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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 17 octobre 2024, n° 24/01576

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 24/01576

17 octobre 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 17 OCTOBRE 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 24/01576 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QFVB

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 06 MARS 2024

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NARBONNE

N° RG 23/00410

APPELANTE :

EPIC [Localité 9] HABITAT MEDITERRANEE pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me Caroline BORRIONE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [C] [O]

né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Patricia GRANGE de la SELARL D'AVOCAT PATRICIA GRANGE, avocat au barreau de CARCASSONNE substitué par Me COUGNENC

MUTEX, Société Anonyme au capital de 37.302.300 euros, ayant son siège social [Adresse 2], [Localité 5], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 529 219 040, représentée par son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5] / FRANCE

Représentée par Me Victoire DAFFLON, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant et Me MARCOTTE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 SEPTEMBRE 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseillère

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] [O] a été embauché le 3 septembre 2003 en qualité de gardien d'immeuble stagiaire par l'Office public municipal des HLM de [Localité 6], aux droits duquel se trouve désormais l'établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 9] Habitat Méditerrannée (Epic [Localité 9] Habitat Méditerrannée).

L'office public municipal des HLM de [Localité 6] avait souscrit le 25 février 1994 auprès de la SA Mutex un contrat de prévoyance collective à adhésion obligatoire au bénéfice de ses personnels titulaires et stagiaires prévoyant notamment une garantie indemnité journalière et une garantie rente d'invalidité.

M. [O] a été placé en congé maladie de longue durée pour une période de 5 ans du 29 septembre 2005 au 28 septembre 2010. Il a ensuite été placé en congé sans traitement pour une inaptitude physique du 29 septembre 2010 au 29 septembre 2011. A l'issue, il a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude physique suivant arrêté du 4 octobre 2011 à effet au 29 septembre 2011. Suivant arrêté du 1er juin 2015, une pension d'invalidité versée par la collectivité lui était allouée, M. [O] sollicitait alors la mise en oeuvre de la garantie invalidité complémentaire auprès de la SA Mutex.

Un contentieux naissait sur le point de départ de son droit à percevoir la rente, l'assiette de calcul de celle-ci et son droit à percevoir les indemnités journalières.

Par acte du 7 décembre 2020, M. [O] saisissait le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon aux fins d'obtenir une mesure d'expertise, lequel se déclarait incompétent par ordonnance du 19 octobre 2021 au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Narbonne qui rendait un jugement en la forme des référés le 30 août 2022 rejetant la demande.

Par actes en date du 1e mars 2023, M. [O] a fait assigner L'EPIC Toulon Méditerranée Habitat et la SA Mutex devant le tribunal judiciaire de Narbonne aux fins de voir condamner la Sa Mutex.

Par conclusions du 11 septembre 2023, L'EPIC [Localité 9] Méditerrannée Habitat a saisi le juge de la mise en état.

Selon une ordonnance rendue contradictoirement en date du 6 mars 2024, le juge de la mise en état a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par L'EPIC [Localité 9] Méditerrannée Habitat,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [C] [O] soutenue par l'Epic [Localité 9] Méditerrannée Habitat,

- réservé les dépens et les frais de l'article 700 du CPC,

- renvoyé l'affaire à la mise en état du 24 avril 2024 pour conclusions des défendeurs.

Le 21 mars 2024, l'Etablissement E.P.I.C [Localité 9] Habitat Méditerranée a interjeté appel de cette ordonnance.

Par ordonnance valant autorisation d'assignation à jour fixe rendue en date du 4 avril 2024, l'affaire a été fixée à l'audience du 2 septembre 2024 en application des dispositions des articles 84, 85 et 917 du code de procédure civile. Les assignations ont été délivrées par actes des 7 et 14 mai 2024.

Vu les conclusions notifiées le 14 août 2024 par la partie appelante ;

Vu les conclusions d'intimé notifiées le 18 août 2024 pour la société Mutex et le 28 mai 2024 pour Monsieur [C] [O] ;

PRETENTIONS DES PARTIES

L'établissement Epic [Localité 9] Habitat Méditerrannée conclut à l'infirmation de l'ordonnance et demande à la Cour statuant à nouveau de :

A titre principal :

Sur la compétence, avant toute défense au fond et fins de non recevoir :

- juger que le Tribunal Judiciaire de Narbonne est incompétent pour connaître de l'action exercée par Monsieur [C] [O] à l'encontre de l'Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée ;

- juger que l'action exercée par Monsieur [C] [O] à l'encontre de l'Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée, ainsi que l'ensemble des demandes fins et prétentions présentées par Monsieur [C] [O] à l'encontre de l'Office [Localité 9] HABITAT MEDITERRANEE doivent être portées devant le Tribunal Administratif de Toulon ;

- ordonner le renvoi de l'affaire devant le Tribunal Administratif de Toulon ;

- débouter Monsieur [O] et la société MUTEX de l'ensemble de leurs demandes,

- à défaut, juger que l'action exercée par Monsieur [C] [O] à l'encontre de l'Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée, ainsi que ainsi que l'ensemble des demandes fins et prétentions présentées par Monsieur [C] [O] à l'encontre de l'Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée doivent être portées devant le Conseil de Prud'hommes de Toulon ;

- renvoyer l'affaire devant le Conseil de Prud'hommes de Toulon ;

A titre subsidiaire :

Sur les fins de non-recevoir :

- déclarer irrecevable l'action engagée par Monsieur [C] [O] à l'encontre de l'Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée comme étant prescrite, ainsi qu 'en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions présentées à l'encontre de l ' Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée ;

- débouter Monsieur [C] [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- rejeter toutes demandes de condamnations présentées à l'encontre de l'Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée ;

- condamner Monsieur [C] [O] à payer à l'Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 699 du même code.

L' Epic [Localité 9] Habitat Méditerrannée fait valoir que la situation du demandeur est soumise aux statuts de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ce qui emporte la compétence des juridictions administratives.

Subsidiairement, il fait valoir que par application des dispositions de l'article L.1411-2 du code du travail, le conseil des prud'homme est compétent s'agissant d'un différend ou litige des personnels des services publics.

Sur la prescription, l'appelant soutient que le point de départ de la prescription doit être fixé au 28 septembre 2016, date à laquelle Monsieur [O] était informée de ce que 'la rente est calculée sur la base de 95% au lieu de 100% mentionné dans le contrat de prévoyance.

Monsieur [C] [O] conclut à la confirmation de la décision en toutes ses dispositions et demande en outre de déclarer l'appel interjeté tant irrecevable que mal fondé et de condamner l'appelante aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la compétence, il conclut que la décision du juge des référés du tribunal de Toulon qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de Narbonne s'impose à la juridiction. Il ajoute que l'exception d'incompétence aurait du être soulevée in limine litis devant la juridiction des référés, ce qui n'a pas été le cas, ce qui rend l'exception irrecevable.

Il ajoute que les contrats conclus par les personnes morales de droit public avec une personne morale de droit privé sont présumés être des contrats de droit privé et le fait qu'une personne publique soit partie au contrat ne suffit pas, en soi, à conférer à ce contrat un caractère public emportant compétence de la juridiction administrative pour en connaître.

Enfin, il fait valoir que la société MUTEX est un organisme tiers au contrat de travail existant entre Monsieur [O] et l'Office [Localité 9] HABITAT MÉDITERRANÉE et ne se substitue pas à une obligation légale de l'employeur. La compétence du Conseil des Prud'hommes doit en conséquence être écartée. Il s'approprie la motivation du premier juge selon laquelle les demandes présentées tant à l'égard de la SA MUTEX qu'à l'égard de l'EPIC [Localité 9] HABITAT MEDITERRANEE présentent un caractère indivisible de sorte que l'entier litige relève du Tribunal judiciaire de Narbonne.

Sur la prescription, il demande la confirmation de la décision appelée, le premier juge ayant relevé à bon droit que le décompte qui lui a été adressé le 28 septembre 2016 ne lui avait pas permis de connaître le mode de calcul de la rente, calcul qui lui a été révélé qu'il n'avait été informé du calcul de la rente en application du taux de 95 % que par la lettre du 15 novembre 2018, date à laquelle il convient de fixer le point de départ de la prescription.

La Société MUTEX conclut à la confirmation de la décision en ce qu'elle a jugé le tribunal judiciaire de Narbonne compétent, s'en rapporte à la décision de la Cour sur la fin de non-recevoir soulevée par l'Office [Localité 9] Habitat Méditerrannée, et demande à la Cour de condamner l'appelante aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.

DISCUSSION

Sur la compétence :

L'exception d'incompétence a été soulevée avant toute défense au fond devant le juge de la mise en état en application des dispositions de l'article 789 du Code de procédure civile.

L'instance en référé préalable qui a donné lieu au jugement en la forme des référés en date du 30 août 2022 est distincte de celle dont la Cour est saisie, de sorte que l'exception d'incompétence d'attribution n'avait pas à être soulevée sous peine d'irrecevabilité devant le juge des référés.

De la même manière, le jugement en la forme des référés qui n'a pas statué sur la compétence d'attribution ne lie pas le juge du fond en ce qui concerne cette compétence. Dès lors l'exception d'incompétence était recevable devant le juge de la mise en état.

Ainsi que l'a décidé le premier juge et avec les intimés, il convient de relever que l'action de Monsieur [O] réside dans l'exécution d'un contrat de prévoyance, contrat de droit privé.

En effet, la demande formée par un salarié ou un ancien salarié à l'encontre d'un organisme gestionnaire de garanties collectives de prévoyance, dirigée contre un tiers étranger au contrat de travail, ne relève de la compétence d'aucune juridiction d'exception et doit en conséquence être renvoyée devant le tribunal judiciaire (Soc. 17 nov. 2010, no 09-42.944). En conséquence, la juridiction administrative est incompétente.

Aux termes de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation, les offices publics de l'habitat (OPH) sont des établissements publics industriels et commerciaux.

Les agents des services et établissements publics à caractère industriel et commercial sont en principe, à l'exception du directeur du service, considérés comme un agent de droit privé. L'EPIC soutient que Monsieur [O] est un agent public, ce que dément la fiche de salaire qu'il produit.

Aux termes des articles L. 511-1 et L. 517-1 du Code du travail, les Conseils de prud'hommes sont seuls compétents pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion du contrat de travail entre employeurs et salariés.

La demande en dommages et intérêts de Monsieur [O], fondée sur la responsabilité de l'employeur à son égard, pour ne pas avoir porté à sa connaissance l'avenant du 1er janvier 2004 concerne un avantage social complémentaire accessoire au contrat de travail relève de la compétence du Conseil des Prud'hommes. (Soc 8 mars 1995 / n° 91-45.445).

La compétence exclusive du Conseil de prud'hommes s'oppose à ce qu'il y soit fait échec pour cause de connexité. A l'inverse, en cas d'indivisibilité du litige caractérisée par l'impossibilité d'exécuter simultanément deux décisions éventuellement contraires qui seraient rendues par le tribunal judiciaire et par le conseil de prud'hommes, le tribunal judiciaire saisi de l'entier litige à l'encontre de toutes les parties peut retenir sa compétence.(Cass 2ème Civ 12 octobre 1978 1226938 et 7712779).

En l'espèce, par l'assignation délivrée le 1er mars 2024, Monsieur [O] a saisi le tribunal judiciaire :

- d'une demande principale visant à la condamnation de la société MUTEX à lui payer les sommes de 15.290,64 € et de 5.974,15 € représentant les sommes qu'il estime lui revenir au titre des rentes calculées selon les conditions du contrat de prévoyance applicables au jour de son embauche, faute d'opposabilité de l'avenant à ce contrat du 1er janvier 2004,

- d'une demande subsidiaire en dommages et intérêts fondée sur la responsabilité de l'employeur à son égard, pour ne pas avoir porté à sa connaissance l'avenant du 1er janvier 2004.

Les demandes principale et subsidiaire ne pouvant donner lieu à des décisions contraires en ce qu'elles seront nécessairement appréciées successivement et étant distinctes quant à leur fondement, il n'existe pas d'indivisibilité entre elles.

Dès lors, il n'existe aucune exception à l'application distributive de la compétence du tribunal judiciaire à la demande dirigée contre la Société MUTEX et la compétence d'ordre public du Conseil des Prud'hommes quant à la demande de dommages et intérêts du salarié contre son employeur l'EPIC DE [Localité 9].

Infirmant la décision du juge de la mise en état en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal judiciaire concernant l'action dirigée contre l'EPIC [Localité 9] MEDITERRANEE HABITAT, il convient de se déclarer incompétent au profit du Conseil des Prud'hommes de Toulon par application des dispositions de l'article R. 1412-1 du code du travail.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Monsieur [C] [O], qui succombe, sera condamné aux entiers dépens.

En raison de l'équité, les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'artic le 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a retenu la compétence du tribunal judiciaire concernant l'action dirigée contre l'EPIC [Localité 9] MEDITERRANEE HABITAT,

Statuant à nouveau,

Déclare le tribunal judiciaire de Narbonne incompétent pour connaître de la demande de Monsieur [O] dirigée contre l'EPIC [Localité 9] MEDITERRANEE HABITAT,

Renvoie l'affaire devant le Conseil des Prud'hommes de [Localité 9],

Dit que le dossier de l'affaire sera transmis à cette juridiction par le greffe,

Confirme le surplus des dispositions soumises à la Cour non contraires de la décision,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [C] [O] aux dépens et déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le greffier La présidente