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CA Montpellier, 4e ch. civ., 17 octobre 2024, n° 22/04817

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/04817

17 octobre 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 17 OCTOBRE 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/04817 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PRVV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 août 2022

Tribunal judiciaire de Perpignan - N° RG 21/00226

APPELANT :

Monsieur [N] [B]

né le 20 Juin 1982 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté sur l'audience par Me Laure MARCHAL, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Laurent MAYNARD de la SCP TRIBILLAC - MAYNARD - BELLOT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMES :

Monsieur [T] [S]

né le 19 Janvier 1988 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté sur l'audience par Me Alysée BECUWE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Valéry-pierre BREUIL de la SCP MARTY - BENEDETTI-BALMIGERE - BREUIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Monsieur [X] [H]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.R.L. Mikachris exerçant sous l'enseigne Garage Lelong prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Septembre 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Philippe BRUEY, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 27 juin 2015, Monsieur [X] [H] a acquis auprès de la SARL GTI auto 65 un véhicule automobile d'occasion de marque Alfa Romeo modèle 159-2.4 TI Sport Wagon diesel, mis en circulation le 30 avril 2009, avec un kilométrage de 123 667 kilomètres.

Le 1er juillet 2017, Monsieur [T] [S] a acquis ce véhicule auprès de Monsieur [X] [H], avec un kilométrage de 145 057 kilomètres.

Le 2 février 2018, M. [N] [B] a acquis ce véhicule auprès de Monsieur [T] [S], avec un kilométrage de 153 401 kilomètres, moyennant le prix de 9 000 €.

Le 31 mars 2018 à 155 830 kilomètres, le véhicule a subi une panne immobilisante. M. [N] [B] l'a confié à la SARL Mikachris, exerçant sous l'enseigne garage Lelong, qui a préconisé des réparations, notamment le remplacement du turbo compresseur moyennant le prix de 2 163 €.

Le 26 juin 2018, une expertise amiable été organisée à la demande de M. [B].

Par ordonnance du 20 février 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire de M. [S], à la demande de M.[B].

Les opérations d'expertise judiciaire ont été déclarées communes et opposables aux propriétaires antérieurs, soit M.[X] [H], la SARL Mikachris et la SARL GTI Auto 65.

Le 24 novembre 2020, l'expert judiciaire, M. [O] [Y], a déposé son rapport et a confirmé l'existence de désordres affectant le turbo compresseur.

C'est dans ce contexte que par acte du 6 janvier 2021, M.[B] a assigné M. [S] sur le fondement de l'article 1641 du code civil.

Par jugement réputé contradictoire du 23 août 2022, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

- Débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre M. [S] ;

- Constaté que l'intervention forcée de M. [H] et de la société Mikachris est devenue sans objet compte tenu du rejet des prétentions de M. [B] dirigées contre M. [S] ;

- Condamné M. [B] à payer à M. [S] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [S] à payer à M [H] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [B] aux dépens comprenant les dépens de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire, à l'exception des dépens de l'appel en cause de M. [H] et de la société Mikachris qui seront laissés à la charge de M. [S] ;

- Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

- Rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Le 20 septembre 2022, M. [B] a relevé appel de ce jugement.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 19 décembre 2022, M. [B] demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Juger que le véhicule était affecté d'un vice caché lors de la cession intervenue entre lui et M. [S] le 2 février 2018 ;

A titre subsidiaire, dire que M. [S] a fait preuve de réticence dolosive ;

En tout état de cause,

Condamner M. [S] à lui payer :

la somme de 3 015,18 € au titre du coût de remise en état du véhicule ;

la somme de 8 775 € au titre de l'indemnité d'immobilisation du véhicule ;

la somme de 276,25 € au titre des frais d'assurance ;

la somme de 10 167,20 € au titre des frais de gardiennage ;

la somme de 3 705,58 € au titre du remboursement des frais d'expertise judiciaire ;

Condamner M. [S] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP d'avocats Tribillac-Maynard-Bellot, et à lui payer la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 13 février 2023, M. [S] demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre lui et condamné M. [B] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [B] aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de caducité partielle du 8 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'encontre de M. [X] [H] et de la SARL Mikachris, exerçant sous l'enseigne garage Lelong.

Vu l'ordonnance de clôture du 12 août 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

A titre liminaire, il est observé que la décision entreprise n'est pas critiquée en ses dispositions concernant M. [X] [H] et de la SARL Mikachris, exerçant sous l'enseigne garage Lelong. Ces dispositions, définitives, ne sont donc pas soumises à l'examen de la cour, conformément à l'article 562 du code de procédure civile.

Sur la garantie des vices cachés

L'article 1641 du code civil dispose que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

En vertu de ce texte, il est de principe que l'acquéreur doit établir la réunion des diverses conditions découlant de cet article :

l'existence d'un vice (ce qui implique éventuellement d'identifier la cause des défectuosités constatées) ;

la gravité du vice ;

le caractère caché du vice ;

et l'antériorité du vice par rapport à la vente.

L'expert judiciaire M. [O] [Y] a constaté, dans un rapport clair et dépourvu d'ambiguïté dont il convient d'adopter les conclusions et avis techniques, que :

Le véhicule est affecté d'une panne immobilisante liée à la défaillance du turbo compresseur, à la suite du grippage des pièces le constituant.

Le dysfonctionnement du turbo compresseur trouve sa cause dans le grippage du plateau tournant et de ses ailettes de régulation.

Ce grippage a pour origine un encrassement par la présence de calamine et l'exposition aux températures extrêmes des gaz d'échappement.

Le processus d'encrassement, lent et progressif, a manifestement pris naissance préalablement à la vente du véhicule à Monsieur [B] ; toutefois, ce phénomène de formation de suies et dépôts charbonneux qui s'accentue au fil du temps, est lié à l'âge et au kilométrage présenté par le véhicule acquis d'occasion.

Les désordres relevés ne sont pas imputables à un défaut d'entretien, ni même à une utilisation défectueuse mais relèvent d'une usure normale eu égard à l'âge et au kilométrage du véhicule.

Les désordres confèrent au véhicule un caractère de dangerosité ; ils le rendent impropre à l'usage auquel il est destiné.

Les désordres apparus deux mois et 2 400 kilomètres après la vente, étaient « à l'état de développement » mais pas à leur stade final lors de l'acquisition du véhicule par Monsieur [B].

Les désordres n'étaient pas apparents aux yeux d'un acquéreur n'ayant pas la qualité d'un professionnel de l'automobile.

Le véhicule nécessite de procéder au remplacement du turbo compresseur pour un montant de 3 015,18 € TTC.

Le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte a justement retenu que le rapport d'expertise judiciaire ne démontre pas l'existence d'un « vice » caché, dès lors que M. [B] ne pouvait ignorer par sa connaissance de l'âge du véhicule (sa date de mise en circulation est du 30 avril 2009) et du nombre de kilomètres affiché (153 401 kms) que le remplacement de diverses pièces, comme le turbo compresseur, était prévisible.

On oppose « vice » et « usure » : l' usure due à l'âge d'un véhicule, ou à sa vétusté, qui est connue de l'acquéreur, ne peut en elle-même être considérée comme un « vice » au sens de l'article 1641 du code civil. Ce n'est que lorsque l'usure est anormale que la garantie des vices cachés peut jouer.

En l'occurrence, l'expert judiciaire, M. [O] [Y] a clairement démontré que les désordres « relèvent d'une usure normale eu égard à l'âge et au kilométrage du véhicule ».

Le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes en garantie des vices cachés.

Sur la réticence dolosive

L'article 1137 du code civil définit le dol comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Le dol peut être constitué par le silence intentionnel d'une partie qui dissimule une information qu'elle sait essentielle pour l'autre partie.

La charge de la preuve du dol pèse sur la personne qui prétend que son consentement a été vicié.

En l'espèce, M. [N] [B] allègue que, lors de la vente, M. [S] ne lui a pas communiqué le procès-verbal de contrôle technique initial du 2 février 2018, préférant lui transmettre le seul procès-verbal de contre-visite du même jour, vierge de toute défaillance.

Toutefois, son affirmation n'est pas corroborée par un élément suffisamment probant, puisque M. [S] la conteste et indique, au contraire, avoir fourni le contrôle technique initial (page 28 du rapport d'expertise judiciaire).

Certes, l'expert amiable [U] note dans son rapport : « A mon avis, le vendeur a volontairement présenté le contrôle de contre-visite ». Toutefois, il n'indique pas sur quels éléments il se fonde pour reprendre à son compte cette affirmation.

Quant à la circonstance que M. [S] ait obtenu un certificat de contre-visite le jour même du contrôle technique, si elle est, en effet, surprenante en raison de la rapidité d'exécution des réparations, elle n'apparaît pas non plus invraisemblable dès lors qu'il n'y avait qu'une seule défaillance majeure à corriger avec contre-visite au sujet des pneus avant et neuf défaillances mineures.

M. [N] [B] sera donc débouté de ses demandes du chef de la réticence dolosive.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [N] [B] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions telles qu'elles ont été déférées devant la cour d'appel,

Y ajoutant,

Déboute M. [N] [B] de sa demande fondée sur la réticence dolosive,

Condamne M. [N] [B] aux dépens d'appel.

Condamne M. [N] [B] à payer à M. [T] [S] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT