CA Nîmes, 1re ch., 17 octobre 2024, n° 23/00599
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Defarge
Conseillers :
Mme Berger, Mme Gentilini
Avocats :
Me Gabert, Me Massot, Me Vajou, Me Mougel
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 24 juin 2017 à [Localité 8] (13), M. [G] [C] a acquis auprès de M. [T] [L] un navire de plaisance de type Princess 55, construit en 1987, au prix de 80 000 euros.
Le 26 juin 2017, après avoir navigué à partir de [Localité 8] le navire a subi une avarie du moteur et été immobilisé à [Localité 5] d'où il a été rapatrié à [Localité 6] lieu du domicile de son acquéreur.
La MATMUT assureur de protection juridique de celui-ci a diligenté une expertise confiée à la Sas Delta Solutions selon les termes du rapport d'expertise du 5 février 2018 de laquelle 'il apparaît clairement que le navire vendu par M. [L] souffre d'une absence d'entretien par un professionnel et également du fait de ne pas avoir fonctionné à haut régime depuis 2013 en naviguant uniquement sur un fleuve. De ce fait les moteurs n'ont pas supporté une navigation en haute mer de plusieurs heures et au refroidissement pour faire le plein de carburant le circuit eau douce des réfrigérants du moteur bâbord s'est vidé engendrant une surchauffe brutale à l'origine du litige. Le navire vendu sans essais en mer ne pouvait pas supporter une navigation hauturière et notamment un convoyage sur environ deux mille miles nautiques jusqu'à [Localité 6]. De plus le désordre sur le propulseur d'étrave aurait pu avoir des conséquences dramatiques en haute mer. Il n'est pas contestable que les désordres constatés et reconnus par M. [L] étaient présents lors de la vente (...)'.
Le 13 août 2019, le tribunal judiciaire de Privas a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [R] qui a déposé son rapport le 8 mars 2021 puis par jugement contradictoire du 17 janvier 2023 :
- a prononcé la résolution de la vente du navire,
- a condamné M. [L] à payer à M. [C] la somme de 80 000 euros à titre de restitution du prix de vente,
- lui a ordonné de procéder à la récupération du navire à ses frais,
- l'a débouté de ses demandes reconventionnelles,
- l'a condamné à payer à M. [C] la somme de 37 843,43 euros au titre des frais de remorquage du navire,
- a débouté M. [C] de sa demande au titre des frais de stockage, du trouble de jouissance et du préjudice moral,
- a condamné M. [L] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par acte du 16 février 2023, M. [T] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 13 juin 2023, le premier président de cette cour a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire.
M. [G] [C] a formé appel incident de la décision du 17 janvier 2023, par conclusions notifiées le 2 août 2023.
La clôture de la procédure initialement fixée au 27 août 2024 a été révoquée à la demande et avec l'accord des parties. La clôture a été nouvellement fixée au jour de l'audience, le 10 septembre 2024, avant l'ouverture des débats et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 17 octobre 2024
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 28 août 2024, M. [T] [L], appelant, demande à la cour :
- de réformer la décision attaquée,
- de débouter M. [C] de toutes ses demandes,
- de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire
- de prononcer la résolution de la vente,
- de condamner M. [C] à lui restituer le bateau dès la première demande dans le mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir à ses frais,
- de le débouter de ses demandes au titre d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral, des frais de prise en charge et de transport du bateau,
- de dire que M. [C] lui doit la somme de 20 000 euros au titre de la moins-value affectant le bateau, à déduire du prix de vente,
- de le condamner à une indemnité d'occupation de 600 euros par mois, à compter de novembre 2017 jusqu'à la restitution du bateau, soit la somme de 51 600 euros arrêtée au mois d'août 2024, à parfaire à la date de la restitution,
- en cas de résolution de la vente, de dire qu'il devra restituer à M. [C] la somme de 8 400 euros à parfaire à la date de l'arrêt,
- de débouter M. [C] de ses demandes,
- de dire que les parties conserveront la charge de leurs dépens et des frais irrépétibles.
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 28 août 2024, M. [G] [C], intimé et appelant incident, demande à la cour:
- de débouter l'appelant de ses demandes,
- d'infirmer partiellement le jugement attaqué en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre des frais de stockage, du trouble de jouissance et du préjudice moral, ainsi que sur le quantum de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'annuler la vente du navire de plaisance Princess 55 modèle TAMD 71A Sea Sam pour vice caché,
- d'ordonner la restitution de ce navire en l'état,
- de condamner M. [L] à lui rembourser les sommes de :
- 12 000 euros au titre des frais de stockage,
- 37 843,43 euros au titre du remboursement des frais de prise en charge et de rapatriement depuis [Localité 5],
- 28 800 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,
- 15 000 euros au titre de son préjudice moral,
- de confirmer le surplus de la décision attaquée,
A titre subsidiaire
- d'annuler la vente et d'ordonner la restitution du prix à hauteur des travaux à accomplir, soit la somme de 40 000 euros,
- de condamner M. [L] à lui rembourser les sommes rappelées ci-dessus, outre à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure en première instance, et la même somme au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
- de le débouter de ses demandes et le condamner, en tout état de cause, aux dépens qui comprendront les frais d'instance et d'expertise judiciaire.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* Sur le vice caché
Aux termes de l'article 1641 du code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
La loi exige pour caractériser l'existence d'un tel vice :
- son antériorité par rapport à la vente,
- qu'il rende la chose vendue impropre à l'usage qui lui est destiné.
* sur la nature du vice et son antériorité par rapport à la vente
L'expert mandaté par l'assureur de protection juridique de l'intimé a constaté contradictoirement que les réfrigérants du moteur bâbord du navire étaient très dégradés par la corrosion et que ceux du moteur tribord présentaient également des dégradations similaires les rendant proche de la rupture.
L'expert judiciaire confirmant ces premiers constats a indiqué que les réfrigérants des deux moteurs étaient détériorés par la corrosion avant la vente du 24 juin 2017, mais qu'ils ne fuyaient pas en raison de la pose de joint de silicone par le vendeur, et qu'un non-professionnel ne pouvait pas détecter l'existence de ce vice car les réfrigérants étaient dissimulés par une tôle de protection et que le joint de silicone n'était pas décelable sans démontage.
Ces conclusions sont dénuées d'ambiguïté en ce qui concerne l'existence d'un vice antérieur à la vente, consistant dans la corrosion des réfrigérants des moteurs bâbord et tribord.
Le fait que le navire ait subi des démontages avant la réalisation de l'expertise judiciaire, n'enlève rien à la pertinence des constats de l'expert, n'étant pas démontré que le siège du vice aurait été modifié depuis l'avarie subie par l'intimé.
L'appelant soutient encore que n'étant pas professionnel il n'était pas tenu à la garantie des vices cachés dès lors que l'acheteur a déclaré acheter le navire 'en l'état'.
Or, il est établi par le rapport d'expertise judiciaire qu'il est lui-même intervenu, en 2015, pour poser du joint silicone afin de remédier aux fuites présentées par les blocs réfrigérants des moteurs, ce dont il n'est pas démontré qu'il a informé l'acquéreur avant la vente de sorte que la clause limitative de responsabilité contenue à l'acte de vente n'est pas opposable à celui-ci.
L'appelant soutient ensuite que le contrat de vente était assorti d'une condition suspensive relative à la réalisation d'une expertise par l'acheteur, dans un délai de trois mois, que celui-ci n'a pas souhaité réaliser.
Le contrat énonce à cet égard:
'Conditions suspensives :
La vente définitive n'interviendra qu'aux conditions suivantes : (...), rapport d'expertise ne faisant pas apparaître de vice caché d'importance, (...). L'acheteur souhaite faire expertiser le bateau par un conseil indépendant - les frais d'expertise étant à la charge de l'acheteur. Le vendeur l'accepte. Au vu du rapport d'expertise, la vente du bateau pourra être annulée par l'acheteur en cas de découverte de vice caché de nature à compromettre la jouissance du bateau. En cas de résolution de la vente par application de cette clause un exemplaire du rapport sera remis au vendeur par l'acheteur.(...) La vente pourra être annulée par le vendeur dès lors que l'acheteur n'aura (pas) produit (...) rapport d'expertise avant le 30 juin 2017 (...)'.
Il en résulte que la réalisation par l'acheteur d'une expertise ne constituait pas comme mentionné au contrat une condition suspensive de la réalisation de la vente mais seulement une éventuelle condition résolutoire, au bénéfice tant de l'acheteur que du vendeur, à condition d'être effectuée avant le 30 juin 2017, et que cette clause n'a pu avoir pour effet de priver l'acquéreur de son action en résolution de la vente pour vice caché.
L'appelant soutient encore que l'acheteur a obtenu en raison de l'état de vétusté du navire une réduction du prix et était informé des réparations intervenues avant la vente.
Il produit à cet effet un document intitulé 'livre de bord', non daté, listant des réparations censées être intervenues sur le navire entre le 17 novembre 2013 et le 13 mai 2017, dont l'intimé ne conteste pas avoir eu communication concomitamment à la vente.
Toutefois, ce document a été établi par l' appelant lui-même et ne contient en tout état de cause aucune mention relative à son intervention sur les blocs réfrigérants des moteurs bâbord et tribord.
La preuve est donc rapportée que le navire vendu présentait un vice caché connu du vendeur dont l'acquéreur n'a pas pu se convaincre avant la conclusion de la vente.
* sur l'impropriété à l'usage auquel le bateau était destiné résultant du vice
L'expert judiciaire a conclu (p19) 'Il est certain que le moteur est fortement endommagé au motif qu'il a très fortement chauffé et que les analyses d'huile de graissage ont mis en évidence une présence anormale de fer probablement liée à un début de grippage des cylindrées (sic). Les dommages subis pas le moteur bâbord le 26 juin 2017 sont la conséquence d'une surchauffe du moteur résultant d'un manque d'eau douce de réfrigération certainement causée par des fuites au niveau des réfrigérants ( eau douce/eau de mer).'
Il en résulte que le navire était le jour de sa vente impropre à sa destination et à l'usage auquel il était destiné, soit la navigation en mer, même si l'acheteur avait peut-être l'intention d'y établir son domicile, ce qui ne résulte pas des termes du contrat.
Le vice caché de nature à rendre impropre le navire à son usage le jour de la vente étant caractérisé, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente.
* conséquences de la résolution de la vente pour vice caché :
Aux termes de l'article 1644 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix .
Aux termes de l'article 1645 du même code, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, l'intimé sollicite la résolution de la vente avec restitution du prix mais également l'indemnisation de divers préjudices qu'il estime consécutifs au vice caché démontré.
* restitution du prix
Aux termes de l'article 1352-1 du code civil, celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à moins qu'il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.
L'expert judiciaire a constaté, au moment de son intervention :
- que les buzzers des alarmes sonores avaient été démontés,
- que la partie haute du navire avait été découpée,
- que les gouvernails et lignes d'arbre d'hélice avaient été démontés pour ramener le navire de [Localité 5] à [Localité 6] en 2017 par la route et n'avaient pas été remontés alors qu'ils pouvaient être remis en place sans qu'il y ait de perte de preuve.
Sur les circonstances de l'avarie, il a noté un manque de prudence, mais aucune faute de la part de l'intimé à l'origine de la dégradation des éléments moteurs et indique que les dommages subis par le moteur bâbord le 26 juin 2017, sont la conséquence d'une surchauffe résultant d'un manque d'eau douce de réfrigération certainement causé par des fuites au niveau des réfrigérants.
Il précise que l'immobilisation du navire à quai a également réduit sa valeur vénale d'environ 20'000 euros.
L'article 1352-1 du code civil dans sa rédaction résultant de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ici applicable, exige pour exonérer le restituant de l'indemnisation des dégradations et détériorations de la chose que soient remplies les deux conditions cumulatives de sa bonne foi et de son absence de faute.
En l'espèce, le démontage et les découpes d'éléments du navire ont été nécessaires à son remorquage par voie terrestre au port de [Localité 6], alors qu'il ne pouvait stationner à [Localité 5].
L'appelant ne démontre ni l'intention de l'acquéreur de dégrader le navire, ni sa mauvaise foi et le jugement sera encotre confirmé sur ce point.
* restitution du navire
L'appelant ne précise pas le fondement juridique de sa demande de restitution du navire aux frais de l'intimé.
La résolution de la vente ayant été confirmée en raison des vices cachés dont il avait connaissance, la décision attaquée sera également confirmée en ce qu'elle lui a ordonné de récupérer le navire à ses frais.
* indemnisation des autres préjudices
Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
Le principe de réparation intégrale du préjudice suppose l'indemnisation de la victime sans perte ni profit.
* frais de remorquage
Pour faire droit à la demande de M. [C] à ce titre le tribunal s'est appuyé sur le rapport d'expertise, a relevé le lien de causalité entre le remorquage du navire et la survenance du vice, jugé que l'absence de justificatifs ne suffisait pas àle débouter et dit n'y avoir lieu à déduire le coût du trajet s'il avait été effectué par la mer.
L'appelant soutient que le coût de transport ne doit pas être mis à sa charge car l'acquéreur entendant demander l'annulation de la vente le navire n'aurait jamais dû être rapatrié à [Localité 6] ; il prétend lui avoir proposé de ramener le navire par la route en recourant à son propre transporteur pour un coût d'environ 12 000 euros et que les factures du remorquage tel qu'évalué par l'expert à 37 843,43 euros ne sont pas produites.
L'intimé sollicite confirmation de la décision sur ce point.
L'expert judiciaire a estimé (page 24/42) à la somme de 36'321,87euros les frais engagés par l'acheteur pour le retour du navire par la route, et à 25 000 euros les frais non engagés - en particulier les frais de carburant - pour le ramener par la mer soit un surcoût de 11 321,87 euros.
Le rapport d'expertise de protection juridique du 5 février 2018, contradictoire à l'égard du vendeur, énonce page 14/16 qu'un transporteur a pris en charge la logistique de rapatriement du navire à [Localité 6] et émis plusieurs factures pour un montant total de 37'843,43 euros au titre de la mise à terre du navire, de son stationnement au port de [Localité 5], de son remorquage, de travaux préparatoires au transport et de divers frais pour chargement.
Sera déduit de cette somme le montant des factures relatives à la présence de M. [C] à des réunions pour préparation du transport et pour chargement du transport pour un total de 4 645,24 euros, comme présentant un lien de causalité indirect avec le vice caché, soit un solde de 33 198,19 euros.
Sera également déduite la somme de 25 000 euros au titre du coût estimé par l'expert judiciaire à de retour par la mer du navire au cas où celui-ci n'aurait pas subi d'avarie, que l'acheteur aurait nécessairement exposée.
Le jugement sera en conséquence confirmé sur le principe de la réparation de ce poste de préjudice mais réformé sur le quantum qui sera fixé à la somme de 33 198,19 - 25 000 = 8 198,19 euros.
* frais de stockage
Pour débouter l'acquéreur à ce titre le tribunal a relevé l'absence de lien de causalité entre ce poste de préjudice et le vice caché.
L'intimé réclame dans ses écritures la somme de 16'500 euros correspondant à des frais de stockage depuis novembre 2017 soit 250 euros par mois pendant 66 mois. Toutefois il demande au dispositif de ses conclusions la seule somme de 12'000 euros à ce titre.
Il produit une seule facture de la régie des ports de plaisance publics [Localité 6] Marina d'un montant de 490,11 euros TTC pour la location d'un emplacement au mois de janvier 2024, et également un courrier recommandé du 29 mars 2024 de cette régie le menaçant d'expulsion pour occupation sans droit ni titre d'un emplacement dans la zone technique portuaire.
Le seul préjudice démontré à ce titre s'élève donc à la somme de 490,11 euros que M. [L] sera condamné à lui payer, par voie d'infirmation du jugement sur ce point.
* préjudice de jouissance
Pour débouter M. [C] à ce titre, le tribunal a jugé que la jouissance du navire étant la contrepartie du prix dont la restitution est ordonnée dans son intégralité, sa privation ne pouvait être indemnisée.
La résolution de la vente pour vice caché a certes pour effet de remettre rétroactivement les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la vente, entraînant restitution du prix et de la chose vendue, mais s'agissant d'une fiction n'a pas pu avoir pour effet d'effacer la période pendant laquelle l'acheteur a effectivement été privé de l'usage de cette chose, soit en l'espèce entre le 26 juin 2017 et le 17 octobre 2024 date du présent arrêt.
La privation de jouissance d'un navire ne peut pas être assimilée à la privation de jouissance d'un logement et le préjudice sera ici limité à 3 mois par an de 2017 à 2024 soit pendant 21 mois.
A hauteur de la somme demandée de 600 euros par mois, qui ne représente pas le coût de la location d'un navire de la même sorte, le préjudice de jouissance de M. [C] peut être évalué à la somme de 600 x 21 = 12 600 euros que M. [L] sera condamné à lui payer par voie d'infirmation du jugement.
* indemnité d'occupation
Pour débouter le vendeur de sa demande à ce titre le tribunal a énoncé qu'il est de principe constant que lorsque l'acheteur a choisi d'exercer l'action rédhibitoire, le vendeur, tenu de restituer le prix reçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue.
L'appelant sollicite le paiement d'une indemnité d'occupation pour la période antérieure à la résolution de la vente au motif que l'appelant a fait du navire son habitation.
L'occupation du navire par l'intimé alors que la vente n'était pas définitivement résolue n'a eu aucun caractère fautif quelle que soit sa nature.
En outre, comme déjà jugé, il n'a pu jouir de la chose conformément à sa destination contractuelle.
Par conséquent, la décision du tribunal judiciaire de Privas en date du 17 janvier 2023 sera confirmée de ce chef.
* préjudice moral
Pour débouter l'acheteur à ce titre le tribunal a relevé qu'il ne versait aux débats aucun élément de nature à caractériser un tel préjudice.
L'intimé soutient qu'il a souffert de demeurer en cale sèche depuis l'avarie du navire, qu'il a habité dans de mauvaises conditions, pour solliciter la somme de 15'000 euros à ce titre.
L'appelant se contente de solliciter la confirmation du jugement sur ce point.
La réalité est que l'acheteur, victime de la part du vendeur de la dissimulation du vice ayant rendu la chose impropre à son usage, n'a pu naviguer que deux jours, pour être ensuite privé définitivement de l'usage normal du navire soit la navigation.
Ce seul fait caractérise un préjudice moral que M. [L] sera condamné à réparer à hauteur de la somme de 7 500 euros.
Par voie de conséquence, le jugement sera encore infirmé sur ce point.
* dépens et frais irrépétibles
Succombant principalement à l'instance, M. [L] sera condamné à en régler les entiers dépens, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande par ailleurs de le condamner à payer à M. [C] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celui-ci sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ce qu'il
- a prononcé la résolution de la vente pour vice caché,
- a ordonné à M. [T] [L] de récupérer le navire Sea Sam à ses frais,
- a rejeté la demande de diminution du prix à restituer par M. [T] [L] et ordonné la restitution de la somme de 80'000 euros à ce titre à M. [C],
- a rejeté la demande de M. [T] [L] au titre d'une indemnité d'occupation
- a condamné M. [T] [L] aux dépens et à payer à M. [C] la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus
Statuant à nouveau
Condamne M. [T] [L] à payer à M. [G] [C] les sommes de
- 8 198,19 euros au titre des frais remorquage
- 490,11 euros au titre des frais de stockage du navire
- 12 600 euros au titre de son préjudice de jouissance
- 7 500 euros au titre de son préjudice moral
Y ajoutant
Condamne M. [T] [L] aux dépens de la présente instance
Condamne M. [T] [L] à payer la somme de 1 500 euros à M. [G] [C] par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.