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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ., 23 mai 2019, n° 18/03017

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

CA Consumer Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blume

Conseillers :

Mme Léger, Mme Toulouse

Avocats :

Me Pitras-Verdier, Me Vignon, Me Roche

CA Nîmes n° 18/03017

22 mai 2019

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte du 1er juin 2018, X et Y ont assigné la Sa Ca consumer finance devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Privas afin de voir ordonner la restitution des deux véhicules Renault Kangoo et Volkswagen Passat saisis le 27 avril 2018 et subsidiairement de les voir déclarer insaisissables, de cantonner la créance à la somme de 27 447,36 euros, de leur octroyer des délais de paiement et de condamner la Sa Ca consumer finance au paiement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Suivant jugement contradictoire du 27 juillet 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Privas a rejeté les demandes de restitution formulées par X et Y, a constaté que le jugement du 4 juillet 2017 avait fixé la créance à la somme de 27 447,36 euros et mentionnait explicitement qu'elle ne portait pas intérêt, a cantonné, par conséquent, la créance à la somme de 27 447,36 euros, a octroyé à X et Y un délai de deux ans pour régler le solde de leur dette, rappelé que cette somme ne portait pas droit à intérêt légal simple ou majoré, a débouté les parties de leurs plus amples demandes et a condamné in solidum X et Y aux dépens.

X et Y ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 août 2018.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2019, ils demandent à la cour de d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté leur demande de restitution de véhicules formulées, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, rappelé que l'exécution provisoire était de droit et en ce qu'elle les a condamnés in solidum X et Y aux dépens mais de la confirmer pour le surplus.

Ils demandent à la cour statuant à nouveau de constater les irrégularités entachant la procédure d'immobilisation ainsi que la retenue indue des véhicules compte tenu de l'absence d'exécution forcée consécutive, de dire insaisissables comme essentielles à la vie courante et aux besoins familiaux de X et Y les véhicules retenus et de dire abusive l'immobilisation des véhicules sans mesure concrète d'exécution.

En conséquence, les appelants demandent à la cour d'ordonner la restitution des véhicules Renault Kangoo immatriculé AJ 363 XA et Volkswagen Passat immatriculé AZ 824 SR, de dire que le créancier ayant fait diligenter une retenue abusive sera tenu au paiement des frais de celles-ci, et de constater que la créance réclamée se cantonne à la somme de 27 447, 36 euros laquelle n'est pas assortie d'intérêts, même légaux, en exécution d'une disposition expresse du titre exécutoire.

Ils sollicitent par ailleurs un report de 2 ans pour leur permettre la vente de leur terrain et l'apurement du passif pour exécuter intégralement le jugement rendu le 4 juillet 2017 ainsi que la condamnation de la Sa Ca consumer finance à leur payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens et aux frais de l'immobilisation.

Les appelants ne contestent pas la dette mais demandent un aménagement de son exécution. Ils estiment que le premier juge a rejeté la demande de restitution des véhicules saisis malgré les délais de paiement accordés, ce qui parait totalement incohérent. Ils soulignent que le procès-verbal d'immobilisation ne précise pas, en violation des dispositions de l'article R 223-8 du code des procédures civiles d'exécution, la présence ou l'absence du débiteur et prétendent ne pas avoir été destinataires d'un commandement de payer en application de l'article R223-10 du même code.

X et Y estiment que les biens seraient insaisissables en raison du caractère nécessaire à la vie et au travail de la famille et précisent être en train de vendre un terrain afin de régler leurs dettes.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 février 2019, la Sa Ca consumer finance demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 27 juillet 2018 en ce qu'il a octroyé à X et Y un délai de deux ans pour régler le solde de leur dette et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, mais de le confirmer pour le surplus.

L'intimée demande ainsi à la cour de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Vignon.

La Sa Ca consumer finance fait valoir que la procédure d'immobilisation a été parfaitement respectée pour avoir été signifiée le jour même à X qui est le titulaire des certificats d'immatriculation des véhicules immobilisés. Elle indique verser aux débats la dénonce de la procédure d'immobilisation qui a été signifiée à personne et qui comprend l'ensemble des modalités prévues à l'article R. 223-10 du code des procédures civiles d'exécution.

Elle souligne que de multiples voies d'exécution ont été mises en oeuvre pour tenter de recouvrer sa créance et que si la vente des véhicules ne saurait suffire à solder la dette, elle permettrait tout de même une réduction non négligeable.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 7 février 2019. Après un renvoi, elle a été évoquée à l'audience du 21 mars 2019.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Suivant jugement du 4 juillet 2017 signifié le 28 décembre 2017, le tribunal d'instance de Saint Etienne a condamné solidairement X et Y à payer à la CA Consumer Finance la somme de 27 447,36 euros due au titre d'un solde de crédit souscrit le 3 avril 2015.

A défaut d'exécution spontanée de la décision par les débiteurs, la CA Consumer Finance a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente le 27 mars 2018 ainsi qu'une saisie attribution dénoncée aux débiteurs le 6 avril 2018. N'ayant pu recouvrer la totalité de sa créance la CA Consumer Finance a procédé à la saisie par immobilisation de deux véhicules appartenant aux débiteurs le 27 avril 2018 (Renault Kangoo AK363 XA et Volkswagen Passat AZ 824 SR).

Les débiteurs réitèrent en appel leur demande en restitution des deux véhicules immobilisés, motif pris, d'une part, de l'irrégularité de la procédure d'immobilisation, d'autre part, de l'insaisissabilité de l'un des véhicules, bien essentiel à la vie courante et aux besoins familiaux.

Une procédure d'immobilisation de deux véhicules appartenant aux débiteurs a été dénoncée à ces derniers par acte d'huissier du 2 mai 2018.

C'est à tort que les appelants se prévalent de l'irrégularité de la procédure de saisie immobilisation motif pris de l'absence de [sic]

Sur la procédure

Selon les dispositions de l'article L. 223-2 du code des procédures civiles d'exécution, ' L'huissier de justice chargé de l'exécution muni d'un titre exécutoire peut saisir le véhicule du débiteur en l'immobilisant, en quelque lieu qu'il se trouve, par tout moyen n'entraînant aucune détérioration du véhicule. Le débiteur peut demander au juge la levée de l'immobilisation du véhicule' 

Selon R. 223-7 du même code ' Si le véhicule est immobilisé à l'occasion des opérations d'une saisie-vente pratiquée dans les locaux occupés par le débiteur ou entre les mains d'un tiers qui le détient pour le compte de ce dernier, il est procédé comme en matière de saisie-vente'.

En vertu de l'article R. 223-8 ' dans les autres cas, l'huissier de justice dresse un procès-verbal d'immobilisation. Cet acte contient à peine de nullité : 1º La mention du titre exécutoire en vertu duquel le véhicule a été immobilisé ; 2º La date et l'heure de l'immobilisation du véhicule ; 3º L'indication du lieu où il a été immobilisé et, le cas échéant, de celui où il a été transporté pour être mis en dépôt ; 4º La description sommaire du véhicule avec notamment l'indication de son numéro minéralogique, de sa marque, de sa couleur et, éventuellement, de son contenu apparent et de ses détériorations visibles; 5º La mention de l'absence ou de la présence du débiteur. L'immobilisation vaut saisie sous la garde du propriétaire du véhicule ou, après son enlèvement, sous la garde de celui qui l'a reçu en dépôt' 

Selon l'article R. 223-9 si le véhicule a été immobilisé en l'absence du débiteur, l'huissier en informe ce dernier le jour même de l'immobilisation par lettre simple adressée ou déposée au lieu où il demeure.

Enfin l'article R. 223-10 dispose que si le véhicule a été immobilisé pour obtenir le paiement d'une somme d’argent, l'huissier signifie au débiteur, huit jours au plus tard après l'immobilisation, un commandement de payer.

L'irrégularité procédurale alléguée tenant à une absence de mention dans le procès-verbal d'immobilisation de l'absence ou de la présence du débiteur est une irrégularité de forme qui ne peut justifier l'annulation de l'acte d'huissier que si la partie qui l'invoque justifie du préjudice qu'elle lui occasionne. A cet égard il ressort des mentions portées sur le procès-verbal d'immobilisation avec enlèvement des véhicules du 27 avril 2018 que l'acte a été signifié le jour même à la personne de X, titulaire des certificats d'immatriculation, et ce à l'adresse de ce dernier. Il s'en déduit que X était bien sur les lieux lors de l'immobilisation et que les appelants ne justifient d'aucun préjudice tenant à l'absence de la mention précitée. En tout état de cause le grief tiré d'une dénonce tardive du procès-verbal d'immobilisation est inopérant.

Par ailleurs c'est à tort que les appelants se prévalent de l'absence de délivrance d'un commandement de payer dans le délai de huit jours au plus tard après l'immobilisation alors que la CA Consumer Finance justifie avoir signifié aux débiteurs un commandement aux fins de saisie le 27 mars 2018 ainsi que la dénonce de la procédure d'immobilisation le 2 mai 2018 comportant les mentions prévues par l'article R. 223-10 du code des procédures civiles d'exécution.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions ayant écarté la demande de restitution des véhicules immobilisés ainsi qu'en celles ayant cantonné la créance de la CA Consumer Finance à la somme de 27 447,36 euros telle que fixée par le titre exécutoire, à l'exclusion de toute autre somme relatives aux intérêts légaux.

Sur l'insaisissabilité

Selon l'article L. 112-2.5º du code des procédures civiles d'exécution, ne peuvent être saisis '(...) Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix (...). Ils deviennent cependant saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s'ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s'ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce'.

Les appelants ne justifient pas qu'il sont dans l'impossibilité de bénéficier d'un moyen de transport alternatif pour se déplacer sur leur lieu de travail ainsi qu'à l'hôpital, de plus les vérifications opérées auprès de la préfecture par l'intimée établissent que X est propriétaire de deux autres véhicules immatriculés 3486XP et 631ALP38 pour lesquels aucun acte de cession n'a été enregistré, constat qui invalide l'affirmation de X selon laquelle ces véhicules auraient été vendus pour l'un et repris par un assureur pour l'autre.

Le premier juge mérite donc confirmation en ce qu'il a écarté la cause d'insaisissabilité invoquée par les appelants.

Sur la demande de délai

Les époux X et Y justifient par la production de leurs bulletins de salaires respectifs de revenus mensuels modestes et de difficultés financières dont atteste la déclaration de recevabilité de leur demande de surendettement du 26 février 2019. Dans la mesure où les débiteurs envisagent de réaliser l'un de leurs biens, il est possible qu'ils connaissent au cours des deux années futures un retour à meilleure fortune.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a accordé aux époux X et Y un délai de deux ans pour s'acquitter de leur dette auprès de la CA Consumer Finance.

Sur la procédure de surendettement

En vertu de l'article L. 722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande tendant au traitement de sa situation de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution à l'encontre des biens du débiteur et portant sur des dettes autres qu'alimentaires.

Selon l'article L. 722-3, 'les procédures et les cessions de rémunération sont suspendues ou interdites, selon les cas, jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1 jusqu'à la décision imposant les mesures prévues par les dispositions de l'article L. 733-1, jusqu'à l'homologation par le juge des mesures recommandées en application des dispositions des articles L733-7, L. 733-8 et L. 741-1, jusqu'au jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou jusqu'au jugement d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire. Cette suspension et cette interdiction ne peuvent excéder deux ans'.

Il est admis par la jurisprudence que le juge de l'exécution ne peut en application des dispositions précitées ordonner la mainlevée d'une mesure d'exécution mise en oeuvre par le créancier antérieurement à la déclaration de recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement mais seulement la suspension desdites mesures.

Par voie de conséquence, il ne peut donc être fait droit à la demande des appelants tendant à la mainlevée de la saisie immobilisation, il convient toutefois de dire suspendue la procédure d'exécution mise en oeuvre par la CA Consumer Finances, ce qui implique que le créancier ne pourra procéder à la vente des véhicules immobilisés.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

Aucune circonstance d'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toute ses dispositions,

Y ajoutant

Déclare suspendues les procédures de saisie immobilisation ainsi que les mesures d'exécution mises en oeuvre par la CA Consumer Finance,

Déboute X et Y de leur demande de mainlevée de la mesure d'immobilisation,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.