Décisions
CA Basse-Terre, 2e ch., 17 octobre 2024, n° 22/00975
BASSE-TERRE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 576 DU 17 OCTOBRE 2024
N° RG 22/00975 -
N° Portalis DBV7-V-B7G-DPTY
Décision attaquée : jugement du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 1er septembre 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 2021J00059
APPELANTE :
S.A. de droit belge QBE EUROPE SA/NV
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier PAYEN, de la SCP PAYEN, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Capucine BERNIER, du cabinet GIDE LOYRETTE NOUEL , avocate au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. LIBELLULE
[Adresse 1]
[Adresse 5]
97133 SAINT-BARTHELEMY
Représentée par Me Alberte ALBINA COLLIDOR, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Axel ENGELSEN, du cabinet LE BERRE ENGELSEN WITVOET, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. LE BARTH VILLA RENTAL
[Adresse 7]
[Adresse 3]
[Adresse 5]
97133 SAINT-BARTHELEMY
Représentée par Me Nicolas FOUILLEUL, de la SELARL NFL AVOCATS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 juin 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank ROBAIL, président de chambre,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
M.Thomas Habu GROUD, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 19 septembre 2024. Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats.
GREFFIER
Lors des débats et lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.
ARRET :
- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La S.A.S. LIBELLULE est propriétaire à SAINT-BARTHELEMY d'une villa dénommée 'MAISON BLANC BLEU', sise [Adresse 6] ;
Par acte sous seing privé du 11 novembre 2019, elle a conclu avec la S.A.S. LE BARTH VILLA RENTAL, ci-après désignée 'société LBVR', un contrat de mandat non exclusif pour la location saisonnière de cette villa meublée avec prestations para-hôtelières, et ce pour une durée d'une année renouvelable tacitement dans la limite de 3 années ;
La société LBVR est assurée auprès de la société anonyme de droit belge QBE EUROPE SA/NV, ci-après désignée 'QBE', suivant contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle n°930009538 à effet du 26 avril 2019 ;
Par acte d'huissier de justice du 17 juin 2021, la S.A.S. LIBELLULE a fait assigner les sociétés LBVR et QBE devant le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE à l'effet de les voir condamner solidairement, au visa des articles 1103 du code civil, L124-3 du code des assurances et L441-10 du code de commerce et avec exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes:
- 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement à intervenir, en indemnisation du solde lui restant dû au titre de la location de la susdite villa pour la période du 4 mai au 18 juin 2020, avec intérêts au taux énoncé à l'article L441-10 du code de commerce ou, à défaut, au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure du 26 mars 2021, ou, à défaut, à compter de l'assignation,
- 8 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Tout en maintenant ces demandes, la société LIBELLULE sollicitait ensuite le rejet de l'exception d'incompétence soulevée par la société QBE et, au cas où il y aurait été fait droit, au renvoi direct du litige devant la chambre de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY ;
En réponse, la société LBVR souhaitait voir :
- constater un accord des parties quant à la tarification de la location et l'absence de faute de sa part,
- rejeter par suite les demandes de la société LIBELLULE à son encontre,
- subsidiairement, condamner la société d'assurance QBE à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elle,
- condamner tout succombant à lui payer une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
La société QBE concluait quant à elle aux fins de voir :
- in limine litis, déclarer le tribunal mixte de commerce incompétent à raison de la matière au profit de la chambre de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY près le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE,
- subsidiairement sur le fond :
** déclarer recevables et bien fondées les exclusions conventionnelles et légales prévues par l'alinéa 1er de l'article 2,2,1 des conventions spéciales de la police QBE et l'article L113-1 du code des assurances,
** rejeter toutes les demandes formées à son encontre,
** condamner la société LIBELLULE et tout succombant à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
** écarter l'exécution provisoire en cas de condamnation ;
Par jugement contradictoire du 1er septembre 2022, le tribunal mixte de commerce :
- a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société QBE,
- a condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, à verser à la société LIBELLULE les sommes suivantes :
** 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
** 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- a condamné la société QBE à garantir la société LBVR des condamnations prononcées à son encontre par ce jugement, en ce compris les frais de la procédure et intérêts, au titre de la police d'assurance n° 93 0009538,
- a rappelé que cette décision était assortie de plein droit de l'exécution provisoire,
- a liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 72,60 euros TTC ;
Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 27 septembre 2022, la société QBE a formé appel à l'encontre de ce jugement, y intimant les sociétés LIBELLULE et LBVR et y fixant expressément son objet à chacune de ses dispositions;
Cet appel a été orienté à la mise en état et avis du greffe d'avoir à signifier la déclaration d'appel a été notifié par RPVA au conseil de l'appelante le 15 décembre 2022 ;
La société LBVR a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appelante, par RPVA, le 17 octobre 2022 et la société LIBELLULE, par acte remis au greffe et notifié aux avocats de la cause, par même voie, le 26 décembre 2022 ; un changement d'avocat a ensuite été notifié au greffe et aux autres parties par la société LIBELLULE, par RPVA, la 2 janvier 2024 ;
La société QBE, appelante, a conclu à 6 reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats adverses, par RPVA, respectivement les 26 décembre 2022, 25 avril 2023, 8 octobre 2023, 14 novembre 2023, 2 janvier 2024 et 28 février 2024 ('conclusions récapitulatives n°5") ;
La société LIBELLULE a conclu quant à elle à 5 reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats adverses, par RPVA, respectivement les 10 mars 2023, 30 août 2023, 23 octobre 2023, 8 janvier 2024 et 19 janvier 2024 ('conclusions d'intimée-5-') ;
La société LBVR a conclu à 4 reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats adverses, par même voie, respectivement les 13 mars 2023, 11 octobre 2023, 1er décembre 2023 et 12 janvier 2024 ('conclusions en réponse n° 4") ;
Par ordonnance du 4 mars 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure et fixé l'affaire l'audience du lundi 10 juin 2024 ; à l'issue de cette audience, le délibéré a été fixé au 19 septembre 2024 ; les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats ;
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
1°/ Par ses dernières conclusions récapitulatives, celles qui ont été remises au greffe le 28 février 2024 (conclusions récapitulatives n° 5), la société QBE conclut aux fins de voir, au visa des articles 75, 122, 564, 909 et 910-4 du code de procédure civile, 1101, 1102, 1103, 1188, 1189 al 1, 1193 et 1353 al 1 du code civil et L 113-1 du code des assurances :
- juger son appel recevable et bien fondé,
- juger irrecevable la demande reconventionnelle de la société LBVR s'agissant de la prétendue inopposabilité de la clause d'exclusion stipulée dans la police d'assurance conclue entre la société LBVR et QBE, ou, si par impossible cette demande était jugée recevable, la dire infondée et la rejeter,
Y faisant droit,
- 'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Basse-Terre le 1er septembre 2022 en ce qu'il a ' :
** rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la compagnie QBE,
** condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, à verser à la société LIBELLULE la somme de 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
** condamné la société QBE à garantir la société LBVR des condamnations prononcées à son encontre par ce jugement, en ce compris les frais de la procédure et intérêts, au titre de la police d'assurance n° 93 0009538,
** condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, à verser à la société LIBELLULE la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Et statuant à nouveau
IN LIMINE LITIS, juger que la chambre de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY près le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE était compétente pour trancher ce litige
SUR LE FOND,
- juger valables et opposables les exclusions conventionnelle et légale prévues par l'article 2.2.1 des conventions spéciales de la police QBE et
par l'article L113-1 du code des assurances, d'ordre public,
En conséquence,
- rejeter l'intégralité des demandes formées par les sociétés LIBELLULE et LBVR à son encontre,
- condamner la société LIBELLULE et tout succombant à lui payer la somme de 20000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
A TITRE SUBSIDIAIRE, rejeter toute demande formée par la société LIBELLULE de capitalisation des intérêts calculés sur la somme en principal à compter de la date d'assignation si, par extraordinaire, une condamnation était prononcée à son encontre;
Pour l'exposé des moyens proposés par QBE au soutien de ces fins, il est expressément référé à ces dernières conclusions ;
2°/ Par ses propres dernières conclusions, celles qui ont été remises au greffe le 19 janvier 2024 (conclusions d'intimée -5-), la société LIBELLULE souhaite voir quant à elle, au visa des articles 1103 du code civil, L124-3 du code des assurances, 90, 566 et 700 du code de procédure civile :
- déclarer la compagnie QBE mal fondée en l'ensemble de ses moyens d'appel, exceptions, fins et conclusions et l'en débouter,
- déclarer la société LBVR mal fondée en l'ensemble de ses moyens d'appel, exceptions, fins et conclusions et l'en débouter,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
** rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la compagnie QBE,
** condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, à verser à la société LIBELLULE la somme de 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
** condamné la société QBE à garantir la société LBVR des condamnations prononcées à son encontre par ce jugement, en ce compris les frais de la procédure et intérêts, au titre de la police d'assurance n° 93 0009538,
** condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, 'au paiement des entiers dépens de la procédure',
- en tout état de cause, 'la cour de céans étant la juridiction d'appel, tant du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre que de la chambre de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, il lui appartiendra conformément aux termes de l'article 90 du code de procédure civile, de statuer sur le fond du litige opposant la SAS Libellule à la société Le Barth Villa Rental et à la compagnie QBE Europe SA/NV',
- 'et, pour le cas où par impossible une infirmation du jugement serait prononcée en faveur de QBE Europe SA/NV sur le fondement des exclusions légales et conventionnelles prévues par l'article L113-1 du code des assurances et/ou par l'article 2.2.1. al 1 des Conventions spéciales de sa Police d'assurance, confirmer néanmoins le jugement en ce qu'il a retenu la pleine et entière responsabilité de la société LE BARTH VILLA RENTAL dans la survenance au détriment de la SAS LIBELLULE de la perte de loyer s'élevant à 96 396,42 US et condamner la société LE BARTH VILLA RENTAL à indemniser la SAS LIBELLULE à hauteur de cette somme en principal de 96 396,42 US, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de mise en demeure, lesdites intérêts étant eux-mêmes capitalisés pour ceux dus depuis plus d'un an, dans les termes de l'article 1343-2 du code civil',
- 'l'infirmer pour le surplus et y ajoutant ' :
** condamner solidairement la société LBVR et la société QBE à verser à la société LIBELLULE une indemnité pour frais irrépétibles de 18 000 euros en sus de celle de 3000 euros allouée en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,
** ordonner la capitalisation des intérêts calculés sur la somme en principal de 96396,42 'US' à compter de la date d'assignation ou leur contrevaleur en euros au jour du paiement à intervenir pour ceux dus depuis plus d'un an, et ce dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,
** condamner solidairement la société LBVR et la société QBE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ;
Il est également expressément référé à ces dernières écritures pour l'exposé des moyens qui soutiennent les demandes de la société LIBELLULE ;
3°/ Par ses propres dernières conclusions, celles qui ont été remises au greffe le 12 janvier 2024 (conclusions en réponse n° 4), la société LBVR prétend voir, au visa des articles 1103 et 1993 du code civil, L113-1, L113-5, L121-12 et L124-3 du code des assurances, L441-10 du code de commerce, 48,90, 567, 700 et 910-4 du code de procédure civile :
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société QBE,
AU PRINCIPAL
- infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser, solidairement, à la SAS LIBELLULE, la somme de 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- constater l'accord des parties quant à la tarification proposée par la société LBVR s'agissant de la location ayant couru du 4 mai au 18 juin 2020,
- juger qu'elle n'a commis aucune faute,
- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société LIBELLULE en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société LBVR,
A TITRE SUBSIDIAIRE, dans le cas où par impossible il serait fait droit aux demandes de la société LIBELLULE,
- juger que la société LBVR n'a commis aucune faute intentionnelle ni dolosive,
- confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal a débouté la société QBE de ses demandes au titre de l'exclusion légale et conventionnelle de sa garantie,
- confirmer le même jugement en ce qu'il a condamné la société QBE à garantir la société LBVR des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les frais de procédure et intérêts, au titre de la police d'assurance n° 0930009538,
'Statuant à nouveau,
- condamner la société QBE, ès qualités d'assureur responsabilité professionnelle de la société LBVR à mobiliser les garanties souscrites par son assurée,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société QBE,
- condamner en conséquence la société QBE, ès qualités d'assureur responsabilité professionnelle de la société LBVR, à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre conformément aux termes du contrat, tant en principal, intérêts et accessoires' ;
A TITRE RECONVENTIONNEL, juger que la clause d'exclusion stipulée dans la police d'assurance conclue entre elle et la société QBE est inopposable à la société LBVR,
EN TOUT ETAT DE CAUSE, condamner tout succombant au paiement de la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Il est également expressément référé à ces dernières écritures pour l'exposé des moyens qui soutiennent les demandes de la société LBVR ;
MOTIFS DE LA DECISION
Observation liminaire
Attendu que la présente instance d'appel ayant été engagée avant l'entrée en vigueur le 1er septembre 2024 du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 réformant la procédure d'appel en matière civile, il ne sera ici fait référence qu'aux articles du code de procédure civile en vigueur jusqu'au 1er septembre 2024 et désormais désignés comme 'anciens' ;
I- Sur la recevabilité de l'appel principal de la société QBE
Attendu que l'article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse, sous réserve des délais de distance de l'article 644 du même code ; que ce délai court à compter de la notification ou de la signification de la décision querellée ;
Attendu que l'appelante QBE a son siège social hors du territoire de la GUADELOUPE où la cour de céans a son propre siège, et plus encore à l'étranger soit à BRUXELLES en BELGIQUE, de sorte qu'elle disposait d'un délai supplémentaire de deux mois et qu'ainsi le délai d'appel à l'encontre de la décision querellée était, pour celle-ci, de trois mois ;
Mais attendu qu'aucune des parties n'évoque ni ne justifie d'un quelconque acte de signification de ladite décision, si bien que la société QBE ne peut qu'être déclarée recevable en son appel principal au plan du délai pour agir ;
II- Sur la recevabilité de l'appel incident de la société LBVR
Attendu qu'en application de l'article 909 ancien du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui est faite des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 ancien pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué, outre les délais de distance résultant de l'article 911-2 ancien du même code ;
Attendu que, dès lors que la société LBVR, intimée, a son siège à SAINT-BARTHELEMY et qu'elle a reçu notification des conclusions de l'appelante le 26 décembre 2022, elle disposait d'un délai de 4 mois expirant au 26 avril 2023 pour conclure et former appel incident ;
Attendu qu'il est constant qu'elle a formé appel incident à l'encontre du jugement déféré dès ses premières conclusions d'intimée remises au greffe le 13 mars 2023, soit avant l'expiration de ce délai ; qu'il y a donc lieu de la déclarer recevable en cet appel incident ;
III- Sur l'exception d'incompétence matérielle
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1199 du code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties ;
Attendu que si les clauses attributives de compétence matérielle ou territoriale sont valides dans des conditions restrictives, et notamment lorsqu'elles sont conclues entre commerçants, c'est à juste titre que les premiers juges ont rappelé que les cocontractants peuvent toujours renoncer à son application, et ce d'un commun accord et à la condition que la clause attributive de compétence ne soit pas rédigée au bénéfice de l'une d'elle en particulier ;
Attendu que la société QBE fonde son exception d'incompétence au profit de 'la chambre de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY près le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE', sur une clause du contrat de mandat non exclusif conclu entre les seules sociétés LIBELLULE et LBVR le 11 novembre 2019, alors même :
- qu'aux termes de cette clause attributive de compétence, la juridiction désignée était le tribunal de grande instance de BASSE-TERRE (lequel est depuis devenu le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE) et non pas la chambre détachée de ce tribunal de grande instance, laquelle, pourtant, existait depuis le 1er janvier 2016 avant que d'être transformée, à effet du seul 1er janvier 2020, en chambre de proximité du tribunal judiciaire dénommée 'tribunal de proximité', si bien que c'est en tout premier lieu à tort que la société QBE entend voir désigner ladite chambre de proximité en application d'une clause qui ne la désigne nullement,
- que, surtout, la société QBE n'est ni partie au contrat qui contient cette clause, ni subrogée dans les droits de l'une ou l'autre des cocontractantes,
- et qu'au surplus, les parties à cette clause contractuelle y ont renoncé expressément et valablement, si bien que l'assureur de l'une d'elle ne peut valablement s'en prévaloir;
Attendu que la circonstance que les cocontractantes n'aient dit expressément renoncer à cette clause attributive de compétence qu'après que la société QBE eut soulevé de ce chef une exception d'incompétence, n'en annihile nullement la portée ; qu'en effet, à l'encontre de l'opinion de cet assureur, cette renonciation qu'elle qualifie d'opportuniste ne peut être tenue pour telle dès lors que lesdites cocontractantes avaient préalablement renoncé implicitement à cette clause en saisissant, pour la société LIBELLULE, le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE et en ne contestant pas cette saisie, pour la société LBVR ; qu'enfin, une telle renonciation implicite au moment de l'engagement de l'action et explicite après que le tiers défendeur eut soulevé une exception d'incompétence, ne porte en rien atteinte l'égalité des armes et des droits de la défense applicables à toute procédure ;
Attendu que, par ailleurs, il est constant que toutes les parties en la cause sont des sociétés commerciales par la forme et relèvent par suite bel et bien de la juridiction commerciale territorialement compétente, savoir celle de BASSE-TERRE ;
Attendu que c'est donc à juste titre et par des motifs que, en sus des motifs ci-avant, la cour adopte, que le tribunal mixte de commerce a retenu sa compétence matérielle et rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société d'assurance ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé de ce chef ;
IV- Sur le fond de la demande de la société LIBELLULE à l'encontre de la société LBVR
Attendu qu'aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; et qu'en application de l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l'inexécution ;
1°/ Attendu qu'en application des dispositions de l'article 954 al 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;
Attendu que si, en ses dernières conclusions, pages 11 à 13, la société LIBELLULE réplique longuement à une prétendue fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle ne justifierait pas être propriétaire de la villa BLANC BLEU qui est l'objet du mandat litigieux, force est de constater :
- qu'elle indique elle-même, en préambule de ses longs développements sur ce point, que cette fin de non-recevoir n'est pas soutenue par QBE, mais seulement'évoquée',
- qu'aucune fin de non-recevoir n'est en effet soulevée par QBE au dispositif de ses dernières écritures, celle-ci n'y concluant au rejet de l'intégralité des demandes à son encontre qu'en conséquence de la validité, qu'elle souhaite voir consacrer par la cour, des exclusions conventionnelles et légales prévues par l'article 2.2.1 des conventions spéciales de la police QBE et l'article L113-1 du code des assurances,
- que cette compagnie d'assurance dit elle-même expressément (en page 7 de ses écritures), après néanmoins de relativement longs développements, dans la seule partie de ses conclusions dédiée à l'exposé des faits et de la procédure, sur ses doutes quant à la propriété de la villa en cause, qu'elle n'a pas soulevé de fin de non-recevoir compte tenu de la dernière attestation notariale du 10 mars 2022,
- et qu'en vertu de l'article 954 sus-rappelé, la cour n'a pas à statuer sur les 'évocations' des colitigants contenues dans la partie 'discussion' de leurs écritures ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur les moyens opposés par la société LIBELLULE à une fin de non-recevoir dont la cour n'est nullement valablement saisie, non plus que sur les doutes exprimés par QBE dans la seule partie 'faits et procédure' de ses propres écritures ;
2°/ Attendu que, sur le fond des demandes de la société LIBELLULE à l'encontre de son mandataire LBVR, il échet de constater en premier lieu qu'un contrat écrit en langue à la fois française et anglaise, a été conclu le 11 novembre 2019 entre la société LE BARTH VILLA RENTAL, y désignée 'propriétaire' et la société LIBELLULE, y désignée 'Le mandant', lequel est intitulé (en français) : 'MANDAT NON EXCLUSIF POUR LA LOCATION SAISONNIERE N. 41" ;
Attendu qu'aux termes de ce contrat (article I.), la société LIBELLULE a confié à la société LBVR la mission de louer à titre saisonnier la villa MAISON BLANC BLEU, et ce pour une période d'un an à compter de la date de sa signature, avec renouvellement automatique chaque année à la date anniversaire de cette signature, cette reconduction étant limitée à trois ans (article II.) ;
Attendu que l'article III. A. de ce contrat de mandat stipulait que le mandant donnait à son mandataire le pouvoir, notamment, de rechercher d'éventuels locataires, de louer le bien et signer les conventions de location 'aux prix, charges et conditions que le mandant aura(it) acceptés préalablement à chaque saison', avec cette précision, in fine, qu'il appartenait audit mandataire de 'notifier par écrit le mandant, par e-mail, de tous détails pour une location éventuelle, incluant dates de séjour, tarifs de location, occupation et requêtes spéciales, afin d'obtenir confirmation et accord rapide' ;
Attendu que l'article VII. du contrat, intitulé 'CONDITIONS DE LOCATION', stipulait notamment au surplus, outre le taux de rémunération du mandataire (22,5 % du montant des locations 'convenues entre les parties') :
- que les loyers 'hebdomadaires bruts' devaient être renseignés en Annexe 1,
- qu'ils devaient être fixés 'd'un commun accord entre les parties',
- que tout changement de loyer ne pouvait être appliqué aux réservations confirmées avant la date de réception de la demande de changement,
- que le mandataire convenait de s'efforcer de collecter le paiement de l'acompte dans les 7 jours suivant la confirmation de la disponibilité, à défaut de quoi il devait demander une prolongation de délai écrite,
- et que 'les loyers diminués de toute rémunération due au mandataire, (devaient être) versés dans les 10 jours suivant le départ du locataire, excepté en cas de litige non résolu au sujet de la location' ;
Attendu que la société LIBELLULE, mandante, reproche à la société LBVR, mandataire, d'avoir loué sa villa à Mme [S] [K], sur la période du 4 mai au 1er juin 2020, moyennant un loyer total incontesté de 20 000 US$ 'net propriétaire pour la durée de leur séjour', outre les frais de service ménage de 2 800 euros par mois, alors même que, selon elle, elle n'avait accepté cette location que moyennant un loyer, certes de 20000 US$, mais sur une base hebdomadaire et non pour la période entière ; qu'elle ajoute que, cette même location ayant été prolongée jusqu'au 18 juin 2020 sur la base du même tarif, elle n'a perçu, pour toute la période du 4 mai au 18 juin 2020, qu'un total de loyers de 32 175 US$, alors qu'elle aurait dû percevoir, pour cette durée de location, compte tenu de l'accord qu'elle en avait donné, une somme totale de 128 571,42 US$, lui causant un manque à gagner de 96 396,42 US$ ;
Attendu que la société LIBELLULE estime qu'elle n'a pu accepter le tarif de 20 000 US$ pour la période du 4 mai au 1er juin 2020, que sur une base hebdomadaire et non point pour la totalité de la période ; et qu'elle en veut pour preuve, à la fois les termes du contrat de mandat en ce que, selon elle, ils stipulent un loyer obligatoirement hebdomadaire, d'une part, et, d'autre part, le contenu de leurs échanges de mails concernant la location litigieuse ;
Attendu que ledit contrat n'évoque en réalité un tarif de location hebdomadaire qu'en son article VII. ('CONDITIONS DE LA LOCATION'), lequel contient certes ces termes associés : 'loyers hebdomadaires', mais seulement, dans la première stipulation du B de cet article VII., pour imposer qu'ils soient renseignés, en brut, en Annexe 1 ;
Mais attendu qu'au delà de cette première stipulation qui reste imprécise quant à l'obligation contractuelle de loyers hebdomadaires, il est précisé, juste après, qu''ils sont fixés d'un accord commun entre les parties', ce qui laisse moins de doutes, et les exclut même totalement, que la première proposition quant au caractère nécessairement hebdomadaire des loyers à convenir avec les éventuels locataires ; qu'en effet, le pronom personnel 'ils' employé dans cette précision, ne peut que faire référence aux 'loyers hebdomadaires' visés dans la phrase qui le précède immédiatement ; qu'il résulte par suite de cet article VII. B. que le mandataire avait mandat de soumettre à son mandant des propositions de locations aux loyers hebdomadaires et non point mensuels; et que cette lecture du contrat à cet égard est confortée par la production par la société LIBELLULE d'un courriel envoyé par Mme [F], sa gérante, à M. [E], de la société LBVR, le jour même de la signature du mandat, soit le 11 novembre 2019 à 7 h 37, par lequel elle lui notifie, en même temps que ledit contrat signé, une liste de tarifs exclusivement hebdomadaires qui varient suivant les saisons (hautes, basses ou fêtes) et le nombre de lits occupés ;
Attendu que cette obligation contractuelle ainsi démontrée de convenir de tarifs hebdomadaires est de nature à éclairer les ambiguïtés résultant des échanges de courriels ou messages WHATSAPP, parfois approximatifs, qui sont intervenus entre la sociétés LBVR et LIBELLULE quant à la location litigieuse ;
Attendu qu'en effet, cette location est intervenue au profit de la dame [K] aux termes d'un échange de courriels ou messages entre ces deux sociétés entre le 24 avril 2020 et le 27 avril 2020 ;
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'en un premier message de M. [E], représentant la société mandataire LBVR, du 24 avril 2020, à M. ou Mme [F], propriétaire de la société LIBELLULE, celui-ci formulait auprès de ces derniers une proposition de location dans les termes suivants : 'Sans surprise, Blanc Bleu est jusqu'à présent leur choix préféré, mais ils ne veulent pas vous faire partir pour une petite somme d'argent. Pourriez-vous envisager 20k net pour le propriétaire pour 4 semaines (au lieu de 5 comme demandé précédemment) '', à quoi il n'est pas davantage contesté que seul M. [B] [F] a répondu par même voix que si cette proposition lui semblait 'ok', seule son épouse [O] gérait les réservations et il lui transmettrait la proposition à son retour du supermarché ;
Attendu que sont ensuite versés aux débats les échanges de courriels intervenus en langue anglaise, entre M. [E] et Mme [O] [F] (pièces 3 à 8 du dossier de la société LIBELLULE), lesquels sont pour l'essentiel les suivants, conformément aux traductions qui en sont données aux mêmes pièces sans contestation de l'un ou l'autre des colitigants :
- courriel de Mme [F] à M. [E] le samedi 25 avril 2020 à 5 h 25 : '[B] m'a transmis votre Whatsapp. Je préfère traiter les réservations par email. Pour confirmer vos clients veulent louer pour $20 000 par semaine net pour Nous pour 4 semaines. Ils paieront séparément les frais de ménage. Nous souhaitons un paiement intégral à l'avance. Quelles seraient les dates de début et de fin '',
- courriel en réponse de M. [E] à Mme [F] le samedi 25 avril 2020 à 14 h 01: 'Merci encore beaucoup pour votre retour rapide et votre offre',
- courriel de Mme [F] à M. [E] le lundi 27 avril 2020 à 15 h 01 : 'Cher [U], oui, à partir du 4 mai, c'est bien. Oui ils pourront prolonger jusqu'en juin si nous n'avons pas d'autre réservation dans le calendrier au moment où ils veulent prolonger (...)',
- courriel de M. [E] à Mme [F] le 27 avril 2020 à 17 h 50 : '(...) Le client souhaite confirmer la réservation. Veuillez trouver ci-dessous toutes les informations :
Nom : [K] [S]
Dates : du 4 mai au 1er juin 2020
3 adultes (1 couple + Nanny) et 2 enfants (4 et 7 ans)
'Détail du prix : 20 000 $ net propriétaire pour la durée de leur séjour.
Frais supplémentaires : service de ménage, aux frais du client, pour un coût approximatif de 2 800 euros par mois (...)',
- courriel de Mme [F] à M. [E] le 27 avril 2020 à 18 h 03 : 'Bonjour [U], c'est bien mais nous aurions besoin d'un paiement intégral à l'avance. Pouvez-vous confirmer ce point s'il vous plaît (...)',
- courriel de M. [E] à Mme [F] le 27 avril 2020 à 18 h 13 : 'Laissez-moi voir concernant le paiement, si je suis légalement en mesure de transférer le paiement avant la date de départ des invités. La retenue du paiement protège généralement le propriétaire et les clients si un problème/difficulté se produit pendant le séjour. Je vous répondrai dès que possible.' ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces échanges de courriels que la société LIBELLULE, par Mme [F], n'avait donné son accord de
location, conformément aux exigences du mandat confié à la société LBVR, que sur la base d'un prix net propriétaire de 20 000 euros par semaine, et non pas de 20 000 euros pour l'entière période du 4 mai au 1er juin 2020, alors même que dès le 25 avril 2020, dans un courriel de LBVR à Mme [K] (candidate à la location) (pièce 5 du dossier de QBE), M. [E] lui écrivait ceci : 'J'ai le plaisir de vous faire suivre l'offre de séjour suivante, sur vos propriétés préférées ; Villa BLANC BLEU ; le propriétaire a pré-approuvé l'offre suivantes : 29 900 $, tout compris, pour 4 semaines à partir du 7 mai (...) Le prix ne comprend pas le service d'entretien ménager (...)' ;
Attendu que, dans un courriel de M. [E], pour LBVR, à Mme [F], pour LIBELLULE, du 14 juillet 2020 à 18 h 59 (pièce 16 du dossier de cette dernière), faisant suite aux réclamations de Mme [F] après qu'elle eut reçu un paiement qu'elle disait erroné en un mail précédent du même jour (pièce 15), le mandataire sus-nommé disait ceci : 'La situation d'aujourd'hui résulte, je pense, d'un bien triste malentendu et non intentionnel , des deux parties' ; que cependant, compte tenu de la clarté et de la précision du courriel de Mme [F] du samedi 25 avril 2020 à 5 h 25, dans lequel elle n'évoque qu'un tarif de location de 20 000 US$ par semaine, ladite situation ne peut être qualifiée de 'malentendu', mais résulte bel et bien d'une faute contractuelle de la société LBVR en regard des stipulations du mandat qui la liait à la société LIBELLULE et de l'accord explicite qui avait été donné par celle-ci pour la location de sa villa à Mme [K] sur la base d'un loyer de 20 000 euros par semaine ;
Attendu qu'il peut être observé à titre superfétatoire que, dans un courriel de M. [E] à Mme [F] du 16 août 2020 à 8 h 49 (pièce 18), le premier demandait à la seconde d'accepter qu'en lieu et place du différentiel de 96 393 US$ que la société LIBELLULE réclamait à la société LBVR par courriel du mardi 4 août 2020 à 11 h 40 (pièce 17), elle consentît 'd'abaisser le solde dû à 65 000/70 000 $', lui offrant le versement d'un premier paiement dès réception de sa réponse ; que, sans réponse immédiate de Mme [F], M. [E] la relançait par courriel du mardi 18 août 2020 à 12 h 14 (pièce 19), par lequel il lui disait par surcroît qu'il 'était en train de procéder au premier paiement', tout en demandant, comme 'deuxième faveur', et en contradiction avec la précédente affirmation, d'accepter 'de reporter le premier paiement au 10 septembre 2020" ;
Attendu que si cette proposition a finalement été refusée par la société LIBELLULE (courriel du 1er septembre 2020 (pièce 21), il y a, dans cet échange de courriels, une manifeste reconnaissance de responsabilité de la part de la société LBVR ;
Attendu que la faute contractuelle ci-avant établie à la charge de la société LBVR est l'unique cause d'un manque à gagner, pour la société LIBELLULE, d'une somme de 96393 US$, et ce dès lors qu'il est constant que sa locataire, Mme [K], n'a finalement payé, pour sa location qui s'est étalée sur la période du 4 mai au 18 juin 2020, que des sommes n'ayant permis à la bailleresse de ne bénéficier en l'état que d'un loyer total de 32 175 US$ en lieu et place de l'accord de location qu'elle avait donné pour un loyer net à lui revenir de 128 571,42 US$ ; et que sont ainsi démontrés par la société LIBELLULE, à la fois la faute contractuelle de son mandataire, le préjudice qu'elle en subi à hauteur de ce manque à gagner de 96 393 US$ et le lien de causalité direct et certain entre cette faute et ce préjudice ;
Attendu que c'est donc à juste titre que le tribunal, en son jugement querellé, a condamné la société LBVR à payer à la société LIBELLULE, à titre de dommages et intérêts, la somme de 96 393 US$, ou sa contre-valeur en euros au jour de son paiement, représentant ce manque à gagner ; que c'est encore à bon droit qu'il a assorti cette somme des
intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer ce jugement de ces deux chefs;
Attendu que la société LIBELLULE ajoute en appel à ses demandes de ces chefs la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils sont échus pour une année entière ;
Attendu qu'à l'encontre de l'opinion de la société QBE, cette demande, certes nouvelle en appel, n'en demeure pas moins parfaitement recevable en application des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile aux termes desquelles les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en effet, la demande capitalisation ds intérêts est une demande complémentaire, au sens de ces dispositions, de celle qui a pour objet le paiement de ces intérêts ;
Attendu que, sur le fond, et en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il échet d'y faire droit à compter de la susdite assignation devant les premiers juges;
V- Sur les demandes de la société LIBELLULE et LBVR à l'encontre de la société d'assurance QBE
Attendu qu'en application de l'article L124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable et cet assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ;
Attendu que, tant la société LIBELLULE à titre principal, que la société LBVR à titre subsidiaire, demandent, pour la première, la condamnation solidaire de l'assureur responsabilité civile professionnelle de la seconde au paiement des sommes mises à la charge de cette dernière, et, pour la seconde, que cet assureur la garantisse de toutes condamnations prononcées contre elle au profit de la société LIBELLULE, ce à quoi s'oppose ledit assureur, en la personne de la compagnie QBE, appelante principale à cet effet ;
Attendu que la compagnie QBE ne conteste pas, et en justifie même elle-même par ses pièces 1, 2 et 3 dûment produites aux débats, que par contrat n° 0930009538 à effet du 26 avril 2019, elle ait accordé à la société LE BARTH VILLA RENTAL sa garantie au titre de la responsabilité civile professionnelle de cette dernière ;
Attendu que les conditions particulières de ce contrat d'assurance stipulent que son objet est de garantir l'assurée contre les conséquences de sa responsabilité civile au titre de ses activités de transaction immobilière ; et qu'il est constant que l'activité au titre de laquelle la société LBVR, assurée, et la société LIBELLULE, victime, comme ci-avant jugé, d'un préjudice en suite des fautes contractuelles de la précédente, avait les caractères d'une transaction immobilière rentrant dans le cadre de la garantie de la compagnie QBE, puisqu'il s'agissait d'une intermédiation entre la bailleresse et un locataire en vue d'une location saisonnière ;
Attendu que ces mêmes conditions particulières fixent, en page 4/5, chapitre VI, le montant des garanties et des franchises, lesquelles garanties incluent la responsabilité civile et professionnelle de l'assurée et une assurance protection juridique incluant les frais de justice et 'frais de défense', toutes choses prévues dans des limites quantitatives dont il est constant qu'elles ne sont pas dépassées par les demandes des sociétés LIBELLULE et LBVR ;
Mais attendu que la compagnie QBE oppose à la garantie qui lui est demandée à ce titre, deux causes d'exclusion, savoir :
- celle, en premier lieu, de l'article 2.2.1 des 'conventions spéciales' relatives à la responsabilité civile des 'transactionnaires et gestionnaires immobiliers', qu'elle qualifie d''exclusion conventionnelle',
- et celle, en second lieu, des articles L113-1 du code des assurances et 2.2.1 des susdites conventions spéciales, qu'elle qualifie cette fois d''exclusion conventionnelle et légale' ;
Attendu que, sur le fondement purement conventionnel (article 2.2.1), elle invoque plus précisément la 'violation délibérée des stipulations contractuelles' par la société LBVR, et, sur le terrain 'conventionnel et légal' des articles L113-1 du code des assurances et 2.2.1 des 'conventions spéciales', la faute dolosive imputable à cette dernière ;
Attendu que, dans le cadre de l'un ou l'autre de ces fondements, et comme relevé à juste titre par les premiers juges, il appartient à la société QBE de faire la preuve d'une faute intentionnelle ou dolosive de la part de la société LBVR qui serait à l'origine du sinistre ;
1°/ Attendu qu'en vertu de l'article 2.2.1 des conventions spéciales du contrat d'assurance litigieux, sont exclues de la garantie, 'y compris les frais de défense', 'les conséquences de fautes intentionnelles (...) commises par un assuré ou avec sa complicité (...) et de violations délibérées de la part de l'assuré (ou de la part de la direction de l'entreprise lorsqu'il s'agit d'une personne morale) des dispositions légales ou réglementaires applicables à la profession, des règlements définis par la profession ou de dispositions contractuelles' ; et que la compagnie QBE, aux termes du dernier paragraphe de la page 18 de ses écritures, précise explicitement que 'c'est bien de cette exclusion contractuelle ('violation délibéré') dont (elle) se prévaut (...), et non pas de l'exclusion légale tirée de la faute intentionnelle comme le prétend fallacieusement la société LBVR' ;
Attendu que QBE prétend, dans la suite de ce positionnement théorique, que la société LBVR, son assurée, a délibérément violé les stipulations contractuelles et propose tout d'abord sa propre définition de la violation délibérée, aux termes de laquelle, au fondement de la jurisprudence de la cour de cassation, l'exclusion conventionnelle de garantie à raison d'une telle violation délibérée 'suppose(rait) seulement d'établir la violation délibérée par l'assuré des stipulations contractuelles, la preuve d'une quelconque conscience des conséquences dommageables de son acte n'étant pas exigée, contrairement à la caractérisation d'une faute intentionnelle' ; et qu'en second lieu, toujours sur cette base théorique, elle estime que la société LBVR a délibérément violé les stipulations contractuelles 'en refusant d'appliquer un loyer hebdomadaire pourtant requis par la clause VII. B. du contrat de mandat' ;
Mais attendu qu'au sens encyclopédique classique de l'adjectif 'délibéré', ce qui a été délibéré est ce qui a été discuté et décidé, intentionnel, réfléchi, voulu et les synonymes avancés par les auteurs des dictionnaires de langue française les plus répandus, sont précisément les vocables suivants : intentionnel, conscient, pesé, réfléchi, volontaire, voulu, décidé, assuré, déterminé, ferme et résolu ; qu'il s'en déduit que la distinction qu'entend imposer l'assureur QBE, à l'encontre du sens des mots, d'entre la violation délibérée et la violation intentionnelle, n'est pas exacte, ce d'autant que, en droit, la faute intentionnelle suppose un acte délibéré de son auteur, ce qui conforte, en termes juridiques, la synonymie du langage commun sus-relevée ;
Attendu qu'en réalité, ainsi d'ailleurs que QBE l'écrit aussi peu ou prou en ses écritures, la cour de cassation ne distingue pas d'entre la violation
délibérée et la violation intentionnelle, mais organise une distinction d'entre la faute intentionnelle (ou délibérée) et la faute dolosive, la première s'entendant, selon elle, de la faute impliquant la volonté de son auteur de commettre le dommage tel qu'il est survenu, et la seconde, de la faute pour laquelle l'intention de créer le dommage n'est pas nécessaire ; qu'il en résulte que la faute intentionnelle est caractérisée quand l'assuré a eu la volonté de commettre le dommage tel qu'il s'est produit, et la faute dolosive, quand l'assuré a volontairement pris des risques en ayant conscience de sa faute, sans pour autant qu'il ait voulu atteindre un but précis ;
Attendu que la faute contractuelle intentionnelle, au sens de violation délibérée des stipulations contractuelles, suppose la réunion de deux conditions et, partant, la preuve de leur réunion, savoir :
- un acte délibéré de son auteur, lequel inclut la volonté de créer l'évènement fautif au sens où l'assuré a conscience de commettre une faute,
- la volonté de ce même assuré de commettre le dommage tel qu'il est finalement survenu ;
Or, attendu que la suite des courriels échangés entre la société LIBELLULE et la société LBVR, par leur dirigeant respectif, démontre que le gérant de cette dernière, M. [U] [E], a commis une simple faute de négligence, pouvant être équipollente à de l'incompétence, et qu'en tout cas aucune intentionnalité à l'origine de cette faute, ni violation délibérée des stipulations de son mandat contractuel, ne sont établies à sa charge;
Attendu qu'en effet, il n'est pas permis de tirer de ces courriels et de leur chronologie que, ainsi que le prétend QBE, 'la société LBVR a délibérément violé les stipulations contractuelles en refusant d'appliquer un loyer hebdomadaire pourtant requis par la clause VII. B du contrat de mandat', et ce, dès lors :
- que ce prétendu 'refus' intentionnel ne résulte d'aucun des échanges intervenus entre M. [E], pour LBVR, et Mme [F], pour LIBELLULE,
- que le contrat de mandat n'évoque un loyer hebdomadaire qu'en son article VII. B, lequel stipulait cependant seulement à cet égard que les loyers 'hebdomadaires bruts' devaient 'être renseignés en Annexe 1" et qu''ils' devaient être fixés 'd'un commun accord entre les parties', de quoi il ressort, ainsi que d'autres stipulations dudit mandat, que, dès lors qu'en tous les cas le mandataire devait recueillir le consentement de la bailleresse pour proposer un tarif à un client potentiel, la stipulation d'un loyer hebdomadaire n'était pas intangible et des exceptions pouvaient être envisagées en accord avec la société LIBELLULE, si bien que, sur la base de ce qui sera vu ensuite quant aux échanges de courriels entre les parties, M. [E] a pu commettre une simple erreur ou faute de négligence en estimant que Mme [F] lui avait donné son accord sur un loyer global de 20 000 US$ pour la période du 4 mai au 1er juin 2020 et non point sur un loyer hebdomadaire de ce montant, ce qui n'enlève rien à sa responsabilité, mais exclut que sur la seule base de la violation objective des stipulations sus-visées, la preuve du caractère intentionnel de cette faute puisse être retenue,
- qu'au surplus, la période de location en cause, courant premier semestre 2020, soit en pleine crise du SARS CoV 2 qui avait quasiment stoppé toute activité touristique à SAINT-BARTHELEMY comme ailleurs dans le monde, a nécessairement participé de l'erreur commise par un mandataire qui a pu estimer que les tarifs hebdomadaires qui avaient été fixés par courriel de Mme [F] du 11 novembre 2019, concomitamment à la signature du mandat, étaient momentanément obsolètes et que cette crise et la réduction significative subséquente du marché locatif saisonnier, avaient entraîné une chute importante des prix de location,
- et que la suite des courriels échangés entre M. [E], pour LBVR, et Mme [F], pour LIBELLULE, entre le 25 et le 27 avril 2020 dans le cadre de la négociation du prix de location proposé à Mme [K], mais aussi un courriel adressé par M. [E] à Mme [K], cliente potentielle, le 25 avril 2020 (pièce 5 du dossier QBE), révèlent que la faute du premier envers la seconde n'a été le résultat que d'un quiproquo ou d'un simple malentendu consécutif à une inattention fautive de M. [E], laquelle s'est trouvée confortée de la propre inattention de Mme [F], celle-ci cependant non fautive dès lors qu'elle a pu être trompée par l'imprécision des mails de M. [E] en retour des siens propres et qu'elle avait fixé clairement les choses dans son mail d'approbation du 25 avril 2020 à 5 h 25 ;
Attendu qu'en effet, ainsi que ci-avant rappelé et analysé (Chapitre IV 1°/), cette suite de courriels est la suivante :
- courriel de Mme [F] à M. [E] le samedi 25 avril 2020 à 5 h 25 : '[B] m'a transmis votre Whatsapp. Je préfère traiter les réservations par email. Pour confirmer vos clients veulent louer pour $20 000 par semaine net pour Nous pour 4 semaines. Ils paieront séparément les frais de ménage. Nous souhaitons un paiement intégral à l'avance. Quelles seraient les dates de début et de fin '',
- courriel en réponse de M. [E] à Mme [F] le samedi 25 avril 2020 à 14 h 01: 'Merci encore beaucoup pour votre retour rapide et votre offre',
- courriel de Mme [F] à M. [E] le lundi 27 avril 2020 à 15 h 01 : 'Cher [U], oui, à partir du 4 mai, c'est bien. Oui ils pourront prolonger jusqu'en juin si nous n'avons pas d'autre réservation dans le calendrier au moment où ils veulent prolonger (...)',
- courriel de M. [E] à Mme [F] le 27 avril 2020 à 17 h 50 : '(...) Le client souhaite confirmer la réservation. Veuillez trouver ci-dessous toutes les informations :
Nom : [K] [S]
Dates : du 4 mai au 1er juin 2020
3 adultes (1 couple + Nanny) et 2 enfants (4 et 7 ans)
'Détail du prix : 20 000 $ net propriétaire pour la durée de leur séjour.
Frais supplémentaires : service de ménage, aux frais du client, pour un coût approximatif de 2 800 euros par mois (...)',
- courriel de Mme [F] à M. [E] le 27 avril 2020 à 18 h 03 : 'Bonjour [U], c'est bien mais nous aurions besoin d'un paiement intégral à l'avance. Pouvez-vous confirmer ce point s'il vous plaît (...)' ;
Attendu que dès le 25 avril 2020, au premier retour de Mme [F] vers sa cliente en suite de sa proposition au bailleur du 24 précédent (message WHATSAPP à M. [F]), M. [E] a transmis à Mme [K] une 'pré-approbation' du propriétaire sur une 'offre à 29 900 $, tout compris, pour 4 semaines à partir du 7 mai' (devenu ensuite le 4 mai), alors même que dans son courriel du même jour Mme [F] avait formellement donné son accord sur 20 000 $ 'par semaine', ce à quoi M. [E] n'a manifestement pas été attentif, ainsi que révélé par la suite des courriels dans lesquels, plutôt que de souligner cet écart considérable entre sa proposition à Mme [K] et le réel accord de Mme [F], il remerciait celle-ci pour son retour rapide et son offre, puis, dans un e-mail du 27 avril suivant, sur la réponse positive du même jour de Mme [F] sur un autre sujet, celui du point de départ de la location (le 4 mai au lieu du 7 mai initialement envisagé), M. [E] réitérait son erreur en confirmant la réservation du 4 mai au 1er juin 2020 sur la base de '20 000 $ net propriétaire pour la durée de leur séjour' ; que Mme [F] n'a elle-même pas réagi à cette erreur ou cette ambiguïté à tout le moins, laissant ainsi M. [E] s'y enfermer, puisqu'elle s'est bornée, en suite de ce dernier message à elle adressé ce 27 avril à 17 h 50, à lui répondre, à 18 h 03, qu'elle exigeait un paiement intégral à l'avance, sans stigmatiser l'ambiguïté du courriel de M. [E] en ce qui était du prix de la location;
Attendu qu'à l'encontre de l'opinion de l'auteur de cet argumentaire, la facturation à Mme [K] d'une somme totale de 29 900 $ n'est nullement déterminante pour déterminer s'il y a faute intentionnelle ou non de la part de la société LVBR, ce pourquoi les premiers juges ont pu, sans violer leur obligation de motivation, se dispenser d'y répliquer, le juge n'étant tenu que de répondre aux véritables moyens développés par les parties; que, cependant, la société QBE réitère cet argumentaire en appel, auquel, à titre superfétatoire, il est permis de constater, au fondement des éléments produits à cet égard et de l'arithmétique :
- que, sur la base du tarif erroné de 20 000 $ 'net propriétaire' proposé par M. [E] à Mme [K], les honoraires du mandataire, convenus à hauteur de 22,5 %, ne peuvent pas être calculés, comme le propose QBE, sur la base de '20000 x 22,5/100", mais bien plutôt, en logique arithmétique, sur celle de l'équation suivante : 20000 x100/77,5 - 20 000 = 5 806,45 US$, et non pas les 4 500 US$ proposés par QBE ;
- qu'ajoutés à cela les frais de service pour 2 600 US$ et la taxe locale pour 1 300 US$, le prix de la location devait être facturé, toujours dans l'esprit de M. [E], à hauteur 29 706,45 $, cependant que ce dernier a manifestement arrondi les honoraires de sa société LBVR à 6 000 euros pour arriver à un total facturé de 29 900 $, lequel, modulo cette erreur de seulement 193,55 $, est ainsi parfaitement conforme au tarif que M. [E] croyait être le prix de la location accepté par le bailleur ;
- et que, dès lors, aucune sur-facturation n'a été faite à Mme [K] par rapport au tarif erroné qu'elle avait accepté et qu'aucune intention frauduleuse de la part de la société LBVR à l'égard de la société LIBELLULE ne peut en être inférée ;
Attendu qu'il apparaît ainsi à la cour que de l'ensemble de ces éléments aucune preuve ne peut être tirée d'une faute intentionnelle ou d'une violation délibérée par M. [E], pour le compte de la société LBVR, des stipulations contractuelles qui la liaient à la société LIBELLULE, mais seulement celle d'une négligence fautive participant d'une simple erreur d'interprétation de la volonté de cette dernière telle qu'exprimée par Mme [F] au long de leurs échanges préalables à la location litigieuse ; qu'il ne peut donc y avoir lieu à exclusion de la garantie de l'assureur QBE du chef de l'article 2.2.1 des conventions spéciales liant assureur et assurée ;
2°/ Attendu que la faute dolosive invoquée en second lieu par QBE à l'encontre de son assurée LBVR, sur le double fondement légal et conventionnel des articles L113-1 du code des assurances et 2.2.1 des 'conventions spéciales', suppose la démonstration d'une prise de risque volontaire, avec la conscience de commettre un dommage inéluctable, sans pour autant que l'assuré ait voulu le dommage finalement survenu ; qu'ainsi, et à l'encontre de l'opinion de QBE, doit être établie la conscience, chez l'assuré, du caractère inéluctable des conséquences dommageables d'un comportement délibéré ;
Or, attendu qu'il résulte encore de l'ensemble des éléments ci-avant relevés pour écarter toute faute intentionnelle de la part de LBVR, que le comportement fautif de son gérant en la personne de M. [E] était exclusif à la fois d'un comportement délibéré et d'une quelconque conscience de causer un dommage à sa mandante ; qu'en effet, ces éléments ont permis d'établir la réalité d'une erreur fautive d'interprétation des données financières de l'accord donné par Mme [F] pour LIBELLULE pour louer sa villa à Mme [K] et, partant, d'une faute de négligence dans la lecture et l'interprétation des courriels adressés par Mme [F] à M. [E] entre le 25 et le 27 avril 2020 sur la base desquelles ce dernier a cru pouvoir notifier à Mme [K] un accord de la bailleresse pour lui louer ladite villa moyennant un tarif global net propriétaire de seulement 20 000 US$ pour la période du 4 mai au 1er juin 2020 ;
Attendu que la société QBE estime encore à tort que 'la volonté de la société LBVR de tromper la société LIBELLULE ressort de son refus de transférer toute somme versée préalablement au séjour de Mme [S] [K]' ;
Attendu qu'en effet, si l'alinéa 2 de la clause VII C du mandat de 2019 stipulait que le mandataire convenait de s'efforcer de collecter le paiement de l'acompte (soit 30 % du prix brut de la location en application de l'article D1) dans les 7 jours suivant la confirmation de disponibilité du logement :
- d'une part, ledit assureur dit lui-même que dès le 29 avril 2020 son assurée avait reçu de Mme [K], par virement sur son compte, non pas un simple acompte de 30 %, mais la totalité du prix de la location, soit 29 900 US$, ce qui signifie que les exigences de cet alinéa 2 ont été respectées au delà même du quantum requis,
- de seconde part, à l'encontre de l'opinion de QBE, cet alinéa 2 de l'article VII C n'imposait nullement à LBVR de verser un quelcompte acompte à la bailleresse, non plus qu'à l'informer 'a minima' de la perception des fonds, mais seulement de 's'efforcer de collecter' un acompte de 30 %', ce qui a été fait au delà même de cette exigence,
- et, de troisième et dernière part et surtout, cette même clause VII. C, en son troisième alinéa, stipulait que les loyers diminués de toute rémunération due au mandataire, devaient être versés dans les 10 jours suivant le départ du locataire, sauf litige, ce qui excluait toute obligation de versement préalable à la date d'effet de la location ;
Attendu qu'il peut être ajouté que de toute façon, en son courriel du 27 avril 2020 à 18 h 03, Mme [F], pour la société LIBELLULE, ne demandait nullement le paiement d'un acompte, mais 'un paiement intégral à l'avance', ce à quoi, par retour de courriel du même jour à 18 h 13, M. [E] lui répondait que tel n'était pas l'usage compte tenu des garanties dont devait bénéficier à cet égard le locataire en cas de difficulté, et ce en parfaite conformité avec les stipulations du mandat sur ce point ;
Attendu qu'il n'est donc pas permis de voir, dans ce refus de remettre à la société LIBELLULE tout ou partie du prix de la location une quelconque démonstration de l'intention dolosive de la société LBVR ;
Attendu que de l'ensemble de ces constatations il ressort que la faute dolosive, au sens de l'article L113-1 du code des assurances et 2.2.1 des conventions spéciales QBE, n'est nullement établie à l'encontre de l'assurée LBVR ;
Attendu que c'est par suite à bon droit et par des motifs complets et pertinents, que la cour adopte en surplus des siens propres, que les premiers juges ont considéré que la garantie de la compagnie QBE était pleinement mobilisable dans les termes du contrat conclu avec la société LBVR ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :
- d'une part, condamné la société QBE, assureur, solidairement avec la société LBVR, son assurée, à payer à la société LIBELLULE la somme de 96 396,42 US$ ou sa contrevaleur en euros au jour du paiement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
- d'autre part, condamné le même assureur à garantir son assurée LBVR des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les frais de procédure et les intérêts, au titre de la police d'assurance n° 093 0009538 ;
Attendu que, subséquemment, la demande dite 'reconventionnelle' de la société LBVR tendant à lui voir dire inopposable la clause d'exclusion de garantie contenue dans la police d'assurance la liant à la compagnie QBE, est sans objet ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer ;
VI- Sur les dépens et frais irrépétibles
Attendu que, le jugement querellé étant ici confirmé en toutes ses dispositions à l'encontre des prétentions de l'appelante principale QBE et, plus partiellement, de l'appelante incidente en la personne de la société LBVR :
- il sera encore confirmé en ce que le tribunal a condamné assureur et assurée, solidairement entre eux, aux dépens de première instance, et, en équité, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à indemniser la société LIBELLULE de ses frais irrépétibles de première instance à hauteur de la somme de 3 000 euros,
- les mêmes sociétés QBE et LBVR seront en outre condamnées solidairement aux entiers dépens d'appel, ainsi que, en équité, à indemniser la société LIBELLULE de ses frais irrépétibles d'appel à hauteur de la somme de 10 000 euros ;
Attendu que, corrélativement, les sociétés QBE et LBVR seront déboutées de toutes leurs demandes au titre des dépens et frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Dit recevable l'appel principal formé par la société QBE EUROPE SA/NV à l'encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 1er septembre 2022,
- Dit recevable la société LE BARTH VILLA RENTAL en son appel incident à l'encontre du même jugement,
- Confirme ce jugement en toutes ses dispositions déférées,
Y ajoutant,
- Ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal assortissant la somme de 96396,42 US$, ou sa contrevaleur en euros au jour de son règlement, au paiement de laquelle ont été condamnées solidairement les sociétés QBE EUROPE SA/NV et LE BARTH VILLA RENTAL, et ce à compter de l'assignation introductive de la première instance et dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- Déboute les sociétés QBE EUROPE SA/NV et LE BARTH VILLA RENTAL de leurs demandes respectives au titre des dépens et des frais irrépétibles d'appel,
- Condamne les sociétés QBE EUROPE SA/NV et LE BARTH VILLA RENTAL, solidairement entre elles, à payer à la société LIBELLULE la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Et ont signé,
La greffière, Le président
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 576 DU 17 OCTOBRE 2024
N° RG 22/00975 -
N° Portalis DBV7-V-B7G-DPTY
Décision attaquée : jugement du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 1er septembre 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 2021J00059
APPELANTE :
S.A. de droit belge QBE EUROPE SA/NV
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier PAYEN, de la SCP PAYEN, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Capucine BERNIER, du cabinet GIDE LOYRETTE NOUEL , avocate au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. LIBELLULE
[Adresse 1]
[Adresse 5]
97133 SAINT-BARTHELEMY
Représentée par Me Alberte ALBINA COLLIDOR, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Axel ENGELSEN, du cabinet LE BERRE ENGELSEN WITVOET, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. LE BARTH VILLA RENTAL
[Adresse 7]
[Adresse 3]
[Adresse 5]
97133 SAINT-BARTHELEMY
Représentée par Me Nicolas FOUILLEUL, de la SELARL NFL AVOCATS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 juin 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank ROBAIL, président de chambre,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
M.Thomas Habu GROUD, conseiller,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 19 septembre 2024. Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats.
GREFFIER
Lors des débats et lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.
ARRET :
- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La S.A.S. LIBELLULE est propriétaire à SAINT-BARTHELEMY d'une villa dénommée 'MAISON BLANC BLEU', sise [Adresse 6] ;
Par acte sous seing privé du 11 novembre 2019, elle a conclu avec la S.A.S. LE BARTH VILLA RENTAL, ci-après désignée 'société LBVR', un contrat de mandat non exclusif pour la location saisonnière de cette villa meublée avec prestations para-hôtelières, et ce pour une durée d'une année renouvelable tacitement dans la limite de 3 années ;
La société LBVR est assurée auprès de la société anonyme de droit belge QBE EUROPE SA/NV, ci-après désignée 'QBE', suivant contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle n°930009538 à effet du 26 avril 2019 ;
Par acte d'huissier de justice du 17 juin 2021, la S.A.S. LIBELLULE a fait assigner les sociétés LBVR et QBE devant le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE à l'effet de les voir condamner solidairement, au visa des articles 1103 du code civil, L124-3 du code des assurances et L441-10 du code de commerce et avec exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes:
- 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement à intervenir, en indemnisation du solde lui restant dû au titre de la location de la susdite villa pour la période du 4 mai au 18 juin 2020, avec intérêts au taux énoncé à l'article L441-10 du code de commerce ou, à défaut, au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure du 26 mars 2021, ou, à défaut, à compter de l'assignation,
- 8 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Tout en maintenant ces demandes, la société LIBELLULE sollicitait ensuite le rejet de l'exception d'incompétence soulevée par la société QBE et, au cas où il y aurait été fait droit, au renvoi direct du litige devant la chambre de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY ;
En réponse, la société LBVR souhaitait voir :
- constater un accord des parties quant à la tarification de la location et l'absence de faute de sa part,
- rejeter par suite les demandes de la société LIBELLULE à son encontre,
- subsidiairement, condamner la société d'assurance QBE à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elle,
- condamner tout succombant à lui payer une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
La société QBE concluait quant à elle aux fins de voir :
- in limine litis, déclarer le tribunal mixte de commerce incompétent à raison de la matière au profit de la chambre de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY près le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE,
- subsidiairement sur le fond :
** déclarer recevables et bien fondées les exclusions conventionnelles et légales prévues par l'alinéa 1er de l'article 2,2,1 des conventions spéciales de la police QBE et l'article L113-1 du code des assurances,
** rejeter toutes les demandes formées à son encontre,
** condamner la société LIBELLULE et tout succombant à lui payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
** écarter l'exécution provisoire en cas de condamnation ;
Par jugement contradictoire du 1er septembre 2022, le tribunal mixte de commerce :
- a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société QBE,
- a condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, à verser à la société LIBELLULE les sommes suivantes :
** 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
** 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- a condamné la société QBE à garantir la société LBVR des condamnations prononcées à son encontre par ce jugement, en ce compris les frais de la procédure et intérêts, au titre de la police d'assurance n° 93 0009538,
- a rappelé que cette décision était assortie de plein droit de l'exécution provisoire,
- a liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 72,60 euros TTC ;
Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 27 septembre 2022, la société QBE a formé appel à l'encontre de ce jugement, y intimant les sociétés LIBELLULE et LBVR et y fixant expressément son objet à chacune de ses dispositions;
Cet appel a été orienté à la mise en état et avis du greffe d'avoir à signifier la déclaration d'appel a été notifié par RPVA au conseil de l'appelante le 15 décembre 2022 ;
La société LBVR a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appelante, par RPVA, le 17 octobre 2022 et la société LIBELLULE, par acte remis au greffe et notifié aux avocats de la cause, par même voie, le 26 décembre 2022 ; un changement d'avocat a ensuite été notifié au greffe et aux autres parties par la société LIBELLULE, par RPVA, la 2 janvier 2024 ;
La société QBE, appelante, a conclu à 6 reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats adverses, par RPVA, respectivement les 26 décembre 2022, 25 avril 2023, 8 octobre 2023, 14 novembre 2023, 2 janvier 2024 et 28 février 2024 ('conclusions récapitulatives n°5") ;
La société LIBELLULE a conclu quant à elle à 5 reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats adverses, par RPVA, respectivement les 10 mars 2023, 30 août 2023, 23 octobre 2023, 8 janvier 2024 et 19 janvier 2024 ('conclusions d'intimée-5-') ;
La société LBVR a conclu à 4 reprises, par actes remis au greffe et notifiés aux avocats adverses, par même voie, respectivement les 13 mars 2023, 11 octobre 2023, 1er décembre 2023 et 12 janvier 2024 ('conclusions en réponse n° 4") ;
Par ordonnance du 4 mars 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure et fixé l'affaire l'audience du lundi 10 juin 2024 ; à l'issue de cette audience, le délibéré a été fixé au 19 septembre 2024 ; les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats ;
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
1°/ Par ses dernières conclusions récapitulatives, celles qui ont été remises au greffe le 28 février 2024 (conclusions récapitulatives n° 5), la société QBE conclut aux fins de voir, au visa des articles 75, 122, 564, 909 et 910-4 du code de procédure civile, 1101, 1102, 1103, 1188, 1189 al 1, 1193 et 1353 al 1 du code civil et L 113-1 du code des assurances :
- juger son appel recevable et bien fondé,
- juger irrecevable la demande reconventionnelle de la société LBVR s'agissant de la prétendue inopposabilité de la clause d'exclusion stipulée dans la police d'assurance conclue entre la société LBVR et QBE, ou, si par impossible cette demande était jugée recevable, la dire infondée et la rejeter,
Y faisant droit,
- 'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Basse-Terre le 1er septembre 2022 en ce qu'il a ' :
** rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la compagnie QBE,
** condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, à verser à la société LIBELLULE la somme de 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
** condamné la société QBE à garantir la société LBVR des condamnations prononcées à son encontre par ce jugement, en ce compris les frais de la procédure et intérêts, au titre de la police d'assurance n° 93 0009538,
** condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, à verser à la société LIBELLULE la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Et statuant à nouveau
IN LIMINE LITIS, juger que la chambre de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY près le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE était compétente pour trancher ce litige
SUR LE FOND,
- juger valables et opposables les exclusions conventionnelle et légale prévues par l'article 2.2.1 des conventions spéciales de la police QBE et
par l'article L113-1 du code des assurances, d'ordre public,
En conséquence,
- rejeter l'intégralité des demandes formées par les sociétés LIBELLULE et LBVR à son encontre,
- condamner la société LIBELLULE et tout succombant à lui payer la somme de 20000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
A TITRE SUBSIDIAIRE, rejeter toute demande formée par la société LIBELLULE de capitalisation des intérêts calculés sur la somme en principal à compter de la date d'assignation si, par extraordinaire, une condamnation était prononcée à son encontre;
Pour l'exposé des moyens proposés par QBE au soutien de ces fins, il est expressément référé à ces dernières conclusions ;
2°/ Par ses propres dernières conclusions, celles qui ont été remises au greffe le 19 janvier 2024 (conclusions d'intimée -5-), la société LIBELLULE souhaite voir quant à elle, au visa des articles 1103 du code civil, L124-3 du code des assurances, 90, 566 et 700 du code de procédure civile :
- déclarer la compagnie QBE mal fondée en l'ensemble de ses moyens d'appel, exceptions, fins et conclusions et l'en débouter,
- déclarer la société LBVR mal fondée en l'ensemble de ses moyens d'appel, exceptions, fins et conclusions et l'en débouter,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
** rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la compagnie QBE,
** condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, à verser à la société LIBELLULE la somme de 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
** condamné la société QBE à garantir la société LBVR des condamnations prononcées à son encontre par ce jugement, en ce compris les frais de la procédure et intérêts, au titre de la police d'assurance n° 93 0009538,
** condamné la société LBVR et la société QBE, solidairement, 'au paiement des entiers dépens de la procédure',
- en tout état de cause, 'la cour de céans étant la juridiction d'appel, tant du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre que de la chambre de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, il lui appartiendra conformément aux termes de l'article 90 du code de procédure civile, de statuer sur le fond du litige opposant la SAS Libellule à la société Le Barth Villa Rental et à la compagnie QBE Europe SA/NV',
- 'et, pour le cas où par impossible une infirmation du jugement serait prononcée en faveur de QBE Europe SA/NV sur le fondement des exclusions légales et conventionnelles prévues par l'article L113-1 du code des assurances et/ou par l'article 2.2.1. al 1 des Conventions spéciales de sa Police d'assurance, confirmer néanmoins le jugement en ce qu'il a retenu la pleine et entière responsabilité de la société LE BARTH VILLA RENTAL dans la survenance au détriment de la SAS LIBELLULE de la perte de loyer s'élevant à 96 396,42 US et condamner la société LE BARTH VILLA RENTAL à indemniser la SAS LIBELLULE à hauteur de cette somme en principal de 96 396,42 US, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de mise en demeure, lesdites intérêts étant eux-mêmes capitalisés pour ceux dus depuis plus d'un an, dans les termes de l'article 1343-2 du code civil',
- 'l'infirmer pour le surplus et y ajoutant ' :
** condamner solidairement la société LBVR et la société QBE à verser à la société LIBELLULE une indemnité pour frais irrépétibles de 18 000 euros en sus de celle de 3000 euros allouée en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,
** ordonner la capitalisation des intérêts calculés sur la somme en principal de 96396,42 'US' à compter de la date d'assignation ou leur contrevaleur en euros au jour du paiement à intervenir pour ceux dus depuis plus d'un an, et ce dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,
** condamner solidairement la société LBVR et la société QBE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ;
Il est également expressément référé à ces dernières écritures pour l'exposé des moyens qui soutiennent les demandes de la société LIBELLULE ;
3°/ Par ses propres dernières conclusions, celles qui ont été remises au greffe le 12 janvier 2024 (conclusions en réponse n° 4), la société LBVR prétend voir, au visa des articles 1103 et 1993 du code civil, L113-1, L113-5, L121-12 et L124-3 du code des assurances, L441-10 du code de commerce, 48,90, 567, 700 et 910-4 du code de procédure civile :
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société QBE,
AU PRINCIPAL
- infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser, solidairement, à la SAS LIBELLULE, la somme de 96 396,42 US$ ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- constater l'accord des parties quant à la tarification proposée par la société LBVR s'agissant de la location ayant couru du 4 mai au 18 juin 2020,
- juger qu'elle n'a commis aucune faute,
- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société LIBELLULE en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société LBVR,
A TITRE SUBSIDIAIRE, dans le cas où par impossible il serait fait droit aux demandes de la société LIBELLULE,
- juger que la société LBVR n'a commis aucune faute intentionnelle ni dolosive,
- confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal a débouté la société QBE de ses demandes au titre de l'exclusion légale et conventionnelle de sa garantie,
- confirmer le même jugement en ce qu'il a condamné la société QBE à garantir la société LBVR des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les frais de procédure et intérêts, au titre de la police d'assurance n° 0930009538,
'Statuant à nouveau,
- condamner la société QBE, ès qualités d'assureur responsabilité professionnelle de la société LBVR à mobiliser les garanties souscrites par son assurée,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société QBE,
- condamner en conséquence la société QBE, ès qualités d'assureur responsabilité professionnelle de la société LBVR, à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre conformément aux termes du contrat, tant en principal, intérêts et accessoires' ;
A TITRE RECONVENTIONNEL, juger que la clause d'exclusion stipulée dans la police d'assurance conclue entre elle et la société QBE est inopposable à la société LBVR,
EN TOUT ETAT DE CAUSE, condamner tout succombant au paiement de la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Il est également expressément référé à ces dernières écritures pour l'exposé des moyens qui soutiennent les demandes de la société LBVR ;
MOTIFS DE LA DECISION
Observation liminaire
Attendu que la présente instance d'appel ayant été engagée avant l'entrée en vigueur le 1er septembre 2024 du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 réformant la procédure d'appel en matière civile, il ne sera ici fait référence qu'aux articles du code de procédure civile en vigueur jusqu'au 1er septembre 2024 et désormais désignés comme 'anciens' ;
I- Sur la recevabilité de l'appel principal de la société QBE
Attendu que l'article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse, sous réserve des délais de distance de l'article 644 du même code ; que ce délai court à compter de la notification ou de la signification de la décision querellée ;
Attendu que l'appelante QBE a son siège social hors du territoire de la GUADELOUPE où la cour de céans a son propre siège, et plus encore à l'étranger soit à BRUXELLES en BELGIQUE, de sorte qu'elle disposait d'un délai supplémentaire de deux mois et qu'ainsi le délai d'appel à l'encontre de la décision querellée était, pour celle-ci, de trois mois ;
Mais attendu qu'aucune des parties n'évoque ni ne justifie d'un quelconque acte de signification de ladite décision, si bien que la société QBE ne peut qu'être déclarée recevable en son appel principal au plan du délai pour agir ;
II- Sur la recevabilité de l'appel incident de la société LBVR
Attendu qu'en application de l'article 909 ancien du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui est faite des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 ancien pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué, outre les délais de distance résultant de l'article 911-2 ancien du même code ;
Attendu que, dès lors que la société LBVR, intimée, a son siège à SAINT-BARTHELEMY et qu'elle a reçu notification des conclusions de l'appelante le 26 décembre 2022, elle disposait d'un délai de 4 mois expirant au 26 avril 2023 pour conclure et former appel incident ;
Attendu qu'il est constant qu'elle a formé appel incident à l'encontre du jugement déféré dès ses premières conclusions d'intimée remises au greffe le 13 mars 2023, soit avant l'expiration de ce délai ; qu'il y a donc lieu de la déclarer recevable en cet appel incident ;
III- Sur l'exception d'incompétence matérielle
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1199 du code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties ;
Attendu que si les clauses attributives de compétence matérielle ou territoriale sont valides dans des conditions restrictives, et notamment lorsqu'elles sont conclues entre commerçants, c'est à juste titre que les premiers juges ont rappelé que les cocontractants peuvent toujours renoncer à son application, et ce d'un commun accord et à la condition que la clause attributive de compétence ne soit pas rédigée au bénéfice de l'une d'elle en particulier ;
Attendu que la société QBE fonde son exception d'incompétence au profit de 'la chambre de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY près le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE', sur une clause du contrat de mandat non exclusif conclu entre les seules sociétés LIBELLULE et LBVR le 11 novembre 2019, alors même :
- qu'aux termes de cette clause attributive de compétence, la juridiction désignée était le tribunal de grande instance de BASSE-TERRE (lequel est depuis devenu le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE) et non pas la chambre détachée de ce tribunal de grande instance, laquelle, pourtant, existait depuis le 1er janvier 2016 avant que d'être transformée, à effet du seul 1er janvier 2020, en chambre de proximité du tribunal judiciaire dénommée 'tribunal de proximité', si bien que c'est en tout premier lieu à tort que la société QBE entend voir désigner ladite chambre de proximité en application d'une clause qui ne la désigne nullement,
- que, surtout, la société QBE n'est ni partie au contrat qui contient cette clause, ni subrogée dans les droits de l'une ou l'autre des cocontractantes,
- et qu'au surplus, les parties à cette clause contractuelle y ont renoncé expressément et valablement, si bien que l'assureur de l'une d'elle ne peut valablement s'en prévaloir;
Attendu que la circonstance que les cocontractantes n'aient dit expressément renoncer à cette clause attributive de compétence qu'après que la société QBE eut soulevé de ce chef une exception d'incompétence, n'en annihile nullement la portée ; qu'en effet, à l'encontre de l'opinion de cet assureur, cette renonciation qu'elle qualifie d'opportuniste ne peut être tenue pour telle dès lors que lesdites cocontractantes avaient préalablement renoncé implicitement à cette clause en saisissant, pour la société LIBELLULE, le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE et en ne contestant pas cette saisie, pour la société LBVR ; qu'enfin, une telle renonciation implicite au moment de l'engagement de l'action et explicite après que le tiers défendeur eut soulevé une exception d'incompétence, ne porte en rien atteinte l'égalité des armes et des droits de la défense applicables à toute procédure ;
Attendu que, par ailleurs, il est constant que toutes les parties en la cause sont des sociétés commerciales par la forme et relèvent par suite bel et bien de la juridiction commerciale territorialement compétente, savoir celle de BASSE-TERRE ;
Attendu que c'est donc à juste titre et par des motifs que, en sus des motifs ci-avant, la cour adopte, que le tribunal mixte de commerce a retenu sa compétence matérielle et rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société d'assurance ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé de ce chef ;
IV- Sur le fond de la demande de la société LIBELLULE à l'encontre de la société LBVR
Attendu qu'aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; et qu'en application de l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l'inexécution ;
1°/ Attendu qu'en application des dispositions de l'article 954 al 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;
Attendu que si, en ses dernières conclusions, pages 11 à 13, la société LIBELLULE réplique longuement à une prétendue fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle ne justifierait pas être propriétaire de la villa BLANC BLEU qui est l'objet du mandat litigieux, force est de constater :
- qu'elle indique elle-même, en préambule de ses longs développements sur ce point, que cette fin de non-recevoir n'est pas soutenue par QBE, mais seulement'évoquée',
- qu'aucune fin de non-recevoir n'est en effet soulevée par QBE au dispositif de ses dernières écritures, celle-ci n'y concluant au rejet de l'intégralité des demandes à son encontre qu'en conséquence de la validité, qu'elle souhaite voir consacrer par la cour, des exclusions conventionnelles et légales prévues par l'article 2.2.1 des conventions spéciales de la police QBE et l'article L113-1 du code des assurances,
- que cette compagnie d'assurance dit elle-même expressément (en page 7 de ses écritures), après néanmoins de relativement longs développements, dans la seule partie de ses conclusions dédiée à l'exposé des faits et de la procédure, sur ses doutes quant à la propriété de la villa en cause, qu'elle n'a pas soulevé de fin de non-recevoir compte tenu de la dernière attestation notariale du 10 mars 2022,
- et qu'en vertu de l'article 954 sus-rappelé, la cour n'a pas à statuer sur les 'évocations' des colitigants contenues dans la partie 'discussion' de leurs écritures ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur les moyens opposés par la société LIBELLULE à une fin de non-recevoir dont la cour n'est nullement valablement saisie, non plus que sur les doutes exprimés par QBE dans la seule partie 'faits et procédure' de ses propres écritures ;
2°/ Attendu que, sur le fond des demandes de la société LIBELLULE à l'encontre de son mandataire LBVR, il échet de constater en premier lieu qu'un contrat écrit en langue à la fois française et anglaise, a été conclu le 11 novembre 2019 entre la société LE BARTH VILLA RENTAL, y désignée 'propriétaire' et la société LIBELLULE, y désignée 'Le mandant', lequel est intitulé (en français) : 'MANDAT NON EXCLUSIF POUR LA LOCATION SAISONNIERE N. 41" ;
Attendu qu'aux termes de ce contrat (article I.), la société LIBELLULE a confié à la société LBVR la mission de louer à titre saisonnier la villa MAISON BLANC BLEU, et ce pour une période d'un an à compter de la date de sa signature, avec renouvellement automatique chaque année à la date anniversaire de cette signature, cette reconduction étant limitée à trois ans (article II.) ;
Attendu que l'article III. A. de ce contrat de mandat stipulait que le mandant donnait à son mandataire le pouvoir, notamment, de rechercher d'éventuels locataires, de louer le bien et signer les conventions de location 'aux prix, charges et conditions que le mandant aura(it) acceptés préalablement à chaque saison', avec cette précision, in fine, qu'il appartenait audit mandataire de 'notifier par écrit le mandant, par e-mail, de tous détails pour une location éventuelle, incluant dates de séjour, tarifs de location, occupation et requêtes spéciales, afin d'obtenir confirmation et accord rapide' ;
Attendu que l'article VII. du contrat, intitulé 'CONDITIONS DE LOCATION', stipulait notamment au surplus, outre le taux de rémunération du mandataire (22,5 % du montant des locations 'convenues entre les parties') :
- que les loyers 'hebdomadaires bruts' devaient être renseignés en Annexe 1,
- qu'ils devaient être fixés 'd'un commun accord entre les parties',
- que tout changement de loyer ne pouvait être appliqué aux réservations confirmées avant la date de réception de la demande de changement,
- que le mandataire convenait de s'efforcer de collecter le paiement de l'acompte dans les 7 jours suivant la confirmation de la disponibilité, à défaut de quoi il devait demander une prolongation de délai écrite,
- et que 'les loyers diminués de toute rémunération due au mandataire, (devaient être) versés dans les 10 jours suivant le départ du locataire, excepté en cas de litige non résolu au sujet de la location' ;
Attendu que la société LIBELLULE, mandante, reproche à la société LBVR, mandataire, d'avoir loué sa villa à Mme [S] [K], sur la période du 4 mai au 1er juin 2020, moyennant un loyer total incontesté de 20 000 US$ 'net propriétaire pour la durée de leur séjour', outre les frais de service ménage de 2 800 euros par mois, alors même que, selon elle, elle n'avait accepté cette location que moyennant un loyer, certes de 20000 US$, mais sur une base hebdomadaire et non pour la période entière ; qu'elle ajoute que, cette même location ayant été prolongée jusqu'au 18 juin 2020 sur la base du même tarif, elle n'a perçu, pour toute la période du 4 mai au 18 juin 2020, qu'un total de loyers de 32 175 US$, alors qu'elle aurait dû percevoir, pour cette durée de location, compte tenu de l'accord qu'elle en avait donné, une somme totale de 128 571,42 US$, lui causant un manque à gagner de 96 396,42 US$ ;
Attendu que la société LIBELLULE estime qu'elle n'a pu accepter le tarif de 20 000 US$ pour la période du 4 mai au 1er juin 2020, que sur une base hebdomadaire et non point pour la totalité de la période ; et qu'elle en veut pour preuve, à la fois les termes du contrat de mandat en ce que, selon elle, ils stipulent un loyer obligatoirement hebdomadaire, d'une part, et, d'autre part, le contenu de leurs échanges de mails concernant la location litigieuse ;
Attendu que ledit contrat n'évoque en réalité un tarif de location hebdomadaire qu'en son article VII. ('CONDITIONS DE LA LOCATION'), lequel contient certes ces termes associés : 'loyers hebdomadaires', mais seulement, dans la première stipulation du B de cet article VII., pour imposer qu'ils soient renseignés, en brut, en Annexe 1 ;
Mais attendu qu'au delà de cette première stipulation qui reste imprécise quant à l'obligation contractuelle de loyers hebdomadaires, il est précisé, juste après, qu''ils sont fixés d'un accord commun entre les parties', ce qui laisse moins de doutes, et les exclut même totalement, que la première proposition quant au caractère nécessairement hebdomadaire des loyers à convenir avec les éventuels locataires ; qu'en effet, le pronom personnel 'ils' employé dans cette précision, ne peut que faire référence aux 'loyers hebdomadaires' visés dans la phrase qui le précède immédiatement ; qu'il résulte par suite de cet article VII. B. que le mandataire avait mandat de soumettre à son mandant des propositions de locations aux loyers hebdomadaires et non point mensuels; et que cette lecture du contrat à cet égard est confortée par la production par la société LIBELLULE d'un courriel envoyé par Mme [F], sa gérante, à M. [E], de la société LBVR, le jour même de la signature du mandat, soit le 11 novembre 2019 à 7 h 37, par lequel elle lui notifie, en même temps que ledit contrat signé, une liste de tarifs exclusivement hebdomadaires qui varient suivant les saisons (hautes, basses ou fêtes) et le nombre de lits occupés ;
Attendu que cette obligation contractuelle ainsi démontrée de convenir de tarifs hebdomadaires est de nature à éclairer les ambiguïtés résultant des échanges de courriels ou messages WHATSAPP, parfois approximatifs, qui sont intervenus entre la sociétés LBVR et LIBELLULE quant à la location litigieuse ;
Attendu qu'en effet, cette location est intervenue au profit de la dame [K] aux termes d'un échange de courriels ou messages entre ces deux sociétés entre le 24 avril 2020 et le 27 avril 2020 ;
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'en un premier message de M. [E], représentant la société mandataire LBVR, du 24 avril 2020, à M. ou Mme [F], propriétaire de la société LIBELLULE, celui-ci formulait auprès de ces derniers une proposition de location dans les termes suivants : 'Sans surprise, Blanc Bleu est jusqu'à présent leur choix préféré, mais ils ne veulent pas vous faire partir pour une petite somme d'argent. Pourriez-vous envisager 20k net pour le propriétaire pour 4 semaines (au lieu de 5 comme demandé précédemment) '', à quoi il n'est pas davantage contesté que seul M. [B] [F] a répondu par même voix que si cette proposition lui semblait 'ok', seule son épouse [O] gérait les réservations et il lui transmettrait la proposition à son retour du supermarché ;
Attendu que sont ensuite versés aux débats les échanges de courriels intervenus en langue anglaise, entre M. [E] et Mme [O] [F] (pièces 3 à 8 du dossier de la société LIBELLULE), lesquels sont pour l'essentiel les suivants, conformément aux traductions qui en sont données aux mêmes pièces sans contestation de l'un ou l'autre des colitigants :
- courriel de Mme [F] à M. [E] le samedi 25 avril 2020 à 5 h 25 : '[B] m'a transmis votre Whatsapp. Je préfère traiter les réservations par email. Pour confirmer vos clients veulent louer pour $20 000 par semaine net pour Nous pour 4 semaines. Ils paieront séparément les frais de ménage. Nous souhaitons un paiement intégral à l'avance. Quelles seraient les dates de début et de fin '',
- courriel en réponse de M. [E] à Mme [F] le samedi 25 avril 2020 à 14 h 01: 'Merci encore beaucoup pour votre retour rapide et votre offre',
- courriel de Mme [F] à M. [E] le lundi 27 avril 2020 à 15 h 01 : 'Cher [U], oui, à partir du 4 mai, c'est bien. Oui ils pourront prolonger jusqu'en juin si nous n'avons pas d'autre réservation dans le calendrier au moment où ils veulent prolonger (...)',
- courriel de M. [E] à Mme [F] le 27 avril 2020 à 17 h 50 : '(...) Le client souhaite confirmer la réservation. Veuillez trouver ci-dessous toutes les informations :
Nom : [K] [S]
Dates : du 4 mai au 1er juin 2020
3 adultes (1 couple + Nanny) et 2 enfants (4 et 7 ans)
'Détail du prix : 20 000 $ net propriétaire pour la durée de leur séjour.
Frais supplémentaires : service de ménage, aux frais du client, pour un coût approximatif de 2 800 euros par mois (...)',
- courriel de Mme [F] à M. [E] le 27 avril 2020 à 18 h 03 : 'Bonjour [U], c'est bien mais nous aurions besoin d'un paiement intégral à l'avance. Pouvez-vous confirmer ce point s'il vous plaît (...)',
- courriel de M. [E] à Mme [F] le 27 avril 2020 à 18 h 13 : 'Laissez-moi voir concernant le paiement, si je suis légalement en mesure de transférer le paiement avant la date de départ des invités. La retenue du paiement protège généralement le propriétaire et les clients si un problème/difficulté se produit pendant le séjour. Je vous répondrai dès que possible.' ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces échanges de courriels que la société LIBELLULE, par Mme [F], n'avait donné son accord de
location, conformément aux exigences du mandat confié à la société LBVR, que sur la base d'un prix net propriétaire de 20 000 euros par semaine, et non pas de 20 000 euros pour l'entière période du 4 mai au 1er juin 2020, alors même que dès le 25 avril 2020, dans un courriel de LBVR à Mme [K] (candidate à la location) (pièce 5 du dossier de QBE), M. [E] lui écrivait ceci : 'J'ai le plaisir de vous faire suivre l'offre de séjour suivante, sur vos propriétés préférées ; Villa BLANC BLEU ; le propriétaire a pré-approuvé l'offre suivantes : 29 900 $, tout compris, pour 4 semaines à partir du 7 mai (...) Le prix ne comprend pas le service d'entretien ménager (...)' ;
Attendu que, dans un courriel de M. [E], pour LBVR, à Mme [F], pour LIBELLULE, du 14 juillet 2020 à 18 h 59 (pièce 16 du dossier de cette dernière), faisant suite aux réclamations de Mme [F] après qu'elle eut reçu un paiement qu'elle disait erroné en un mail précédent du même jour (pièce 15), le mandataire sus-nommé disait ceci : 'La situation d'aujourd'hui résulte, je pense, d'un bien triste malentendu et non intentionnel , des deux parties' ; que cependant, compte tenu de la clarté et de la précision du courriel de Mme [F] du samedi 25 avril 2020 à 5 h 25, dans lequel elle n'évoque qu'un tarif de location de 20 000 US$ par semaine, ladite situation ne peut être qualifiée de 'malentendu', mais résulte bel et bien d'une faute contractuelle de la société LBVR en regard des stipulations du mandat qui la liait à la société LIBELLULE et de l'accord explicite qui avait été donné par celle-ci pour la location de sa villa à Mme [K] sur la base d'un loyer de 20 000 euros par semaine ;
Attendu qu'il peut être observé à titre superfétatoire que, dans un courriel de M. [E] à Mme [F] du 16 août 2020 à 8 h 49 (pièce 18), le premier demandait à la seconde d'accepter qu'en lieu et place du différentiel de 96 393 US$ que la société LIBELLULE réclamait à la société LBVR par courriel du mardi 4 août 2020 à 11 h 40 (pièce 17), elle consentît 'd'abaisser le solde dû à 65 000/70 000 $', lui offrant le versement d'un premier paiement dès réception de sa réponse ; que, sans réponse immédiate de Mme [F], M. [E] la relançait par courriel du mardi 18 août 2020 à 12 h 14 (pièce 19), par lequel il lui disait par surcroît qu'il 'était en train de procéder au premier paiement', tout en demandant, comme 'deuxième faveur', et en contradiction avec la précédente affirmation, d'accepter 'de reporter le premier paiement au 10 septembre 2020" ;
Attendu que si cette proposition a finalement été refusée par la société LIBELLULE (courriel du 1er septembre 2020 (pièce 21), il y a, dans cet échange de courriels, une manifeste reconnaissance de responsabilité de la part de la société LBVR ;
Attendu que la faute contractuelle ci-avant établie à la charge de la société LBVR est l'unique cause d'un manque à gagner, pour la société LIBELLULE, d'une somme de 96393 US$, et ce dès lors qu'il est constant que sa locataire, Mme [K], n'a finalement payé, pour sa location qui s'est étalée sur la période du 4 mai au 18 juin 2020, que des sommes n'ayant permis à la bailleresse de ne bénéficier en l'état que d'un loyer total de 32 175 US$ en lieu et place de l'accord de location qu'elle avait donné pour un loyer net à lui revenir de 128 571,42 US$ ; et que sont ainsi démontrés par la société LIBELLULE, à la fois la faute contractuelle de son mandataire, le préjudice qu'elle en subi à hauteur de ce manque à gagner de 96 393 US$ et le lien de causalité direct et certain entre cette faute et ce préjudice ;
Attendu que c'est donc à juste titre que le tribunal, en son jugement querellé, a condamné la société LBVR à payer à la société LIBELLULE, à titre de dommages et intérêts, la somme de 96 393 US$, ou sa contre-valeur en euros au jour de son paiement, représentant ce manque à gagner ; que c'est encore à bon droit qu'il a assorti cette somme des
intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer ce jugement de ces deux chefs;
Attendu que la société LIBELLULE ajoute en appel à ses demandes de ces chefs la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils sont échus pour une année entière ;
Attendu qu'à l'encontre de l'opinion de la société QBE, cette demande, certes nouvelle en appel, n'en demeure pas moins parfaitement recevable en application des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile aux termes desquelles les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en effet, la demande capitalisation ds intérêts est une demande complémentaire, au sens de ces dispositions, de celle qui a pour objet le paiement de ces intérêts ;
Attendu que, sur le fond, et en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il échet d'y faire droit à compter de la susdite assignation devant les premiers juges;
V- Sur les demandes de la société LIBELLULE et LBVR à l'encontre de la société d'assurance QBE
Attendu qu'en application de l'article L124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable et cet assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ;
Attendu que, tant la société LIBELLULE à titre principal, que la société LBVR à titre subsidiaire, demandent, pour la première, la condamnation solidaire de l'assureur responsabilité civile professionnelle de la seconde au paiement des sommes mises à la charge de cette dernière, et, pour la seconde, que cet assureur la garantisse de toutes condamnations prononcées contre elle au profit de la société LIBELLULE, ce à quoi s'oppose ledit assureur, en la personne de la compagnie QBE, appelante principale à cet effet ;
Attendu que la compagnie QBE ne conteste pas, et en justifie même elle-même par ses pièces 1, 2 et 3 dûment produites aux débats, que par contrat n° 0930009538 à effet du 26 avril 2019, elle ait accordé à la société LE BARTH VILLA RENTAL sa garantie au titre de la responsabilité civile professionnelle de cette dernière ;
Attendu que les conditions particulières de ce contrat d'assurance stipulent que son objet est de garantir l'assurée contre les conséquences de sa responsabilité civile au titre de ses activités de transaction immobilière ; et qu'il est constant que l'activité au titre de laquelle la société LBVR, assurée, et la société LIBELLULE, victime, comme ci-avant jugé, d'un préjudice en suite des fautes contractuelles de la précédente, avait les caractères d'une transaction immobilière rentrant dans le cadre de la garantie de la compagnie QBE, puisqu'il s'agissait d'une intermédiation entre la bailleresse et un locataire en vue d'une location saisonnière ;
Attendu que ces mêmes conditions particulières fixent, en page 4/5, chapitre VI, le montant des garanties et des franchises, lesquelles garanties incluent la responsabilité civile et professionnelle de l'assurée et une assurance protection juridique incluant les frais de justice et 'frais de défense', toutes choses prévues dans des limites quantitatives dont il est constant qu'elles ne sont pas dépassées par les demandes des sociétés LIBELLULE et LBVR ;
Mais attendu que la compagnie QBE oppose à la garantie qui lui est demandée à ce titre, deux causes d'exclusion, savoir :
- celle, en premier lieu, de l'article 2.2.1 des 'conventions spéciales' relatives à la responsabilité civile des 'transactionnaires et gestionnaires immobiliers', qu'elle qualifie d''exclusion conventionnelle',
- et celle, en second lieu, des articles L113-1 du code des assurances et 2.2.1 des susdites conventions spéciales, qu'elle qualifie cette fois d''exclusion conventionnelle et légale' ;
Attendu que, sur le fondement purement conventionnel (article 2.2.1), elle invoque plus précisément la 'violation délibérée des stipulations contractuelles' par la société LBVR, et, sur le terrain 'conventionnel et légal' des articles L113-1 du code des assurances et 2.2.1 des 'conventions spéciales', la faute dolosive imputable à cette dernière ;
Attendu que, dans le cadre de l'un ou l'autre de ces fondements, et comme relevé à juste titre par les premiers juges, il appartient à la société QBE de faire la preuve d'une faute intentionnelle ou dolosive de la part de la société LBVR qui serait à l'origine du sinistre ;
1°/ Attendu qu'en vertu de l'article 2.2.1 des conventions spéciales du contrat d'assurance litigieux, sont exclues de la garantie, 'y compris les frais de défense', 'les conséquences de fautes intentionnelles (...) commises par un assuré ou avec sa complicité (...) et de violations délibérées de la part de l'assuré (ou de la part de la direction de l'entreprise lorsqu'il s'agit d'une personne morale) des dispositions légales ou réglementaires applicables à la profession, des règlements définis par la profession ou de dispositions contractuelles' ; et que la compagnie QBE, aux termes du dernier paragraphe de la page 18 de ses écritures, précise explicitement que 'c'est bien de cette exclusion contractuelle ('violation délibéré') dont (elle) se prévaut (...), et non pas de l'exclusion légale tirée de la faute intentionnelle comme le prétend fallacieusement la société LBVR' ;
Attendu que QBE prétend, dans la suite de ce positionnement théorique, que la société LBVR, son assurée, a délibérément violé les stipulations contractuelles et propose tout d'abord sa propre définition de la violation délibérée, aux termes de laquelle, au fondement de la jurisprudence de la cour de cassation, l'exclusion conventionnelle de garantie à raison d'une telle violation délibérée 'suppose(rait) seulement d'établir la violation délibérée par l'assuré des stipulations contractuelles, la preuve d'une quelconque conscience des conséquences dommageables de son acte n'étant pas exigée, contrairement à la caractérisation d'une faute intentionnelle' ; et qu'en second lieu, toujours sur cette base théorique, elle estime que la société LBVR a délibérément violé les stipulations contractuelles 'en refusant d'appliquer un loyer hebdomadaire pourtant requis par la clause VII. B. du contrat de mandat' ;
Mais attendu qu'au sens encyclopédique classique de l'adjectif 'délibéré', ce qui a été délibéré est ce qui a été discuté et décidé, intentionnel, réfléchi, voulu et les synonymes avancés par les auteurs des dictionnaires de langue française les plus répandus, sont précisément les vocables suivants : intentionnel, conscient, pesé, réfléchi, volontaire, voulu, décidé, assuré, déterminé, ferme et résolu ; qu'il s'en déduit que la distinction qu'entend imposer l'assureur QBE, à l'encontre du sens des mots, d'entre la violation délibérée et la violation intentionnelle, n'est pas exacte, ce d'autant que, en droit, la faute intentionnelle suppose un acte délibéré de son auteur, ce qui conforte, en termes juridiques, la synonymie du langage commun sus-relevée ;
Attendu qu'en réalité, ainsi d'ailleurs que QBE l'écrit aussi peu ou prou en ses écritures, la cour de cassation ne distingue pas d'entre la violation
délibérée et la violation intentionnelle, mais organise une distinction d'entre la faute intentionnelle (ou délibérée) et la faute dolosive, la première s'entendant, selon elle, de la faute impliquant la volonté de son auteur de commettre le dommage tel qu'il est survenu, et la seconde, de la faute pour laquelle l'intention de créer le dommage n'est pas nécessaire ; qu'il en résulte que la faute intentionnelle est caractérisée quand l'assuré a eu la volonté de commettre le dommage tel qu'il s'est produit, et la faute dolosive, quand l'assuré a volontairement pris des risques en ayant conscience de sa faute, sans pour autant qu'il ait voulu atteindre un but précis ;
Attendu que la faute contractuelle intentionnelle, au sens de violation délibérée des stipulations contractuelles, suppose la réunion de deux conditions et, partant, la preuve de leur réunion, savoir :
- un acte délibéré de son auteur, lequel inclut la volonté de créer l'évènement fautif au sens où l'assuré a conscience de commettre une faute,
- la volonté de ce même assuré de commettre le dommage tel qu'il est finalement survenu ;
Or, attendu que la suite des courriels échangés entre la société LIBELLULE et la société LBVR, par leur dirigeant respectif, démontre que le gérant de cette dernière, M. [U] [E], a commis une simple faute de négligence, pouvant être équipollente à de l'incompétence, et qu'en tout cas aucune intentionnalité à l'origine de cette faute, ni violation délibérée des stipulations de son mandat contractuel, ne sont établies à sa charge;
Attendu qu'en effet, il n'est pas permis de tirer de ces courriels et de leur chronologie que, ainsi que le prétend QBE, 'la société LBVR a délibérément violé les stipulations contractuelles en refusant d'appliquer un loyer hebdomadaire pourtant requis par la clause VII. B du contrat de mandat', et ce, dès lors :
- que ce prétendu 'refus' intentionnel ne résulte d'aucun des échanges intervenus entre M. [E], pour LBVR, et Mme [F], pour LIBELLULE,
- que le contrat de mandat n'évoque un loyer hebdomadaire qu'en son article VII. B, lequel stipulait cependant seulement à cet égard que les loyers 'hebdomadaires bruts' devaient 'être renseignés en Annexe 1" et qu''ils' devaient être fixés 'd'un commun accord entre les parties', de quoi il ressort, ainsi que d'autres stipulations dudit mandat, que, dès lors qu'en tous les cas le mandataire devait recueillir le consentement de la bailleresse pour proposer un tarif à un client potentiel, la stipulation d'un loyer hebdomadaire n'était pas intangible et des exceptions pouvaient être envisagées en accord avec la société LIBELLULE, si bien que, sur la base de ce qui sera vu ensuite quant aux échanges de courriels entre les parties, M. [E] a pu commettre une simple erreur ou faute de négligence en estimant que Mme [F] lui avait donné son accord sur un loyer global de 20 000 US$ pour la période du 4 mai au 1er juin 2020 et non point sur un loyer hebdomadaire de ce montant, ce qui n'enlève rien à sa responsabilité, mais exclut que sur la seule base de la violation objective des stipulations sus-visées, la preuve du caractère intentionnel de cette faute puisse être retenue,
- qu'au surplus, la période de location en cause, courant premier semestre 2020, soit en pleine crise du SARS CoV 2 qui avait quasiment stoppé toute activité touristique à SAINT-BARTHELEMY comme ailleurs dans le monde, a nécessairement participé de l'erreur commise par un mandataire qui a pu estimer que les tarifs hebdomadaires qui avaient été fixés par courriel de Mme [F] du 11 novembre 2019, concomitamment à la signature du mandat, étaient momentanément obsolètes et que cette crise et la réduction significative subséquente du marché locatif saisonnier, avaient entraîné une chute importante des prix de location,
- et que la suite des courriels échangés entre M. [E], pour LBVR, et Mme [F], pour LIBELLULE, entre le 25 et le 27 avril 2020 dans le cadre de la négociation du prix de location proposé à Mme [K], mais aussi un courriel adressé par M. [E] à Mme [K], cliente potentielle, le 25 avril 2020 (pièce 5 du dossier QBE), révèlent que la faute du premier envers la seconde n'a été le résultat que d'un quiproquo ou d'un simple malentendu consécutif à une inattention fautive de M. [E], laquelle s'est trouvée confortée de la propre inattention de Mme [F], celle-ci cependant non fautive dès lors qu'elle a pu être trompée par l'imprécision des mails de M. [E] en retour des siens propres et qu'elle avait fixé clairement les choses dans son mail d'approbation du 25 avril 2020 à 5 h 25 ;
Attendu qu'en effet, ainsi que ci-avant rappelé et analysé (Chapitre IV 1°/), cette suite de courriels est la suivante :
- courriel de Mme [F] à M. [E] le samedi 25 avril 2020 à 5 h 25 : '[B] m'a transmis votre Whatsapp. Je préfère traiter les réservations par email. Pour confirmer vos clients veulent louer pour $20 000 par semaine net pour Nous pour 4 semaines. Ils paieront séparément les frais de ménage. Nous souhaitons un paiement intégral à l'avance. Quelles seraient les dates de début et de fin '',
- courriel en réponse de M. [E] à Mme [F] le samedi 25 avril 2020 à 14 h 01: 'Merci encore beaucoup pour votre retour rapide et votre offre',
- courriel de Mme [F] à M. [E] le lundi 27 avril 2020 à 15 h 01 : 'Cher [U], oui, à partir du 4 mai, c'est bien. Oui ils pourront prolonger jusqu'en juin si nous n'avons pas d'autre réservation dans le calendrier au moment où ils veulent prolonger (...)',
- courriel de M. [E] à Mme [F] le 27 avril 2020 à 17 h 50 : '(...) Le client souhaite confirmer la réservation. Veuillez trouver ci-dessous toutes les informations :
Nom : [K] [S]
Dates : du 4 mai au 1er juin 2020
3 adultes (1 couple + Nanny) et 2 enfants (4 et 7 ans)
'Détail du prix : 20 000 $ net propriétaire pour la durée de leur séjour.
Frais supplémentaires : service de ménage, aux frais du client, pour un coût approximatif de 2 800 euros par mois (...)',
- courriel de Mme [F] à M. [E] le 27 avril 2020 à 18 h 03 : 'Bonjour [U], c'est bien mais nous aurions besoin d'un paiement intégral à l'avance. Pouvez-vous confirmer ce point s'il vous plaît (...)' ;
Attendu que dès le 25 avril 2020, au premier retour de Mme [F] vers sa cliente en suite de sa proposition au bailleur du 24 précédent (message WHATSAPP à M. [F]), M. [E] a transmis à Mme [K] une 'pré-approbation' du propriétaire sur une 'offre à 29 900 $, tout compris, pour 4 semaines à partir du 7 mai' (devenu ensuite le 4 mai), alors même que dans son courriel du même jour Mme [F] avait formellement donné son accord sur 20 000 $ 'par semaine', ce à quoi M. [E] n'a manifestement pas été attentif, ainsi que révélé par la suite des courriels dans lesquels, plutôt que de souligner cet écart considérable entre sa proposition à Mme [K] et le réel accord de Mme [F], il remerciait celle-ci pour son retour rapide et son offre, puis, dans un e-mail du 27 avril suivant, sur la réponse positive du même jour de Mme [F] sur un autre sujet, celui du point de départ de la location (le 4 mai au lieu du 7 mai initialement envisagé), M. [E] réitérait son erreur en confirmant la réservation du 4 mai au 1er juin 2020 sur la base de '20 000 $ net propriétaire pour la durée de leur séjour' ; que Mme [F] n'a elle-même pas réagi à cette erreur ou cette ambiguïté à tout le moins, laissant ainsi M. [E] s'y enfermer, puisqu'elle s'est bornée, en suite de ce dernier message à elle adressé ce 27 avril à 17 h 50, à lui répondre, à 18 h 03, qu'elle exigeait un paiement intégral à l'avance, sans stigmatiser l'ambiguïté du courriel de M. [E] en ce qui était du prix de la location;
Attendu qu'à l'encontre de l'opinion de l'auteur de cet argumentaire, la facturation à Mme [K] d'une somme totale de 29 900 $ n'est nullement déterminante pour déterminer s'il y a faute intentionnelle ou non de la part de la société LVBR, ce pourquoi les premiers juges ont pu, sans violer leur obligation de motivation, se dispenser d'y répliquer, le juge n'étant tenu que de répondre aux véritables moyens développés par les parties; que, cependant, la société QBE réitère cet argumentaire en appel, auquel, à titre superfétatoire, il est permis de constater, au fondement des éléments produits à cet égard et de l'arithmétique :
- que, sur la base du tarif erroné de 20 000 $ 'net propriétaire' proposé par M. [E] à Mme [K], les honoraires du mandataire, convenus à hauteur de 22,5 %, ne peuvent pas être calculés, comme le propose QBE, sur la base de '20000 x 22,5/100", mais bien plutôt, en logique arithmétique, sur celle de l'équation suivante : 20000 x100/77,5 - 20 000 = 5 806,45 US$, et non pas les 4 500 US$ proposés par QBE ;
- qu'ajoutés à cela les frais de service pour 2 600 US$ et la taxe locale pour 1 300 US$, le prix de la location devait être facturé, toujours dans l'esprit de M. [E], à hauteur 29 706,45 $, cependant que ce dernier a manifestement arrondi les honoraires de sa société LBVR à 6 000 euros pour arriver à un total facturé de 29 900 $, lequel, modulo cette erreur de seulement 193,55 $, est ainsi parfaitement conforme au tarif que M. [E] croyait être le prix de la location accepté par le bailleur ;
- et que, dès lors, aucune sur-facturation n'a été faite à Mme [K] par rapport au tarif erroné qu'elle avait accepté et qu'aucune intention frauduleuse de la part de la société LBVR à l'égard de la société LIBELLULE ne peut en être inférée ;
Attendu qu'il apparaît ainsi à la cour que de l'ensemble de ces éléments aucune preuve ne peut être tirée d'une faute intentionnelle ou d'une violation délibérée par M. [E], pour le compte de la société LBVR, des stipulations contractuelles qui la liaient à la société LIBELLULE, mais seulement celle d'une négligence fautive participant d'une simple erreur d'interprétation de la volonté de cette dernière telle qu'exprimée par Mme [F] au long de leurs échanges préalables à la location litigieuse ; qu'il ne peut donc y avoir lieu à exclusion de la garantie de l'assureur QBE du chef de l'article 2.2.1 des conventions spéciales liant assureur et assurée ;
2°/ Attendu que la faute dolosive invoquée en second lieu par QBE à l'encontre de son assurée LBVR, sur le double fondement légal et conventionnel des articles L113-1 du code des assurances et 2.2.1 des 'conventions spéciales', suppose la démonstration d'une prise de risque volontaire, avec la conscience de commettre un dommage inéluctable, sans pour autant que l'assuré ait voulu le dommage finalement survenu ; qu'ainsi, et à l'encontre de l'opinion de QBE, doit être établie la conscience, chez l'assuré, du caractère inéluctable des conséquences dommageables d'un comportement délibéré ;
Or, attendu qu'il résulte encore de l'ensemble des éléments ci-avant relevés pour écarter toute faute intentionnelle de la part de LBVR, que le comportement fautif de son gérant en la personne de M. [E] était exclusif à la fois d'un comportement délibéré et d'une quelconque conscience de causer un dommage à sa mandante ; qu'en effet, ces éléments ont permis d'établir la réalité d'une erreur fautive d'interprétation des données financières de l'accord donné par Mme [F] pour LIBELLULE pour louer sa villa à Mme [K] et, partant, d'une faute de négligence dans la lecture et l'interprétation des courriels adressés par Mme [F] à M. [E] entre le 25 et le 27 avril 2020 sur la base desquelles ce dernier a cru pouvoir notifier à Mme [K] un accord de la bailleresse pour lui louer ladite villa moyennant un tarif global net propriétaire de seulement 20 000 US$ pour la période du 4 mai au 1er juin 2020 ;
Attendu que la société QBE estime encore à tort que 'la volonté de la société LBVR de tromper la société LIBELLULE ressort de son refus de transférer toute somme versée préalablement au séjour de Mme [S] [K]' ;
Attendu qu'en effet, si l'alinéa 2 de la clause VII C du mandat de 2019 stipulait que le mandataire convenait de s'efforcer de collecter le paiement de l'acompte (soit 30 % du prix brut de la location en application de l'article D1) dans les 7 jours suivant la confirmation de disponibilité du logement :
- d'une part, ledit assureur dit lui-même que dès le 29 avril 2020 son assurée avait reçu de Mme [K], par virement sur son compte, non pas un simple acompte de 30 %, mais la totalité du prix de la location, soit 29 900 US$, ce qui signifie que les exigences de cet alinéa 2 ont été respectées au delà même du quantum requis,
- de seconde part, à l'encontre de l'opinion de QBE, cet alinéa 2 de l'article VII C n'imposait nullement à LBVR de verser un quelcompte acompte à la bailleresse, non plus qu'à l'informer 'a minima' de la perception des fonds, mais seulement de 's'efforcer de collecter' un acompte de 30 %', ce qui a été fait au delà même de cette exigence,
- et, de troisième et dernière part et surtout, cette même clause VII. C, en son troisième alinéa, stipulait que les loyers diminués de toute rémunération due au mandataire, devaient être versés dans les 10 jours suivant le départ du locataire, sauf litige, ce qui excluait toute obligation de versement préalable à la date d'effet de la location ;
Attendu qu'il peut être ajouté que de toute façon, en son courriel du 27 avril 2020 à 18 h 03, Mme [F], pour la société LIBELLULE, ne demandait nullement le paiement d'un acompte, mais 'un paiement intégral à l'avance', ce à quoi, par retour de courriel du même jour à 18 h 13, M. [E] lui répondait que tel n'était pas l'usage compte tenu des garanties dont devait bénéficier à cet égard le locataire en cas de difficulté, et ce en parfaite conformité avec les stipulations du mandat sur ce point ;
Attendu qu'il n'est donc pas permis de voir, dans ce refus de remettre à la société LIBELLULE tout ou partie du prix de la location une quelconque démonstration de l'intention dolosive de la société LBVR ;
Attendu que de l'ensemble de ces constatations il ressort que la faute dolosive, au sens de l'article L113-1 du code des assurances et 2.2.1 des conventions spéciales QBE, n'est nullement établie à l'encontre de l'assurée LBVR ;
Attendu que c'est par suite à bon droit et par des motifs complets et pertinents, que la cour adopte en surplus des siens propres, que les premiers juges ont considéré que la garantie de la compagnie QBE était pleinement mobilisable dans les termes du contrat conclu avec la société LBVR ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :
- d'une part, condamné la société QBE, assureur, solidairement avec la société LBVR, son assurée, à payer à la société LIBELLULE la somme de 96 396,42 US$ ou sa contrevaleur en euros au jour du paiement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
- d'autre part, condamné le même assureur à garantir son assurée LBVR des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les frais de procédure et les intérêts, au titre de la police d'assurance n° 093 0009538 ;
Attendu que, subséquemment, la demande dite 'reconventionnelle' de la société LBVR tendant à lui voir dire inopposable la clause d'exclusion de garantie contenue dans la police d'assurance la liant à la compagnie QBE, est sans objet ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer ;
VI- Sur les dépens et frais irrépétibles
Attendu que, le jugement querellé étant ici confirmé en toutes ses dispositions à l'encontre des prétentions de l'appelante principale QBE et, plus partiellement, de l'appelante incidente en la personne de la société LBVR :
- il sera encore confirmé en ce que le tribunal a condamné assureur et assurée, solidairement entre eux, aux dépens de première instance, et, en équité, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à indemniser la société LIBELLULE de ses frais irrépétibles de première instance à hauteur de la somme de 3 000 euros,
- les mêmes sociétés QBE et LBVR seront en outre condamnées solidairement aux entiers dépens d'appel, ainsi que, en équité, à indemniser la société LIBELLULE de ses frais irrépétibles d'appel à hauteur de la somme de 10 000 euros ;
Attendu que, corrélativement, les sociétés QBE et LBVR seront déboutées de toutes leurs demandes au titre des dépens et frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Dit recevable l'appel principal formé par la société QBE EUROPE SA/NV à l'encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 1er septembre 2022,
- Dit recevable la société LE BARTH VILLA RENTAL en son appel incident à l'encontre du même jugement,
- Confirme ce jugement en toutes ses dispositions déférées,
Y ajoutant,
- Ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal assortissant la somme de 96396,42 US$, ou sa contrevaleur en euros au jour de son règlement, au paiement de laquelle ont été condamnées solidairement les sociétés QBE EUROPE SA/NV et LE BARTH VILLA RENTAL, et ce à compter de l'assignation introductive de la première instance et dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- Déboute les sociétés QBE EUROPE SA/NV et LE BARTH VILLA RENTAL de leurs demandes respectives au titre des dépens et des frais irrépétibles d'appel,
- Condamne les sociétés QBE EUROPE SA/NV et LE BARTH VILLA RENTAL, solidairement entre elles, à payer à la société LIBELLULE la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Et ont signé,
La greffière, Le président