CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 14 février 2024, n° 23/04074
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Allard
Avocats :
Me Kulbastian, Me Girard, Me Manent
FAITS PROCEDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement du 16 février 2023, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal judiciaire d'Aix en Provence a condamné M. [A] [U] à payer à Mme [L] [S] [K] et M. [P] [V], ensemble, la somme de 20 120,74 €, ainsi qu'une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu la déclaration du 17 mars 2023 par laquelle M. [U] a relevé appel de cette décision ;
Par conclusions en date du 21 juillet 2023, Mme [S] [K] et M. [V] ont saisi le conseiller de la mise en état afin qu'il radie la procédure.
Dans ses dernières conclusions sur incident, notifiées le 21 juillet 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [S] [K] et M. [V] demandent au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 524 du code de procédure civile, de :
- radier la procédure ;
- condamner M. [U] à leur payer 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Ils font valoir que l'appelant n'a pas réglé les condamnation mises à sa charge par le jugement assorti de l'exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions en réponse sur incident, notifiées le 11 janvier 2024, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [U] demande au conseiller de la mise en état de :
' débouter Mme [S] [K] et M. [V] de leur demande de radiation et de toutes autres demandes ;
' les condamner à lui payer 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il fait valoir que les intimés ont procédé à la saisie de son véhicule et que l'exercice de cette voie d'exécution, qui rend son véhicule indisponible, vaut exécution de la décision.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article 524 du code de procédure civile autorise le conseiller de la mise en état, lorsque l' exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, à radier l'affaire si l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l' exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
En l'espèce, le tribunal a condamné M. [A] [U] à payer à Mme [L] [S] [K] et M. [P] [V], ensemble, la somme de 20 120,74 €, ainsi qu'une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement est, de droit, exécutoire à titre provisoire.
Mme [S] [K] et M. [V] justifient avoir fait signifier le jugement à M. [U] par acte du 10 mars 2023.
Il n'est pas contesté qu'à ce jour, M. [U] n'a pas réglé les condamnations prononcées à son encontre.
Il se prévaut d'un procès-verbal d'indisponibilité dressé le 10 juillet 2023 par Me [N] [B], commissaire de justice, sur le véhicule Voslkwagen Caravelle immatriculé [Immatriculation 3] lui appartenant. Selon lui, ce procès-verbal produisant les effets d'une saisie, vaut exécution du jugement.
Le procès-verbal d'indisponibilité, prévu par les articles L.223-1 et R 223-1 du code des procédures civiles d'exécution a pour vocation d'interdire la délivrance de tout nouveau certificat d'immatriculation. Il empêche donc le propriétaire du véhicule de le vendre. En revanche, il ne dessaisit pas le débiteur de son véhicule.
Si en application de l'article R 223-2 du code des procédures civiles d’exécution, ses effets sont assimilables à ceux d'une saisie, il n'a pas pour effet de remplir le créancier de ses droits. Cette mesure produit tout au plus les effets d'une mesure conservatoire rendant le bien indisponible pendant deux ans. Par ailleurs, elle n'a pas pour effet de rendre le bien insaisissable par un autre créancier.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré ni que cette mesure entraîne paiement des sommes dues ou ni même qu'elle garantit ce paiement.
A ce jour, M. [U] ne justifie par aucune pièce avoir exécuté la décision frappée d'appel.
Certes, en application de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...).
Cependant, le droit à un tribunal, dont le droit d'accès constitue un aspect particulier, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours, sous réserve que les limitations n'en restreignent pas l'accès de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même.
La mesure de radiation poursuit un but légitime, à savoir le renforcement de l'effectivité des décisions de première instance assorties de l'exécution provisoire, la protection du créancier, et la prévention des appels dilatoires.
M. [U] n'allègue ni ne produit aucune pièce démontrant qu'il se trouve dans l'impossibilité d'exécuter la condamnation ou que l'exécution aurait pour lui des conséquences manifestement excessives.
En conséquence, la mesure de radiation du rôle, qui poursuit le but, légitime, d'assurer l'exécution d'une décision exécutoire de droit à titre provisoire et de protéger les créanciers en évitant les appels dilatoires, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès de M. [U] à la cour d'appel, tel que garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La procédure d'appel sera donc radiée.
La demande de radiation présentée sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile donne lieu au prononcé d'une mesure d'administration judiciaire, de sorte que le conseiller de la mise en état n'a pas, dans ce cadre, le pouvoir de condamner, notamment en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de l'incident suivront le sort de l'instance au fond.
DECISION
Le conseiller de la mise en état, statuant par mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours
Ordonne la radiation de la procédure d'appel enregistrée sous le numéro RG n° 23/04074 ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens de l'incident suivront le sort de l'instance au fond.