Livv
Décisions

CA Rennes, 1re ch. B sect. 2, 2 juin 1995, n° 675/95

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Elichiry (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Van Ruymbeke, Mme L'Henoret

Avocat :

Me Travers

TGI Nantes, du 12 déc. 1994

12 décembre 1994

EXPOSE DES FAITS-PROCEDURE-OBJET DU RECOURS

Par déclaration enregistrée le 29 décembre 1994 au greffe du tribunal de grande instance de Nantes, Raymond Elichiry, agissant en qualité de gérant de la société civile professionnelle d'huissiers du même nom, a formé appel d'une décision rendue le 12 décembre précédent par le juge de l'exécution du même tribunal qui a annulé une saisie-vente qu'il avait fait pratiquer le 7 octobre 1994 sur divers meubles garnissant le domicile de X pour tenter d'obtenir paiement d'une créance de 1.246,79 francs en principal.

Il conteste en effet l'annulation de cette saisie-vente et entend, au moins implicitement, être autorisé à poursuivre cette procédure civile d'exécution sur le mobilier de son débiteur.

X conclut au contraire à la confirmation de la décision déférée.

MOYENS PROPOSES PAR LES PARTIES

Considérant qu'après avoir rappelé que X n'a jamais déféré à l'injonction qu'il lui avait donnée, dans un commandement du 6 juillet 1994, de lui communiquer les nom et adresse de son employeur et/ou les références de ses comptes bancaires, Raymond Elichiry, qui soutient qu'une telle carence l'autorisait à poursuivre sa procédure de saisie sans se pourvoir préalablement devant le juge de l'exécution, fait dès lors essentiellement grief à ce magistrat d'avoir violé, par fausse application, les dispositions de l'article 82 du décret 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Considérant que X, qui adopte au contraire, là aussi pour l'essentiel, les motifs de la décision déférée, fait en outre apparemment grief à Raymond Elichiry d'avoir engagé des frais excessifs et rappelle qu'entre-temps, une décision de justice a mis les dépens du litige prud'homal l'ayant opposé à un certain Y, depuis déclaré en liquidation judiciaire, à la charge du liquidateur Roux ;

Considérant que la société civile professionnelle Roux/Delaère, régulièrement convoquée à l’audience par lettre recommandée avec avis de réception du 6 février 1995, n’a pas comparu, mais a fait savoir à la cour, par courrier du 27 février suivant, qu’elle s’en « remettrait à justice » ;

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 51 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991 et 82 et 83 de son décret d'application du 31 juillet 1992 que la saisie-vente dans un local servant a l'habitation du débiteur, lorsqu'elle tend, comme en l'espèce, au recouvrement d'une créance autre qu'alimentaire d'un montant inférieur à 3.500 francs ne peut être pratiquée, sauf autorisation du juge de l'exécution donnée sur requête, que si ce recouvrement n'est pas possible par voie de saisie d'un compte de dépôt ou des rémunérations du travail ;

Que le premier de ces textes précise en outre que, pour les créances de cette nature, le commandement précédant la vente doit contenir injonction au débiteur de communiquer les nom et adresse de son employeur et les références de ses comptes bancaires (ou l'un de ces deux éléments seulement) et que, si le débiteur ne défère pas à cette injonction, le procureur de la République peut être saisi, conformément aux dispositions des articles 39 et 40 de la même loi ;

Que l'on doit en déduire que le défaut de réponse du débiteur saisi à l'huissier saisissant dans le délai de huit jours qui lui est imparti par l'article 83 du décret du 31 juillet 1992, qui ne suffit pas à caractériser l'impossibilité de mise en oeuvre d'une autre procédure civile d'exécution, ne permet pas à lui seul à cet huissier de poursuivre sa procédure de saisie-vente en se passant de l'autorisation du juge de l'exécution :

- d'abord parce que le législateur ne l'a pas expressément prévu, ce qu'il lui aurait été aisé de faire si telle avait été son intention,

- ensuite parce que l'on voit mal l'intérêt pratique d'un recours au procureur de la République si l'on admet la thèse de l'appelant,

- et, enfin, parce que, compte tenu de la teneur de l'article 83 3’ du décret précité du 31 juillet 1992, le saisi "récalcitrant" ne sera (par hypothèse) jamais prévenu de l'une des conséquences de son refus de déférer à l'injonction de l'huissier saisissant ;

Que c'est dès lors par de justes motifs qu’après avoir constaté que Raymond Elichiry avait pratiqué sa saisie-vente sans se munir préalablement de l'autorisation du juge de l'exécution compétent, le premier juge a annulé cette saisie ;

Qu'abstraction faite des autres arguments de X, il convient en conséquence de confirmer la décision déférée ;

DECISION

PAR CES MOTIFS et ceux du premier juge, qu’elle adopte,

La Cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme la décision déférée,

Condamne Raymond Elichiry aux dépens d’appel.