CA Pau, 2e ch. sect. 1, 22 décembre 2011, n° 10/04762
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
CA Consumer Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bertrand
Conseillers :
M. Scotet, Mme Bui Van
Avoués :
SCP Marbot Crépin, SCP de Ginestet Duale Ligney
Avocat :
SCP Maxwell Maxwell-Bertin
Vu l'appel interjeté le 25 novembre 2010 par Monsieur X et Madame X à l'encontre du jugement rendu par le juge de l'exécution de TARBES le 8 novembre 2010,
Vu les conclusions de Monsieur X et Madame X en date du 25 février 2011,
Vu les conclusions de la SA CA CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la SA SOFINCO, en date du 27 avril 2011,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 septembre 2011 pour la fixation de l'affaire à l'audience du 27 octobre 2011.
Le 25 mars 2009, le juge d'instance de Tarbes rendait une ordonnance d'injonction de payer ordonnant à Monsieur X et Madame X de payer à la SA SOFINCO la somme de 5 025,93 € en principal outre intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2009 ainsi que la somme de 10 € au titre de la clause pénale.
Le 2 juin 2009, la SA SOFINCO a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente.
Le 10 juin 2009, un procès-verbal d'immobilisation du véhicule automobile sans enlèvement était dressé par la SCP SANTRAILLE, huissier de justice.
Par acte d'huissier du 12 juin 2009, Monsieur X et Madame X ont fait assigner la SA SOFINCO devant le juge de l'exécution de Tarbes aux fins de voir prononcer la nullité de la procédure de saisie par immobilisation du véhicule Laguna et leur voir accorder des délais de paiement, outre la condamnation de la SA SOFINCO à des dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 8 novembre 2010, auquel il est expressément référé pour le rappel des faits et de la procédure, le juge de l'exécution de Tarbes a :
- validé la saisie par immobilisation du véhicule Laguna immatriculé 3578 XE 64,
- débouté Monsieur X et Madame X de leur demande de délais,
- condamné Monsieur X et Madame X aux dépens.
Monsieur X et Madame X demandent à la Cour d'appel :
- de réformer le jugement du 8 novembre 2010,
- de prononcer la nullité de la saisie par immobilisation du véhicule Renault Laguna immatriculé 2578 XE 64, conformément aux termes de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 et aux articles 172 et 173 du décret du 31 juillet 1992,
- de débouter la SA CA CONSUMER FINANCE de ses demandes, du fait du respect par les époux X du plan de surendettement,
- de laisser à la charge de la SA CA CONSUMER FINANCE les frais d'exécution de cette saisie immobilisation ainsi que les frais engagés par le déplacement de la dépanneuse en application de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991,
- la condamnation de la SA CA CONSUMER FINANCE aux dépens.
Monsieur X et Madame X ne contestent pas devoir les sommes de 5 025,93 € outre intérêts au taux légal et 10 € en vertu de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire en date du 25 mars 2009.
Ils font valoir qu'ils avaient proposé de payer cette somme par un virement mensuel de 200 € et soulignent leur bonne foi.
Monsieur X et Madame X soutiennent que le délai de huit jours figurant au commandement de saisie vente délivré le 2 juin 2009 n'aurait pas été respecté et que donc la procédure serait irrégulière car réalisée le 10 juin.
Selon Monsieur X et Madame X les conditions de l'immobilisation du véhicule ne respectent pas la loi du 9 juillet 1991 et le procès-verbal dressé ne respecte pas les articles 170 et suivants du décret du 31 juillet 1992. Ils font notamment valoir que plusieurs contradictions sont mentionnées sur le procès-verbal.
Pour eux cette nullité leur fait grief, puisque Madame X s'est retrouvée sans véhicule à 20 kms de son domicile et de son travail, et qu'elle a dû fermer son magasin du fait de l'absence de véhicule.
Monsieur X et Madame X soutiennent également que ce véhicule ne peut être saisi car il est nécessaire à la vie et au travail de la famille.
Monsieur X et Madame X font valoir qu'ils font aujourd'hui l'objet d'un plan de surendettement dont ils respectent les échéances, ce qui fait obstacle à toute poursuite de recouvrement forcé.
La SA CA CONSUMER FINANCE demande à la Cour d'appel :
- de dire irrecevable et en tout cas mal fondé l'appel interjeté par les consorts X,
- de confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions,
- de condamner les consorts X solidairement à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE une somme de 1 000 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les consorts X aux entiers dépens de première instance comme d'appel.
La SA CA CONSUMER FINANCE expose sa version des faits sur les conditions de l'immobilisation du véhicule.
Elle soutient qu'il n'existe aucune contradiction dans les énonciations figurant au procès-verbal et que la procédure n'est pas nulle.
La SA CA CONSUMER FINANCE conteste les irrégularités du procès-verbal soulevées par Monsieur X et Madame X.
La SA CA CONSUMER FINANCE fait valoir qu'il est jugé de manière constante que le véhicule insaisissable au sens de l'article 14 de la loi du 9 juillet 1991 est celui qui est nécessaire à l'activité même de la profession exercée. Le véhicule doit être utilisé pendant le travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, Madame X étant commerçante (non ambulante) et Monsieur X, sans emploi.
Concernant la procédure, la SA CA CONSUMER FINANCE fait valoir que le commandement aux fins de saisie-vente constitue un préalable nécessaire à la procédure de saisie-vente, mais ne constitue pas un acte d'exécution.
En outre la procédure d'immobilisation du véhicule est une procédure autonome totalement indépendante de la procédure de saisie-vente. Aucun délai n'est à respecter par le créancier.
Enfin la SA CA CONSUMER FINANCE rappelle que les nullités formelles ne peuvent être retenues que si l'irrégularité commise fait grief.
Concernant la procédure de surendettement invoquée par Monsieur X et Madame X , la SA CA CONSUMER FINANCE fait valoir qu'aucun justificatif n'est produit.
Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour entend se référer, pour l'exposé plus amples des moyens et prétentions des parties, aux dernières de leurs écritures ci-dessus visées.
MOTIFS
Sur la qualité de bien saisissable du véhicule des époux X
L'article 14 de la loi du 9 juillet 1991 dresse la liste des biens qui ne peuvent être saisis.
L'article 39 du décret du 31 juillet 1992 dresse la liste des biens mobiliers insaisissables comme étant nécessaires à la vie et au travail du débiteur saisi et de sa famille.
L'instrument de travail insaisissable au sens de l'article 39 du décret du 31 juillet 1992 est celui que le débiteur utilise personnellement pendant le temps de travail, pour l'accomplissement effectif de celui-ci et non comme le véhicule qui ne sert qu'aux déplacements du domicile jusqu'au lieu de travail.
En l'espèce, Madame X utilisait le véhicule saisi pour se rendre à son travail, mais manifestement ne l'utilisait pas dans le cadre de sa profession, puisqu'elle est commerçante non ambulante.
Il n'est pas démontré le caractère professionnel de véhicule objet de la procédure.
L'article 14 de la loi du 9 juillet 1991 n'est pas applicable au véhicule Renault laguna de Monsieur X et Madame X.
Sur la régularité de la procédure de saisie
Les mesures de saisie concernant les véhicules sont régies par les articles 57 et 58 de la loi du 9 juillet 1991 et par les articles 170 et suivants du décret du 31 juillet 1992.
L'article 58 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que l'huissier de justice chargé de l'exécution muni d'un titre exécutoire peut saisir le véhicule du débiteur en l'immobilisant, en quelque lieu qu'il se trouve, par tout moyen n'entraînant aucune détérioration du véhicule.
L'article 172 du décret du 31 juillet 1992 dispose qu'en dehors des cas où le véhicule est immobilisé à l'occasion des opérations de saisie-vente, l'huissier de justice dresse un procès-verbal d'immobilisation qui doit contenir à peine de nullité :
* la mention du titre exécutoire en vertu duquel le véhicule a été immobilisé,
* la date et l'heure de l'immobilisation du véhicule,
* l'indication du lieu où il a été immobilisé et le cas échéant, de celui où il a été transporté pour être mis en dépôt,
* la description sommaire du véhicule, avec notamment l'indication de son numéro d'immatriculation, de sa marque, de sa couleur, et éventuellement de son contenu apparent et de ses détériorations visibles,
* la mention de l'absence ou de la présence du débiteur.
La procédure d'immobilisation du véhicule automobile peut donc être suivie indépendamment des opérations de saisie-vente.
L'ordonnance d'injonction de payer du 25 mars 2009 a été signifié le 1er avril aux époux X, en l'absence d'opposition, elle était rendue exécutoire le 14 mai 2009.
Le caractère exécutoire de l'ordonnance d'injonction de payer n'est pas remis en cause. Monsieur X et Madame X ne contestent pas devoir les sommes auxquelles ils ont été condamnés.
L'article 22 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que le créancier à la choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de la créance, sans que l'exécution de ces mesures excède ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.
A la suite de l'ordonnance d'injonction de payer, Madame X a remis un chèque d'un montant de 5 707,59 € à la SCP SANTRAILLE ce chèque a été rejeté faute de provision.
Le 2 juin 2009 l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire était signifiée à Monsieur X et Madame X ainsi qu'un commandement aux fins de saisie-vente. Un délai de huit jours était donné aux débiteurs pour s'acquitter des sommes visées par le commandement.
Le 10 juin 2009 à 9h15, la SCP SANTRAILLE, huissier de justice, dressait un procès-verbal d'immobilisation du véhicule Renault Laguna immatriculé 3578 XE 64 sans enlèvement.
Le 10 juin 2009, à 10h15, la SCP SANTRAILLE, huissier de justice, dressait un procès-verbal d'enlèvement du véhicule Renault Laguna immatriculé 3578 XE 64
Le 10 juin 2009, la SCP SANTRAILLE adressait à Monsieur X et Madame X le courrier d'information prévue par l'article 173 du décret du 31 juillet 1992.
Le 10 juin 2009 la SCP SANTRAILLE, huissier de justice, signifiait à Monsieur X et Madame X un commandement de payer en application de l'article 174 du décret du 31 Juillet 1992.
La SA CA CONSUMER FINANCE explique le délai entre les deux procès-verbaux du 10 juin à 9h15 et à 10h15 par la vérification faite par l'huissier de justice auprès des services de
la préfecture concernant le véhicule en cause afin de s'assurer qu'il appartenait aux débiteurs, Madame X ayant quitté les lieux sans remettre le certificat d'immatriculation.
Il n'y a donc pas de contradiction dans les mentions des deux actes et il ressort de leur lecture que Madame X a quitté les lieux avant que les mesures d'immobilisation du véhicule aient pu commencer.
Aucun texte n'impose que l'immobilisation et l'enlèvement du véhicule ait lieu au même moment et fasse l'objet d'un seul procès-verbal.
De même, le fait que le procès-verbal d'enlèvement précise qu'une portière a été trouvée ouverte n'est pas en contradiction avec le fait que le procès-verbal d'immobilisation mentionne que Madame X au moment de son départ a fermé la voiture à clé, soit elle n'avait pas bien fermé le véhicule, soit elle avait oublié de fermer une portière.
Les deux parties, même en désaccord sur la manière dont les événements se sont déroulés, décrivent une scène quelque peu confuse.
En outre s'il y avait une contradiction, Monsieur X et Madame X ne démontrent pas en quoi cette irrégularité, et non l'acte d'immobilisation, leur causerait un grief.
Il résulte des articles 171 et 172 du décret du 31 juillet 1992, que l'immobilisation d'un véhicule peut avoir lieu à l'occasion des opérations de saisie-vente ou hors de ces opérations. Il s'agit donc de deux procédures indépendantes entre elles.
Il ne peut donc être reproché à la SA CA CONSUMER FINANCE de ne pas avoir respecté le délai de huit jours figurant sur le commandement aux fins de saisie-vente et ce d'autant plus que la SA CA CONSUMER FINANCE explique exactement dans quelles conditions l'huissier de justice a été amené à procéder aux opérations d'immobilisation du véhicule.
En l'état, il ne s'agissait pas de vendre un bien mais de l'immobiliser.
Les termes prescrits par l'article 170 du décret du 31 juillet 1992 figurent bien sur les procès-verbaux d'immobilisation et d'enlèvement.
Concernant la lettre simple visée par l'article 173 du décret du 31 juillet 1992, les mentions prévues par ce texte ne le sont pas à peine de nullité à la différence des mentions exigées par les articles 172 et 174.
La procédure de saisie par immobilisation du véhicule de Monsieur X et Madame X est donc régulière en ce qu'elle a respecté les articles susvisés, le jugement du juge de l'exécution sera confirmé.
Sur la somme sollicitée au titre des frais
Monsieur X et Madame X conteste le montant sollicité au titre des frais dans l'acte de signification du 2 juin 2009, cette somme s'élevant à 359,02 € alors que le coût total des actes de sommation de payer, de la requête en ordonnance d'injonction de payer, et de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, s'élève à 292,28 €.
Le premier juge n'avait pas répondu à ce moyen déjà développé devant lui.
La SA CA CONSUMER FINANCE prétend que le montant de 359,02 € comprend également le coût de l'ordre de virement en date du 11 mars 2009, 67,64 €.
Effectivement l'huissier de justice a dressé un acte intitulé 'signification d'un ordre de virement' dont la nécessité n'est pas démontrée, l'auteur de l'acte de virement étant Monsieur X qui a fait le nécessaire auprès de sa banque, ce qui n'est pas contesté.
Par ailleurs, il ne s'agit pas de frais de procédure et cette somme n'a jamais été demandée avant la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, alors que la requête en ordonnance d'injonction de payer n'en demandait pas le paiement, seul le coût de la sommation de payer et le coût de la requête étant sollicités.
Monsieur X et Madame X seront redevables de la somme de 292,28 € au titre des frais antérieurs à la procédure d'exécution forcée.
En application de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991, ils sont redevables de l'ensemble des frais de l'exécution forcée.
Sur la procédure de surendettement
Monsieur X et Madame X ne produisent aucun justificatif concernant la procédure de surendettement qu'ils disent subir.
Ils seront déboutés de leur demande à ce titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il parait inéquitable de laisser à la charge de la SA CA CONSUMER FINANCE les frais irrépétibles engagés pour la procédure d'appel, au vu de l'absence de justificatifs produits par les appelants.
Il sera alloué à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 novembre 2010 par le juge de l'exécution de Tarbes,
Y ajoutant :
DEBOUTE Monsieur X et Madame X de leurs demandes fondées sur l'existence d'une procédure de surendettement,
DIT que le montant des frais engagés par la SA CA CONSUMER FINANCE avant la procédure d'exécution forcée, dus par Monsieur X et Madame X , s'élève à 292, 28 €,
DIT qu'en application de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991, Monsieur X et Madame X sont redevables de l'ensemble des frais de l'exécution forcée,
CONDAMNE Monsieur X et Madame X à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur X et Madame X aux entiers dépens,
AUTORISE la SCP DE GINESTET- DUALE - LIGNEY à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.