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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 25 octobre 2016, n° 15/03933

CAEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

D Clais (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pigeau

Conseillers :

M. Jaillet, Mme Serrin

Avocats :

Me Chanut, Me Salmon

JEX Caen, du 20 oct. 2015, n° 15/00933

20 octobre 2015

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement en date du 2 octobre 2014, le conseil de prud'hommes de Caen, dans un litige ayant opposé X à la SARL D.CLAIS, a prononcé différentes condamnations de la société au profit de son ancien salarié et a ordonné sous astreinte la remise de divers documents.

Ce jugement a été notifié aux parties le 9 octobre 2014 et la SARL D.CLAIS en a accusé réception le 11 octobre 2014.

Un commandement aux fins de saisie-vente a été délivré le 20 janvier 2015 par X, suivi le 10 février 2015 d'un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation d'un véhicule appartenant la société.

Par acte d'huissier de justice en date du 27 février 2015, la SARL D.CLAIS a fait assigner X devant le juge de l'exécution afin d'obtenir : la nullité du procès-verbal d'indisponibilité pour non-respect des dispositions des articles R. 223-2 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ; des délais de paiement à raison de 1 000 euros par mois ; le paiement d'une indemnité de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 20 octobre 2015, le juge de l'exécution :

déboute la SARL D.CLAIS de ses demandes de nullité et de délais ;

liquide les astreintes provisoires prononcées par le conseil de prud'hommes à la somme globale de 16'000 euros et condamne la SARL D.CLAIS au paiement ;

prononce de nouvelles astreintes provisoires dans les mêmes termes que le dispositif du jugement susvisé, faute de remise des documents manquants dans le délai de 45 jours à compter de la notification du présent jugement ;

rejette le surplus des demandes ;

condamne la SARL D.CLAIS aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 9 novembre 2015, la SARL D.CLAIS a interjeté appel de cette décision.

Pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs dernières écritures, déposées, le 13 juin 2016 pour la SARL D.CLAIS et le 13 avril 2016 pour X.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 juin 2016.

MOTIFS DE LA COUR

1. Sur la nullité de la procédure de saisie

La SARL D.CLAIS fait valoir que le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule est nul car ne remplissant pas les conditions visées à l'article R. 223-2 du code des procédures civiles d'exécution, en ce qu'il ne mentionne pas le siège social de la société concernée.

Il fait valoir en outre que conformément aux dispositions de l'article R 223-3 du même code, l'huissier instrumentaire aurait dû mentionner dans l'acte de signification au débiteur le décompte distinct du solde réclamé, en principal frais et intérêt échu.

Il ajoute que le décompte est inexact en raison d'un paiement partiel.

En réponse, X fait valoir que ce n'est que par courrier reçu le 5 janvier 2015 que le conseil de la SARL D.CLAIS a fait parvenir un règlement de 3675,62 euros alors qu'il avait, dans l'intervalle, mandaté un huissier pour procéder à l'exécution forcée.

Il ne s'oppose pas à ce que la cour limite les effets du commandement pour tenir compte du règlement intervenu.

S'agissant de la voie d'exécution suivie à l'encontre du véhicule appartenant à la société, selon les dispositions de l'article L. 223-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'huissier de justice effectue une déclaration auprès de « l'autorité administrative compétente », c'est-à-dire des services de la préfecture.

L'acte (article R. 223-2) doit comporter les mentions suivantes : les coordonnées du débiteur ainsi que sa localisation (adresse dans l'hypothèse d'une personne physique, siège social dans l'hypothèse d'une personne morale) ; le numéro d'immatriculation et la marque du véhicule saisi, la mention du titre exécutoire dont se prévaut le créancier, et le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus. La déclaration est signifiée à l'autorité administrative compétente du lieu où demeure le débiteur.

Il est exact que le procès-verbal d'indisponibilité ne mentionne pas l'adresse de la SARL D.CLAIS mais cette omission, qui constitue une irrégularité de forme ne peut être sanctionnée que s'il est démontré qu'elle a occasionné un grief.

Aucune démonstration de cette sorte n'est faite par le débiteur qui souligne l'irrégularité formelle de l'acte sans alléguer aucun grief.

Le décompte des sommes dues est constitué en l'espèce par le commandement de payer délivré le 20 janvier 2015, soit préalablement à la dénonciation, par acte du 10 février 2015, du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation.

Il est exact qu'il a été délivré pour la somme principale de 12 675,62 euros en sorte qu'il ne tient pas compte d'un versement préalable de 3 675,62 euros.

Cependant, comme l'a jugé la cour de Cassation, un commandement fait pour une somme supérieure au montant réel de la dette demeure valable à concurrence de ce montant (pourvoi 96-143339).

Aucune nullité n'affectant la procédure de saisie, il n'y a pas lieu d'ordonner la main levée du procès-verbal d'indisponibilité.

La décision entreprise doit être confirmée sur ce point.

2. Sur la demande de délais de paiement

Même si X a refusé le délai de grâce sollicité par le créancier pour se libérer de sa dette, force est de constater que ce délai est à ce jour épuisé.

S'agissant d'une créance de nature salariale et compte tenu du délai qui s'est déjà écoulé, il n'est pas justifié de faire droit à cette demande.

La décision entreprise doit être confirmée sur ce point.

3. Sur la liquidation des astreintes

Le dispositif de la décision du conseil de prud'hommes en date du 2 octobre 2014 qui est à ce jour irrévocable est ainsi libellé :

Juge la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de X aux torts de la SARL D.CLAIS ; Dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Fixe la moyenne des salaires de X à la somme de 2661, 07 euros bruts ;

En conséquence,

Condamne la SARL D.CLAIS à payer à X les sommes suivantes :

- 5 322,14 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 532,21 euros au titre des congés payés y afférents,

- 798,32 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4 400,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 124,69 euros au titre du solde des congés payés du mois de mai 2013,

- 1 498,26 euros au titre des congés payés restant dus.

Ordonne à la SARL D.CLAIS de remettre à X des bulletins de paie conformes au jugement pour l'intégralité de la période d'emploi, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du soixantième jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

Ordonne à la SARL D.CLAlS de justifier avoir déclaré les cotisations sociales sur la base de l'intégralité des salaires bruts de X sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document à compter du soixantième jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

Ordonne à la SARL D.CLAlS de remettre à X les documents de fin de contrat rectifiés soit le certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi, le reçu pour solde de tout compte, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du soixantième jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

Déboute X de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

Déboute X de sa demande de dommages et intérêts pour retard de paiement de salaires ;

Condamne la SARL D.CLAIS à verser à X la somme de 1 000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Déboute la SARL D.CLAIS de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne la SARL D.CLAlS aux entiers dépens.

Sont produits aux débats par la SARL D.CLAIS les bulletins de salaires établis à l'origine et les bulletins de salaire rectifiés. Le tableau récapitulatif des différentes sommes qui ont été retenues pour le calcul des cotisations s'établit comme suit :

<TABLEAU>

Sont enregistrés comme acomptes les sommes versées au salarié selon mention figurant sur les bulletins initiaux. (Salaire net payé).

Pour le mois de janvier 2012, le bulletin de salaire initial n'est pas versé au dossier. Il est néanmoins retenu un acompte de 2 066,05 euros, les autres mentions reprises sur la totalité de la période étant exactes par ailleurs.

Les bulletins de salaires établis par CERFRANCE sont bien conformes à la décision du conseil de prud'hommes. Ont bien été réintégrées, au titre des rémunérations soumises à cotisations, le montant des commissions et le tout a été calculé sur une moyenne de rémunération de 2 661, 07 euros bruts, dans les termes du dispositif de la décision à exécuter.

En sorte qu'il convient de dire que ces bulletins de salaire sont satisfactoires et qu'aucune mauvaise volonté ne peut être retenue à l'encontre de la SARL D.CLAIS.

En l'absence de toute autre demande de rectification de la rémunération à percevoir et qui aurait été prise en compte par la juridiction prud'homale, notamment au titre du remboursement des frais exposés, l'intégration des commissions dans la rémunération soumise à cotisations a généré un trop-perçu pour le salarié auquel n'avait pas été précomptées les cotisations salariales y attachées.

Cette circonstance est indifférente à l'obligation devant laquelle l'employeur se trouve d'effectuer une déclaration complémentaire auprès des services de l'URSSAF, pour toutes les sommes qu'il aurait dû précompter, ce qu'il avait négligé de faire.

Il doit donc être retenu que la SARL D.CLAIS s'est acquittée partiellement de ses obligations à la date à laquelle les bulletins de salaires rectifiés et complémentaires ont été transmis au conseil de X.

Il résulte de l'échange de correspondances entre les conseils que le 5 février 2015, a été transmis le bulletin de paye du 18 décembre 2014.

Ce bulletin reprend les différentes indemnités octroyées (licenciements, congés payés et l'indemnité compensatrice, dommages et intérêts article 700).

Manquait à cet envoi à tout le moins un bulletin de paye rectificatif pour la période s'étant écoulée du 1er janvier 2012 au 30 juin 2013, difficulté qui a été résolue par l'établissement de nouveaux bulletins de salaire, pour la même période, et à une date qui n'est pas précisée, sauf à la fixer au 26 juin 2015, date de l'attestation du comptable.

S'agissant de l'attestation destinée à être remise à Pôle Emploi, celle qui aurait été jointe à la correspondance du 30 mars 2015 n'est pas versée au dossier. La seule pièce numérotée sept au dossier de X qui a été faite en 2013 n'est pas conforme à la rémunération qui devait être déclarée, commissions incluses.

Le certificat de travail est également erroné en ce qu'il ne tient pas compte de la durée du préavis.

La décision fixant l'obligation assortie d'astreinte est un jugement en premier ressort dont l'astreinte a commencé à courir 60 jours après l'expiration du délai d'appel, s'agissant d'une partie de la décision qui ne bénéficie pas de l'exécution provisoire de plein droit et dont l'exécution provisoire n'a pas été ordonnée..

La décision a été notifiée à la SARL D.CLAIS le 11 octobre 2014. Le délai pour former appel a expiré le 12 novembre 2014 en l'absence d'acquiescement et l'astreinte a commencé à courir 60 jours après, soit le 11 janvier 2015.

Le retard à exécution, s'agissant de la délivrance des bulletins de paye, doit être calculé du 11 janvier 2015 au 26 juin 2015. Il est donc de 167 jours.

Reste inexécutées en l'état des éléments versés aux débats : l'obligation de délivrer une attestation portant exactement le montant des rémunérations rétablies dans leur assiette de cotisations, destinée à Pôle emploi, la remise d'un reçu pour solde de tout compte, la délivrance d'un certificat de travail comportant exactement les dates de début et de fin de contrat, chacune de ces obligations étant assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, astreinte dont le point de départ doit être fixé, pour chacune de ces obligations, au 11 janvier 2015.

Il n'est pas davantage justifié que le comptable a bien déclaré à l'URSSAF les cotisations différentielles du chef de X, cette obligation étant assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, qui a commencé à courir à compter du 60e jour suivant la notification du jugement à intervenir et donc à compter du 11 janvier 2015.

Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Le rétablissement de l'assiette des cotisations était incontestablement l'opération la plus longue et elle conditionne le surplus de certaines autres obligations : complément de déclaration URSSAF, attestation destinée à Pôle emploi.

La méthode retenue est encore à ce jour contestée par X, dont l'analyse excède cependant les termes du dispositif sus-rappelé du conseil de prud'hommes.

Bien qu'il s'agisse d'une obligation personnelle de l'employeur, celui-ci ne pouvait s'en acquitter, s'agissant d'une opération complexe, sans recourir aux services d'un expert-comptable qualifié.

Il est justifié dès lors de ramener les astreintes liquidées à la somme de 1 200 euros et d'infirmer sur ce point la décision entreprise.

Pour garantir le surplus des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes, le premier juge a, à juste titre, retenu qu'il était justifié de prononcer une nouvelle astreinte, provisoire.

Il convient toutefois de tenir compte de l'exécution partielle et de la difficulté tenant à l'interprétation de la décision. Cette nouvelle astreinte sera en conséquence fixée à la somme de 25 euros par jour de retard, commençant à courir 90 jours après la signification du présent arrêt, et pour une durée de 90 jours, délai au-delà duquel il devra être à nouveau fait droit.

La décision entreprise sera infirmée de ces chefs.

Sur les autres demandes

S'agissant de l'exécution tardive du jugement, Il n'est pas justifié d'un préjudice qui ne serait pas réparé par les intérêts au taux légal. La demande doit être en conséquence rejetée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de X le montant des frais et irrépétibles exposé devant la cour.

La SARL D.CLAIS sera en conséquence condamnée à lui verser une indemnité de 1 200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme la décision du juge de l'exécution de Caen en date du 20 octobre 2015 en ce qu'il a débouté la SARL D.CLAIS de ses demandes de nullité et de délais ;

Déboute en conséquence la SARL D.CLAIS de sa demande de mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule CHEVAL LIBERTE type cargo immatriculé DF -341- WN ;

L'infirme en ce qu'il a liquidé les astreintes provisoires à la somme globale de 16'000 euros ;

Statuant à nouveau :

Liquide les astreintes prononcées par le conseil de prud'hommes dans sa décision en date du 2 octobre 2014 à la somme de 1 200 euros ;

Condamne en conséquence la SARL D.CLAIS à verser cette somme à X ;

L'infirme en ce qu'il a déclaré prononcer de nouvelles astreintes provisoires dans les mêmes termes que le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes du 2 octobre 2014 ;

Dit que la SARL D.CLAIS s'est acquittée de l'obligation de délivrer des bulletins de salaire conformes ;

Dit que la condamnation de la SARL D.CLAIS à justifier de ce qu'elle a déclaré les cotisations sociales sur la base de l'intégralité des salaires bruts de X, l'obligation qui lui est faite de remettre le certificat de travail, de remettre l'attestation Pôle Emploi et le reçu pour solde de tout compte, sont assorties d'une astreinte provisoire pour le tout de 25 euros par jour de retard, commençant à courir 90 jours après la signification du présent arrêt, et pour une durée de 90 jours, délai au-delà duquel il devra être à nouveau fait droit ;

Y condamne la SARL D.CLAIS ;

Déboute X de sa demande de dommages et intérêts pour exécution tardive du jugement ;

Condamne la SARL D.CLAIS à verser à X la somme de 1 200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL D.CLAIS aux dépens.