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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 17 octobre 2024, n° 20/12412

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Eurocommercial Properties Caumartin (SNC)

Défendeur :

Sm Belleville (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Girousse

Avocats :

Me Baguenault de Puchesse, Me Azoulai, Me Waiwe

TJ Paris, du 6 juill. 2020, n° 17/09633

6 juillet 2020

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 14 février 1997, la société Du Havre et compagnie, aux droits de laquelle se trouve la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC, a consenti un bail commercial à la société Douniapol, aux droits de laquelle se trouve la société SM Belleville, portant sur le local n° 82 situé dans la galerie commerciale « [13] » à [Localité 7], pour une durée de 9 ans à compter du 14 février 1997 et pour l'exercice d'une activité de vente de vêtements et jouets pour enfants sous l'enseigne « Sergent Major », moyennant un loyer de base de 500.000 Frs (76.224 €) outre un loyer variable.

Par acte extrajudiciaire du 12 août 2008, le preneur a sollicité le renouvellement de son bail pour une durée de 9 ans à compter du 1er septembre 2008.

Par acte extrajudiciaire du 7 novembre 2008, le bailleur a refusé le renouvellement du bail et offert le versement d'une indemnité d'éviction, conformément à l'article L. 145-14 du code de commerce. Les parties on saisi le tribunal de grande instance de Paris le 10 juin et 28 juillet 2010. Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 1er mars 2011, un expert judiciaire a été désigné, lequel a déposé son rapport le 1er octobre 2012.

Par jugement du 6 août 2013, le tribunal de grande instance de Paris a fixé à la somme de 879.000 euros le montant de l'indemnité d'éviction, outre les frais de licenciement dus sur justificatifs, et fixé l'indemnité d'occupation due par le preneur à compter du 7 novembre 2008 à la somme annuelle de 94.500 euros, hors taxes et hors charges.

Par acte extrajudiciaire du 16 septembre 2013, la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC a exercé son droit de repentir et offert le renouvellement du bail, à compter du 16 septembre 2013, moyennant un loyer annuel de 162.500 euros, hors taxes et hors charges et par un mémoire en demande notifié le 9 septembre 2015,elle a sollicité la fixation à ce montant du loyer du bail renouvelé à compter du 16 septembre 2013.

Par arrêt du 4 novembre 2015, la cour d'appel de Paris, statuant sur l'appel interjeté par le bailleur à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 6 août 2013, a :

- rejeté, comme irrecevable, la demande de fixation du loyer du bail renouvelé ;

- réformé le jugement entrepris sur la fixation de l'indemnité d'occupation, et fixé cette indemnité à la somme annuelle de 103.500 euros, hors taxes à compter du 7 novembre 2008.

Par acte du 3 juillet 2017, la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC a assigné la société SM Belleville devant le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Paris en fixation du loyer du bail renouvelé au 16 septembre 2013 à la somme annuelle de 162.500 euros, hors taxes et hors charges.

Par jugement en date du 15 décembre 2017, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :

- constaté, par l'effet de l'exercice, par la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC, de son droit de repentir par acte extrajudiciaire du 16 septembre 2013, le principe du renouvellement du bail concernant le local n° 82 situé dans la galerie commerciale « [13] » à [Localité 7], à compter du 16 septembre 2013 ;

- dit et jugé que le loyer du bail renouvelé au 16 septembre 2013 doit être fixé à la valeur locative ;

- ordonné une mesure d'expertise et désigné en qualité d'expert M. [G] [S] avec pour mission notamment de rechercher la valeur locative des lieux loués au regard des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité, des prix couramment pratiqués dans le voisinage, en retenant tant les valeurs de marché que les valeurs fixées judiciairement, en application des dispositions des articles L. 145-33 et R. 145-3 à R. 145-8 du code de commerce ;

- fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'expert a déposé son rapport le 20 janvier 2020.

Par jugement du 6 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- fixé à la somme de 128.250 euros en principal, hors taxes et hors charges, par an, à compter du 16 septembre 2013, le montant du loyer annuel du bail renouvelé entre la société SM Belleville et la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC portant sur le local n°82 situé dans la galerie commerciale « [13] » à [Localité 7] ;

- dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 3 juillet 2017 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

- dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année ;

- partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise, par moitié entre les parties ;

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration d'appel du 26 août 2020, la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC a interjeté appel partiel de ce jugement .

Par conclusions déposées le 20 mai 2021, la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC a soulevé un incident aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions d'intimée déposées par la société SM Belleville le 1er mars 2021.

Par ordonnance sur incident du 15 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'intimée notifiées par la société SM Belleville le 1er mars 2021 ainsi que les pièces qui y sont visées.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 novembre 2022.

Par un jugement du 28 juin 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire à l'égard de la société SM Belleville en désignant en qualité d'administrateur avec mission d'assistance la société FHB en la personne de Maître [K] [N] ainsi que la société AJ associés en la personne de Maître [X] [O], et en qualité de mandataire judiciaire la SELARLU [L] M.J. ainsi que la SELAFA MJA en la personne de Maître [P].

Par actes extrajudiciaires des 25 et 28 août 2023, la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC a assigné en intervention forcée ès qualités respectivement d'administrateurs et de mandataires judiciaires la société FHB, la société AJ associés, la société Asteren en la personne de Maître [P] et la SELARLU [L] M.J., lesquelles ont constitué avocat.

Saisi par les organes de la procédure es qualités sollicitant notamment le rabat de l'ordonnance de clôture, par ordonnance du 21 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture, déclaré recevables les assignations en interventions forcées et la déclaration de créance produite et a renvoyé l'affaire en audience de plaidoirie, refusant de donner un délai pour conclure à l'intimée au motif que les organes de la procédure l'assistant ou la représentant ne peuvent avoir plus de droit que la débitrice.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions déposées le 28 mai 2021, la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC demande à la Cour de :

- déclarer l'appel interjeté par la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC recevable et bien fondé ;

- déclarer la société SM Belleville irrecevable et, en toute hypothèse, mal fondée en son appel incident ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 142.500 euros la valeur locative au 16 septembre 2013 des locaux loués à la société SM Belleville ;

- appliqué un abattement de 10 % à cette valeur locative au titre des charges exorbitantes du droit commun ;

- fixé à la somme susmentionnée annuelle de 128.250 euros hors taxes et hors charges le montant du loyer, à compter du 16 septembre 2013, du bail renouvelé entre les sociétés Eurocommercial Properties Caumartin SNC et SM Belleville ;

Statuant à nouveau,

- fixer le loyer du bail renouvelé entre les parties à la somme annuelle de 162.500 euros hors taxes et hors charges à compter du 16 septembre 2013, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement à ce loyer ;

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire, la Cour devait retenir le principe d'un tel abattement,

- dire et juger que cet abattement ne peut dépasser 1,5 % de la valeur locative susmentionnée de 162.500 euros HT ou, à défaut, 1,71 % si la Cour confirme le jugement fixant la valeur locative à 142.500 euros HT ;

- condamner la société SM Belleville à régler à la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC la différence entre le loyer ainsi fixé et le loyer réglé depuis le 16 septembre 2013 et renvoyer les parties à faire les comptes entre elles ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SM Belleville aux intérêts de droit au taux légal sur l'arriéré résultant de cette fixation, soit à compter du 3 juillet 2017 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 3 juillet 2017 en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouter la société SM Belleville de l'ensemble de ses prétentions et demandes ;

- condamner la société SM Belleville à verser à la société Eurocommercial Properties Caumartin SNC la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a partagé les dépens, en ce compris les frais d'expertise, par moitié entre les parties.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la procédure

Il ressort des éléments du dossier et en particulier de la motivation de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 septembre 2023 refusant un délai pour conclure à l'intimée et précisant 'la clôture sera donc prononcée à la date du 21 septembre 2023 après admission des éléments précités' que c'est à la suite d'une erreur matérielle que le dispositif de cette ordonnance ne mentionne pas que la clôture était prononcée à la date du 21 septembre 2023.

Il résulte des dispositions de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile selon lesquelles la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement, que lorsque les conclusions de l'intimé ont été déclarées irrecevables, il est réputé ne pas avoir conclu et par conséquent s'être approprié les motifs du jugement déféré.

Les conclusions de l'intimée ayant été déclarées irrecevables, la société SM Belleville est réputée s'être appropriée les motifs du jugement déféré.

Sur l'indemnité d'occupation

Aux termes du jugement rendu le 15 décembre 2017, le montant du loyer de base du bail renouvelé le 16 novembre 2013 doit être fixé à la valeur locative conformément aux stipulations de ce bail.

Selon l'article L. 145-33 du code de commerce, la valeur locative d'un local doit être déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Selon l'article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surface permettant de déterminer la valeur locative du loyer du bail renouvelé, concernent des locaux équivalents eu égard aux caractéristiques propres au local, la destination des lieux autorisée par le bail, les facteurs locaux de commercialité pour le commerce considéré. A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référénce.

Il résulte de ces dispositions que la valeur locative doit être fixée au regard des éléments de référence en comparant les caractéristiques propre au local en cause et celles des locaux de référence, de sorte que l'appréciation de cette valeur ne se fait pas en fonction des moyennes arithmétiques des loyers de référence.

Ainsi que le relève à juste titre le jugement déféré, il ressort des éléments du dossier, en particulier du rapport d'expertise,que les locaux sont situés en rez-de-chaussée d'une galerie commerciale dépendant d'un immeuble ancien entièrement rénové avec façade en pierre de taille et maçonnerie sur rue, brisis en ardoise et couverture en zinc, en état de ravalement correct, situé dans le [Localité 7], à l'intersection de la [Adresse 16], de la [Adresse 17] et la [Adresse 15]; que cette galerie rénovée en 1997 et 2013 est très bien entretenue, en bon état général avec une distribution fonctionnelle; qu'elle bénéficie d'un passage important de chalands grâce à la proximité de la [12], du [14] et des [11]; qu'elle est très bien desservie par les transports en commun, notamment par plusieurs lignes de métro et se trouve proche d'un parking public; que les locaux en cause se trouvant à proximité de l'entrée de la galerie située [Adresse 15], sont composés d'une boutique avec linéaire de façade d'environ 6,60 mètres ayant une aire de vente avec climatisation, faux plafond, rampe de spots, accessible aux personnes à mobilité réduite et fonctionnelle, d'un petit bureau et de sanitaires.

Les références de comparaison présentées par l'expert et prises en compte dans le jugement déféré comprennent à la fois des locations nouvelles, de renouvellements amiables et des fixations judiciaires de loyers. C'est à juste titre que l'expert à pris en compte la valeur locative telle qu'elle a été fixée lors de la conclusion ou du renouvellement des baux de référence et non pas la valeur à la date de la comparaison telle qu'elle résulte de l'indexation, comme le propose la bailleresse, les effets de l'indexation étant susceptibles de fausser l'appréciation de la valeur locative.

L'expert a retenu la surface indiquée au contrat de bail et non discutée par les parties de 50 m2.

L'expert présente trois locations nouvelles dans la galerie consenties entre 2008 et 2014, soit une boutique d'accessoires de mode FOSSIL : bail de 2008 portant sur 54 m2 à 2.829 €/m2, une bijouterie GUERIN bail de 2014 portant sur 80 m2 à 3.400 €/m2 et une boutique de parfumerie BOURJOIS portant sur 41 m2 à 4.000 €/m2. Ainsi que le souligne l'expert , il doit être tenu compte de la spécificité expliquant son prix élevé de la boutique BOURJOIS qui dispose d'une vitrine sur la [Adresse 16] donc d'une grande visibilité et d'une très bonne situation, puisqu'elle est à l'entrée de la galerie la plus visible face à la [12]. Bien que postérieure au renouvellement en cause, la location consentie à la boutique GUERIN en 2014 a été mentionnée à titre indicatif.

Le jugement déféré expose à juste titre que s'il est d'usage pour les locaux implantés dans un centre commercial de retenir comme éléments de comparaison d'autres boutiques implantées dans ce même centre en considérant qu'il s'agit d'une entité spécifique formant une unité propre de marché, le code de commerce n'impose pas de prendre exclusivement comme références les loyers des commerces situés au sein du même centre commercial mais se réfère aux loyers des locaux équivalents et à défaut de locaux équivalents, aux loyers du voisinage pouvant être pris en considération à titre indicatif sauf à être corrigés au regard des différences constatées entre le local loué et les locaux de référénce. Ainsi, faute de disposer de décisions judiciaires relatives à des baux de locaux situés dans la galerie commerciale, c'est à juste titre que l'expert a présenté à titre indicatif quatre loyers fixés judiciairement situés en dehors de la galerie entre 2011 et 2017 pour des biens situés [Adresse 15], [Adresse 16] et [Adresse 17] aux prix compris entre 1.400 et 1.900 €/m2 P, auxquels il a apporté d'importants correctifs puisque le loyer qu'il propose est très supérieur. La référence de loyer fixée à 1.900 € en février 2014 quelque mois après le renouvellement en cause, soit le même montant qu'un autre loyer fixé en 2013, a pu être mentionnée à titre indicatif en ce qu'elle contribue à avoir une image générale des prix pratiqués dans le quartier sans qu'il y ait lieu de l'écarter.

De même, l'expert explique que faute de disposer de références de baux renouvelés récemment dans la galerie commerciale, il a pris en considération parmi les huit valeurs de loyers de renouvellement fixés amiablement deux fixées en 2006 (1.900 €/m2, 2.100 €/m2) et quatre fixées en 2007 (2.185 €/m2, 2.280 €/m2, 2.280 €/m2 et 3.000 €/m2 pour une bijouterie PION). Il n'y a pas lieu d'écarter ces références au seul motif qu'elles sont anciennes, l'expert ayant tenu compte de leur ancienneté et de la tendance haussière, ainsi qu'il l'explique dans sa réponse au dire de la bailleresse, puisqu'il a proposé pour les locaux en cause une valeur au m2 très supérieure à celles convenues dans les renouvellements de 2006 et 2007 exceptée la bijouterie. L'expert a également retenu une valeur supérieure à celle du renouvellement plus récent de la boutique Agatha en janvier 2009 au prix de 2.545 €/m2.

C'est à juste titre que l'expert ne s'est pas contenté de la seule référence de renouvellement amiable récente soit le renouvellement en 2012 de TIE RACK moyennant un loyer de 3.600 €/m2 puisqu'il s'agit d'un établissement disposant d'autres caractéristiques que celui en cause, notamment d'une double façade à la fois sur le Passage et la [Adresse 15] où le flux de piétons est particulièrement intense, et par conséquent d'une bien meilleure visibilité et accessibilité que le local de l'intimée.

Ainsi, au regard des caractéristiques des baux de référence et de leur date, des éléments exposés ci-dessus relatifs au bail en cause notamment sa date de renouvellement, la surface donnée à bail, l'emplacement de la galerie commerciale mais aussi celui du local dans la galerie que l'expert admet dans sa réponse au dire du preneur comme n'étant pas le meilleur, de leur état, de l'activité exercée, de l'évolution des prix, le prix unitaire de 2.850 €/m2 proposé par l'expert et fixé par le jugement déféré apparaît adapté et sera retenu, soit compte tenu de la surface, une valeur locative de 142.500 € à la date du 16 septembre 2013.

Selon l'article L. 145-33 précité du code de commerce, le montant du loyer du bail renouvelé correspond à la valeur locative déterminée notamment au regard des obligations respectives des parties et selon l'article R. 145-8 du même code, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

Ainsi, s'agissant des charges incombant au bailleur sauf disposition expresse du bail, telles que notamment la taxe foncière et les grosses réparations visées par l'article 606 du code civil, si dans le contrat de bail ce dernier s'en est déchargé, cela constitue un facteur de diminution de la valeur locative qu'il convient de prendre en compte en application des textes susvisés, nonobstant la circonstance que ces charges seraient également imposées aux preneurs dans les baux de locaux présentés comme valeurs locatives de référence, cette circonstance n'étant pas de nature à faire obstacle à l'application l'article R. 145-8 précité (3ème Civ. 8/4/2021 , 19-23.183 ).

Il convient donc d'appliquer un abattement du fait des clauses exorbitantes du bail en cause mettant à la charge de la locataire les charges incombant à la bailleresse.

Ainsi que l'expose l'expert, en l'espèce, 'il s'agit d'un bail de type 'investisseur', laissant à la charge du locataire les clauses exorbitantes du droit commun.' Il est notamment stipulé à l'article 6 des conditions générales du bail que celui-ci est 'considéré net de toutes charges pour le bailleur', que le preneur devra régler pour sa quote-part la totalité des charges afférentes à la galerie commerciale qui supporte elle-même les charges de l'ensemble immobilier dont elle dépend, outre les charges spécifiques à la galerie. Parmi les charges énumérés à ces titres, sont comprises notamment celles relatives aux taxes foncières, à l'assurance de l'immeuble, aux gros travaux visés à l'article 606, aux travaux prescrits par l'administration. A ces charges s'ajoutent celles propres au local loué incluant les travaux visés à l'article 606 du code civil.

La bailleresse soutient, à titre subsidiaire, que pour l'année 2013 la somme des charges relatives à la taxe foncière, taxe sur les locaux commerciaux, charges générales de gros entretien, d'honoraires de gestion, d'assurance et de taxe de balayage s'élèveraient à un montant inférieur à l'abattement de 10 % de la valeur locative proposé par l'expert et retenu par le jugement déféré.

Cependant, il ressort des stipulations du bail que les charges exorbitantes pesant sur le preneur excèdent celles prisent en compte dans les calculs de la bailleresse. De plus, ces calculs ne concernent que l'année 2013, alors que les gros travaux et ceux prescrits par l'administration peuvent représenter des montants très différents selon les années.

Compte tenu de l'ensemble des clauses exorbitantes transférant des charges à la locataire, l'abattement de 10 % proposé par l'expert et appliqué par le jugement déféré est adapté et sera retenu.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 128.250 € en principal le montant annuel du loyer du bail renouvelé à compter du 16 septembre 2013 sur le local en cause N° 82 de la galerie commerciale '[13]' à [Localité 7] entre les parties à la présente procédure.

Il convient, en revanche, de l'infirmer en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à la capitalisation des intérêts et de dire que, conformément aux anciennes dispositions de l'article 1154 du code civil reprises à l'article 1343-2 du même code, les intérêts échus au moins pour une année entière produiront intérêts.

Sur les autres demandes

Il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des loyers commerciaux de condamner la locataire à régler la différence entre le loyer fixé et le loyer réglé depuis le 16 septembre 2013 ainsi qu'à régler les intérêts. De même, la demande tendant à voir condamner la locataire à payer cette différence ainsi que les intérêts au taux légal sur l'arriéré excède les pouvoirs de la cour d'appel, statuant sur l'appel d'une décision du juge des loyers commerciaux. Il n'y sera pas fait droit dans le cadre de la présente procédure visant à fixer le montant du loyer révisé, étant rappelé toutefois que la décision définitive fixant le montant du loyer constitue un titre exécutoire.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'exécution provisoire aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'dire et juger', dès lors qu'elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

La société Eurocommercial Properties Caumartin, qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de son demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Constate qu'après rectification de l'erreur matérielle l'affectant, selon l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 21 septembre 2023 la clôture de l'instruction a été prononcée le 21 septembre 2023 ;

Infirme le jugement rendu par juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 6 juillet 2020 (RG 17/9633) seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année et le confirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que les intérêts échus depuis le 3 juillet 2017 mais dus au moins pour une année entière produiront intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute la société Eurocommercial Properties Caumartin de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne la société Eurocommercial Properties Caumartin aux dépens.