Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 16 octobre 2024, n° 24/03281
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 24/03281 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMXE6
SAS MIA AUTOMOBILE
C/
[T] [C]
S.A.S. TOYOTA FRANCE
Société CGI FINANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Alain LUCIANI
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 11 Mars 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023004578.
APPELANTE
La S.A.S. MIA AUTOMOBILE,
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 7]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Nathalie BARBIER de la SELARL SAJEF AVOCATS, avocat au barreau de TOULON, substituée par Me Olivier TOURNU, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIMES
Monsieur [T] [C]
né le 23 Août 1990 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, assisté de Me Alain LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
La S.A.S. TOYOTA FRANCE,
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Joseph VOGEL de la SELAS VOGEL & VOGEL, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Virginie OZIOL, avocat au barreau de PARIS, plaidant
La SA CGI FINANCE SA,
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 2]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Juillet 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elodie BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024.
ARRÊT
Réputée contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et M. Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Le 29 novembre 2019 M. [T] [C] a signé un contrat de location avec option d'achat pour un véhicule de marque Toyota commandé auprès de la société MIA Automobiles.
Le 26 août 2020, alors que M. [T] [C] circulait sur l'autoroute, le véhicule est tombé en panne. Il a été transporté auprès de la société MIA Automobiles au titre de la garantie, et un véhicule de prêt a été mis à la disposition de M. [T] [C].
Par courrier du 20 octobre 2020 la société MIA Automobiles a refusé la restitution du véhicule et sa garantie constructeur au regard de la panne intervenue également sur le véhicule de prêt, imputant les dysfonctionnements à la nature du carburant employé par M. [T] [C].
Chaque partie a fait établir un rapport d'expertise amiable.
Le 12 mai 2021 M. [T] [C] a saisi le juge des référés de Fréjus afin d'obtenir, à titre principal, la restitution du véhicule et le paiement d'indemnités provisionnelles à valoir sur la perte de son chiffre d'affaires et sur les loyers. Subsidiairement, il a sollicité la désignation d'un expert et la suspension du paiement des loyers dus à CGI Finance.
Par ordonnance du 27 septembre 2021 le juge des référés a fait droit aux demandes subsidiaires de M. [T] [C] en suspendant le paiement des loyers entre les mains de la société CGI Finance et a désigné M. [G] [W] afin d'établir l'origine des dysfonctionnements des deux véhicules.
L'expert a déposé son rapport le 19 juin 2023.
Saisi par la société MIA Automobiles d'une demande d'extension de la mission de l'expert, le juge des expertises s'est déclaré incompétent de sorte que la société a saisi à nouveau le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus.
Par ordonnance en date du 11 mars 2024 le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus a, visant les dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile :
dit n'y avoir lieu à référé,
renvoyé au fond devant le tribunal de commerce de céans à l'audience publique de contentieux du 25 mars 2024 à 14h30,
condamné la société MIA Automobiles au paiement de la somme de 2 000 euros à verser à M. [T] [C] et 1 000 euros pour la société Toyota France en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société MIA Automobiles aux dépens
-------
La société MIA Automobiles a interjeté appel de l'ordonnance par acte du 14 mars 2024.
-------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 03 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société MIA Automobiles (Sas) demande à la cour de :
Juger la Société MIA Automobiles recevable et bien fondée en son appel,
Vu les articles 4, 5 et 455 du Code de procédure civile,
Vu les pièces produites aux débats,
Vu la Jurisprudence,
Juger que le premier Juge n'a pas répondu aux prétentions et conclusions de la Société MIA Automobiles,
Juger que le premier Juge a modifié l'objet du litige et a appliqué l'article 873-1 du Code de procédure civile en méconnaissance des conditions requises, hors toute urgence et surtout alors qu'elle n'était pas demandée par les parties,
En conséquence,
Annuler l'Ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Fréjus du 11 mars 2024.
A défaut,
Infirmer l'Ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Fréjus du 11 mars 2024 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Juger recevable et bien fondée la demande de ré-enrôlement de la Société MIA Automobiles,
Débouter Monsieur [T] [C] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société MIA Automobiles.
' Sur l'extension de la mission de l'expert :
Juger que l'extension de la mission de l'expert ' telle qu'ordonnée par le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Fréjus dans son Ordonnance du 21 septembre 2021 - au véhicule propriété de MIA Automobiles - incluait nécessairement, sauf à rendre cette extension sans portée ni effet, le chiffrage du préjudice subi par MIA Automobiles au titre dudit véhicule gravement endommagé par Monsieur [C],
A défaut, si la Cour devait estimer que l'interprétation de Monsieur l'Expert Judiciaire était correcte et que l'Ordonnance du 21 septembre 2021 n'impliquait pas nécessairement de chiffrer également le préjudice de MIA Automobiles, il lui est demandé de :
Vu l'article 245 du Code de procédure civile,
Ordonner un complément d'expertise destiné à compléter/préciser la mission telle que rédigée par le Juge des référés dans son Ordonnance du 21 septembre 2021.
En conséquence, Ordonner à l'Expert la mission complémentaire suivante :
- Dire si le véhicule de la Société MIA Automobiles est propre ou impropre à sa destination à ce jour ;
- Décrire avec précision les désordres, leur origine / cause et les travaux propres à y remédier, en évaluer le coût et la durée ;
- Dresser plus généralement l'inventaire chiffré des préjudices subis par la SAS MIA Automobiles s'agissant notamment, outre le coût des réparations précitées, des coûts de démontage dudit véhicule pour expertise, de la décote dudit véhicule qui devra être estimée à l'issue de la remise en état du véhicule, et des frais de gardiennage du véhicule de Monsieur [C] depuis la mise en demeure qui lui a été faite de faire réparer son véhicule ou de le faire enlever jusqu'à la date du 26 septembre 2023.
' Sur les conclusions de l'expert et les demandes de provisions corrélatives
Juger que, aux termes d'un rapport technique motivé et particulièrement complet, l'Expert [W] désigné par le Juge des référés conclut, comme le précédent expert amiable avant lui, à l'utilisation d'un carburant non conforme comme unique origine des deux casses moteur (véhicule de Monsieur [C] et véhicule de MIA Automobiles prêté à Monsieur [C]),
Juger en conséquence que la responsabilité tant du constructeur que du concessionnaire (MIA Automobiles) doit être écartée dans ces deux sinistres,
Juger que Monsieur [C], par l'utilisation d'un carburant non conforme (ce qu'il avait dument reconnu avant de se rétracter), est seul responsable de la panne de son véhicule, mais encore et surtout de la panne du véhicule de prêt propriété de MIA Automobiles,
Dès lors,
Vu l'article 835 du Code de procédure civile,
Il est demandé à la Cour statuant en appel de référé, à titre provisionnel, de :
Condamner Monsieur [T] [C], au titre des frais de gardiennage de son véhicule personnel au paiement, à titre provisionnel, de la somme de :
- 27.372,62 euros TTC (frais calculés du 26 septembre 2020 au 26 septembre 2023 soit 1.095
jours à actualiser) = 1.095 jours x 25 €.
Assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2020, date de réception de la première mise en demeure par Monsieur [C],
Condamner Monsieur [C], au titre des réparations effectuées par MIA Automobiles sur son véhicule personnel, selon la facture du 12 novembre 2020, à payer à cette dernière, à titre provisionnel, la somme de 5.933,78 € TTC.
' Sur l'exercice par la MIA Automobiles de son droit de rétention sur le véhicule personnel de M. [T] [C]
Vu les articles 1948 et 2286 du Code civil,
Vu l'article 1961 du Code civil,
Juger légitime le droit de rétention exercé par MIA sur le véhicule personnel de Monsieur [C],
Juger que MIA pourra exercer ce droit de rétention et conserver le véhicule personnel de Monsieur [C] jusqu'au complet paiement des sommes à lui devoir par celui-ci,
A titre subsidiaire,
Juger que Monsieur [C] est une entreprise individuelle sans capital social, sans aucune garantie et qui ne peut justifier d'aucun bilan,
Juger qu'il existe un risque très élevé d'organisation d'insolvabilité de Monsieur [C] et, corrélativement, que MIA ne puisse jamais être indemnisée de ses nombreux préjudices, ce qui justifie de plus fort la demande de séquestre à titre de garantie légitime.
En conséquence,
Désigner tel séquestre qu'il conviendra à la Cour,
Ordonner la conservation du véhicule de Monsieur [C] immatriculé [Immatriculation 4] aux fins de garantie du paiement des sommes à devoir à MIA Automobiles,
' A titre subsidiaire sur l'appel en garantie de la société Toyota France,
Juger que Monsieur [C] fait plaider le vice caché ou le défaut de conformité,
Juger que si par extraordinaire son action devait prospérer, ces griefs relèvent de la responsabilité du constructeur en l'état d'un véhicule vendu neuf,
Condamner dès lors la Société Toyota France à relever et garantir la Société MIA Automobiles de toutes condamnations, de quelque nature qu'elles soient, vis-à-vis de Monsieur [C], qui seraient prononcées à son encontre.
' En tout état de cause,
Condamner tous succombants à payer la somme de 3.000 € à la Société MIA Automobiles au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner tous succombants aux entiers dépens en ceux compris ceux de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj , sur son offre de droit, conformément à l'Article 699 du CPC.
Au soutien de son appel, la société MIA Automobiles fait valoir que :
le juge n'a pas répondu à ses prétentions et conclusions, et notamment à la plus importante, celle portant sur l'extension de la mission de l'expert ; par ailleurs, il a modifié l'objet du litige en ordonnant le renvoi au juge du fond alors qu'aucune des parties ne l'avait sollicité et en visant l'urgence alors qu'elle n'était pas démontrée,
la motivation du premier juge est contredite par les éléments du dossier ; elle sollicite une interprétation de la mission confiée à l'expert et à défaut une extension de sa mission afin d'y inclure notamment le chiffrage des préjudices qu'elle a subis du fait de la panne du véhicule de prêt dès lors qu'il ressort des expertises que l'origine de la panne ressort de l'utilisation d'un carburant pollué,
au regard des conclusions de l'expert ses demandes provisionnelles au titre des frais de gardiennage et des travaux effectués sur le véhicule de M. [T] [C] sont justifiées compte-tenu des préjudices subis,
elle est bien-fondée à faire valoir son droit de rétention sur le véhicule de M. [T] [C] et subsidiairement un séquestre au regard des sommes qui lui sont dues, et du risque d'insolvabilité de ce dernier
-------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 02 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [T] [C] demande à la cour de :
Vu l'ordonnance de référé en date du 11 mars 2024
Vu les articles L 217-4 et s du Code de la consommation
Vu les articles 1231-1 et 1641 à 1649 du Code civil
Vu les dispositions des article 872 et 873 du Code de procédure civile
' Recevoir Monsieur [T] [C] en ses conclusions d'intimé valant appel incident et le déclare bien fondé ;
En l'état de la procédure au fond pendante devant le Tribunal de commerce de Fréjus,
' Juger l'appel de MIA Automobiles non fondé
' Débouter la société MIA Automobiles et la société Toyota France de leurs demandes tendant à l'annulation de l'ordonnance de référé du 11 mars 2024 en ce que le juge n'aurait pas répondu à ses prétentions et conclusions, aurait modifié l'objet du litige et aurait contrevenu aux dispositions de l'article 873-1 du Code de Procédure Civile ;
' Confirmer l'ordonnance de référé en date du 11 mars 2024 en ce qu'elle a débouté la société MIA Automobiles, outre celles formées par Toyota France de l'ensemble de leurs demandes principales et accessoires jugeant qu'il n'y avait pas lieu à référé ;
' Recevoir Monsieur [C] en son appel incident
' Infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a débouté Monsieur [C] de ses demandes;
Et statuant à nouveau :
' Condamner la SAS MIA Automobiles à restituer à Monsieur [T] [C] son véhicule réparé, propre à sa destination, sans frais pour lui de quelques natures qu'ils soient, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'Arrêt à venir et passé ce délai sous une astreinte de 300 € par jour de retard ;
' Condamner la SAS MIA Automobiles à régler à Monsieur [T] [C]
- La somme provisionnelle de 30.000 € correspondant à sa perte de chiffre d'affaires pour les seuls mois de septembre à décembre 2020.
- La somme provisionnelle de 2.970 € correspondant aux loyers (sept 2020 / mai 2021) réglés au crédit bailleur alors même que le véhicule était inutilisable ;
- La somme provisionnelle de 2.715 € sauf à parfaire correspondant aux frais d'assurances réglés par Monsieur [C], réclamés par CGI FINANCE qui avait annulé le contrat dans un premier temps puis a reconsidéré sa position.
- La somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation de son préjudice moral ;
' Débouter MIA Automobiles et Toyota France de l'ensemble de leurs moyens et appel incident en appel ;
' Condamner MIA Automobiles et Toyota France à verser à Monsieur [C] la somme de 7.000 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, compris les dépens et notamment les frais de l'expertise judiciaire (8.300 €) assumés pat Monsieur [C], les dépens d'appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, Avocats associés aux offres de droit.
Subsidiairement, si la Cour devait juger que le véhicule de Monsieur [C] devait rester dans les entrepôts de MIA Automobiles :
' Recevoir Monsieur [C] en sa demande de voir suspendre les échéances mensuelles dues à CGI Finance au titre du contrat de crédit bail ;
' Juger que dans l'hypothèse où l'exécution forcée des condamnations, prononcées à l'encontre de la SAS MIA Automobiles dans l'Arrêt à intervenir, devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenues en application de l'article A 444-32 du Code de commerce devra être supporté par la SAS MIA Automobiles.
M. [T] [C] fait valoir en réponse que :
la décision du juge des référés de renvoyer au juge du fond va dans le sens d'une bonne administration de la justice et rend l'appel de la société MIA Automobiles infondé au regard de l'instance en cours,
la société MIA Automobiles demande à la juridiction d'interpréter la mission de l'expert après deux années, et après avoir omis de solliciter l'évaluation de son préjudice,
la société MIA Automobiles est mal fondée à lui réclamer des frais de gardiennage alors qu'elle s'est opposée à la restitution du véhicule et que l'ordonnance du juge des référés s'y est également opposée, l'empêchant de récupérer son véhicule,
la société MIA Automobiles ne peut davantage lui réclamer les frais de réparation de son véhicule dès lors qu'elle a pris elle-même l'initiative de changer la pompe à injection dans la cadre de la garantie constructeur sans validation de sa part,
l'origine des dysfonctionnements des véhicules ne lui est pas imputable et reste inexpliquée à ce jour de sorte que la société MIA Automobiles ne peut se prévaloir d'un droit de rétention ou d'un séquestre ; il bénéficie pour sa part de diverses garanties au titre du véhicule et en demande la restitution
-------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 17 mai 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Toyota France (Sas) demande à la cour de :
Vu le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [W],
Vu les conditions générales de garantie constructeur,
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu l'article 1315 du code civil,
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
- juger que la société Toyota France s'en rapporte à l'appréciation de la cour s'agissant des demandes de condamnations formées par la société MIA Automobiles à l'encontre de M. [T] [C],
- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Fréjus le 22.03.2024 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé,
- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Fréjus le 22.03.2024 en ce qu'elle n'a pas statué sur la demande de complément d'expertise laquelle implique nécessairement toutes les parties à la procédure,
Et partant, statuant à nouveau :
- juger que les deux véhicules Toyota Hilux ont été sinistrés par un carburant pollué, ce qui constitue une cause extérieure au véhicule,
- juger que l'évidence est démontrée par les conclusions techniques du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [W] confirmant les conclusions des experts amiables,
- prononcer la mise hors de cause de la société Toyota France,
S'agissant uniquement de la question du chiffrage de la remise en état du véhicule de la société MIA Automobiles :
- ordonner un complément d'expertise judiciaire à la mission confiée par le tribunal de commerce de Fréjus par ordonnance rendue le 27.09.2021 et inviter l'expert judiciaire, Monsieur [W], à chiffrer le coût de la remise en état et à la route du véhicule appartenant à la société MIA Automobiles,
En tout état de cause,
- juger que M. [T] [C] ne rapporte pas la preuve d'un défaut de fabrication ou d'un défaut matière portant sur le véhicule Toyota Hilux NG 2.4 D-4Dx châssis AHTHB3CC102023668 objet d'une 1ère mise en circulation le 16 décembre 2019 pris en location,
- juger que les conditions d'application de la garantie constructeur ne sont pas réunies,
- juger que M. [T] [C] ne rapporte pas la preuve d'un vice caché de nature à mobiliser la garantie légale des vices cachés à l'encontre des maillons de la chaîne des ventes du véhicule Toyota Hilux NG 2.4 D-4Dx châssis AHTHB3CC102023668 objet d'une 1ère mise en circulation le 16 décembre 2019 pris en location par ses soins,
- juger que M. [T] [C] n'est pas recevable à bénéficier des dispositions du code de la consommation,
- juger que M. [T] [C] ne démontre pas que le véhicule Toyota Hilux NG 2.4 D-4Dx châssis AHTHB3CC102023668 objet d'une 1ère mise en circulation le 16 décembre 2019 serait atteint d'un défaut de conformité de nature à mobiliser une quelconque garantie légale ou conventionnelle,
- débouter M. [T] [C] de toutes ses demandes,
- juger l'appel en garantie de la société MIA Automobiles irrecevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile,
- débouter toute partie de toute demande formée à l'encontre de la société Toyota France,
- condamner M. [T] [C] au paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj sur son offre de droit
-------
La société CGI Finance, à laquelle ont été signifiées la déclaration d'appel le 27 mars 2024 et les conclusions de la partie appelante le 29 avril 2024, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS
Sur la nullité du jugement :
Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
Conformément à l'article 458 du même code, ce qui est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile alinéa 1er doit être observé à peine de nullité.
Par ailleurs, en application des articles 4 et 5 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé, l'objet du litige étant déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'elles résultent de l'acte introductif d'instance et des conclusions postérieures.
En l'espèce, alors qu'il était saisi d'une demande principale d'interprétation ou à défaut d'extension de l'expertise ordonnée le 27 septembre 2021, le juge des référés n'a pas répondu à ce chef de demande, renvoyant de sa propre initiative les parties au fond alors qu'il lui appartenait, a minima, de motiver sa décision sur ce point, lequel faisait débat au regard des termes de la mission donnée à l'expert.
Par ailleurs, il résulte de l'article 873-1 du code de procédure civile qu' « à la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie » le juge des référés peut renvoyer l'affaire pour qu'il soit statué au fond.
Or, il n'est contesté par aucune des parties que le renvoi de l'affaire au fond n'a pas été sollicité, de sorte que le juge des référés ne pouvait opérer un tel renvoi.
Dès lors, c'est à tort que le premier juge, a renvoyé les parties au fond sans statuer sur la demande principale qui lui était soumise.
En conséquence, considérant que le premier juge n'a pas motivé sa décision sur les prétentions qui lui étaient soumises, opérant une appréciation sur le fond des conclusions des experts, ce qui ne relevait pas de sa compétence, il y a lieu d'annuler l'ordonnance déférée, et d'évoquer les points qui lui étaient soumis.
Sur la demande d'interprétation et d'extension de la mesure d'expertise :
Aux termes de l'article 236 du code de procédure civile, le juge qui a commis le technicien ou le juge chargé du contrôle peut accroître ou restreindre la mission confiée au technicien.
Par ailleurs, conformément à l'article 245 du code de procédure civile, le juge peut toujours inviter le technicien à compléter, préciser ou expliquer, soit par écrit, soit à l'audience, ses constatations ou conclusions.
Il en résulte qu'en l'espèce, tant le juge des expertises initialement saisi, que le juge des référés, étaient compétents à l'effet de statuer sur la demande de la société MIA Automobiles sollicitant l'interprétation des termes de l'ordonnance du 27 septembre 2021, laquelle avait donné, à titre préliminaire, mission à l'expert « d'examiner les deux véhicules ayant connu les pannes sous la conduite de Monsieur [T] [C], à savoir le véhicule qu'il a acquis immatriculé [Immatriculation 4] et celui mis à disposition immatriculé [Immatriculation 5] ».
En effet, la société MIA Automobiles soulevait les ambiguïtés contenues à la mission de l'expert quant à la teneur des opérations qui lui étaient confiées, certains chefs de mission semblant se limiter au seul véhicule personnel de M. [T] [C], à l'exclusion du véhicule de prêt.
Statuant à nouveau, la cour observe qu'après avoir donné à l'expert pour mission d'examiner les deux véhicules concernés par les dysfonctionnements, l'ordonnance rendue le 27 septembre 2021 a limité certaines constatations au seul véhicule personnel de M. [T] [C], alors que cette limitation n'est justifiée par aucun élément du dossier et pas davantage par le chef de mission rappelé précédemment.
Comme le fait observer la société Toyota, cette omission relève manifestement d'une erreur de plume et aurait pu être rectifiée dès l'origine par le juge en charge des expertises.
Au demeurant, l'expert s'est conformé à l'expertise et a précisé l'état actuel du véhicule de M. [T] [C], le coût et la durée des travaux nécessaires à sa remise en conformité mais n'a pas précisé ces éléments s'agissant du véhicule de prêt (pièce 15 de la société MIA Automobiles, points 7 et 8 page 45 de l'expertise).
Dès lors, la mission de l'expert doit être complétée en ce sens que l'expert sera également tenu des opérations suivantes :
« - Dire si le véhicule prêté à M. [T] [C] est propre ou impropre à sa destination à ce jour,
- Décrire avec précision les travaux propres à y remédier, en évaluer le coût et la durée,
- du tout dresser un rapport »
En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux chefs de mission complémentaires sollicités par la société MIA Automobiles, le surplus de ses préjudices ne nécessitant pas le recours à un expert.
En outre, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Toyota à ce stade de la procédure, sa présence étant nécessaire à la poursuite des opérations d'expertise et aux débats au fond compte-tenu des mises en cause effectuées par M. [T] [C] concernant certaines pièces des véhicules de la marque. Au demeurant, seul le juge du fond a compétence pour statuer sur les conséquences juridiques qui seront déduites des conclusions de l'expert judiciaire à l'égard des différentes parties au litige.
Enfin, la demande de la société la société MIA Automobiles tendant à être relevée et garantie par la société Toyota est irrecevable en ce qu'elle est nouvelle en appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile conformément aux conclusions en ce sens de la société Toyota.
Sur les demandes indemnitaires :
Aux termes de l'ordonnance rendue le 11 mars 2024 le juge des référés était saisi par ailleurs de demandes complémentaires en indemnisation.
Ainsi, la société MIA Automobiles a sollicité l'octroi de la somme provisionnelle de 27 372,62 euros au titre des frais de gardiennage outre la somme de 5 933,78 euros TTC au titre des réparations effectuées par elle sur son véhicule personnel selon facture du 12 novembre 2020.
M. [T] [C], quant à lui, a sollicité le paiement des sommes provisionnelles de 30000 euros au titre de sa perte de chiffre d'affaires, 2 970 euros au titre des loyers réglés au crédit-bailleur, et 2 715 euros correspondant aux frais d'assurance. Il sollicite également en appel la somme de 15 000 euros pour l'indemnisation de son préjudice moral.
Sur ce, étant rappelé qu'une ordonnance de référé ne peut être rapportée qu'en présence d'un élément nouveau, il résulte en outre des articles 872 et 873 du code de procédure civile que tant le juge des référés que la cour statuant en sa formation des référés, n'ont compétence pour accorder une provision dès lors qu'une contestation sérieuse oppose les parties.
En outre, si, même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut être amené à statuer, ce n'est que dans l'hypothèse d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, outre le fait que l'expertise doit être complétée au regard de ce qui précède, il apparaît que les parties sont en désaccord sur l'origine des pannes survenues aux deux véhicules et que l'octroi d'indemnités, fût-ce à titre provisionnel, suppose d'ores et déjà une appréciation de l'imputabilité des dysfonctionnements et une appréciation des préjudices subis, appréciations qui ne relèvent pas du juge des référés, juge de l'évidence.
Par ailleurs, les parties ne soutiennent pas qu'il convient de prévenir un dommage imminent ni de mettre fin à un trouble manifestement illicite.
En conséquence, même à supposer que ces demandent revêtent un caractère nouveau eu égard aux conclusions de l'expert judiciaire, il n'y a pas lieu à référé s'agissant de demandes indemnitaires, ces demandes relevant de la seule appréciation du juge du fond.
Sur les demandes au titre du droit de rétention et du séquestre :
Aux termes de l'article 1948 du code civil le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt. Pour autant, l'article 1948 n'autorise la rétention que pour ce qui est dû en vertu du dépôt et que si la créance est certaine.
En l'espèce, les sommes sollicitées par la société MIA Automobiles ne peuvent être considérées comme étant la conséquence du dépôt de son véhicule par M. [T] [C] au sein de l'établissement de la société dès lors que celui-ci a déposé son véhicule dans le cadre de ce qu'il croyait être la mise en 'uvre de la garantie due par le vendeur et non dans le cadre des développements judiciaires donnés aux pannes ayant affecté les deux véhicules.
Par ailleurs, la créance dont se prévaut la société MIA Automobiles, en ce qu'elle suppose qu'il soit au préalable statué sur l'origine des pannes et leur imputabilité, ne peut être considérée d'ores et déjà comme une créance certaine.
Si l'expert judiciaire a pu énoncer des conclusions sur l'origine des deux pannes, il n'en demeure pas moins que ces hypothèses sont contestées par M. [T] [C] et qu'elles restent soumises à un débat contradictoire au fond.
En outre, au visa de l'article 1961 du code civil le juge peut ordonner le séquestre des meubles saisis sur un débiteur, d'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes, et des choses qu'un débiteur offre pour sa libération.
Dès lors, il n'y a pas davantage lieu à séquestre dès lors que la demande de la société MIA Automobiles ne se rattache à aucune des hypothèses prévues par ledit texte, et que le caractère d'urgence qu'implique l'intervention du juge des référés en application des articles 872 et 873 du code de procédure civile, n'est pas établi.
En conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes provisoires en rétention et en séquestre du véhicule Toyota de M. [T] [C]
Sur les demande en restitution du véhicule et en suspension des échéances des loyers par M. [T] [C] :
En application de l'article 873 du même code, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, M. [T] [C] sollicite à nouveau la restitution du véhicule faisant l'objet d'une location avec option d'achat.
Nonobstant l'achèvement de la mission de l'expert sur le véhicule personnel de M. [T] [C], qui constitue un élément nouveau depuis la première ordonnance rendue le 27 septembre 2021, il n'y a pas lieu à restitution dès lors que d'une part, celui-ci sollicite la restitution assortie d'une obligation pour la société MIA Automobiles d'effectuer les travaux de réparation, travaux dont l'imputabilité est par principe contestée par la société MIA Automobiles, celle-ci estimant que la panne est due à l'utilisation d'un carburant altéré dont la responsabilité incombe à M. [T] [C].
D'autre part, contrairement au moyen d'urgence soulevé d'office par le premier juge, M. [T] [C] ne fait pas état dans ses conclusions d'une urgence à récupérer son véhicule notamment pour des impératifs professionnels. Dès lors, aucun dommage imminent tenant notamment à la situation de péril dans laquelle pourrait se trouver l'entreprise de jardinage de M. [T] [C] ne peut justifier la restitution du véhicule en l'état, celui-ci ayant par ailleurs indiqué disposer d'un autre véhicule professionnel.
En conséquence, la demande en restitution du véhicule assortie de l'exécution des travaux sous astreinte doit être rejetée.
En revanche, étant relevé que la suspension du paiement des loyers entre les mains de la société CGI a été ordonnée par le juge des référés le 27 septembre 2021 mais uniquement jusqu'à la « présentation du rapport d'expertise » et que le second juge des référés n'a pas statué sur la demande nouvelle de prorogation, il y a lieu de dire que les paiements sont suspendus jusqu'à ce qu'il soit statué au fond devant le tribunal de commerce et à compter du dépôt du rapport d'expertise le 19 juin 2023.
Sur les frais et dépens :
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile l'équité commande de juger que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens considérant les motifs ayant conduit la cour à statuer.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Annule l'ordonnance rendue le 11 mars 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus,
Statuant à nouveau,
Sur l'expertise :
Dit que la mission de l'expert, désigné par ordonnance du 27 septembre 2021 par la même juridiction, doit être complétée en ce sens que l'expert sera également tenu des opérations suivantes :
« - Dire si le véhicule prêté à M. [T] [C] est propre ou impropre à sa destination à ce jour,
- Décrire avec précision les travaux propres à y remédier, en évaluer le coût et la durée,
- du tout dresser un rapport »
Déboute la société MIA Automobiles du surplus de ses demandes au titre de l'expertise judiciaire,
Sur les demandes indemnitaires :
Dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes provisionnelles formées par la société MIA Automobiles et M. [T] [C],
Sur les demandes au titre du véhicule de M. [T] [C] :
Déboute la société MIA Automobiles de ses demandes de rétention et de séquestre du véhicule personnel de M. [T] [C],
Déboute M. [T] [C] de sa demande de restitution du véhicule assortie de l'exécution de travaux sous astreinte,
Proroge en revanche la suspension du paiement des loyers dus à la société CGI Finance par M. [T] [C] à compter du dépôt du rapport d'expertise le 19 juin 2023 et jusqu'à ce qu'il soit statué au fond devant le tribunal de commerce,
Sur les demandes accessoires :
Déboute la société Toyota de sa demande tendant à être mise hors de cause,
Dit irrecevable la demande de la société MIA Automobiles tendant à être relevée et garantie par la société Toyota,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens, de première instance et d'appel.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2024
N° 2024/
Rôle N° RG 24/03281 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMXE6
SAS MIA AUTOMOBILE
C/
[T] [C]
S.A.S. TOYOTA FRANCE
Société CGI FINANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Alain LUCIANI
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 11 Mars 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023004578.
APPELANTE
La S.A.S. MIA AUTOMOBILE,
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 7]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Nathalie BARBIER de la SELARL SAJEF AVOCATS, avocat au barreau de TOULON, substituée par Me Olivier TOURNU, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIMES
Monsieur [T] [C]
né le 23 Août 1990 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, assisté de Me Alain LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
La S.A.S. TOYOTA FRANCE,
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Joseph VOGEL de la SELAS VOGEL & VOGEL, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Virginie OZIOL, avocat au barreau de PARIS, plaidant
La SA CGI FINANCE SA,
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 2]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Juillet 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elodie BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024.
ARRÊT
Réputée contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et M. Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Le 29 novembre 2019 M. [T] [C] a signé un contrat de location avec option d'achat pour un véhicule de marque Toyota commandé auprès de la société MIA Automobiles.
Le 26 août 2020, alors que M. [T] [C] circulait sur l'autoroute, le véhicule est tombé en panne. Il a été transporté auprès de la société MIA Automobiles au titre de la garantie, et un véhicule de prêt a été mis à la disposition de M. [T] [C].
Par courrier du 20 octobre 2020 la société MIA Automobiles a refusé la restitution du véhicule et sa garantie constructeur au regard de la panne intervenue également sur le véhicule de prêt, imputant les dysfonctionnements à la nature du carburant employé par M. [T] [C].
Chaque partie a fait établir un rapport d'expertise amiable.
Le 12 mai 2021 M. [T] [C] a saisi le juge des référés de Fréjus afin d'obtenir, à titre principal, la restitution du véhicule et le paiement d'indemnités provisionnelles à valoir sur la perte de son chiffre d'affaires et sur les loyers. Subsidiairement, il a sollicité la désignation d'un expert et la suspension du paiement des loyers dus à CGI Finance.
Par ordonnance du 27 septembre 2021 le juge des référés a fait droit aux demandes subsidiaires de M. [T] [C] en suspendant le paiement des loyers entre les mains de la société CGI Finance et a désigné M. [G] [W] afin d'établir l'origine des dysfonctionnements des deux véhicules.
L'expert a déposé son rapport le 19 juin 2023.
Saisi par la société MIA Automobiles d'une demande d'extension de la mission de l'expert, le juge des expertises s'est déclaré incompétent de sorte que la société a saisi à nouveau le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus.
Par ordonnance en date du 11 mars 2024 le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus a, visant les dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile :
dit n'y avoir lieu à référé,
renvoyé au fond devant le tribunal de commerce de céans à l'audience publique de contentieux du 25 mars 2024 à 14h30,
condamné la société MIA Automobiles au paiement de la somme de 2 000 euros à verser à M. [T] [C] et 1 000 euros pour la société Toyota France en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société MIA Automobiles aux dépens
-------
La société MIA Automobiles a interjeté appel de l'ordonnance par acte du 14 mars 2024.
-------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 03 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société MIA Automobiles (Sas) demande à la cour de :
Juger la Société MIA Automobiles recevable et bien fondée en son appel,
Vu les articles 4, 5 et 455 du Code de procédure civile,
Vu les pièces produites aux débats,
Vu la Jurisprudence,
Juger que le premier Juge n'a pas répondu aux prétentions et conclusions de la Société MIA Automobiles,
Juger que le premier Juge a modifié l'objet du litige et a appliqué l'article 873-1 du Code de procédure civile en méconnaissance des conditions requises, hors toute urgence et surtout alors qu'elle n'était pas demandée par les parties,
En conséquence,
Annuler l'Ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Fréjus du 11 mars 2024.
A défaut,
Infirmer l'Ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Fréjus du 11 mars 2024 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Juger recevable et bien fondée la demande de ré-enrôlement de la Société MIA Automobiles,
Débouter Monsieur [T] [C] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société MIA Automobiles.
' Sur l'extension de la mission de l'expert :
Juger que l'extension de la mission de l'expert ' telle qu'ordonnée par le Juge des référés du Tribunal de Commerce de Fréjus dans son Ordonnance du 21 septembre 2021 - au véhicule propriété de MIA Automobiles - incluait nécessairement, sauf à rendre cette extension sans portée ni effet, le chiffrage du préjudice subi par MIA Automobiles au titre dudit véhicule gravement endommagé par Monsieur [C],
A défaut, si la Cour devait estimer que l'interprétation de Monsieur l'Expert Judiciaire était correcte et que l'Ordonnance du 21 septembre 2021 n'impliquait pas nécessairement de chiffrer également le préjudice de MIA Automobiles, il lui est demandé de :
Vu l'article 245 du Code de procédure civile,
Ordonner un complément d'expertise destiné à compléter/préciser la mission telle que rédigée par le Juge des référés dans son Ordonnance du 21 septembre 2021.
En conséquence, Ordonner à l'Expert la mission complémentaire suivante :
- Dire si le véhicule de la Société MIA Automobiles est propre ou impropre à sa destination à ce jour ;
- Décrire avec précision les désordres, leur origine / cause et les travaux propres à y remédier, en évaluer le coût et la durée ;
- Dresser plus généralement l'inventaire chiffré des préjudices subis par la SAS MIA Automobiles s'agissant notamment, outre le coût des réparations précitées, des coûts de démontage dudit véhicule pour expertise, de la décote dudit véhicule qui devra être estimée à l'issue de la remise en état du véhicule, et des frais de gardiennage du véhicule de Monsieur [C] depuis la mise en demeure qui lui a été faite de faire réparer son véhicule ou de le faire enlever jusqu'à la date du 26 septembre 2023.
' Sur les conclusions de l'expert et les demandes de provisions corrélatives
Juger que, aux termes d'un rapport technique motivé et particulièrement complet, l'Expert [W] désigné par le Juge des référés conclut, comme le précédent expert amiable avant lui, à l'utilisation d'un carburant non conforme comme unique origine des deux casses moteur (véhicule de Monsieur [C] et véhicule de MIA Automobiles prêté à Monsieur [C]),
Juger en conséquence que la responsabilité tant du constructeur que du concessionnaire (MIA Automobiles) doit être écartée dans ces deux sinistres,
Juger que Monsieur [C], par l'utilisation d'un carburant non conforme (ce qu'il avait dument reconnu avant de se rétracter), est seul responsable de la panne de son véhicule, mais encore et surtout de la panne du véhicule de prêt propriété de MIA Automobiles,
Dès lors,
Vu l'article 835 du Code de procédure civile,
Il est demandé à la Cour statuant en appel de référé, à titre provisionnel, de :
Condamner Monsieur [T] [C], au titre des frais de gardiennage de son véhicule personnel au paiement, à titre provisionnel, de la somme de :
- 27.372,62 euros TTC (frais calculés du 26 septembre 2020 au 26 septembre 2023 soit 1.095
jours à actualiser) = 1.095 jours x 25 €.
Assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2020, date de réception de la première mise en demeure par Monsieur [C],
Condamner Monsieur [C], au titre des réparations effectuées par MIA Automobiles sur son véhicule personnel, selon la facture du 12 novembre 2020, à payer à cette dernière, à titre provisionnel, la somme de 5.933,78 € TTC.
' Sur l'exercice par la MIA Automobiles de son droit de rétention sur le véhicule personnel de M. [T] [C]
Vu les articles 1948 et 2286 du Code civil,
Vu l'article 1961 du Code civil,
Juger légitime le droit de rétention exercé par MIA sur le véhicule personnel de Monsieur [C],
Juger que MIA pourra exercer ce droit de rétention et conserver le véhicule personnel de Monsieur [C] jusqu'au complet paiement des sommes à lui devoir par celui-ci,
A titre subsidiaire,
Juger que Monsieur [C] est une entreprise individuelle sans capital social, sans aucune garantie et qui ne peut justifier d'aucun bilan,
Juger qu'il existe un risque très élevé d'organisation d'insolvabilité de Monsieur [C] et, corrélativement, que MIA ne puisse jamais être indemnisée de ses nombreux préjudices, ce qui justifie de plus fort la demande de séquestre à titre de garantie légitime.
En conséquence,
Désigner tel séquestre qu'il conviendra à la Cour,
Ordonner la conservation du véhicule de Monsieur [C] immatriculé [Immatriculation 4] aux fins de garantie du paiement des sommes à devoir à MIA Automobiles,
' A titre subsidiaire sur l'appel en garantie de la société Toyota France,
Juger que Monsieur [C] fait plaider le vice caché ou le défaut de conformité,
Juger que si par extraordinaire son action devait prospérer, ces griefs relèvent de la responsabilité du constructeur en l'état d'un véhicule vendu neuf,
Condamner dès lors la Société Toyota France à relever et garantir la Société MIA Automobiles de toutes condamnations, de quelque nature qu'elles soient, vis-à-vis de Monsieur [C], qui seraient prononcées à son encontre.
' En tout état de cause,
Condamner tous succombants à payer la somme de 3.000 € à la Société MIA Automobiles au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner tous succombants aux entiers dépens en ceux compris ceux de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj , sur son offre de droit, conformément à l'Article 699 du CPC.
Au soutien de son appel, la société MIA Automobiles fait valoir que :
le juge n'a pas répondu à ses prétentions et conclusions, et notamment à la plus importante, celle portant sur l'extension de la mission de l'expert ; par ailleurs, il a modifié l'objet du litige en ordonnant le renvoi au juge du fond alors qu'aucune des parties ne l'avait sollicité et en visant l'urgence alors qu'elle n'était pas démontrée,
la motivation du premier juge est contredite par les éléments du dossier ; elle sollicite une interprétation de la mission confiée à l'expert et à défaut une extension de sa mission afin d'y inclure notamment le chiffrage des préjudices qu'elle a subis du fait de la panne du véhicule de prêt dès lors qu'il ressort des expertises que l'origine de la panne ressort de l'utilisation d'un carburant pollué,
au regard des conclusions de l'expert ses demandes provisionnelles au titre des frais de gardiennage et des travaux effectués sur le véhicule de M. [T] [C] sont justifiées compte-tenu des préjudices subis,
elle est bien-fondée à faire valoir son droit de rétention sur le véhicule de M. [T] [C] et subsidiairement un séquestre au regard des sommes qui lui sont dues, et du risque d'insolvabilité de ce dernier
-------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 02 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [T] [C] demande à la cour de :
Vu l'ordonnance de référé en date du 11 mars 2024
Vu les articles L 217-4 et s du Code de la consommation
Vu les articles 1231-1 et 1641 à 1649 du Code civil
Vu les dispositions des article 872 et 873 du Code de procédure civile
' Recevoir Monsieur [T] [C] en ses conclusions d'intimé valant appel incident et le déclare bien fondé ;
En l'état de la procédure au fond pendante devant le Tribunal de commerce de Fréjus,
' Juger l'appel de MIA Automobiles non fondé
' Débouter la société MIA Automobiles et la société Toyota France de leurs demandes tendant à l'annulation de l'ordonnance de référé du 11 mars 2024 en ce que le juge n'aurait pas répondu à ses prétentions et conclusions, aurait modifié l'objet du litige et aurait contrevenu aux dispositions de l'article 873-1 du Code de Procédure Civile ;
' Confirmer l'ordonnance de référé en date du 11 mars 2024 en ce qu'elle a débouté la société MIA Automobiles, outre celles formées par Toyota France de l'ensemble de leurs demandes principales et accessoires jugeant qu'il n'y avait pas lieu à référé ;
' Recevoir Monsieur [C] en son appel incident
' Infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a débouté Monsieur [C] de ses demandes;
Et statuant à nouveau :
' Condamner la SAS MIA Automobiles à restituer à Monsieur [T] [C] son véhicule réparé, propre à sa destination, sans frais pour lui de quelques natures qu'ils soient, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'Arrêt à venir et passé ce délai sous une astreinte de 300 € par jour de retard ;
' Condamner la SAS MIA Automobiles à régler à Monsieur [T] [C]
- La somme provisionnelle de 30.000 € correspondant à sa perte de chiffre d'affaires pour les seuls mois de septembre à décembre 2020.
- La somme provisionnelle de 2.970 € correspondant aux loyers (sept 2020 / mai 2021) réglés au crédit bailleur alors même que le véhicule était inutilisable ;
- La somme provisionnelle de 2.715 € sauf à parfaire correspondant aux frais d'assurances réglés par Monsieur [C], réclamés par CGI FINANCE qui avait annulé le contrat dans un premier temps puis a reconsidéré sa position.
- La somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation de son préjudice moral ;
' Débouter MIA Automobiles et Toyota France de l'ensemble de leurs moyens et appel incident en appel ;
' Condamner MIA Automobiles et Toyota France à verser à Monsieur [C] la somme de 7.000 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, compris les dépens et notamment les frais de l'expertise judiciaire (8.300 €) assumés pat Monsieur [C], les dépens d'appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, Avocats associés aux offres de droit.
Subsidiairement, si la Cour devait juger que le véhicule de Monsieur [C] devait rester dans les entrepôts de MIA Automobiles :
' Recevoir Monsieur [C] en sa demande de voir suspendre les échéances mensuelles dues à CGI Finance au titre du contrat de crédit bail ;
' Juger que dans l'hypothèse où l'exécution forcée des condamnations, prononcées à l'encontre de la SAS MIA Automobiles dans l'Arrêt à intervenir, devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenues en application de l'article A 444-32 du Code de commerce devra être supporté par la SAS MIA Automobiles.
M. [T] [C] fait valoir en réponse que :
la décision du juge des référés de renvoyer au juge du fond va dans le sens d'une bonne administration de la justice et rend l'appel de la société MIA Automobiles infondé au regard de l'instance en cours,
la société MIA Automobiles demande à la juridiction d'interpréter la mission de l'expert après deux années, et après avoir omis de solliciter l'évaluation de son préjudice,
la société MIA Automobiles est mal fondée à lui réclamer des frais de gardiennage alors qu'elle s'est opposée à la restitution du véhicule et que l'ordonnance du juge des référés s'y est également opposée, l'empêchant de récupérer son véhicule,
la société MIA Automobiles ne peut davantage lui réclamer les frais de réparation de son véhicule dès lors qu'elle a pris elle-même l'initiative de changer la pompe à injection dans la cadre de la garantie constructeur sans validation de sa part,
l'origine des dysfonctionnements des véhicules ne lui est pas imputable et reste inexpliquée à ce jour de sorte que la société MIA Automobiles ne peut se prévaloir d'un droit de rétention ou d'un séquestre ; il bénéficie pour sa part de diverses garanties au titre du véhicule et en demande la restitution
-------
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 17 mai 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Toyota France (Sas) demande à la cour de :
Vu le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [W],
Vu les conditions générales de garantie constructeur,
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu l'article 1315 du code civil,
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
- juger que la société Toyota France s'en rapporte à l'appréciation de la cour s'agissant des demandes de condamnations formées par la société MIA Automobiles à l'encontre de M. [T] [C],
- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Fréjus le 22.03.2024 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé,
- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Fréjus le 22.03.2024 en ce qu'elle n'a pas statué sur la demande de complément d'expertise laquelle implique nécessairement toutes les parties à la procédure,
Et partant, statuant à nouveau :
- juger que les deux véhicules Toyota Hilux ont été sinistrés par un carburant pollué, ce qui constitue une cause extérieure au véhicule,
- juger que l'évidence est démontrée par les conclusions techniques du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [W] confirmant les conclusions des experts amiables,
- prononcer la mise hors de cause de la société Toyota France,
S'agissant uniquement de la question du chiffrage de la remise en état du véhicule de la société MIA Automobiles :
- ordonner un complément d'expertise judiciaire à la mission confiée par le tribunal de commerce de Fréjus par ordonnance rendue le 27.09.2021 et inviter l'expert judiciaire, Monsieur [W], à chiffrer le coût de la remise en état et à la route du véhicule appartenant à la société MIA Automobiles,
En tout état de cause,
- juger que M. [T] [C] ne rapporte pas la preuve d'un défaut de fabrication ou d'un défaut matière portant sur le véhicule Toyota Hilux NG 2.4 D-4Dx châssis AHTHB3CC102023668 objet d'une 1ère mise en circulation le 16 décembre 2019 pris en location,
- juger que les conditions d'application de la garantie constructeur ne sont pas réunies,
- juger que M. [T] [C] ne rapporte pas la preuve d'un vice caché de nature à mobiliser la garantie légale des vices cachés à l'encontre des maillons de la chaîne des ventes du véhicule Toyota Hilux NG 2.4 D-4Dx châssis AHTHB3CC102023668 objet d'une 1ère mise en circulation le 16 décembre 2019 pris en location par ses soins,
- juger que M. [T] [C] n'est pas recevable à bénéficier des dispositions du code de la consommation,
- juger que M. [T] [C] ne démontre pas que le véhicule Toyota Hilux NG 2.4 D-4Dx châssis AHTHB3CC102023668 objet d'une 1ère mise en circulation le 16 décembre 2019 serait atteint d'un défaut de conformité de nature à mobiliser une quelconque garantie légale ou conventionnelle,
- débouter M. [T] [C] de toutes ses demandes,
- juger l'appel en garantie de la société MIA Automobiles irrecevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile,
- débouter toute partie de toute demande formée à l'encontre de la société Toyota France,
- condamner M. [T] [C] au paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj sur son offre de droit
-------
La société CGI Finance, à laquelle ont été signifiées la déclaration d'appel le 27 mars 2024 et les conclusions de la partie appelante le 29 avril 2024, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS
Sur la nullité du jugement :
Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
Conformément à l'article 458 du même code, ce qui est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile alinéa 1er doit être observé à peine de nullité.
Par ailleurs, en application des articles 4 et 5 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé, l'objet du litige étant déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'elles résultent de l'acte introductif d'instance et des conclusions postérieures.
En l'espèce, alors qu'il était saisi d'une demande principale d'interprétation ou à défaut d'extension de l'expertise ordonnée le 27 septembre 2021, le juge des référés n'a pas répondu à ce chef de demande, renvoyant de sa propre initiative les parties au fond alors qu'il lui appartenait, a minima, de motiver sa décision sur ce point, lequel faisait débat au regard des termes de la mission donnée à l'expert.
Par ailleurs, il résulte de l'article 873-1 du code de procédure civile qu' « à la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie » le juge des référés peut renvoyer l'affaire pour qu'il soit statué au fond.
Or, il n'est contesté par aucune des parties que le renvoi de l'affaire au fond n'a pas été sollicité, de sorte que le juge des référés ne pouvait opérer un tel renvoi.
Dès lors, c'est à tort que le premier juge, a renvoyé les parties au fond sans statuer sur la demande principale qui lui était soumise.
En conséquence, considérant que le premier juge n'a pas motivé sa décision sur les prétentions qui lui étaient soumises, opérant une appréciation sur le fond des conclusions des experts, ce qui ne relevait pas de sa compétence, il y a lieu d'annuler l'ordonnance déférée, et d'évoquer les points qui lui étaient soumis.
Sur la demande d'interprétation et d'extension de la mesure d'expertise :
Aux termes de l'article 236 du code de procédure civile, le juge qui a commis le technicien ou le juge chargé du contrôle peut accroître ou restreindre la mission confiée au technicien.
Par ailleurs, conformément à l'article 245 du code de procédure civile, le juge peut toujours inviter le technicien à compléter, préciser ou expliquer, soit par écrit, soit à l'audience, ses constatations ou conclusions.
Il en résulte qu'en l'espèce, tant le juge des expertises initialement saisi, que le juge des référés, étaient compétents à l'effet de statuer sur la demande de la société MIA Automobiles sollicitant l'interprétation des termes de l'ordonnance du 27 septembre 2021, laquelle avait donné, à titre préliminaire, mission à l'expert « d'examiner les deux véhicules ayant connu les pannes sous la conduite de Monsieur [T] [C], à savoir le véhicule qu'il a acquis immatriculé [Immatriculation 4] et celui mis à disposition immatriculé [Immatriculation 5] ».
En effet, la société MIA Automobiles soulevait les ambiguïtés contenues à la mission de l'expert quant à la teneur des opérations qui lui étaient confiées, certains chefs de mission semblant se limiter au seul véhicule personnel de M. [T] [C], à l'exclusion du véhicule de prêt.
Statuant à nouveau, la cour observe qu'après avoir donné à l'expert pour mission d'examiner les deux véhicules concernés par les dysfonctionnements, l'ordonnance rendue le 27 septembre 2021 a limité certaines constatations au seul véhicule personnel de M. [T] [C], alors que cette limitation n'est justifiée par aucun élément du dossier et pas davantage par le chef de mission rappelé précédemment.
Comme le fait observer la société Toyota, cette omission relève manifestement d'une erreur de plume et aurait pu être rectifiée dès l'origine par le juge en charge des expertises.
Au demeurant, l'expert s'est conformé à l'expertise et a précisé l'état actuel du véhicule de M. [T] [C], le coût et la durée des travaux nécessaires à sa remise en conformité mais n'a pas précisé ces éléments s'agissant du véhicule de prêt (pièce 15 de la société MIA Automobiles, points 7 et 8 page 45 de l'expertise).
Dès lors, la mission de l'expert doit être complétée en ce sens que l'expert sera également tenu des opérations suivantes :
« - Dire si le véhicule prêté à M. [T] [C] est propre ou impropre à sa destination à ce jour,
- Décrire avec précision les travaux propres à y remédier, en évaluer le coût et la durée,
- du tout dresser un rapport »
En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux chefs de mission complémentaires sollicités par la société MIA Automobiles, le surplus de ses préjudices ne nécessitant pas le recours à un expert.
En outre, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Toyota à ce stade de la procédure, sa présence étant nécessaire à la poursuite des opérations d'expertise et aux débats au fond compte-tenu des mises en cause effectuées par M. [T] [C] concernant certaines pièces des véhicules de la marque. Au demeurant, seul le juge du fond a compétence pour statuer sur les conséquences juridiques qui seront déduites des conclusions de l'expert judiciaire à l'égard des différentes parties au litige.
Enfin, la demande de la société la société MIA Automobiles tendant à être relevée et garantie par la société Toyota est irrecevable en ce qu'elle est nouvelle en appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile conformément aux conclusions en ce sens de la société Toyota.
Sur les demandes indemnitaires :
Aux termes de l'ordonnance rendue le 11 mars 2024 le juge des référés était saisi par ailleurs de demandes complémentaires en indemnisation.
Ainsi, la société MIA Automobiles a sollicité l'octroi de la somme provisionnelle de 27 372,62 euros au titre des frais de gardiennage outre la somme de 5 933,78 euros TTC au titre des réparations effectuées par elle sur son véhicule personnel selon facture du 12 novembre 2020.
M. [T] [C], quant à lui, a sollicité le paiement des sommes provisionnelles de 30000 euros au titre de sa perte de chiffre d'affaires, 2 970 euros au titre des loyers réglés au crédit-bailleur, et 2 715 euros correspondant aux frais d'assurance. Il sollicite également en appel la somme de 15 000 euros pour l'indemnisation de son préjudice moral.
Sur ce, étant rappelé qu'une ordonnance de référé ne peut être rapportée qu'en présence d'un élément nouveau, il résulte en outre des articles 872 et 873 du code de procédure civile que tant le juge des référés que la cour statuant en sa formation des référés, n'ont compétence pour accorder une provision dès lors qu'une contestation sérieuse oppose les parties.
En outre, si, même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut être amené à statuer, ce n'est que dans l'hypothèse d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, outre le fait que l'expertise doit être complétée au regard de ce qui précède, il apparaît que les parties sont en désaccord sur l'origine des pannes survenues aux deux véhicules et que l'octroi d'indemnités, fût-ce à titre provisionnel, suppose d'ores et déjà une appréciation de l'imputabilité des dysfonctionnements et une appréciation des préjudices subis, appréciations qui ne relèvent pas du juge des référés, juge de l'évidence.
Par ailleurs, les parties ne soutiennent pas qu'il convient de prévenir un dommage imminent ni de mettre fin à un trouble manifestement illicite.
En conséquence, même à supposer que ces demandent revêtent un caractère nouveau eu égard aux conclusions de l'expert judiciaire, il n'y a pas lieu à référé s'agissant de demandes indemnitaires, ces demandes relevant de la seule appréciation du juge du fond.
Sur les demandes au titre du droit de rétention et du séquestre :
Aux termes de l'article 1948 du code civil le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt. Pour autant, l'article 1948 n'autorise la rétention que pour ce qui est dû en vertu du dépôt et que si la créance est certaine.
En l'espèce, les sommes sollicitées par la société MIA Automobiles ne peuvent être considérées comme étant la conséquence du dépôt de son véhicule par M. [T] [C] au sein de l'établissement de la société dès lors que celui-ci a déposé son véhicule dans le cadre de ce qu'il croyait être la mise en 'uvre de la garantie due par le vendeur et non dans le cadre des développements judiciaires donnés aux pannes ayant affecté les deux véhicules.
Par ailleurs, la créance dont se prévaut la société MIA Automobiles, en ce qu'elle suppose qu'il soit au préalable statué sur l'origine des pannes et leur imputabilité, ne peut être considérée d'ores et déjà comme une créance certaine.
Si l'expert judiciaire a pu énoncer des conclusions sur l'origine des deux pannes, il n'en demeure pas moins que ces hypothèses sont contestées par M. [T] [C] et qu'elles restent soumises à un débat contradictoire au fond.
En outre, au visa de l'article 1961 du code civil le juge peut ordonner le séquestre des meubles saisis sur un débiteur, d'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes, et des choses qu'un débiteur offre pour sa libération.
Dès lors, il n'y a pas davantage lieu à séquestre dès lors que la demande de la société MIA Automobiles ne se rattache à aucune des hypothèses prévues par ledit texte, et que le caractère d'urgence qu'implique l'intervention du juge des référés en application des articles 872 et 873 du code de procédure civile, n'est pas établi.
En conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes provisoires en rétention et en séquestre du véhicule Toyota de M. [T] [C]
Sur les demande en restitution du véhicule et en suspension des échéances des loyers par M. [T] [C] :
En application de l'article 873 du même code, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, M. [T] [C] sollicite à nouveau la restitution du véhicule faisant l'objet d'une location avec option d'achat.
Nonobstant l'achèvement de la mission de l'expert sur le véhicule personnel de M. [T] [C], qui constitue un élément nouveau depuis la première ordonnance rendue le 27 septembre 2021, il n'y a pas lieu à restitution dès lors que d'une part, celui-ci sollicite la restitution assortie d'une obligation pour la société MIA Automobiles d'effectuer les travaux de réparation, travaux dont l'imputabilité est par principe contestée par la société MIA Automobiles, celle-ci estimant que la panne est due à l'utilisation d'un carburant altéré dont la responsabilité incombe à M. [T] [C].
D'autre part, contrairement au moyen d'urgence soulevé d'office par le premier juge, M. [T] [C] ne fait pas état dans ses conclusions d'une urgence à récupérer son véhicule notamment pour des impératifs professionnels. Dès lors, aucun dommage imminent tenant notamment à la situation de péril dans laquelle pourrait se trouver l'entreprise de jardinage de M. [T] [C] ne peut justifier la restitution du véhicule en l'état, celui-ci ayant par ailleurs indiqué disposer d'un autre véhicule professionnel.
En conséquence, la demande en restitution du véhicule assortie de l'exécution des travaux sous astreinte doit être rejetée.
En revanche, étant relevé que la suspension du paiement des loyers entre les mains de la société CGI a été ordonnée par le juge des référés le 27 septembre 2021 mais uniquement jusqu'à la « présentation du rapport d'expertise » et que le second juge des référés n'a pas statué sur la demande nouvelle de prorogation, il y a lieu de dire que les paiements sont suspendus jusqu'à ce qu'il soit statué au fond devant le tribunal de commerce et à compter du dépôt du rapport d'expertise le 19 juin 2023.
Sur les frais et dépens :
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile l'équité commande de juger que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens considérant les motifs ayant conduit la cour à statuer.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Annule l'ordonnance rendue le 11 mars 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus,
Statuant à nouveau,
Sur l'expertise :
Dit que la mission de l'expert, désigné par ordonnance du 27 septembre 2021 par la même juridiction, doit être complétée en ce sens que l'expert sera également tenu des opérations suivantes :
« - Dire si le véhicule prêté à M. [T] [C] est propre ou impropre à sa destination à ce jour,
- Décrire avec précision les travaux propres à y remédier, en évaluer le coût et la durée,
- du tout dresser un rapport »
Déboute la société MIA Automobiles du surplus de ses demandes au titre de l'expertise judiciaire,
Sur les demandes indemnitaires :
Dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes provisionnelles formées par la société MIA Automobiles et M. [T] [C],
Sur les demandes au titre du véhicule de M. [T] [C] :
Déboute la société MIA Automobiles de ses demandes de rétention et de séquestre du véhicule personnel de M. [T] [C],
Déboute M. [T] [C] de sa demande de restitution du véhicule assortie de l'exécution de travaux sous astreinte,
Proroge en revanche la suspension du paiement des loyers dus à la société CGI Finance par M. [T] [C] à compter du dépôt du rapport d'expertise le 19 juin 2023 et jusqu'à ce qu'il soit statué au fond devant le tribunal de commerce,
Sur les demandes accessoires :
Déboute la société Toyota de sa demande tendant à être mise hors de cause,
Dit irrecevable la demande de la société MIA Automobiles tendant à être relevée et garantie par la société Toyota,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens, de première instance et d'appel.
Le Greffier, La Présidente,