Livv
Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 29 novembre 2018, n° 18/00105

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulange

Conseillers :

M. Maimone, Mme Piedagnel

JEX Compiègne, du 13 déc. 2017

13 décembre 2017

DECISION :

Par acte notarié en date du 27 novembre 2007, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a consenti à Monsieur X et Madame X un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier, d'un montant de 316 996 euros pour une durée de 280 mensualités, hors anticipation, au taux de 4,51 % l'an et un prêt à taux zéro de 26.500 euros d'une durée de 96 mois, assorti d'une hypothèque conventionnelle.

Par acte notarié en date du 12 mars 2009, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a consenti à Monsieur X un prêt destiné à financer des travaux immobiliers d'un montant de 66.500 euros au taux annuel fixe de 4,80 % l'an remboursable en 96 échéances, assorti d'une hypothèque conventionnelle.

Les époux X n'ayant toutefois pas honoré le règlement de leurs échéances courantes, la déchéance du terme des prêts consentis a été prononcée à l'encontre de Monsieur X et Madame X le 9 février 2011.

Par jugement du 25 juillet 2012, le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de BEAUVAIS a ordonné la vente forcée des biens saisis et par jugement du 14 novembre 2012, la même juridiction a rejeté la demande de remise de la vente forcée. Suite à la vente, un règlement de 173.321,05 euros a été perçu par la banque le 6 septembre 2013.

Le 28 octobre 2014, un procès-verbal de saisie-attribution a été établi et un procès-verbal de tentative de saisie-vente a été délivré aux débiteurs le 29 décembre 2016.

Le 2 mars 2017, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a fait délivrer à Monsieur X et Madame X un procès-verbal de saisie-vente portant sur un montant de 306.000,48 euros ainsi qu'un procès-verbal d'immobilisation et un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule AUDI Q3 immatriculé DH-688-AB.

Le 7 mars 2017, le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule a été dénoncé à Monsieur X.

Par acte d'huissier en date du 12 septembre 2017, Monsieur X et Madame X ont fait assigner la société REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE devant le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de COMPIEGNE, afin de voir constater la nullité de l'immobilisation du véhicule AUDI Q3 ainsi que d'ordonner la mainlevée de la saisie dudit véhicule et sa restitution. Ils ont également demandé au juge de l’exécution d'ordonner la suspension du remboursement de la dette sur le fondement de l'article 1343-5 du Code civil et de condamner la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et les entiers dépens.

Par jugement contradictoire en date du 13 décembre 2017, le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de COMPIEGNE a :

- débouté Monsieur X et Madame X de leur demande de nullité de l'immobilisation du véhicule AUDI Q3 immatriculé DH-688-AB ;

- débouté Monsieur X et Madame X de leur demande de mainlevée de la saisie dudit véhicule et de sa restitution ;

- débouté Monsieur X et Madame X de leur demande de délais de paiement ;

Par déclaration en date du 9 janvier 2018, Monsieur X et Madame X ont interjeté appel de cette décision. Ils demandent à la Cour :

- de déclarer Monsieur Y recevable et bien fondé en son intervention volontaire ;

- de constater qu'un procès-verbal de saisie attribution a été établi le 28 octobre 2014 et qu'un procès-verbal de tentative de saisie-vente a été délivré aux concluants le 29 décembre 2016 ;

- de constater qu'après avoir fait ces constatations, le premier juge, par erreur d'appréciation, n'a pas tiré les conséquences logiques de ses propres constatations et a conclu que l'action en recouvrement des mensualités impayées, du capital et des accessoires n'était pas prescrite ;

- d'infirmer le jugement rendu le 13 décembre 2017 par le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de COMPIEGNE ;

- de dire et juger qu'entre le procès-verbal de saisie attribution établi le 28 octobre 2014 ayant interrompu la prescription et le 29 décembre 2016 date du procès-verbal de tentative de saisie-vente, deux ans et deux mois se sont écoulés ;

- dire et juger prescrite l'action en recouvrement des mensualités impayées, du capital et des accessoires de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE ;

- d'ordonner la mainlevée de la saisie du véhicule AUDI Q3 immatriculé

DH-688-AB et sa restitution sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- à titre subsidiaire, de dire et juger que Monsieur X ayant cédé le véhicule à son fils, ce véhicule ne lui appartenait plus et qu'il n'était qu'un détenteur précaire ;

- à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement entrepris et d'ordonner mainlevée de la saisie et restitution du véhicule AUDI immatriculé DH-688-AB sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- de condamner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE à payer à Monsieur X et Madame X la somme de 2.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

A l'appui de leur recours, ils soutiennent :

- que Monsieur Y a un intérêt légitime et que ses prétentions ont un lien suffisant avec celles des époux X en ce que le véhicule litigieux lui a été cédé le 2 janvier 2017 et que son intervention a pour objet de voir ordonner la mainlevée dudit véhicule , saisi le 7 mars 2017 ;

- que l'action en recouvrement des mensualités impayées, du capital et des accessoires est soumise à la prescription biennale édictée par l'article L. 137-2 ancien du Code de la consommation, or en l'espèce, la banque aurait laissé passer un délai de plus de ans après sa dernière action en recouvrement en date du 28 octobre 2014 ;

- que la présence du véhicule au domicile de Monsieur X s'explique par le fait que l'acheteur, son fils, Monsieur Y, est domicilié chez lui et que l'absence de la demande de modification du certificat d'immatriculation du véhicule par le fils dans le délai d'un mois ne peut pas avoir transformé Monsieur X en véritable possesseur ;

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la Cour :

- de condamner solidairement Monsieur X, Madame X et Monsieur Wilfried X au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner les mêmes et sous la même solidarité aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Maître Z, membre de la SELARL W.

Il fait valoir :

- que du fait de l'existence d'un reliquat après la vente forcée, des procédures civiles d’exécution ont été diligentées ce qui a conduit le premier juge à considérer que l'action en recouvrement n'était pas prescrite ;

- que l'huissier ayant procédé à l'immobilisation du véhicule litigieux a exposé, par courrier du 25 septembre 2017, avoir interrogé le service d'immatriculation des véhicules afin de connaître les véhicules immatriculés au nom de Monsieur X et que le véhicule AUDI Q3 était toujours à son nom le 2 mars 2017 ;

- que Monsieur X aurait tenté une vente du véhicule afin d'organiser son insolvabilité suite au passage d'un huissier de justice le 29 décembre 2016 et ce, en violation des droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'intervention volontaire

Attendu qu'aux termes des articles 66, 325 à 330 et 554 du Code de procédure civile, l'intervention volontaire en cause d'appel est recevable à la condition de justifier d'un intérêt légitime et qu'elle se rattache aux prétentions originaires des parties par un lien suffisant ;

Qu'en l'espèce, Monsieur Y soutient avoir intérêt à intervenir à la procédure afin de revendiquer la propriété du véhicule litigieux et estime que son intervention se rattache aux prétentions originaires du couple X tendant à voir ordonné la mainlevée sur le véhicule AUDI saisi le 7 mars 2017 en ce qu'il est propriétaire du véhicule litigieux ;

Que dans ces conditions, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de Monsieur Y à la procédure de recours formée par les époux X.

Sur la prescription

Attendu qu'aux termes de l'article L132-7 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ;

Qu'en application de cet article, il est considéré qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à compter de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéances successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ;

Qu'en l'espèce, le délai de prescription biennal a donc commencé à courir à compter du 9 février 2011 pour les prêts qui ont été consentis aux époux X ;

Qu'il ressort des pièces versées aux débats que l'appelant entend soutenir que l'action en recouvrement de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE est prescrite en raison du délai écoulé entre le procès-verbal de saisie-attribution établi à l'encontre des débiteurs le 28 octobre 2014 et le procès-verbal de tentative de saisie vente été établi à l'encontre des débiteurs le 29 décembre 2016 ;

Que toutefois, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE justifie avoir accompli les actes d’exécution forcée suivants :

- procès-verbal de saisie attribution du 28 octobre 2014,

- procès-verbal de saisie attribution du 25 septembre 2015,

- procès-verbal de tentative saisie-vente du 29 décembre 2016,

- réquisition de la force publique du 29 décembre 2016 (pour la saisie-vente),

- procès-verbal de saisie vente du 2 mars 2017,

- procès-verbal d'immobilisation du véhicule avec enlèvement en date du 2 mars 2017,

- procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 2 mars 2017,

- dénonciation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du 7 mars 2017,

- commandement de payer du 7 mars 2017,

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il ne s'est jamais écoulé un délai de plus de deux ans entre deux actes interruptifs de prescription ;

Qu'en conséquence, il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce que la procédure engagée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE ne se heurte à aucune prescription ;

Sur la demande de mainlevée de la saisie du véhicule

Attendu qu'au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir que Monsieur X a vendu à son fils, Monsieur Y, le véhicule Audi Q3 immatriculé DH-688-AB avant la dénonciation qui lui a été faite le 2 mars 2017 du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation dudit véhicule, qu'il n'était donc plus propriétaire à la date de cette dénonciation, ajoutant que la déclaration administrative de la cession du véhicule pour le transfert de la carte grise a été effectuée le 15 décembre 2016.

Qu'ils ajoutent que Monsieur Y entend se prévaloir de la propriété du véhicule même si le véhicule était stationné au domicile de Monsieur X en raison de leurs liens familiaux.

Que toutefois, il ressort des pièces versées aux débats que la déclaration de cession du véhicule litigieux est incomplète, que le certificat d'immatriculation du véhicule litigieux a été barré le 15 décembre 2016 mais ne comporte pas les mentions d'usage telles que, l'heure de la vente, la signature des deux parties ainsi que la mention « vendu le » ;

Que, si les appelants soutiennent que le véhicule a été vendu le 15 décembre 2016, Monsieur X se contredit en produisant aux débats « la synthèse de l'arrangement pour la cession du véhicule Audi Q3 » montrant les paiements de l'acquéreur alors que le document fait apparaître des paiements émis par 'A' et un premier le 14 octobre 2016 soit antérieurement à la vente alléguée ;

Que par ailleurs, aucun versement émis par Monsieur Y n'apparaît sur le compte de Monsieur X, que ce dernier ne justifie pas avoir versé une quelconque somme d'argent au vendeur et qu'il est acquis que Monsieur Y n'a pas fait les démarches nécessaires afin d'établir le certificat d'immatriculation à son nom ;

Attendu qu'il convient de préciser qu'en vertu des articles L. 223-1 alinéa 2 et R. 223-2 du Code des procédures civiles d’exécution, la déclaration formée auprès de l'autorité administrative vaut saisie et emporte indisponibilité du véhicule, cette mesure ne produisant son plein effet qu'à compter de sa signification au débiteur ;

Qu'en l'espèce, il résulte qu'au jour de l'établissement du procès-verbal d'indisponibilité du 2 mars 2017, le véhicule Audi Q3 était encore la propriété du débiteur saisi, Monsieur X ;

Qu'ainsi, eu égard aux éléments ci-dessus et à la contradiction que Monsieur X et Monsieur Y révèlent sur l'existence de la vente alléguée, l'ensemble des documents fournis est insuffisant pour justifier de la réalité d'une vente effective du véhicule à la date du 15 décembre 2016 ;

Qu'en conséquence, c'est à bon droit que le premier juge n'a pas fait droit à la demande de mainlevée de la saisie du véhicule Audi Q3 immatriculé DH-688-AB.

Attendu qu'il sera alloué au défendeur qui a dû engager des frais pour assurer la défense de ses intérêts en justice, la somme de 2.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur X et Madame X, qui succombent à l'instance, supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2017 par le juge de l' exécution du Tribunal de grande instance de COMPIEGNE ;

Y ajoutant,

REJETTE toute demande plus ample ou contraire ;

CONDAMNE Monsieur X et Madame X à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE la somme de 2.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur X et Madame X aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Z, membre de la SELARL W.