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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B sect. 2, 30 juin 1995, n° 9668/94

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lahiani

Défendeur :

Compagnie d'Assurances Rhin et Moselle (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Van Ruymbeke, Mme L'Henoret

Avocats :

Me Gosselin, Me Larmier

TI Chateaulin, du 17 oct. 1994

17 octobre 1994

EXPOSE DES FAITS-PROCEDURE-OBJET DU RECOURS

Par lettre recommandée adressée le 30 novembre 1994 au greffe du tribunal d'instance de Chateaulin, Deborah Lahiani a formé appel d'une décision rendue le 17 octobre précèdent par le juge de l'exécution du même tribunal qui l'a pour l'essentiel déboutée de sa contestation d'une saisie-vente pratiquée le 27 avril 1994, à l’initiative de la compagnie d'assurances "Rhin et Moselle", sur divers meubles garnissant son domicile et sur son véhicule automobile.

Elle sollicite en effet à nouveau l'annulation de cette saisie (ainsi que celle de tous les actes de procédure antérieurs effectués à la requête de la compagnie Rhin et Moselle) et réclame en outre à cette société la somme de 3.000 francs en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La compagnie Rhin et Moselle, qui conclut au contraire à la confirmation de la décision déférée, réclame en outre elle aussi à Deborah Lahiani la somme globale de 20.000 francs à titre de dommages et intérêts et en application du même texte.

MOYENS PROPOSES PAR LES PARTIES

Considérant qu'à l’appui de son recours, Deborah Lahiani fait essentiellement valoir :

- d'une part que la compagnie Rhin et Moselle aurait fait pratiquer sa saisie-vente sans être titulaire d'un titre exécutoire, au sens des articles 3 et 50 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991,

- de l’autre que le procès-verbal de saisie litigieux n'est lui-même "ni revêtu de la formule exécutoire" (?), ni "signé des personnes présentes sur les lieux",

- et, enfin, que l’huissier mandaté par cette société a pénétré dans son domicile sans y être autorisé par une décision du juge de l’exécution compétent, alors que le montant de la créance qu'il est chargé de recouvrer est inférieur à 3.500 francs en principal ;

Considérant que la compagnie Rhin et Moselle, qui adopte au contraire, là aussi pour l’essentiel, les motifs de la décision déférée et conteste la pertinence des moyens d'appel de Deborah Lahiani, met en outre l’accent sur le caractère abusif de son recours pour justifier ses prétentions accessoires ;

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant que les deux premiers moyens d'appel de Deborah Lahiani manquent en fait, dès lors :

- d'une part qu'il a été vérifié que l’ordonnance portant injonction de payer initialement rendue le 8 février 1993 par le juge d'instance de Chateaulin a bien été signifiée en mairie de Crozon le 24 février suivant, puis revêtue de la formule exécutoire, à défaut d'opposition, le 29 mars 1993,

- de l’autre qu'il suffit de renvoyer à la lecture du second original du procès-verbal de saisie-vente dressé le 27 avril 1994 par l'huissier Darras pour constater que, contrairement à ce que soutient l’intéressée, ce procès-verbal, lui-même précédé d'un commandement avant saisie-vente du 4 juin 1993, est bien signé, en page 6, par les deux personnes ayant assisté cet huissier, en l'occurrence l’un de ses clercs et le gendarme Basnary (?) ,

- et, enfin, qu'aucun texte n'exige, et pour cause, qu'un tel procès-verbal soit assorti "d'une formule exécutoire" ;

Considérant en outre que le véhicule de Deborah Lahiani n'ayant à l’évidence pas pu être saisi à son domicile, celui tiré par l’appelante d'une violation, par la compagnie Rhin et Moselle ou son mandataire, des dispositions des articles 51 de la loi du 9 juillet 1991 et 82 de son décret d'application du 31 juillet 1992 est lui aussi pour partie inopérant ;

Considérant par contre qu'il résulte de ces textes que le recouvrement d'une créance autre qu'alimentaire dont le montant n'excède pas la somme de 3.500 francs en principal ne peut s'effectuer par le biais d'une saisie-vente dans le local d'habitation, du débiteur que sur autorisation préalable du juge de l’exécution compétent ou lorsque le recouvrement de cette créance n'est pas possible par voie de saisie d'un compte de dépôt ou des rémunérations du travail ;

Or considérant que force est de constater que la compagnie Rhin et Moselle, qui n'allègue même pas en particulier avoir saisi le Procureur de la République de Quimper, en application de l’article 83 3° « in fine » du décret précité du 31 juillet 1992, ne justifie d’aucune diligence particulière démontrant, au moins à priori, que l’une ou l’autre de ces autres procédures civiles d’exécution est en l’espèce impossible à mettre en œuvre ;

Que, contrairement à ce qu'elle soutient dans ses écritures d'appel, l’on doit admettre que le défaut de réponse du débiteur saisi à l'huissier saisissant dans le délai de huit jours qui lui est imparti par l'article 83 du décret du 31 juillet 1992, qui ne suffit pas à caractériser une telle impossibilité, ne permet donc pas à lui seul à cet huissier de poursuivre sa procédure de saisie-vente en se passant de l’autorisation du juge de l’exécution :

- d'abord parce que le législateur ne l’a pas expressément prévu, ce qu'il lui aurait été aisé de faire si telle avait été son intention,

- ensuite parce que l’on voit mal l’intérêt pratique d'un recours au procureur de la République si l’on admet la thèse de l’appelant,

- et, enfin, parce que, compte tenu de la teneur de l'article 83 3° de ce décret, le saisi « récalcitrant » ne sera (par hypothèse) jamais prévenu de l'une des conséquences de son refus de déférer à l'injonction de l'huissier saisissant ;

Qu'il convient en conséquence d'infirmer partiellement la décision déférée, mais dans cette seule limite ;

Considérant enfin que si, de ce seul fait, le recours formé par Deborah Lahiani, il est vrai plus prompte à "ester en justice" qu'à payer ses dettes et dont les prétentions accessoires seront donc rejetées, ne peut être qualifié d'abusif, il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de la compagnie Rhin et Moselle les nouvelles sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;

Qu'il lui sera donc alloué à ce titre celle de 4.000 francs ;

DECISION

PAR CES MOTIFS et ceux non contraires ayant déterminé le premier juge, qu'elle adopte,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant partiellement la décision déférée et statuant à nouveau,

Annule la saisie-vente pratiquée le 27 avril 1994, à l’initiative de la compagnie d'assurances "Rhin et Moselle", sur le mobilier garnissant le domicile de Deborah Lahiani,

Lui donne effet pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne Déborah Lahiani à verser à la compagnie d'assurances "Rhin et Moselle" la somme de 4.000 francs en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres prétentions,

Condamne Déborah Lahiani aux dépens de première instance et d’appel.