Décisions
CA Montpellier, 2e ch. civ., 17 octobre 2024, n° 23/06070
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 17 OCTOBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/06070 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QBSD
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 DECEMBRE 2023 JUGE DE LA MISE EN ETAT DE MONTPELLIER
N° RG 22/03836
APPELANTE :
Madame [B] [T] [G] [E]
née le 24 Février 1978 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me BOURRET MENDEL substituant Me Dioma NDOYE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
SA AUTOMOBILES PEUGEOT, société anonyme au capital de 172.711.770,00 € immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 552 144 503 dont le siège social est [Adresse 7] [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me GUIRAO substituant Me Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
La société GRANDS GARAGES DE L'HERAULT, société par action simplifiée, dont le siège social est sis [Adresse 5], [Localité 8], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Montpellier sous le n°833 752 173, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié ès qualité audit siège social
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me BEKHAZI substituant Me Valérie VERNET SIBEL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 29 Août 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 SEPTEMBRE 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon « bon de commande d'un véhicule Occasions du lion Prenium » du 9 juillet 2013, Madame [E] faisait l'acquisition, auprès de Garages de l'Hérault, représentant de la marque Peugeot, d'un véhicule d'occasion, de marque Peugeot, modèle 207, motorisation 1,4 VTI 16v active cinq portes, immatriculé [Immatriculation 6], mis en circulation le 20 août 1990 avec 59 661 km à l'index compteur au prix de 7 800 €. Le véhicule bénéficiait d'une garantie contractuelle de douze mois. Une déclaration de cession du véhicule était établie le 23 juillet 2013 entre la société Grands Garages de l'Hérault à [Localité 8] et Madame [B] [E].
Suite à plusieurs désordres mécaniques survenus à compter de 2014, le véhicule était confié au Garage A.O.34 - Agent Peugeot pour des travaux de remise en état effectués entre 2014 et 2016.
Le 15 mai 2018, Madame [E] a fait assigner devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier la SAS Grands Garages de l'Hérault, aux fins d'obtenir une expertise, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 29 août 2018. Le 14 février 2020, l'Expert a déposé son rapport daté du 3 février 2020 aux termes duquel il concluait que :
- les désordres affectant le véhicule de Madame [E] sont les conséquences d'un vice de construction connu du constructeur (rapport d' expertise page 14)
- le véhicule examiné est affecté d'une avarie mécanique majeure le rendant impropre à l'usage auquel il est destiné,
- la défaillance est interne, était présente ou en germe au jour de la vente et était non visible par un profane,
- de plus, il s'agit d'une avarie connue du constructeur liée à un défaut de conception du moteur équipant la voiture de la demanderesse.
Par acte d'huissier en date du 26 juillet 2022, Madame [B] [E] a fait assigner la SASU GRANDS GARAGES DE L'HÉRAULT ET LA SA AUTOMOBILES PEUGEOT devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir prononcer la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et condamner solidairement les sociétés Grands Garages de l'Hérault et Automobiles Peugeot à lui verser la somme de 7800 € au titre de la restitution du prix de vente, 8500 € au titre du préjudice de jouissance et 5000 € à titre de dommages et intérêts.
Les sociétés Grands Garages de l'Hérault et Automobiles Peugeot ont saisi le juge de la mise en état de plusieurs incidents.
Selon une ordonnance rendue contradictoirement en date du 1er décembre 2023, le juge de la mise en état a :
- constaté que la demande de nullité de l'assignation formée par la SA Automobile Peugeot est devenue sans objet, cette dernière ayant abandonnée cette demande aux termes de ses dernières conclusions,
- déclaré les fins de non-recevoir soulevées par la SA Automobile Peugeot et la SASU Grands Garages de l'Hérault recevables,
- déclaré irrecevable l'action formée par Madame [B] [E] à l'encontre de la société Grands Garages de l'Hérault pour défaut de qualité à agir,
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action formée par Madame [B] [E] à l'encontre de la société Grands Garages de l'Hérault et de la SA Automobile Peugeot,
- dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Madame [B] [E].
Le 12 décembre 2023, Madame [B] [E] a interjeté appel de cette ordonnance.
Par ordonnance rendue en date du 20 décembre 2023, l'affaire a été fixée à l'audience du 5 septembre 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 19 janvier 2024 par Madame [B] [E] ;
Vu les conclusions notifiées le 15 février 2024 par la SA Automobiles Peugeot par la partie intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 février 2024 par la société Grands Garages de l'Hérault ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 29 août 2024 ;
PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [B] [E] conclut à la réformation de l'ordonnance et demande à la Cour statuant à nouveau de déclarer en conséquence recevable l'action au fond de Madame [E] et de condamner au paiement de 4500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la qualité à agir à l'encontre de la SASU Grands Garages de l'Hérault, elle fait valoir que le tribunal a de manière surprenante estimé irrecevable son action tout en indiquant que cette société 'n'a communiqué l'acte de cession du fonds que postérieurement à l'exploit introductif d'instance du 26 juillet 2022 alors que le véhicule litigieux était sur le parc du cessionnaire/concessionnaire et que les opérations d'expertise se sont déroulées sur ce parc en présence du directeur de la concession et de son conseil. En conséquence, Madame [E] a bien eu qualité et intérêt à agir'.
Sur la prescription, elle soutient qu'elle disposait non d'un délai de deux ans pour intenter son action en garantie des vices cachés mais du délai de prescription de droit de cinq ans ainsi qu'il résulte de l'application de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription qui encapsule le délai de deux ans de l'article 1648 du code civil dans le délai de cinq ans de l'article 2224 du même sans pouvoir dépasser 20 ans.
Par conclusions signifiées le 13 février 2024, la société Grands Garages de l'Hérault conclut à la confirmation de la décision en toutes ses dispositions et demande en outre de déclarer toutes ses demandes fins et conclusions de Madame [E] irrecevables et prescrites et de la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur le défaut de qualité à agir en défense, elle expose qu'elle n'a acquis le fonds de commerce de concession automobile de la SAS PSA RETAIL FRANCE SA que par acte en date du 28 décembre 2017 avec effet le 31 décembre 2017, qu'elle n'est donc intervenue à aucun titre sur le véhicule litigieux et qu'elle ne peut être tenue des obligations incombant à l'exploitant antérieur du fonds de commerce alors qu'au jour de l'assignation du 26 juillet 2022, il n'existe aucun lien juridique entre elle et Madame [E] à défaut d'avoir été partie à l'acte de cession du véhicule litigieux, qu'elle ne vient pas aux droits de la SAS PSA RETAIL FRANCE SA, le fonds de commerce ayant été cédé postérieurement à la vente du véhicule qui ne faisait plus partie de l'actif du fonds et les deux sociétés ayant deux personnalités distinctes avec des numéros d'immatriculation au RCS différents. Elle ajoute que le fait qu'elle n'ait pas communiqué l'acte de cession avant l'acte introductif d'instance est inopérant.
La SA Automobiles Peugeot conclut à la confirmation de la décision en toutes ses dispositions et demande en outre de débouter Madame [E] de toutes ses demandes fins et conclusions, irrecevables et prescrites et de la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur la prescription, elle fait valoir que le délai de prescription applicable est celui de deux ans visé à l'article 1648 du code civil pour les actions en garantie des vices cachés prévues à l'article 1641 du même code et qui déroge au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil. Elle expose que l'interprétation du droit par l'appelante sur l'application de la prescription de droit commun à l'action en garantie des vices cachés est erronée.
Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.
DISCUSSION
Sur la fin de non recevoir résultant du défaut de qualité et d'intérêt à agir :
Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il est constant que Madame [E] a acquis son véhicule en 2013 auprès de la Société PSA RETAIL FRANCE SA, laquelle a cédé son fonds de commerce à la Société GRAND GARAGE DE L'HERAULT le 28 décembre 2017 avec effet le 31 décembre 2017.
Il est de principe que le fonds de commerce n'est pas un patrimoine autonome, et ne comprend ni les dettes ni les créances du commerçant cédant, de sorte que les contrats en sont exclus, à l'exception de ceux transmis par la loi (les contrats de travail, d'assurance, d'édition et de bail). Si les co-contractants peuvent prévoir l'inclusion de certains contrats, tel n'est pas le cas en l'espèce s'agissant du contrat liant la société cédante à l'intimée.
Dès lors, il convient de considérer que la société GRAND GARAGE DE L'HERAULT, tiers au contrat de vente liant les parties, n'avait pas qualité d'ayant droit et par conséquent n'avait pas la qualité pour défendre à l'action de Madame [E]. La décision du juge de la mise en état qui a déclaré l'action de cette dernière irrecevable sera confirmée.
Sur la prescription de l'action dirigée contre la société AUTOMOBILES PEUGEOT :
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Selon l'article 1648 du même code, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
En application de l'article 2239 du Code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée, soit le dépôt du rapport.
L'article 2241 du Code civil précise que l'assignation en référé, quand bien même le juge serait incompétent, interrompt le délai de prescription.
En l'espèce, la vente est intervenue le 9 juillet 2013, et il n'est pas contesté que le vice est apparu lors du dépôt du rapport d'expertise le 3 février 2020. C'est le délai de deux ans dérogatoire visé par l'article 1641 qui s'applique et non celui de l'article 2224 du code civil.
En conséquence, l'action ayant été introduite par Madame [E] par assignations du 26 juillet 2022 et le 8 août 2022, soit plus de deux ans après le 3 février 2020.
Il en résulte que son action est prescrite par application des dispositions précitées. La décision dont appel sera en conséquence confirmée.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
Madame [B] [E], qui succombe au principal en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser une somme de 1.000 euros chacune à la société AUTOMOBILES PEUGEOT et à la société GRAND GARAGE DE L'HERAULT sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de l'équité.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme la décision en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Madame [B] [E] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à la société AUTOMOBILES PEUGEOT et à la société GRAND GARAGE DE L'HERAULT une somme de 1.000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le greffier La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 17 OCTOBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 23/06070 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QBSD
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 DECEMBRE 2023 JUGE DE LA MISE EN ETAT DE MONTPELLIER
N° RG 22/03836
APPELANTE :
Madame [B] [T] [G] [E]
née le 24 Février 1978 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me BOURRET MENDEL substituant Me Dioma NDOYE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
SA AUTOMOBILES PEUGEOT, société anonyme au capital de 172.711.770,00 € immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 552 144 503 dont le siège social est [Adresse 7] [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me GUIRAO substituant Me Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
La société GRANDS GARAGES DE L'HERAULT, société par action simplifiée, dont le siège social est sis [Adresse 5], [Localité 8], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Montpellier sous le n°833 752 173, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié ès qualité audit siège social
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me BEKHAZI substituant Me Valérie VERNET SIBEL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 29 Août 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 SEPTEMBRE 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon « bon de commande d'un véhicule Occasions du lion Prenium » du 9 juillet 2013, Madame [E] faisait l'acquisition, auprès de Garages de l'Hérault, représentant de la marque Peugeot, d'un véhicule d'occasion, de marque Peugeot, modèle 207, motorisation 1,4 VTI 16v active cinq portes, immatriculé [Immatriculation 6], mis en circulation le 20 août 1990 avec 59 661 km à l'index compteur au prix de 7 800 €. Le véhicule bénéficiait d'une garantie contractuelle de douze mois. Une déclaration de cession du véhicule était établie le 23 juillet 2013 entre la société Grands Garages de l'Hérault à [Localité 8] et Madame [B] [E].
Suite à plusieurs désordres mécaniques survenus à compter de 2014, le véhicule était confié au Garage A.O.34 - Agent Peugeot pour des travaux de remise en état effectués entre 2014 et 2016.
Le 15 mai 2018, Madame [E] a fait assigner devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier la SAS Grands Garages de l'Hérault, aux fins d'obtenir une expertise, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 29 août 2018. Le 14 février 2020, l'Expert a déposé son rapport daté du 3 février 2020 aux termes duquel il concluait que :
- les désordres affectant le véhicule de Madame [E] sont les conséquences d'un vice de construction connu du constructeur (rapport d' expertise page 14)
- le véhicule examiné est affecté d'une avarie mécanique majeure le rendant impropre à l'usage auquel il est destiné,
- la défaillance est interne, était présente ou en germe au jour de la vente et était non visible par un profane,
- de plus, il s'agit d'une avarie connue du constructeur liée à un défaut de conception du moteur équipant la voiture de la demanderesse.
Par acte d'huissier en date du 26 juillet 2022, Madame [B] [E] a fait assigner la SASU GRANDS GARAGES DE L'HÉRAULT ET LA SA AUTOMOBILES PEUGEOT devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir prononcer la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et condamner solidairement les sociétés Grands Garages de l'Hérault et Automobiles Peugeot à lui verser la somme de 7800 € au titre de la restitution du prix de vente, 8500 € au titre du préjudice de jouissance et 5000 € à titre de dommages et intérêts.
Les sociétés Grands Garages de l'Hérault et Automobiles Peugeot ont saisi le juge de la mise en état de plusieurs incidents.
Selon une ordonnance rendue contradictoirement en date du 1er décembre 2023, le juge de la mise en état a :
- constaté que la demande de nullité de l'assignation formée par la SA Automobile Peugeot est devenue sans objet, cette dernière ayant abandonnée cette demande aux termes de ses dernières conclusions,
- déclaré les fins de non-recevoir soulevées par la SA Automobile Peugeot et la SASU Grands Garages de l'Hérault recevables,
- déclaré irrecevable l'action formée par Madame [B] [E] à l'encontre de la société Grands Garages de l'Hérault pour défaut de qualité à agir,
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action formée par Madame [B] [E] à l'encontre de la société Grands Garages de l'Hérault et de la SA Automobile Peugeot,
- dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Madame [B] [E].
Le 12 décembre 2023, Madame [B] [E] a interjeté appel de cette ordonnance.
Par ordonnance rendue en date du 20 décembre 2023, l'affaire a été fixée à l'audience du 5 septembre 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 19 janvier 2024 par Madame [B] [E] ;
Vu les conclusions notifiées le 15 février 2024 par la SA Automobiles Peugeot par la partie intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 février 2024 par la société Grands Garages de l'Hérault ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 29 août 2024 ;
PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [B] [E] conclut à la réformation de l'ordonnance et demande à la Cour statuant à nouveau de déclarer en conséquence recevable l'action au fond de Madame [E] et de condamner au paiement de 4500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la qualité à agir à l'encontre de la SASU Grands Garages de l'Hérault, elle fait valoir que le tribunal a de manière surprenante estimé irrecevable son action tout en indiquant que cette société 'n'a communiqué l'acte de cession du fonds que postérieurement à l'exploit introductif d'instance du 26 juillet 2022 alors que le véhicule litigieux était sur le parc du cessionnaire/concessionnaire et que les opérations d'expertise se sont déroulées sur ce parc en présence du directeur de la concession et de son conseil. En conséquence, Madame [E] a bien eu qualité et intérêt à agir'.
Sur la prescription, elle soutient qu'elle disposait non d'un délai de deux ans pour intenter son action en garantie des vices cachés mais du délai de prescription de droit de cinq ans ainsi qu'il résulte de l'application de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription qui encapsule le délai de deux ans de l'article 1648 du code civil dans le délai de cinq ans de l'article 2224 du même sans pouvoir dépasser 20 ans.
Par conclusions signifiées le 13 février 2024, la société Grands Garages de l'Hérault conclut à la confirmation de la décision en toutes ses dispositions et demande en outre de déclarer toutes ses demandes fins et conclusions de Madame [E] irrecevables et prescrites et de la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur le défaut de qualité à agir en défense, elle expose qu'elle n'a acquis le fonds de commerce de concession automobile de la SAS PSA RETAIL FRANCE SA que par acte en date du 28 décembre 2017 avec effet le 31 décembre 2017, qu'elle n'est donc intervenue à aucun titre sur le véhicule litigieux et qu'elle ne peut être tenue des obligations incombant à l'exploitant antérieur du fonds de commerce alors qu'au jour de l'assignation du 26 juillet 2022, il n'existe aucun lien juridique entre elle et Madame [E] à défaut d'avoir été partie à l'acte de cession du véhicule litigieux, qu'elle ne vient pas aux droits de la SAS PSA RETAIL FRANCE SA, le fonds de commerce ayant été cédé postérieurement à la vente du véhicule qui ne faisait plus partie de l'actif du fonds et les deux sociétés ayant deux personnalités distinctes avec des numéros d'immatriculation au RCS différents. Elle ajoute que le fait qu'elle n'ait pas communiqué l'acte de cession avant l'acte introductif d'instance est inopérant.
La SA Automobiles Peugeot conclut à la confirmation de la décision en toutes ses dispositions et demande en outre de débouter Madame [E] de toutes ses demandes fins et conclusions, irrecevables et prescrites et de la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur la prescription, elle fait valoir que le délai de prescription applicable est celui de deux ans visé à l'article 1648 du code civil pour les actions en garantie des vices cachés prévues à l'article 1641 du même code et qui déroge au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil. Elle expose que l'interprétation du droit par l'appelante sur l'application de la prescription de droit commun à l'action en garantie des vices cachés est erronée.
Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.
DISCUSSION
Sur la fin de non recevoir résultant du défaut de qualité et d'intérêt à agir :
Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il est constant que Madame [E] a acquis son véhicule en 2013 auprès de la Société PSA RETAIL FRANCE SA, laquelle a cédé son fonds de commerce à la Société GRAND GARAGE DE L'HERAULT le 28 décembre 2017 avec effet le 31 décembre 2017.
Il est de principe que le fonds de commerce n'est pas un patrimoine autonome, et ne comprend ni les dettes ni les créances du commerçant cédant, de sorte que les contrats en sont exclus, à l'exception de ceux transmis par la loi (les contrats de travail, d'assurance, d'édition et de bail). Si les co-contractants peuvent prévoir l'inclusion de certains contrats, tel n'est pas le cas en l'espèce s'agissant du contrat liant la société cédante à l'intimée.
Dès lors, il convient de considérer que la société GRAND GARAGE DE L'HERAULT, tiers au contrat de vente liant les parties, n'avait pas qualité d'ayant droit et par conséquent n'avait pas la qualité pour défendre à l'action de Madame [E]. La décision du juge de la mise en état qui a déclaré l'action de cette dernière irrecevable sera confirmée.
Sur la prescription de l'action dirigée contre la société AUTOMOBILES PEUGEOT :
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Selon l'article 1648 du même code, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
En application de l'article 2239 du Code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée, soit le dépôt du rapport.
L'article 2241 du Code civil précise que l'assignation en référé, quand bien même le juge serait incompétent, interrompt le délai de prescription.
En l'espèce, la vente est intervenue le 9 juillet 2013, et il n'est pas contesté que le vice est apparu lors du dépôt du rapport d'expertise le 3 février 2020. C'est le délai de deux ans dérogatoire visé par l'article 1641 qui s'applique et non celui de l'article 2224 du code civil.
En conséquence, l'action ayant été introduite par Madame [E] par assignations du 26 juillet 2022 et le 8 août 2022, soit plus de deux ans après le 3 février 2020.
Il en résulte que son action est prescrite par application des dispositions précitées. La décision dont appel sera en conséquence confirmée.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
Madame [B] [E], qui succombe au principal en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser une somme de 1.000 euros chacune à la société AUTOMOBILES PEUGEOT et à la société GRAND GARAGE DE L'HERAULT sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu de l'équité.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme la décision en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Madame [B] [E] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à la société AUTOMOBILES PEUGEOT et à la société GRAND GARAGE DE L'HERAULT une somme de 1.000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le greffier La présidente