Décisions
CA Paris, Pôle 3 - ch. 1, 16 octobre 2024, n° 23/04291
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 16 OCTOBRE 2024
(n° 2024/ , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04291 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHHHX
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Janvier 2023 - Tribunal Judiciaire de CRETEIL - RG n° 22/00442
APPELANTS
Madame [I] [D]
née le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 13] ( PORTUGAL )
[Adresse 7]
Monsieur [O] [D] [B]
né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 14] ( PORTUGAL )
[Adresse 7]
représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
ayant pour avocat plaidant Me Elisabeth DELCROS, avocat au barreau de PARIS, toque: C147
INTIMES
Monsieur [N] [A]
[Adresse 2]
Monsieur [Y] [A]
[Adresse 10]
Madame [C] [M]
[Localité 9] QUEBEC - CANADA
représentés et plaidant par Me Céline MOUNY, avocat au barreau de PARIS, toque : E2235
S.A. [12], immatriculée au RCS de PARIS n° [N° SIREN/SIRET 8], prise en la personne de ses dirigeants sociaux sis
[Adresse 1]
représentée par Me Jean-Philippe GOSSET de la SELARL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bertrand GELOT, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
M. Bertrand GELOT, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
[J] [M], veuve de [X] [K], née à [Localité 15] le [Date naissance 6] 1924, demeurant à [Adresse 11], est décédée ab intestat le [Date décès 3] 2017.
Par actes de commissaire de justice délivré le 24 décembre 2021, certains de ses héritiers, à savoir Mme [C] [M] et MM. [Y] et [N] [A] (ci-après également dénommés les consorts [A] [M]) ont fait assigner Mme [I] [D] ainsi que M. [O] [D] [B] (ci-après également dénommés les consorts [D] [B]) et la SA [12] devant le tribunal judiciaire de Créteil, principalement en nullité de l'intégralité des libéralités consenties sous forme de sommes d'argent par [J] [K] et restitution desdites sommes aux héritiers de celle-ci.
Par conclusions d'incident remises le 14 novembre 2022, Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] ont saisi le juge de la mise en état aux fins de voir tout d'abord constater la nullité de l'assignation pour irrégularité de fond, en l'espèce l'omission du nom de l'avocat, puis constater l'extinction de l'instance et enfin condamner solidairement les consorts [A] et [M] à leur verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire du 19 janvier 2023, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Créteil a notamment :
- débouté Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] de leurs demandes d'annulation de l'assignation,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état,
- réservé les dépens.
Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 28 février 2023.
Par avis de fixation du 16 mars 2023, l'affaire a été fixée à bref délai conformément à l'article 905 du code de procédure civile.
La SA [12] a constitué avocat le 17 mars 2023.
MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M] ont constitué avocat le 19 mars 2023.
Les appelants ont remis leurs premières conclusions par RPVA le 12 avril 2023.
La SA [12] a quant à elle remis ses premières conclusions par RPVA le 21 avril 2023.
MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M] ont remis leurs premières conclusions par RPVA le 11 mai 2023.
Aux termes de leurs uniques conclusions notifiées le 17 avril 2024, Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B], appelants, demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du 19 janvier 2023 rendue par le juge de la mise en état,
et, ce faisant,
- prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance, à tout le moins son irrecevabilité,
en conséquence,
- prononcer l'extinction de l'instance,
en tout état de cause,
- condamner solidairement MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M] à payer à M. [O] [D] [B] [B] et Mme [I] [D] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 21 avril 2023, la S.A. [12], intimée, demande à la cour de :
- recevoir La [12] en ses conclusions, l'y déclarant bien fondée,
- juger que [12] s'en remet à la décision de la cour quant à la demande des époux (sic) [D] [B] visant à prononcer la nullité de l'assignation de MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M],
- réserver les dépens.
Aux termes de leurs uniques conclusions notifiées le 11 mai 2023, MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M], intimés, demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil du 19 janvier 2023,
en conséquence,
- rejeter les incidents dans leur intégralité,
- juger que l'assignation n'est pas nulle,
- renvoyer l'affaire pour l'examen au fond,
- condamner les appelants à la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner les défendeurs à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.
L'affaire a été appelée à l'audience du 14 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de nullité ou d'irrecevabilité de l'assignation introductive d'instance:
Sur la demande de nullité fondée sur l'absence du nom de l'avocat et de l'identité complète des demandeurs sur l'assignation :
Saisi par les consorts [D] [B] d'un incident relatif à l'irrégularité frappant l'assignation, à savoir à titre principal l'omission du nom de l'avocat des demandeurs, le juge de la mise en état a jugé que l'omission du nom de l'avocat dans l'assignation, de même que l'omission de l'identité complète des demandeurs, constituent un vice de forme. Se fondant sur l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile, il a considéré qu'en l'absence d'un grief démontré par les défendeurs, aucune nullité ne peut être retenue de ce chef.
Le juge de la mise en état a en outre motivé sa décision sur le fait que le grief allégué en cas d'appel par les consorts [D] [B] du fait de l'absence d'identité complète des demandeurs n'est pas avéré dès lors qu'ils ne démontrent pas d'importantes perturbations subies dans le déroulement du procès, ni de désorganisation des moyens de défense, provoquées par l'irrégularité qu'ils invoquent, et admettent en outre que la situation a été régularisée.
Il a enfin considéré que contrairement aux allégations des consorts [D] [B], l'assignation comporte bien l'exposé des moyens de fait et de droit des demandeurs et a écarté toute nullité à ce titre.
Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] estiment que c'est à tort que le premier juge a qualifié d'irrégularité de forme le défaut de mention du nom de l'avocat dans l'acte introductif d'instance. Ils soutiennent que le défaut de mention d'un avocat dans l'assignation, lorsque la procédure est avec représentation obligatoire, est au nombre des cas visés par l'article 117 dudit code correspondant à un défaut de capacité ou de pouvoir de la personne assurant la représentation d'une partie en justice.
Ils en déduisent que ce défaut constitue une irrégularité de fond viciant l'acte introductif d'instance, et qu'en conséquence la démonstration d'un grief n'est pas nécessaire.
Partant de ce postulat, ils affirment en outre que la régularisation est impossible, puisque le défaut de la mention du nom de l'avocat sur l'assignation a empêché la saisine valide du tribunal et que la cause de la nullité ne peut disparaître au moment où le juge statue.
Les consorts [A]-[M] contestent cette demande, et considèrent que si ce défaut de mention de l'avocat dans l'acte d'introductif d'instance peut se rattacher à une irrégularité de fond, une telle irrégularité est régularisable et a été, en l'espèce, régularisée par :
- la constitution de l'avocat en demande ;
- la constitution des avocats des défendeurs ;
- les échanges entre les avocats avant l'audience ;
- et les échanges entre l'avocat des demandeurs et l'avocat de la [12] ;
La [12], intimée, s'en remet à la décision de la cour quant à la demande des appelants portant sur la nullité de l'assignation délivrée par les consorts [A]-[M].
***
L'article 114 du code de procédure civile dispose qu' « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. L'omission du nom de l'avocat dans l'acte introductif d'instance est constitutive d'un vice de forme.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver un grief que lui cause cette irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ».
L'article 117 du même code énumère limitativement les irrégularités de fond. « Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
- Le défaut de capacité d'ester en justice ;
- Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
- Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. ».
Aux termes de l'article 752 dudit code, lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56 du code de procédure civile, l'assignation doit contenir sous peine de nullité le nom de l'avocat du demandeur.
En l'espèce, l'absence de la mention du nom et de l'adresse de l'avocat des appelants résulte d'une omission manifeste du commissaire de justice ayant procédé à l'assignation, puisque ce dernier a été précisément saisi par l'avocat des demandeurs.
Une telle omission dans un acte de la procédure encourt la nullité telle que prévue par l'article 752 précité ; toutefois, elle ne correspond pas aux irrégularités de fond visées par l'article 117 du code de procédure civile, dès lors qu'en l'espèce l'avocat avait lors de l'assignation reçu mandat des consorts [A] d'engager une procédure en justice et de les représenter à cet effet.
C'est à bon droit que le premier juge en a justement déduit que l'omission du nom de l'avocat, comme l'omission des identités détaillées des demandeurs, constituent bien des vices de forme, et que la nullité de l'acte entaché de tels vices ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui les invoque de prouver le grief que lui causent ces irrégularités.
Or les consorts [D] [B] ne démontrent, pas plus en appel, le grief résultant de ces omissions, lesquelles ont été régularisées par les actes ultérieurs.
Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur la demande d'irrecevabilité fondée sur l'absence du nom de l'avocat des demandeurs sur l'assignation :
Indépendamment de la nullité de l'assignation, les consorts [D] [B] font valoir que le défaut de certaines mentions impératives entraîne l'irrecevabilité de la demande sans examen du fond, par application de l'article 122 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office, notamment le défaut de droit d'agir. Ils allèguent que les consorts [A]-[M] doivent être déclarés irrecevables aux motifs qu'ils ne pouvaient former de demandes devant le tribunal judiciaire sans être représentés. Ils considèrent que le vice de procédure, en l'espèce, est constitué non par l'absence de capacité ou de pouvoir du représentant, mais par l'absence même de représentant, imposé par l'article 752, 1° du code de procédure civile sous peine de nullité.
Les consorts [A]-[M] et la [12] n'ont pas formulé d'observations sur ce moyen.
***
L'article 122 du code de procédure civile dispose que « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
En l'espèce, l'absence de mention du nom de l'avocat dans l'assignation, ne résulte pas d'une absence de droit d'agir de l'avocat, ni de son défaut de qualité, puisque Me Céline Mouny, avocat régulièrement inscrite au barreau de Paris, représentait régulièrement les consorts [A] [M] lorsqu'elle a fait procéder à l'assignation.
La jurisprudence alléguée par les consorts [D] [B] au soutien de leur moyen n'est pas opérante, puisque, d'une part, l'arrêt rendu par la 1re chambre civile le 6 octobre 1998 (n° 95-17412) confirme la recevabilité de la requête lorsque les parties ont régulièrement constitué avocat, et d'autre part, l'arrêt rendu par la chambre commerciale le 25 octobre 1983 (82-11389) sanctionnait l'absence de droit d'agir d'une société non immatriculée au registre du commerce et des sociétés, ce qui n'est aucunement le cas, en l'espèce, ni des consorts [A] [M], ni de leur avocat.
En conséquence, aucune fin de non-recevoir ne peut être opposée à l'action introduite par les consorts [A] [M] et ce moyen doit être également rejeté.
Sur la demande de nullité fondée sur l'insuffisance alléguée de l'exposé des moyens en fait et en droit :
Le premier juge a considéré qu'il existe bien dans l'assignation un exposé des moyens de fait et de droit, et plus précisément que ressort de cette dernière que Mme [C] [M] et MM. [N] et [Y] [A], héritiers de [J] [M], décédée le [Date décès 3] 2017, ont constaté de très nombreux transferts de fonds par chèques tirés sur le compte de la de cujus pour un montant total de 120 000 euros au bénéfice des consorts [D] alors que la défunte a touché à la suite du décès de son fils unique la somme de 128 000 euros ès qualités de bénéficiaire d'un capital décès.
Le juge de la mise en état a constaté que les demandeurs sollicitaient en substance l'annulation d'un certain nombre de libéralités consenties aux consorts [D] et ont fondé leurs demandes sur l'article 901 du code civil.
En conséquence, le juge de la mise en état a considéré qu'aucune nullité n'est encourue à ce titre.
Les consorts [D] [B] demandent l'infirmation de ce chef en faisant valoir que les moyens de fait et de droit énoncés dans l'assignation ne sont pas suffisamment développés, ni explicités, de sorte que les appelants ne respectent pas les obligations prescrites à l'article 56 du code de procédure civile. Ils ajoutent que pour satisfaire ces prescriptions, les intimés doivent indiquer sur quel moyen précis ils contestent les droits de Mme [D] [B]. Or ils estiment notamment que les demandeurs ne décrivent pas les moyens de fait à l'appui du détournement de l'assurance-vie, ne font état à aucun moment d'une insanité d'esprit de la de cujus ni des man'uvres frauduleuses ou des pressions qui auraient été exercées sur cette dernière, et n'indiquent pas sur quel moyen précis pourrait être contesté le droit de Mme [K] de disposer de ses avoirs de son vivant, notamment pour rémunérer les aidants lui ayant permis de rester à son domicile ou gratifier certaines personnes.
Il concluent sur le fait que cette irrégularité de forme s'accompagne pour eux d'un grief, à savoir qu'en raison du manque de précisions dans l'assignation, ils ne peuvent organiser leur défense.
Les intimés contestent ce moyen et font valoir que le rappel des textes légaux n'est pas une obligation.
Ils ajoutent néanmoins que l'assignation rappelle les textes et la jurisprudence sur lesquelles ils fondent leurs demandes, déclarent que les moyens de droit sont présents et qu'il est bien demandé l'annulation des remises d'argent qui ne correspondent pas aux critères légaux et jurisprudentiels des libéralités et que si des précisions devaient être apportées, elles le seront au cours de l'examen au fond.
La [12] déclare s'en remettre à la décision de la cour.
***
Aux termes de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes de commissaire de justice et celles énoncées à l'article 54 :
(') 2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ; (').
En l'espèce, l'assignation délivrée le 24 décembre 2021 comporte un rappel des faits de plus d'une page, une discussion de plus de 5 pages ainsi qu'un dispositif final.
La discussion comporte des moyens développés distinctement en droit puis en fait, concernant successivement la responsabilité des consorts [D] [B] au sujet des sommes perçues, le manquement allégué à l'obligation de conseil de la [12] et les demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Plusieurs articles du code civil et 6 références de jurisprudence de la Cour de cassation sont mentionnés. Enfin, l'assignation comporte la liste des pièces (page 12) et est accompagnée de pièces numérotées 1 à 4.
Il résulte de ces constatations, qui s'ajoutent aux motifs détaillés du premier juge sur les moyens de fait et de droit existants, que la cour adopte, que l'assignation contestée est conforme aux prescriptions de l'article 56 du code de procédure civile et comporte notamment l'exposé des moyens en fait et en droit au soutien des prétentions des demandeurs.
Le moyen invoqué par les consorts [D] [B] est donc également écarté et l'ordonnance sera donc confirmée.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les consorts [A] [M] :
Les consorts [A] [M] présentent, pour la première fois en appel, une demande de condamnation des consorts [D] [B] à leur verser des dommages et intérêts à hauteur de 500 euros, motivant leur demande sur la volonté de ces derniers de ne pas procéder à un examen au fond du litige.
Les consorts [D] [B] ne formulent pas d'observation à ce sujet.
Sur la recevabilité de la demande, il résulte des articles 564 et 566 du code de procédure civile que si les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, elles peuvent néanmoins ajouter à celles soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, la demande de dommages et intérêts peut être considérée comme étant la conséquence directe de la demande de rejet de la demande de nullité ou d'irrecevabilité de l'assignation. Elle sera donc déclarée recevable.
Par ailleurs, s'il n'entre pas dans les compétences du juge de la mise en état de statuer sur une demande de dommages et intérêts, il convient de constater que la demande est uniquement fondée sur les conséquences de l'incident, sur lesquelles la cour peut donc se prononcer.
Sur le bien-fondé de la demande, l'article1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.
En l'espèce, les consorts [A] [M] ne caractérisent pas en quoi l'action en incident introduite par les consorts [D] [B] du fait d'une irrégularité de l'assignation serait fautive. Ils seront donc déboutés de leur demande.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
Mme [D] et M. [D] [B], qui échouent en leur appel d'incident, supporteront en conséquence la charge des dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.
En l'espèce, compte tenu de la condamnation aux dépens et de la nature du litige, il y a lieu de débouter Mme [D] et M. [D] [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner à verser à MM. [N] et [Y] [A] et à Mme [C] [M] la somme globale de 1 500 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts présentée par MM. [N] et [Y] [A] et par Mme [C] [M] ;
Les en déboute ;
Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil le 19 janvier 2023 ;
Condamne Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] à payer à MM. [N] et [Y] [A] et à Mme [C] [M] la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] aux dépens du présent appel.
Le Greffier, Le Président,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 16 OCTOBRE 2024
(n° 2024/ , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04291 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHHHX
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Janvier 2023 - Tribunal Judiciaire de CRETEIL - RG n° 22/00442
APPELANTS
Madame [I] [D]
née le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 13] ( PORTUGAL )
[Adresse 7]
Monsieur [O] [D] [B]
né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 14] ( PORTUGAL )
[Adresse 7]
représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
ayant pour avocat plaidant Me Elisabeth DELCROS, avocat au barreau de PARIS, toque: C147
INTIMES
Monsieur [N] [A]
[Adresse 2]
Monsieur [Y] [A]
[Adresse 10]
Madame [C] [M]
[Localité 9] QUEBEC - CANADA
représentés et plaidant par Me Céline MOUNY, avocat au barreau de PARIS, toque : E2235
S.A. [12], immatriculée au RCS de PARIS n° [N° SIREN/SIRET 8], prise en la personne de ses dirigeants sociaux sis
[Adresse 1]
représentée par Me Jean-Philippe GOSSET de la SELARL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bertrand GELOT, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
M. Bertrand GELOT, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
[J] [M], veuve de [X] [K], née à [Localité 15] le [Date naissance 6] 1924, demeurant à [Adresse 11], est décédée ab intestat le [Date décès 3] 2017.
Par actes de commissaire de justice délivré le 24 décembre 2021, certains de ses héritiers, à savoir Mme [C] [M] et MM. [Y] et [N] [A] (ci-après également dénommés les consorts [A] [M]) ont fait assigner Mme [I] [D] ainsi que M. [O] [D] [B] (ci-après également dénommés les consorts [D] [B]) et la SA [12] devant le tribunal judiciaire de Créteil, principalement en nullité de l'intégralité des libéralités consenties sous forme de sommes d'argent par [J] [K] et restitution desdites sommes aux héritiers de celle-ci.
Par conclusions d'incident remises le 14 novembre 2022, Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] ont saisi le juge de la mise en état aux fins de voir tout d'abord constater la nullité de l'assignation pour irrégularité de fond, en l'espèce l'omission du nom de l'avocat, puis constater l'extinction de l'instance et enfin condamner solidairement les consorts [A] et [M] à leur verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire du 19 janvier 2023, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Créteil a notamment :
- débouté Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] de leurs demandes d'annulation de l'assignation,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état,
- réservé les dépens.
Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 28 février 2023.
Par avis de fixation du 16 mars 2023, l'affaire a été fixée à bref délai conformément à l'article 905 du code de procédure civile.
La SA [12] a constitué avocat le 17 mars 2023.
MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M] ont constitué avocat le 19 mars 2023.
Les appelants ont remis leurs premières conclusions par RPVA le 12 avril 2023.
La SA [12] a quant à elle remis ses premières conclusions par RPVA le 21 avril 2023.
MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M] ont remis leurs premières conclusions par RPVA le 11 mai 2023.
Aux termes de leurs uniques conclusions notifiées le 17 avril 2024, Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B], appelants, demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance du 19 janvier 2023 rendue par le juge de la mise en état,
et, ce faisant,
- prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance, à tout le moins son irrecevabilité,
en conséquence,
- prononcer l'extinction de l'instance,
en tout état de cause,
- condamner solidairement MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M] à payer à M. [O] [D] [B] [B] et Mme [I] [D] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 21 avril 2023, la S.A. [12], intimée, demande à la cour de :
- recevoir La [12] en ses conclusions, l'y déclarant bien fondée,
- juger que [12] s'en remet à la décision de la cour quant à la demande des époux (sic) [D] [B] visant à prononcer la nullité de l'assignation de MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M],
- réserver les dépens.
Aux termes de leurs uniques conclusions notifiées le 11 mai 2023, MM. [N] et [Y] [A] et Mme [C] [M], intimés, demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil du 19 janvier 2023,
en conséquence,
- rejeter les incidents dans leur intégralité,
- juger que l'assignation n'est pas nulle,
- renvoyer l'affaire pour l'examen au fond,
- condamner les appelants à la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner les défendeurs à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.
L'affaire a été appelée à l'audience du 14 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de nullité ou d'irrecevabilité de l'assignation introductive d'instance:
Sur la demande de nullité fondée sur l'absence du nom de l'avocat et de l'identité complète des demandeurs sur l'assignation :
Saisi par les consorts [D] [B] d'un incident relatif à l'irrégularité frappant l'assignation, à savoir à titre principal l'omission du nom de l'avocat des demandeurs, le juge de la mise en état a jugé que l'omission du nom de l'avocat dans l'assignation, de même que l'omission de l'identité complète des demandeurs, constituent un vice de forme. Se fondant sur l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile, il a considéré qu'en l'absence d'un grief démontré par les défendeurs, aucune nullité ne peut être retenue de ce chef.
Le juge de la mise en état a en outre motivé sa décision sur le fait que le grief allégué en cas d'appel par les consorts [D] [B] du fait de l'absence d'identité complète des demandeurs n'est pas avéré dès lors qu'ils ne démontrent pas d'importantes perturbations subies dans le déroulement du procès, ni de désorganisation des moyens de défense, provoquées par l'irrégularité qu'ils invoquent, et admettent en outre que la situation a été régularisée.
Il a enfin considéré que contrairement aux allégations des consorts [D] [B], l'assignation comporte bien l'exposé des moyens de fait et de droit des demandeurs et a écarté toute nullité à ce titre.
Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] estiment que c'est à tort que le premier juge a qualifié d'irrégularité de forme le défaut de mention du nom de l'avocat dans l'acte introductif d'instance. Ils soutiennent que le défaut de mention d'un avocat dans l'assignation, lorsque la procédure est avec représentation obligatoire, est au nombre des cas visés par l'article 117 dudit code correspondant à un défaut de capacité ou de pouvoir de la personne assurant la représentation d'une partie en justice.
Ils en déduisent que ce défaut constitue une irrégularité de fond viciant l'acte introductif d'instance, et qu'en conséquence la démonstration d'un grief n'est pas nécessaire.
Partant de ce postulat, ils affirment en outre que la régularisation est impossible, puisque le défaut de la mention du nom de l'avocat sur l'assignation a empêché la saisine valide du tribunal et que la cause de la nullité ne peut disparaître au moment où le juge statue.
Les consorts [A]-[M] contestent cette demande, et considèrent que si ce défaut de mention de l'avocat dans l'acte d'introductif d'instance peut se rattacher à une irrégularité de fond, une telle irrégularité est régularisable et a été, en l'espèce, régularisée par :
- la constitution de l'avocat en demande ;
- la constitution des avocats des défendeurs ;
- les échanges entre les avocats avant l'audience ;
- et les échanges entre l'avocat des demandeurs et l'avocat de la [12] ;
La [12], intimée, s'en remet à la décision de la cour quant à la demande des appelants portant sur la nullité de l'assignation délivrée par les consorts [A]-[M].
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L'article 114 du code de procédure civile dispose qu' « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. L'omission du nom de l'avocat dans l'acte introductif d'instance est constitutive d'un vice de forme.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver un grief que lui cause cette irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ».
L'article 117 du même code énumère limitativement les irrégularités de fond. « Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
- Le défaut de capacité d'ester en justice ;
- Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
- Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. ».
Aux termes de l'article 752 dudit code, lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56 du code de procédure civile, l'assignation doit contenir sous peine de nullité le nom de l'avocat du demandeur.
En l'espèce, l'absence de la mention du nom et de l'adresse de l'avocat des appelants résulte d'une omission manifeste du commissaire de justice ayant procédé à l'assignation, puisque ce dernier a été précisément saisi par l'avocat des demandeurs.
Une telle omission dans un acte de la procédure encourt la nullité telle que prévue par l'article 752 précité ; toutefois, elle ne correspond pas aux irrégularités de fond visées par l'article 117 du code de procédure civile, dès lors qu'en l'espèce l'avocat avait lors de l'assignation reçu mandat des consorts [A] d'engager une procédure en justice et de les représenter à cet effet.
C'est à bon droit que le premier juge en a justement déduit que l'omission du nom de l'avocat, comme l'omission des identités détaillées des demandeurs, constituent bien des vices de forme, et que la nullité de l'acte entaché de tels vices ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui les invoque de prouver le grief que lui causent ces irrégularités.
Or les consorts [D] [B] ne démontrent, pas plus en appel, le grief résultant de ces omissions, lesquelles ont été régularisées par les actes ultérieurs.
Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur la demande d'irrecevabilité fondée sur l'absence du nom de l'avocat des demandeurs sur l'assignation :
Indépendamment de la nullité de l'assignation, les consorts [D] [B] font valoir que le défaut de certaines mentions impératives entraîne l'irrecevabilité de la demande sans examen du fond, par application de l'article 122 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office, notamment le défaut de droit d'agir. Ils allèguent que les consorts [A]-[M] doivent être déclarés irrecevables aux motifs qu'ils ne pouvaient former de demandes devant le tribunal judiciaire sans être représentés. Ils considèrent que le vice de procédure, en l'espèce, est constitué non par l'absence de capacité ou de pouvoir du représentant, mais par l'absence même de représentant, imposé par l'article 752, 1° du code de procédure civile sous peine de nullité.
Les consorts [A]-[M] et la [12] n'ont pas formulé d'observations sur ce moyen.
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L'article 122 du code de procédure civile dispose que « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
En l'espèce, l'absence de mention du nom de l'avocat dans l'assignation, ne résulte pas d'une absence de droit d'agir de l'avocat, ni de son défaut de qualité, puisque Me Céline Mouny, avocat régulièrement inscrite au barreau de Paris, représentait régulièrement les consorts [A] [M] lorsqu'elle a fait procéder à l'assignation.
La jurisprudence alléguée par les consorts [D] [B] au soutien de leur moyen n'est pas opérante, puisque, d'une part, l'arrêt rendu par la 1re chambre civile le 6 octobre 1998 (n° 95-17412) confirme la recevabilité de la requête lorsque les parties ont régulièrement constitué avocat, et d'autre part, l'arrêt rendu par la chambre commerciale le 25 octobre 1983 (82-11389) sanctionnait l'absence de droit d'agir d'une société non immatriculée au registre du commerce et des sociétés, ce qui n'est aucunement le cas, en l'espèce, ni des consorts [A] [M], ni de leur avocat.
En conséquence, aucune fin de non-recevoir ne peut être opposée à l'action introduite par les consorts [A] [M] et ce moyen doit être également rejeté.
Sur la demande de nullité fondée sur l'insuffisance alléguée de l'exposé des moyens en fait et en droit :
Le premier juge a considéré qu'il existe bien dans l'assignation un exposé des moyens de fait et de droit, et plus précisément que ressort de cette dernière que Mme [C] [M] et MM. [N] et [Y] [A], héritiers de [J] [M], décédée le [Date décès 3] 2017, ont constaté de très nombreux transferts de fonds par chèques tirés sur le compte de la de cujus pour un montant total de 120 000 euros au bénéfice des consorts [D] alors que la défunte a touché à la suite du décès de son fils unique la somme de 128 000 euros ès qualités de bénéficiaire d'un capital décès.
Le juge de la mise en état a constaté que les demandeurs sollicitaient en substance l'annulation d'un certain nombre de libéralités consenties aux consorts [D] et ont fondé leurs demandes sur l'article 901 du code civil.
En conséquence, le juge de la mise en état a considéré qu'aucune nullité n'est encourue à ce titre.
Les consorts [D] [B] demandent l'infirmation de ce chef en faisant valoir que les moyens de fait et de droit énoncés dans l'assignation ne sont pas suffisamment développés, ni explicités, de sorte que les appelants ne respectent pas les obligations prescrites à l'article 56 du code de procédure civile. Ils ajoutent que pour satisfaire ces prescriptions, les intimés doivent indiquer sur quel moyen précis ils contestent les droits de Mme [D] [B]. Or ils estiment notamment que les demandeurs ne décrivent pas les moyens de fait à l'appui du détournement de l'assurance-vie, ne font état à aucun moment d'une insanité d'esprit de la de cujus ni des man'uvres frauduleuses ou des pressions qui auraient été exercées sur cette dernière, et n'indiquent pas sur quel moyen précis pourrait être contesté le droit de Mme [K] de disposer de ses avoirs de son vivant, notamment pour rémunérer les aidants lui ayant permis de rester à son domicile ou gratifier certaines personnes.
Il concluent sur le fait que cette irrégularité de forme s'accompagne pour eux d'un grief, à savoir qu'en raison du manque de précisions dans l'assignation, ils ne peuvent organiser leur défense.
Les intimés contestent ce moyen et font valoir que le rappel des textes légaux n'est pas une obligation.
Ils ajoutent néanmoins que l'assignation rappelle les textes et la jurisprudence sur lesquelles ils fondent leurs demandes, déclarent que les moyens de droit sont présents et qu'il est bien demandé l'annulation des remises d'argent qui ne correspondent pas aux critères légaux et jurisprudentiels des libéralités et que si des précisions devaient être apportées, elles le seront au cours de l'examen au fond.
La [12] déclare s'en remettre à la décision de la cour.
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Aux termes de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes de commissaire de justice et celles énoncées à l'article 54 :
(') 2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ; (').
En l'espèce, l'assignation délivrée le 24 décembre 2021 comporte un rappel des faits de plus d'une page, une discussion de plus de 5 pages ainsi qu'un dispositif final.
La discussion comporte des moyens développés distinctement en droit puis en fait, concernant successivement la responsabilité des consorts [D] [B] au sujet des sommes perçues, le manquement allégué à l'obligation de conseil de la [12] et les demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Plusieurs articles du code civil et 6 références de jurisprudence de la Cour de cassation sont mentionnés. Enfin, l'assignation comporte la liste des pièces (page 12) et est accompagnée de pièces numérotées 1 à 4.
Il résulte de ces constatations, qui s'ajoutent aux motifs détaillés du premier juge sur les moyens de fait et de droit existants, que la cour adopte, que l'assignation contestée est conforme aux prescriptions de l'article 56 du code de procédure civile et comporte notamment l'exposé des moyens en fait et en droit au soutien des prétentions des demandeurs.
Le moyen invoqué par les consorts [D] [B] est donc également écarté et l'ordonnance sera donc confirmée.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les consorts [A] [M] :
Les consorts [A] [M] présentent, pour la première fois en appel, une demande de condamnation des consorts [D] [B] à leur verser des dommages et intérêts à hauteur de 500 euros, motivant leur demande sur la volonté de ces derniers de ne pas procéder à un examen au fond du litige.
Les consorts [D] [B] ne formulent pas d'observation à ce sujet.
Sur la recevabilité de la demande, il résulte des articles 564 et 566 du code de procédure civile que si les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, elles peuvent néanmoins ajouter à celles soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, la demande de dommages et intérêts peut être considérée comme étant la conséquence directe de la demande de rejet de la demande de nullité ou d'irrecevabilité de l'assignation. Elle sera donc déclarée recevable.
Par ailleurs, s'il n'entre pas dans les compétences du juge de la mise en état de statuer sur une demande de dommages et intérêts, il convient de constater que la demande est uniquement fondée sur les conséquences de l'incident, sur lesquelles la cour peut donc se prononcer.
Sur le bien-fondé de la demande, l'article1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.
En l'espèce, les consorts [A] [M] ne caractérisent pas en quoi l'action en incident introduite par les consorts [D] [B] du fait d'une irrégularité de l'assignation serait fautive. Ils seront donc déboutés de leur demande.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
Mme [D] et M. [D] [B], qui échouent en leur appel d'incident, supporteront en conséquence la charge des dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.
En l'espèce, compte tenu de la condamnation aux dépens et de la nature du litige, il y a lieu de débouter Mme [D] et M. [D] [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner à verser à MM. [N] et [Y] [A] et à Mme [C] [M] la somme globale de 1 500 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts présentée par MM. [N] et [Y] [A] et par Mme [C] [M] ;
Les en déboute ;
Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil le 19 janvier 2023 ;
Condamne Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] à payer à MM. [N] et [Y] [A] et à Mme [C] [M] la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [I] [D] et M. [O] [D] [B] aux dépens du présent appel.
Le Greffier, Le Président,