à cette période, seront exclues de la garantie.
M. [V] réplique que l'administratrice judiciaire ne pouvait feindre d'ignorer son licenciement et qu'il l'avait en outre informée des difficultés rencontrées avec le gérant. Il soutient qu'en s'abstenant de s'y opposer, l'administratrice a ratifié tacitement cet acte juridique dont les conséquences sont donc opposables au redressement judiciaire et à l'AGS.
En premier lieu, il résulte des développements qui précèdent que les créances dont bénéficie le salarié ne sont pas relatives à la rupture du contrat de travail mais à son exécution, et concernent en outre des créances salariales nées avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Dès lors, l'AGS ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 621-22 du code de commerce.
En deuxième lieu, en vertu de l'article L622-7 du code du commerce, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture.
En application de l'article L. 622-21 du code de commerce, les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, au régime de la procédure collective.
La société Sud Nord logistics a été placée en redressement judiciaire le 7 janvier 2019.
Les créances de l'appelant ayant pris naissance antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, elles seront fixées au passif de ladite procédure.
En troisième lieu, selon le 1° de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après un plan de redressement, au régime de la procédure collective et la garantie de l'AGS doit intervenir selon les principes énoncés par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.
En conséquence, le présent arrêt est opposable à l'AGS dans les limites légales et réglementaires.
La mise hors de cause de la SELARL MJC2A, en la personne de Maître [D], en qualité de mandataire judiciaire doit en outre être confirmée.
Sur les intérêts :
Par jugement en date du 7 janvier 2019, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé le redressement judiciaire de la société. Le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Lonjumeau en date du 29 mai 2020. L'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux. Dès lors, il n'y a pas lieu à intérêts.
Sur les frais du procès :
Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sud Nord logistics devra assumer la charge des dépens de première instance et d'appel, et d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :
- rejeté les demandes de M. [M] [V] au titre des heures supplémentaires et de réparation du préjudice subi du fait de l'absence de contrepartie en repos ;
- condamné M. [M] [V] aux dépens et rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
FIXE les créances de M. [M] [V] au passif de la procédure collective de la société Sud Nord logistics aux sommes suivantes:
- 6 790,57 euros au titre des heures supplémentaires outre 697,05 au titre des congés payés y afférents,
- 900 euros en réparation du préjudice subi faute de contrepartie en repos des heures supplémentaires effectuées,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
FIXE au passif de la société Sud Nord logistics la créance résultant de la charge des dépens de première instance et d'appel ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS qui devra sa garantie dans les conditions légales ;
REJETTE le surplus des demandes.
La greffière P/ La présidente empêchée
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 16 OCTOBRE 2024
(n° /2024, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08475 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPQE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F 20/00568
APPELANT
Monsieur [M] [V]
[Adresse 4], chez M. [Y] [V]
[Localité 9]
Représenté par Me Benoît PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R260
INTIMES
Maître [R] [S] es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL SUD NORD LOGISTICS
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
S.A.R.L. SUD NORD LOGISTICS-SNL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
SELARL MJC2A, prise en la personne de Maître [N] [D], es qualité de « liquidateur » de la « SARL SUD NORD LOGISTICS »
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST représentée par son Directeur, Monsieur [O] [P]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme GUENIER-LEFEVRE Sophie, présidente de chambre
Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice
Mme MARQUES Florence, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence MARQUES, conseillère, pour la présidente empêchée et par Clara MICHEL, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Sud Nord logistics est spécialisée dans la mise en containers et la manutention non portuaire de tous objets et marchandises.
Elle a engagé M. [M] [V] à temps complet suivant contrat à durée indéterminée en date du 6 mai 2013, en qualité de manutentionnaire, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 831,99 euros.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Par jugement du 7 janvier 2019, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé le redressement judiciaire de la S.A.R.L. Sud Nord logistics, et désigné :
- Mme [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
- La SCP [N] [D], prise en la personne de M. [D], en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier du 24 avril 2019, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 mai 2019, puis au 7 mai suivant, avec mise à pied conservatoire.
Par courrier du 14 mai 2019, M [V] a été licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant notamment des injures et propos diffamants à l'encontre de son supérieur hiérarchique ainsi qu'un comportement inadapté avec ses collègues.
Par acte du 29 mai 2020, M. [V] a assigné la société. Sud Nord logistics, représentée par Mme [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [N] [D], en qualité de mandataire judiciaire, devant le conseil de prud'hommes de Longjumeau aux fins de voir, notamment, dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, et ainsi fixer au passif de son employeur diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle.
Par arrêt du 28 août 2020, la cour d'appel de Paris a arrêté un plan de redressement, et désigné M. [F] [A] en qualité de gérant de la société SNL et Me [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par jugement du 8 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a statué en ces termes :
- prend acte que la SARL Sud Nord logistics au 16 septembre 2020 n'est plus en redressement judiciaire,
- prend acte que Maître [R] [S] est désormais commissaire à l'exécution du plan,
- met hors de cause la SELARL MJC2A, en la personne de Maître [D], mandataire judiciaire,
- dit et juge que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [M] [V] pour faute grave est fondé,
- dit et juge M. [M] [V] est mal fondé en ses demandes (sic),
- déboute M. [M] [V] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute la SARL Sud Nord logistics de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- met les éventuels entiers dépens à la charge de Monsieur [M] [V].
Par déclaration du 7 octobre 2021, M. [V] a interjeté appel de cette décision, intimant la S.A.R.L. Sud Nord logistics, représentée par Mme [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [N] [D], en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 30 octobre 2023, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Sud Nord logistics, et désigné la SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [N] [D], en qualité de mandataire liquidateur.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 avril 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, M. [V] demande à la cour de:
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* (mis) hors de cause la SELARL MJC2A, en la personne de Me [D], mandataire judiciaire;
* dit et jugé que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [V] pour faite grave est fondé ;
* dit et jugé M. [V] est mal fondé en ses demandes ;
* débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;
* débouté la SARL Sud Nord logistics de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* [mis] les éventuels dépens à la charge de M. [V] ;
Statuant à nouveau,
- juger que M. [V] est recevable et bien fondé en ses demandes ;
- juger que le licenciement de M. [V] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
- juger que le plafond prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté ;
En conséquence,
- voir fixer la créance de M. [V] à l'encontre de la société Sud Nord logistics à la somme de 27 479,85 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à titre subsidiaire, à la somme de 12 823,93 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- voir fixer la créance de M. [V] à l'encontre de la société Sud Nord logistics aux sommes suivantes :
* 5 135,11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
* 11 274,88 euros au titre de l'année 2016, outre 1 127,49 euros au titre des congés payés y afférents,
* 17 451,13 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées en 2017, outre 1 745,11 euros au titre des congés payés y afférents,
* 17 611,10 euros au titre de rappel de salaire des heures supplémentaires effectuées en 2018, outre 1 761,11 euros au titre des congés payés y afférents,
* 5 469,23 euros au titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019, outre 546,92 euros au titre des congés payés y afférents,
* 7 403,35 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période allant de mai 2016 à décembre 2016,
* 12 780,96 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période allant de janvier 2017 à décembre 2017,
* 12 161,30 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période allant de janvier 2018 à décembre 2018,
* 2 717,50 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période allant de janvier 2019 à avril 2019,
* 2 000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée maximale hebdomadaire,
* 2 000 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée minimale de 11 heures consécutives du repos quotidien,
* 10 991,90 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
* 10 080 euros net à titre de rappel de salaire au titre des retenues en espèce injustifiées,
* 1 296,24 euros brut à titre de rappel de salaire, outre la somme de 129,62 euros brut à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,
* 3 663,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 366,40 euros au titre des congés payés afférents,
* 2 747,99 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire,
- dire que l'AGS devra sa garantie sur les sommes susvisées ;
- débouter la société Sud Nord logistics de l'ensemble de ses demandes ;
- dire que toutes ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de la demande de convocation portée devant le conseil de Prud'hommes de céans et que les intérêts échus des capitaux produisent intérêts selon les dispositions de l'article L. 1343-3 du code civil.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2022, la société Sud Nord logistics, représentée par Mme [R] [S] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la SELARL MJC2A, prise en la personne de M. [N] [D], en qualité de mandataire judiciaire, demande à la cour de :
- mettre hors de cause la SELARL MJC2A, en la personne de Me [D], mandataire judiciaire ;
- acter que Me [R] [S] est désormais commissaire à l'exécution du plan ;
A titre principal :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longjumeau du 8 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire, sur le licenciement, en cas d'infirmation du jugement entrepris :
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes relatives au licenciement (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis, rappel de salaire sur mise à pied, congés payés et indemnité légale de licenciement) ;
A titre très subsidiaire, sur le licenciement, en cas d'infirmation du jugement entrepris :
- juger que le licenciement de M. [V] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- limiter les condamnations de la société aux sommes de 3 237,10 euros d'indemnité de préavis, de 323,71 euros de congés payés afférents, et de 1 250,69 euros de mise à pied conservatoire ;
A titre infiniment subsidiaire, sur le licenciement, en cas d'infirmation du jugement entrepris :
- en cas de condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, limiter l'indemnisation de M. [V] au strict minimum de 1,5 mois de salaire, à défaut pour M. [V] de justifier son préjudice ;
A titre subsidiaire, sur les autres demandes, en cas d'infirmation du jugement entrepris :
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes relatives à la durée du travail ;
- débouter M. [V] de sa demande de rappels de salaires au titre de prétendues espèces retenues ;
- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
En tout état de cause :
- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter M. [V] de sa demande de délivrance de documents modifiés ;
- condamner M. [V] à verser à la société Sud Nord logistics la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2024, l'AGS CGEA d'Ile-de-France demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes ;
- dire irrecevables car prescrites les demandes de M. [V] au titre des sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail (indemnités de préavis, de licenciement, de congés payés, indemnité pour licenciement sans cause, indemnité pour travail dissimulé) ;
- dire irrecevables car prescrites les demandes de M. [V] au titre des heures supplémentaires, des congés payés y afférent et des indemnités pour repos compensateur, s'agissant de ses demandes antérieures au 29 mai 2017 ;
- dire inopposables à la procédure collective les demandes de M. [V] au titre des demandes relatives à la rupture du contrat de travail (indemnités de préavis, de licenciement, compensatrice de congés payés, indemnités pour licenciement sans cause et pour travail dissimulé) ;
- renvoyer M. [V] à mieux se pourvoir à l'encontre de la société WTDC s'agissant de ses demandes de rappels d'heures supplémentaires et les demandes y afférentes : congés payés, violation du droit au repos, travail dissimulé, indemnité pour repos compensateurs non pris, indemnités pour absence de droit au repos ;
En conséquence,
- débouter des demandes ci-dessus dirigées à l'encontre de la société Sud Nord logistics, de ses mandataires de justice et avec garantie de l'AGS ;
- dire mal fondé M. [V] en l'ensemble de ses autres demandes ;
Subsidiairement,
- constater que l'AGS s'en rapporte sur le bien-fondé du licenciement aux observations de la société Sud Nord logistics et de ses mandataires de justice ;
A titre infiniment subsidiaire,
- réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause dans le cadre de l'article L1235-3 du code du travail ;
Sur la garantie :
- dire que l'AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-18 et suivants et L 3253-17 du code du travail ;
- limiter la garantie, toutes causes confondues à la somme de 81 048 euros correspondant au plafond 6 en vigueur au jour de la rupture du contrat de travail ;
- dégager l'AGS de toute obligation de garantie des sommes qui viendraient à être fixées au passif de la société Sud Nord logistics à titre de salaires exigibles pendant la période d'observation ;
- constater le caractère très subsidiaire de la garantie, la société Sud Nord logistics ayant bénéficié d'un plan de redressement et étant in bonis ;
- limiter l'éventuelle l'exécution provisoire, à supposer qu'intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail ;
- rappeler que la somme éventuellement due au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'une éventuelle astreinte, qu'elle soit ou non liquidée n'entrent pas dans le champ de la garantie de l'AGS ;
- condamner le demandeur aux entiers dépens.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription :
Sur la prescription des créances salariales :
La société Sud Nord logistics et l'AGS soutiennent que les demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés y afférent et des indemnités pour repos compensateur antérieures au 29 mai 2017 sont irrecevables car prescrites en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, dès lors que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 29 mai 2020.
Conformément à l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour, ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
La prescription de l'action en paiement du salaire court à compter de la date à laquelle ce dernier devient exigible.
Les créances litigieuses ayant une nature salariale, leur prescription est régie par ces dispositions.
En l'espèce, le contrat ayant été rompu le 14 mai 2019, le salarié est recevable à réclamer des sommes correspondantes à des créances devenues exigibles à compter du 14 mai 2016.
Les intimées ne sont donc pas fondées à se prévaloir de la prescription des demandes portant sur une période antérieure au 29 mai 2017, seules se heurtant à la prescription les créances antérieures au 14 mai 2016.
Sur la prescription des demandes portant sur la rupture du contrat de travail :
L'AGS soutient que les demandes au titre des indemnités de préavis, de licenciement, de congés payés, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité pour travail dissimulé étant relatives à la rupture du contrat de travail, elles étaient, en application du délai de prescription d'un an prévu par l'article L. 1471-1 du code du travail, prescrites au moment où l'action a été introduite par le salarié.
M. [V] réplique que ces demandes étaient recevables compte tenu de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, dès lors que les actions qui devaient être prescrites dans la période comprise entre 12 mars et le 23 juin 2020 sont réputées avoir été intentées dans les délais si elles ont été introduites avant le 23 août 2020.
D'une part, en ce qui concerne l'action en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé issue de l'article L. 8223-1 du code du travail, celle-ci n'est pas soumises aux dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail mais à la prescription quinquennale.
D'autre part, selon l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture
Néanmoins, en vertu de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, prise en application de la loi n°2020-290 dite loi d'urgence pour faire face à l'épidémie du covid-19, tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er est réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois, les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
En l'espèce, le contrat ayant été rompu le 14 mai 2019, le délai de prescription annale expirait durant la période prévue par l'ordonnance du 25 mars 2020 et M. [V] était par conséquent, à la date de saisine du conseil de prud'hommes du 29 mai 2020, recevable à réclamer les créances litigieuses. L'AGS n'est donc pas fondée à opposer la prescription.
Sur l'exécution du contrat de travail :
Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [V] soutient avoir effectué un grand nombre d'heures supplémentaires de mai 2016 à avril 2019 en indiquant qu'il travaillait du lundi au vendredi de 6h à 20h avec une heure de pause.
Au soutien de sa demande, le salarié produit notamment :
- un tableau détaillé des heures qu'il estime avoir effectuées pour le compte de la société ;
- un courrier adressé à l'administrateur judiciaire de la société aux termes duquel il indiquait que son employeur lui faisait charger les camions après ses heures de travail sans prise en compte du paiement des heures supplémentaires, ainsi que plusieurs courriers sollicitant le paiement d'heures supplémentaires.
Si l'AGS indique que les prestations relatives au déchargement des véhicules dont se prévaut l'appelant concernait ceux de la société WTDC et que le salarié aurait donc dû diriger ses demandes à l'encontre, il ressort des pièces du dossier que cette société était l'un des clients de son employeur, pour le compte duquel était effectuées ces taches.
L'appelant présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre. Dès lors, il incombe à ce dernier de répliquer utilement en produisant ses propres éléments.
L'employeur, qui conteste devoir une somme au titre d'heures supplémentaires, objecte que les allégations du salarié, dont le contrat de travail mentionne la durée de travail hebdomadaire de 35 heures ainsi que les horaires de travail de M. [V] de 8h30 à 12h30 et de 14h à 17h, sont fluctuantes et incohérentes, et ne prennent pas en compte ses congés et absences. Elle fait valoir que ses bureaux étaient ouverts selon des horaires précis et que l'activation du système d'alarme empêchait l'accès même à l'entreprise en dehors de certains horaires. Elle produit à cet égard un bon d'intervention de la société gérant le système d'alarme ainsi que trois attestations concernant notamment ses horaires d'ouverture, faisant état d'une fermeture tantôt à 17h, tantôt à 17h30 ou à 17/18h.
Au regard de l'ensemble des éléments produits par l'une et l'autre partie, l'existence d'heures supplémentaires est établie, dans une moindre mesure que celle alléguée par le salarié. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement sur ce point, et de fixer le montant de la créance à la somme de 6 790,57 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 14 mai et le 31 décembre 2016 outre 697,05 au titre des congés payés y afférents.
Sur la contrepartie obligatoire en repos :
L'article L.3121-30 du code du travail instaure, au profit du salarié, une contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel.
Celle-ci s'ajoute à la rémunération des heures au taux majoré ou au repos compensateur de remplacement.
L'article D. 3121-23 du même code prévoit que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Selon l'article 12-2 de la convention collective des Transports routiers et activités auxiliaires du transport, le contingent d'heures supplémentaires est fixé à 130 heures.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
Les juges du fond, forment leur conviction au vu des pièces produites et en tenant compte des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent.
Il résulte de l'examen de l'ensemble des pièces produites que le salarié n'a pas été en mesure de solliciter le repos correspondant à un excédent d'heures supplémentaires.
Toutefois, contrairement à ce qu'indique M. [V], la durée de la contrepartie obligatoire en repos s'élève en l'espèce à une part moins importante que celle alléguée.
Au regard des pièces du dossier, il lui sera alloué une somme de 900 euros correspondant à la réparation du préjudice subi, faute d'avoir pu obtenir la contrepartie en repos des heures supplémentaires effectuées et ci-avant évaluées.
Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :
Aux termes du 2° de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.
Il résulte de l'article L. 8223-1 du même code qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours sans s'être soumis aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé en application de l'article L. 8221-5 précité du code du travail, le juge doit rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation, le seul fait de mentionner sur la fiche de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement exécuté ne suffisant pas à caractériser une intention de dissimulation.
En l'espèce, au regard des éléments du dossier, l'intention de dissimulation de l'employeur n'est pas établie. Par suite, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [V] tendant à l'octroi d'une indemnité pour travail dissimulé.
Sur la demande tendant au rappel de salaire au titre de retenues injustifiées :
Si M. [V] soutient que son employeur lui a imposé, depuis 2013, de lui reverser chaque mois une somme de 280 euros en espèce sous peine de licenciement, la seule plainte qu'il produit ne permet pas d'établir la réalité des faits allégués.
Dès lors, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté cette demande.
Sur les congés payés :
M. [V] soutient qu'à la date de son licenciement, il n'avait pas pris l'ensemble de ses congés payés et que s'il ressort du bulletin de paie d'avril 2019 qu'il cumulait 34,9 jours de congés payés non pris, il en cumulait en réalité bien plus dès lors qu'en août 2017, alors qu'il n'avait pris un seul jour de congé, la société lui en a soustrait 33,67 jours.
Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. [V] avait pris deux mois de congés en janvier et février 2016, qui n'ont été régularisés qu'en août 2017 et que l'indemnité compensatrice de congés payés qui lui a été versée correspondait à sa créance.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :
En application de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
En cas de licenciement pour faute grave, c'est-à-dire rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, et qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, il appartient à l'employeur qui l'invoque de rapporter la preuve d'une telle faute.
En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants : « (') Vous avez été officiellement convoqué (') pour un entretien fixé au 2 mai 2019 à 9 heures. Vous étiez assisté par Monsieur [K] [G], Conseiller salarié.
Cet entretien avait pour objet de vous faire part des griefs relevés contre vous que nous vous rappelons ci-après, et de recueillir vos observations :
- Le 25 Avril 2019 à 17 heures alors que vous êtes en poste de travail, vous montez au bureau et dans le couloir vous proférez des insultes et injures envers le Gérant de la société.
- Vous tenez des propos diffamants pouvant porter atteinte à l'intégrité et à la réputation de Monsieur [A] : A vite et haute voix, vous le traitez de menteur, de voleur.
- Lorsque Monsieur [A] vous fait rentrer dans le bureau et vous demande de vous calmer vous l'invectivez de plus belle devant deux salariés de la société : le responsable d'équipe, et l'assistante.
- Une mise à pied à titre conservatoire vous a été signifiée le 25 avril 2019, malgré tout vous vous présentez le 26 avril 2019 et lorsque nous vous indiquons que vous n'avez pas à prendre votre travail en raison de la mise à pied, vous menacez de bloquer l'entreprise, vous recommencez à insulter M. [A].
- Nous ferons appel aux forces de l'ordre, Commissariat de Police de [Localité 10], qui vous somment de quitter l'entreprise, et même devant eux vous renouvèlerez vos injures.
Au cours de cet entretien, nous vous invitons à vous exprimer sur les griefs qui vous sont reprochés :
- Vous ne ferez que répéter que Monsieur [F] [A] est un voleur, un menteur, vous irez même jusqu'à nous dire que le bailleur des locaux de [Localité 7] vous a tenu ces mêmes propos.
Monsieur [K] vous conseillera de vous calmer.
- Vous nous informez alors que des jours de congés payés vous ont été enlevés et que c'est Monsieur [A] qui vous les a « volés ».
Vous connaissez le fonctionnement des congés payés dans l'entreprise qui répond aux règles légales en la matière.
Monsieur [K] nous indique qu'il serait bon de rappeler les règles aux salariés et de les inviter à prendre leurs congés.
Monsieur [A] vous invite à porter votre demande d'éclaircissement sur ce point précis auprès de l'ancienne direction puisque lui-même n'est gérant que depuis le 8 Avril 2019.
- Vous indiquez qu'il y a une mauvaise ambiance au sein de l'équipe depuis Janvier 2019. En janvier vous aviez déjà eu un comportement inadapté envers vos collègues. (') ».
M. [V] conteste ces faits, et fait valoir que la lettre de licenciement ne précise pas certaines dates, que les attestations produites par son employeur sont dépourvues de valeur probante et que la cause réelle de son licenciement est liée à la volonté de le réprimer à la suite de sa réclamation adressée à l'administrateur judiciaire le 14 avril 2019.
Il résulte des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail que, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.
En premier lieu, la société soutient que le 12 avril 2019, le salarié a bloqué l'accès à l'entrepôt tout en proférant des menaces et insultes, et que son supérieur hiérarchique a sollicité le concours des forces de l'ordre.
L'employeur produit, au soutien de son argumentation, des attestations établies par M. [C], voisin, les 14 décembre 2020 et 19 janvier 2021 et par M. [E], l'un de ses collègues, le 14 décembre 2020, dont la valeur probante n'est remise en cause par aucun élément du dossier et dont il résulte que ces faits sont établis.
En deuxième lieu, la société soutient que le 24 avril 2019, le salarié a réitéré ses menaces et insultes, ce qui l'a incitée à engager une procédure de licenciement à son encontre.
L'employeur produit, au soutien de son argumentation, des attestations établies par deux salariés, Mme [Z], et M. [E], le 24 avril 2019, dont la valeur probante n'est remise en cause par aucun élément du dossier et dont il résulte que ces faits sont établis.
En troisième lieu, la société soutient que le 26 avril 2019, M. [V] s'est présenté dans les locaux alors qu'il s'était vu notifier une mise à pied à titre conservatoire et s'est de nouveau montré virulent et injurieux à l'encontre de son supérieur hiérarchique, ce que confirme l'attestation établie par M. [E] le 14 décembre 2020.
Ce grief est donc ainsi établi dans sa matérialité.
Ces faits caractérisent une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Dès lors, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de M. [V] tendant à juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que toutes les demandes financières procédant de cette prétention.
Le jugement doit donc être confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l'existence de circonstances brutales et vexatoires :
M. [V] soutient que son licenciement a été particulièrement vexatoire en ce qu'il n'a été motivé que par la volonté de son employeur de l'évincer après avoir alerté l'administrateur judiciaire sur des pratiques qui lui semblaient illégales.
Ces circonstances ne ressortent toutefois pas des pièces du dossier.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur l'inopposabilité à la procédure collective et à l'AGS des demandes relatives à la rupture du contrat de travail et garantie de l'AGS :
L'AGS soutient à titre principal que compte tenu du jugement de redressement judiciaire du 7 janvier 2019, l'administrateur avait la mission d'assurer seul l'administration de l'entreprise et que le dirigeant de l'entreprise n'avait plus le pouvoir d'administrer la société sans le concours de l'administrateur. Elle indique que les conséquences de la procédure de licenciement sont donc inopposables au redressement judiciaire et à l'administrateur, aucune fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire ne pouvant intervenir et la garantie de l'AGS devant dès lors être écartée. Subsidiairement, elle fait valoir que l'arrêt ne pourra lui être rendu opposable que dans les limites prévues par l'article L. 3253-8 du code du travail, étant observé que la garantie est subsidiaire, la société ayant bénéficié d'un plan de redressement. Elle indique qu'au surplus, l'ensemble des sommes éventuellement dues pendant la période d'observation à titre de salaires et accessoires de salaires, soit entre le 7 janvier 2019 et le 28 août 2020, date d'arrêté du plan de redressement mettant fin à cette période, seront exclues de la garantie.
M. [V] réplique que l'administratrice judiciaire ne pouvait feindre d'ignorer son licenciement et qu'il l'avait en outre informée des difficultés rencontrées avec le gérant. Il soutient qu'en s'abstenant de s'y opposer, l'administratrice a ratifié tacitement cet acte juridique dont les conséquences sont donc opposables au redressement judiciaire et à l'AGS.
En premier lieu, il résulte des développements qui précèdent que les créances dont bénéficie le salarié ne sont pas relatives à la rupture du contrat de travail mais à son exécution, et concernent en outre des créances salariales nées avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Dès lors, l'AGS ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 621-22 du code de commerce.
En deuxième lieu, en vertu de l'article L622-7 du code du commerce, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture.
En application de l'article L. 622-21 du code de commerce, les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, au régime de la procédure collective.
La société Sud Nord logistics a été placée en redressement judiciaire le 7 janvier 2019.
Les créances de l'appelant ayant pris naissance antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, elles seront fixées au passif de ladite procédure.
En troisième lieu, selon le 1° de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après un plan de redressement, au régime de la procédure collective et la garantie de l'AGS doit intervenir selon les principes énoncés par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.
En conséquence, le présent arrêt est opposable à l'AGS dans les limites légales et réglementaires.
La mise hors de cause de la SELARL MJC2A, en la personne de Maître [D], en qualité de mandataire judiciaire doit en outre être confirmée.
Sur les intérêts :
Par jugement en date du 7 janvier 2019, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé le redressement judiciaire de la société. Le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Lonjumeau en date du 29 mai 2020. L'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux. Dès lors, il n'y a pas lieu à intérêts.
Sur les frais du procès :
Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sud Nord logistics devra assumer la charge des dépens de première instance et d'appel, et d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :
- rejeté les demandes de M. [M] [V] au titre des heures supplémentaires et de réparation du préjudice subi du fait de l'absence de contrepartie en repos ;
- condamné M. [M] [V] aux dépens et rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
FIXE les créances de M. [M] [V] au passif de la procédure collective de la société Sud Nord logistics aux sommes suivantes:
- 6 790,57 euros au titre des heures supplémentaires outre 697,05 au titre des congés payés y afférents,
- 900 euros en réparation du préjudice subi faute de contrepartie en repos des heures supplémentaires effectuées,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
FIXE au passif de la société Sud Nord logistics la créance résultant de la charge des dépens de première instance et d'appel ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS qui devra sa garantie dans les conditions légales ;
REJETTE le surplus des demandes.
La greffière P/ La présidente empêchée