CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 5 janvier 2023, n° 22/01628
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Fonds Commun de Titrisation Credinvest (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thomassin
Conseillers :
Mme Pochic, M. Catteau
Avocats :
Me de Toffoli, Me Juston, Me Bohbot
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Un jugement réputé contradictoire du 5 mai 2000 du tribunal d'instance de Hyères condamnait solidairement, avec exécution provisoire, monsieur [L] [D] et madame [C] [G] épouse [D], à payer à la société Cetelem, la somme de 147 809,88 francs avec intérêts au taux annuel de 9 % à compter du 12 octobre 1999, outre une indemnité de 1 500 francs au titre de ses frais irrépétibles et les dépens.
Ledit jugement était signifié le 1er août 2000, par dépôt en mairie, à monsieur et madame [D].
Le 7 décembre 2020, le fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2 représenté par la société de gestion Eurotritisation (ci-après désignée société Crédinvest) venant aux droits de la société BNP Paribas Finance suite à une cession de créance du 28 septembre 2010, faisait délivrer un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule C3 [Immatriculation 5] auprès de la préfecture des Bouches du Rhône. Le 15 décembre 2020, la mesure d'indisponibilité précitée était signifiée à madame [C] [G] divorcée [D] avec la cession de créance du 28 septembre 2010.
Le 7 décembre 2020, la société Crédinvest faisait délivrer à la Caisse d'épargne Cote d'Azur, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de madame [G] aux fins de paiement de la somme de 29 123,22 €.
Le 18 février 2021, madame [G] épouse [Z] et monsieur [T] [Z] faisaient assigner la société Crédinvest devant le juge de l'exécution du TJ de Draguignan aux fins de :
- mainlevée de la saisie-attribution du 17 décembre 2020 et de restitution des frais de saisie d'un montant de 101 €,
- mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Citroën C3 et de distraction du bien saisi au profit de monsieur [T] [Z],
- à titre subsidiaire, constat de la prescription d'intérêts comptabilisés et déduction du montant des sommes payées par monsieur [D],
- en tout état de cause, condamnation de la société défenderesse à payer aux époux [Z], une indemnité de 1 500 € au titre de leurs frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 25 janvier 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Draguignan :
- constatait la caducité de la saisie-attribution du 7 décembre 2020,
- déboutait madame et monsieur [Z] de leur demande de mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule C3 [Immatriculation 5]
- rejetait la demande de remboursement des frais bancaires de 101 €,
- condamnait madame et monsieur [Z] à payer au fonds commun de titrisation Crédinvest, une indemnité de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Le premier juge prononçait la caducité de la saisie-attribution au motif de l'absence de dénonce dans les délais légaux à madame [Z] ; mais il rejetait la demande de mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation aux motifs de :
- la validité de la signification du jugement du 5 mai 2000 par dépôt en mairie en application des dispositions de l'article 656 du code de procédure civile, applicables à l'espèce, un avis de passage ayant été laissé au domicile et l'avis de signification avec copie de l'acte adressé dans les délais légaux, les diligences accomplies ou constatations personnelles de l'huissier faisant foi jusqu'à inscription de faux ;
- de l'absence de prescription du jugement interrompue par la signification d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente du 6 juin 2018, entachée d'une erreur matérielle sur l'année mentionnée, 2017 au lieu de 2018, et le nombre de pages, trois au lieu de six, compte tenu des trois pages du jugement, et en l'absence de grief dès lors que l'acte d'exécution produisait un effet interruptif quelque soit sa date de délivrance.
Il relevait aussi l'interruption de la prescription par la saisie-attribution du 12 juin 2018 sur un compte bancaire de monsieur [D] représentant madame [G] par l'effet de la solidarité,
- de la qualité pour agir du fonds de titrisation Crédinvest suite à une cession de la créance du 28 septembre 2010 par BNP Paribas Personnal Finance venant aux droits de Cetelem, partie au jugement du 5 mai 2000, au fonds commun de titrisation,
- de l'absence de preuve de la qualité de seul propriétaire du véhicule de monsieur [Z], lequel ne produit pas l'acte d'achat alors que le certificat d'immatriculation a été délivré au nom de deux époux,
Enfin, il rejetait la demande de paiement des frais bancaires de 101 € générés par la saisie attribution contestée en l'absence d'abus et en l'état d'un titre exécutoire et d'une créance non recouvrée.
Le jugement précité était notifié par voie postale, selon accusés de réception signés le 31 janvier 2022 par monsieur [Z] et le 1er février 2022 par madame [Z].
Le 3 février 2022, les époux [Z] établissaient une déclaration d'appel mentionnant 'appel total' enregistrée sous le numéro 22/1628. Le 4 mars suivant, ils établissaient une seconde déclaration d'appel enregistrée sous le numéro 22/3323, signifiée le même jour à la société Crédinvest reprenant l'intégralité des chefs du dispositif du jugement déféré sauf la caducité de la saisie-attribution.
Une ordonnance du 10 mars 2022 prononçait la jonction entre les deux procédures.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 27 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, les époux [Z] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
- prononcer la caducité du jugement du 5 mai 2000,
- prononcer la prescription du jugement du 5 mai 2000,
- constater que le compte bancaire saisi et le véhicule C3 [Immatriculation 5] ne sont pas des biens propres de madame [C] [Z],
- condamner le fonds commun de titrisation Crédinvest à leur payer la somme de 101 € au titre des frais bancaires générés par la saisie-attribution,
- débouter le fonds commun de titrisation Crédinvest de toutes ses demandes,
- en conséquence, ordonner la mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Citroën C3 [Immatriculation 5]
- condamner le fonds commun de titrisation Crédinvest à leur payer une indemnité de 2 500 € au titre de leurs frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens.
Ils invoquent la caducité du jugement du 5 mai 2000 non valablement signifié dans le délai de six mois pour diligences insuffisantes de l'huissier de justice, ayant seulement consulté un voisin alors que le créancier connaissait le lieu de travail de madame [Z] mentionné sur le formulaire Cetelem.
Ils caractérisent le grief par la privation de l'exercice d'une voie de recours à l'égard du jugement précité, madame [Z] n'ayant pas non plus été touchée par la seconde signification du jugement du 6 juin 2018 déposée à l'étude.
Ils soulèvent la prescription du titre exécutoire en l'absence d'effet interruptif de la signification du 6 juin 2018 du commandement de payer aux fins de saisie-vente, entachée de nullité pour défaut de diligences suffisantes de l'huissier à une adresse sans numéro de rue de sorte qu'elle n'a pas été destinataire de l'avis de passage.
Ils soutiennent aussi que la signification à monsieur [D] de la saisie-attribution du 12 juin 2018 est sans effet interruptif dès lors qu'il se trouvait sous tutelle depuis un jugement du 30 juin 2015.
Ils affirment qu'en application des articles 1410 et 1411 du code civil, le véhicule C3 Citroën acquis le 30 mai 2019, soit postérieurement au mariage, est présumé bien commun, et que le créancier doit établir qu'il est un bien propre de madame [Z]. Ils font grief au jugement déféré d'avoir inversé la charge de la preuve en retenant l'absence de production de l'acte d'achat.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Crédinvest demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- y ajoutant, condamner solidairement les époux [Z] à lui payer une indemnité de 2 500 € au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient que le titre exécutoire a été valablement signifié à mairie, le 1er septembre 2000, après vérification du nom sur la boîte aux lettres, interrogation des voisins, l'époux ayant déclaré à l'audience qu'ils ne travaillaient plus pour la société SDI. Le FCT conteste l'existence d'un grief dès lors que madame [Z] avait la faculté d'interjeter appel du jugement du 5 mai 2000 suite à une seconde signification du 6 juin 2018.
Il conteste la prescription du titre suite à une interruption du délai, par la signification du jugement et d'un commandement de payer aux fins de saisie vente du 6 juin 2018, à mairie, la mention de la villa [4] étant suffisante en l'absence du numéro de rue, et par la signification d'une saisie-attribution du 12 juin 2018 dénoncée à monsieur [D], dont Madame [Z] n'a pas qualité pour contester la validité. En tout état de cause, il soutient que la preuve de la publicité du jugement de tutelle de monsieur [D] n'est pas rapportée.
Au titre de l'indisponibilité du véhicule Citroën C3, il affirme que le certificat d'immatriculation est un titre de police et ne vaut pas titre de propriété. Il en conclut que les appelants ne rapportent pas la preuve que le véhicule appartient à monsieur [Z].
Il conteste la demande au titre des frais bancaires de saisie, résultant des conditions générales entre un client et sa banque, alors qu'il détient un titre exécutoire ainsi qu'une créance à recouvrer et n'a commis aucune faute.
L'instruction de l'affaire était close par ordonnance du 11 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La cour n'est pas saisie de la caducité de la saisie-attribution prononcée par le jugement déféré mais seulement de la mesure d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule [Immatriculation 5].
Sur la caducité du jugement du 5 mai 2000,
Selon l'article 478 du code de procédure civile, le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois.
Selon l'article 656 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice et dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est réputée faite à domicile ou à résidence. Dans ce cas, l'huissier est tenu de remettre copie de l'acte en mairie le jour même ou au plus tard le premier jour où les services de la mairie sont ouverts au public.
En l'espèce, madame [G] ne conteste pas qu'elle était domiciliée à [Adresse 6], le 31 juillet 2000, conformément aux mentions de ses bulletins de salaire de janvier à septembre 2000.
Le procès-verbal de signification du jugement mentionne que l'huissier de justice s'est présenté, le 31 juillet 2000 à cette adresse et que n'ayant trouvé personne, il a laissé un avis de passage puis a procédé à un dépôt de la signification en mairie et à l'envoi de l'avis de signification.
Dès lors, madame [G] ne peut faire grief à l'huissier de n'avoir pas tenté de lui signifier le jugement du 5 mai 2000 sur son lieu de travail, cette diligence étant requise lorsque l'huissier est en mesure d'identifier l'employeur, uniquement en cas de signification convertie en procès-verbal de recherches.
Il s'en déduit que la signification du jugement du 5 mai 2000 par dépôt en mairie n'est pas caduque de sorte que la société Crédinvest dispose d'un titre exécutoire à l'égard de madame [G].
Sur la prescription du titre exécutoire,
Selon les dispositions de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'exécution des titres exécutoires mentionnées aux 1° et 3 ° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
En application des dispositions de l'article 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par un acte d'exécution forcée.
En l'espèce, la société Crédinvest justifie avoir fait signifier, le 6 juin 2018 (et non le 6 juin 2017 à la suite d'une erreur matérielle non contestée devant la cour), le jugement du 5 mai 2000 et un commandement de payer la somme de 32 241,25 € aux fins de saisie-vente. Cet acte porte la mention du nouveau domicile de madame [G] à l'adresse suivante, [Adresse 3].
Les mentions selon lesquelles l'intéressée était absente et que la signification a été effectuée par dépôt à l'étude avec avis de passage et expédition de l'acte de signification font foi jusqu'à inscription de faux et ne peuvent donc pas être utilement contestées par affirmations.
L'absence du numéro de la villa n'est pas une cause de nullité de la signification dès lors que sa dénomination (villa Claudan) est suffisante pour permettre aux services de la poste de trouver le domicile de madame [G] et lui déposer l'avis de signification.
Par conséquent, la signification du 6 juin 2018 du commandement de payer aux fins de saisie-vente, au domicile de madame [G], a eu pour effet l'interruption de la prescription du jugement du 5 mai 2000 ; l'exception de prescription du titre exécutoire n'est donc pas fondée.
Sur la demande de mainlevée de la mesure d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Citroën C3 des époux [Z],
Selon les dispositions de l'article L. 223-1 du code des procédures d'exécution, l'huissier chargé de l'exécution d'un titre exécutoire peut faire une déclaration aux fins de saisie d'un véhicule terrestre à moteur auprès de l'autorité administrative compétente. La notification de cette déclaration au débiteur produit tous les effets d'une saisie.
Selon les dispositions des articles 1410 et 1411 du code civil, les dettes dont les époux étaient tenus au jour de la célébration du mariage, ou dont se trouvent grevés les successions et libéralités qui leur échoient durant le mariage, leur demeurent personnelles.
Les créanciers de l'un ou l'autre époux, dans le cas de l'article précédent, ne peuvent poursuivre leur paiement que sur les biens propres et les revenus de leur débiteur. Ils peuvent néanmoins saisir aussi les biens de communauté quand le mobilier qui appartient à leur débiteur au jour du mariage, ou qui lui est échu par succession ou libéralité, a été confondu dans le patrimoine commun et ne peut plus être identifié selon les règles de l'article 1402.
En l'espèce, madame [G] a épousé monsieur [Z], le 8 juillet 2006, selon mention de la copie de son livret de famille, sans contrat de mariage préalable. Sa dette à l'égard de l'intimée est donc antérieure au mariage et constitue une dette propre.
Par ailleurs, le véhicule Citroën C3 immatriculé [Immatriculation 5], a fait l'objet d'une première mise en circulation, le 30 mai 2019, selon mention portée sur la copie de son certificat d'immatriculation. Il constitue donc un bien présumé commun des époux [Z] en l'absence de preuve contraire rapportée par la société Crédinvest.
En conséquence, son certificat d'immatriculation ne pouvait, en application des articles 1410 et 1411 du code civil, être l'objet d'une mesure d'indisponibilité par l'intimée.
Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé et la mainlevée de la mesure d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Citroën C3 immatriculé [Immatriculation 5] sera ordonnée.
Sur les demandes accessoires,
L'appel porte aussi sur le rejet d'une demande indemnitaire de 101 € correspondant aux frais bancaires supportés par les appelants du fait de la saisie attribution devenue caduque. Cependant, la société Crédinvest n'a pas commis de faute en tentant de saisir le compte bancaire de madame [Z] pour recouvrer sa créance. De plus, elle ne l'a pas dénoncée, compte tenu du faible solde créditeur, afin d'éviter des frais inutiles. En l'absence de faute commise par l'intimée, le débouté prononcé par le premier juge sera confirmé.
L'équité commande d'allouer aux époux [Z] une indemnité de 2 500 € au titre de leurs frais irrépétibles.
La société Crédinvest, partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté les époux [Z] de leur demande indemnitaire de 101 €,
STATUANT à nouveau des chefs infirmés,
ORDONNE la mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du 7 décembre 2020 du certificat d'immatriculation du véhicule Citroën C3 FW- 079- HW,
CONDAMNE le Fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2, à payer à monsieur [T] [Z] et madame [C] [Z], une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le Fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2, aux entiers dépens de première instance et d'appel.