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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 3, 8 décembre 2022, n° 22/01357

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Sedef (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collière

Conseillers :

Mme Convain, Mme Ménegaire

Avocats :

Me Mink, Me Deffrennes

JEX Béthune, du 3 mars 2022, n° 21/02389

3 mars 2022

Par jugement en date du 17 décembre 2019, le tribunal d'instance de Lens a :

- condamné M. [Z] [V] à payer à la société SEDEF la somme de 19 484,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019 ;

- autorisé M. [V] à s'acquitter de sa dette en 23 versements mensuels réguliers de 300 euros payables avant le 10 de chaque mois, la 24ème échéance correspondant au solde et le premier versement devant intervenir dans le mois suivant la signification du jugement ;

- dit que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital de la dette ;

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à son terme, l'intégralité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible ;

- rappelé que conformément à l'article 1343-5 et suivants du code civil, la décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues en raison du retard cessent d'être dues pendant le délai fixé par la décision ;

- condamné M. [V] à payer à la société SEDEF la somme de 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Ce jugement a été signifié à M. [V] le 10 août 2020.

Le 23 novembre 2020, la société SEDEF a fait dresser et signifier au préfet du Nord un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule de M. [V].

Par acte du 27 novembre 2020, la société SEDEF a dénoncé à M. [V] le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de son véhicule.

Par acte en date du 4 août 2021, M. [V] a fait assigner la société SEDEF devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Béthune aux fins de contester la mesure.

Par jugement contradictoire en date du 3 mars 2022, le juge de l'exécution a :

- débouté M. [V] de ses demandes,

- condamné M. [V] aux dépens,

- laissé les parties supporter leurs frais irrépétibles.

Par déclaration adressée par la voie électronique le 21 mars 2022, M. [V] a relevé appel de ce jugement aux fins de voir réformer la décision en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 avril 2022, il demande à la cour, sur le fondement des articles R.233-4, L.111-7 et L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de main levée de la mesure d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de son véhicule et de sa demande de dommages et intérêts pour mesure d'exécution abusive et en conséquence de :

- ordonner la mainlevée de la mesure d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de son véhicule ;

- condamner la société SEDEF à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour mesure d'exécution abusive ;

- ordonner l'exécution provisoire ;

- condamner la société SEDEF à lui payer la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Il soutient que, respectant scrupuleusement les termes de la décision rendues par le tribunal d'instance de Lens, il ne pouvait s'exposer à une mesure d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de son véhicule.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 mai 2022, la société SEDEF demande à la cour, sur le fondement des articles L. 211-1, L. 223-1 et L. 223-2 du code des procédures civiles d'exécution, 9 'du même code', de :

- confirmer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions ;

en conséquence,

- constater la régularité du titre exécutoire en vertu duquel le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation objet du litige a été établi par l'huissier de justice instrumentaire ;

- constater l'absence de disproportion ou de caractère abusif de l'acte de saisie pratiquée au regard du quantum de la créance qu'elle détient à l'égard de M. [V] ;

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [V] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [V] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de Maître Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir notamment que si depuis la signification du jugement obtenu, M. [V] a procédé au versement régulier de la somme de 300 euros entre les mains de l'huissier, le respect par le débiteur de l'échéancier convenu n'entrave pas la possibilité pour le créancier de mettre en oeuvre des actes d'exécution afin d'interrompre la prescription. Elle ajoute que M. [V] peut utiliser sans entrave le véhicule objet du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation.

MOTIFS

Selon l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

Le jugement du 17 décembre 2019 en accordant des délais de grâce à M. [V] a suspendu l'exigibilité de la créance pour la durée fixée, de sorte que le créancier ne pouvait pas entreprendre de mesures d'exécution forcée pendant les délais octroyés et tant que ces derniers étaient respectés, l'article 513 du code de procédure civile ne réservant que la possibilité de pratiquer des mesures conservatoires.

Or, le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation constitue, selon le chapitre III du titre II du livre II du code des procédures civiles d'exécution, chapitre intitulé 'les mesures d'exécution sur les véhicules terrestres à moteur', dans lequel se trouve l'article L. 223-1 qui prévoit la saisie par déclaration auprès de l'autorité administrative, une mesure d'exécution et pas une mesure conservatoire.

Il en résulte que la société Sedef avait interdiction de procéder à la saisie litigieuse tant que M. [V] respectait l'échéancier prévu par le jugement du 17 décembre 2019, ce qui était le cas.

En outre, la société Sedef ne peut soutenir qu'elle pouvait mettre en oeuvre des mesures d'exécution afin d'interrompre la prescription, alors qu'en application de l'article 2234 du code civil, le créancier étant dans l'impossibilité d'agir en raison des délais octroyés, la prescription se trouvait suspendue tant que les délais de paiement étaient respectés.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et d'ordonner la mainlevée de la mesure d'exécution.

La mise en oeuvre d'une mesure d'exécution malgré l'absence d'exigibilité de la créance résultant des délais de paiement octroyés par le jugement du 17 décembre 2019 caractérise une faute de la société Sedef, d'autant plus grave que par courriel du 19 janvier 2021, l'avocat de M. [V] s'était rapproché de l'étude de l'huissier chargé du recouvrement afin de demander la mainlevée de la mesure, indiquant au surplus que la mainlevée permettrait la vente du véhicule et 'un gros règlement'. Cette faute a causé à M. [V] qui respectait scrupuleusement les délais octroyés, un préjudice au moins moral justifiant l'allocation de la somme de 500 euros qu'il réclame à titre de dommages et intérêts.

Le jugement déféré qui avait rejeté la demande indemnitaire sera donc également infirmé de ce chef.

Enfin, le sens du présent arrêt justifie que le jugement soit infirmé en ce qu'il a condamné M. [V] aux dépens et a rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de condamner la société Sedef aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à à M. [V] au titre des frais non compris qu'il a été contraint d'exposer la somme de 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Ordonne la mainlevée de la saisie du véhicule de M. [Z] [V] par déclaration auprès de l'autorité administrative du 23 novembre 2020, dénoncée à M. [V] le 27 novembre 2020 ;

Condamne la société Sedef à payer à M. [Z] [V] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie ;

Condamne la société Sedef à payer à M. [Z] [V] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sedef aux dépens de première instance et d'appel.