CA Pau, 2e ch. sect. 1, 4 mai 2021, n° 20/01614
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Caisse autonome de retraîte des médecins de France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
M. Darracq, M. Magnon
Exposé des faits et procédure
En exécution de deux contraintes émises contre X, chacune le 15 mars 2016, aux fins de recouvrement, l'une de 12.432,66 euros au titre des cotisations pour l'année 2013 et de majorations de retard, l'autre de 16.755,94 euros au titre de cotisations pour l'année 2014 et de majorations de retard, et toutes deux signifiées par acte d'huissier du 25 mai 2016, la CARMF a procédé par acte d'huissier du 2 janvier 2020 à la saisie par déclaration en préfecture des véhicules ci-après :
- véhicule de marque Maserati type Gransport immatriculé CJ 092 CG ;
- véhicule de marque BMW type Z3 immatriculé EE 006 AJ ;
- véhicule de marque BMW type 318 immatriculé 876 KXK 75.
Cette saisie a été dénoncée à Monsieur X par acte d'huissier du 7 janvier 2020.
Par acte du 12 février 2020, Monsieur X a fait assigner la CARMF devant le juge de l'exécution (JEX) de Bayonne aux fins de :
- prononcer la nullité du procès-verbal d'indisponibilité du 2 janvier 2020 ;
- ordonner la mainlevée des saisies ;
- lui accorder un échelonnement sur 24 mois avec solde du montant restant dû au 24ème mois ;
- condamner la CARMF à lui payer une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (cpc) et aux dépens.
Par jugement du 2 juillet 2020, le juge de l'exécution (JEX) de Bayonne a :
- rejeté toutes les demandes de Monsieur X ;
- condamné X à payer à la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc ;
- condamné X aux dépens de l'instance ;
Par déclaration en date du 23 juillet 2020, X a relevé appel du jugement.
La clôture est intervenue le 10 février 2021.
Prétentions et moyens des parties':
Vu les conclusions n°2 notifiées le 4 février 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de X demandant, au visa des articles L 111-7, L 223-1, R 121-1 et R 223-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bayonne le 02 juillet 2020,
Et statuant à nouveau,
- débouter la CARMF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- prononcer la nullité du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation en date du 2 janvier 2020,
- ordonner la mainlevée des saisies pratiquées sur les véhicules appartenant à Monsieur X visés dans le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation en date du 2 janvier 2020,
- condamner la CARMF à verser une somme de 1.500 € à Monsieur X sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions notifiées le 3 novembre 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France (ci-après CARMF) demandant de :
- confirmer le jugement du 2 juillet 2020 en ce qu'il déboute le Docteur L. de l'ensemble de ses demandes et condamnations,
- condamner le Docteur L. à verser à la CARMF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- condamner le Docteur L. aux entiers dépens.
Motifs de la décision :
X soulève la nullité du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation en application des articles L223-1 et R223-2 du code de procédure civile d'exécution (cpce) alors que le procès- verbal de saisie ne précise pas intégralement son adresse et concerne 3 véhicules et non un seul dans un seul et même acte.
Il dénonce le grief subi en ce que la valeur totale des véhicules dépasse largement le montant réclamé, ce qui, selon lui, est attentatoire au droit de propriété puisque les 3 véhicules sont indisponibles.
Il relève que le titre exécutoire qui fonde la saisie n'est pas clairement indiqué dans l'acte s'agissant de contraintes «'rendues par le tribunal des affaires de Paris du 15 mars 2016'» sans pouvoir déterminer la nature du titre de la CARMF alors qu'il n'a jamais été condamné par le tribunal des affaires de Paris. De plus, la CARMF expose en appel qu'il a déjà contesté ces mêmes contraintes devant le JEX et que sa demande a été rejetée.
Enfin, il dénonce la disproportion manifeste de la saisie pratiquée en application de l'article L111-7 du cpce rappelant la jurisprudence Civ2eme 10 mars 2007 n°0513638 et l'arrêt de la CEDH 6 décembre 2001 n°44584/98 Tsironis c/Grèce §39. La saisie porte sur une somme de 80.000 euros pour une créance de 21.249 euros.
La CARMF rappelle que le docteur X a été affilié auprès d'elle à compter du 1er avril 2013 en qualité de médecin libéral et qu'il est redevable de la somme de 135.902,91 euros au titre du principal des cotisations des exercices 2013 à 2014 et 2016 à 2020. Elle précise que les contraintes ont été émises au titre des années 2013 à 2014 et 2016 à 2019 et que la procédure de saisie se fonde sur deux contraintes décernées par la CARMF le 15 mars 2016 au titre des exercices 2013 et 2014 signifiées le 25 mai 2016 qui n'ont pas été frappées d'opposition.
Elle conteste la nullité du procès-verbal qui comprend le code postal et la commune de résidence de X pour déterminer l'autorité administrative compétente pour recevoir l'acte et le tribunal compétent en cas de contestation alors qu'aucun grief n'est allégué lié à l'irrégularité dénoncée.
Sur le nombre de véhicules concernant l'acte de saisie dans le procès-verbal, elle indique que l'huissier de justice a pu ainsi limiter les frais d'actes au lieu de les démultiplier selon le nombre de véhicules, ce qui ne cause aucun grief au médecin débiteur.
Sur le titre exécutoire qui fonde la procédure de saisie, la CARMF se borne à rappeler que pour les cotisations 2013 et 2014 demeurées impayées, une procédure de saisie attribution a été diligentée entre les mains de la CPAM le 4 juillet 2018 pour les recouvrements des contraintes du 15 mars 2016 s'agissant des dites cotisations et que, par jugement du 7 mars 2019, le JEX de Bayonne a rejeté les contestations de X, décision dont il n'a pas relevé appel.
Sur la disproportion manifeste de la saisie pratiquée, la CARMF rappelle qu'à la date de la saisie, elle ne peut connaître la valeur réelle des véhicules saisis sans apprécier l'état du véhicule et les options précises etc... Elle indique, enfin, que la saisie-vente d'un 4ème véhicule de marque Nissan GT-R qui se trouvait entre les mains d'un tiers le 15 mai 2017 a abouti à une vente permettant de solder les cotisations de l'année 2015.
Après examen des pièces soumises à son appréciation, la cour retient que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.
En effet, le seul fait d'avoir mentionné l'adresse de X, sur l'acte de saisie par déclaration auprès de l'autorité administrative, sous la forme uniquement du code postal et de la commmune de Biarritz où il demeure ne lui a pas fait grief puisqu'il a pu procéder aux contestations de droit et qu'il est le propriétaire des véhicules saisis.
De même, le fait de mentionner les 3 véhicules saisis sur la même déclaration n'est pas interdite par les textes en dépit du singulier utilisé par l'article R 223-2 du cpce pour exiger, à peine de nullité, les mentions sur l'acte du numéro d'immatriculation et de la marque du véhicule saisi. Le seul fait de regrouper la saisie des 3 véhicules sur le même acte ne lui fait pas grief . C'est l'acte de saisie lui-même qui fait grief au débiteur.
Enfin, la mention du titre exécutoire sous la forme manifestement erronée de "deux contraintes décernées par monsieur le directeur de la Caisse autonome de retraite des médecins de France en date du 15 mars 2016 par Tribunal des affaires de Paris en date du 15 mars 2016" n'a pu lui faire grief, même si cette mention relève d'une négligence regrettable à ce stade de la procédure, car le "tribunal des affaires de Paris" n'existe pas mais la date du 15 mars 2016 s'agissant de la CARMF requérante faisait nécessairement référence, pour X, aux contraintes relatives aux cotisations dues pour les exercices 2013 et 2014 contestables devant le tribunal de Bayonne dont il avait déjà eu connaisance dans le cadre de son recours formé devant le JEX de Bayonne dans le cadre d'une saisie attribution entre les mains de la CPAM qui n'avait pas permis de remplir le créancier de ses droits.
En effet, X avait formé un recours à l'occasion d'une saisie attribution sur un 4ème véhicule de marque Nissan relative aux contraintes du 15 mars 2016 de la CARMF portant sur les cotisations de 2013 et 2014 comme cela ressort du jugement du JEX de Bayonne du 7 mars 2019 et les sommes siasies auprès de la CPAM n'avaient permis que partiellement de réduire la dette due au titre des exercices 2013 et 2014, sommes qui sont déduites dans le cadre de la créance poursuivie dans la présente saisie de véhicules.
A défaut de grief établi, la nullité pour vice de forme d'une acte de procédure ne peut prospérer en application des dispositions de l'article 114 du cpc.
S'agissant du caractère manifestement disproportionné de la saisie, il convient de rappeler que l'article 2284 du code civil énonce un principe de droit de gage général du créancier sur les biens de son débiteur. Il résulte, par ailleurs, du premier alinéa de l'article L.111-7 du code des procédures civiles d'exécution que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, l'exécution de ces mesures ne pouvant excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation. Du second alinéa de cet article et de l'article L.121-2 du même code, il résulte que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive en cas d'abus de saisie.
Il appartient au débiteur de rapporter la preuve de l'abus de saisie.
La saisie des 3 véhicules dans la présente instance est estimée globalement par X, en cause d'appel, à partir de ventes sur internet en fonction du modèle et de l'année de mise en circulation des véhicules, à 80.000 euros.
Or, force est de constater que le moyen ne peut davantage prospérer puisque lors de la saisie du précédent véhicule Nissan, X exposait en page 4 de ses conclusions à l'appui de son recours devant le JEX de Bayonne (pièce 9 de la CARMF) que la valeur du véhicule saisi était de 100.000 euros et a été revendu à concurrence de 27.000 euros seulement.
Ne peut donc être qualifiée de manifestement disproportionnée ou de saisie inutile ou abusive, la saisie pratiquée des 3 véhicules par rapport à une créance restant due de 21.249 euros dès lors qu'à la date de la saisie pratiquée, la valeur vénale réelle des véhicules n'est pas connue et peut représenter à peine ¼ de la valeur estimée du véhicule en fonction du modèle et de son année d'immatriculation comme cela a été relevé par X lui-même pour le véhicule de marque Nissan.
Il lui appartenait de faire le nécessaire, avant la saisie des véhicules litigieux, pour les revendre au meilleur prix dès lors qu'il connaissait les poursuites engagées et les sommes dues à son encontre concernant le non-paiement intégral des cotisations dues pour les exercices 2013 et 2014.
X est donc débouté de ses demandes d'annulation du procès- verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation en date du 2 janvier 2020 et de mainlevée des saisies pratiquées sur les véhicules visés dans le procès-verbal pour abus de saisie.
- sur les demandes accessoires :
X, qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel et à verser à la CARMF 1.500 euros en application de l'article 700 du cpc en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- confirme le jugement.