Décisions
CA Bordeaux, ch. soc. B, 17 octobre 2024, n° 21/06306
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 17 OCTOBRE 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 21/06306 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MNMR
Fondation [6]
c/
Madame [S] [T]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 octobre 2021 (R.G. n°F 20/00310) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 17 novembre 2021.
APPELANTE :
Fondation [6], siège administratif : [Adresse 1],prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
Représentée et assistée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[S] [T]
née le 01 Mars 1973 à MAROC
de nationalité Française
Profession : Garde malade, demeurant [Adresse 2]
Représentée et assistée par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 septembre 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Valérie Collet, conseillère,
qui en ont délibéré.
greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCEDURE
Selon un contrat de travail à durée déterminée conclu le 3 août 2002, l'Association d'Action Sanitaire et Sociale d'Aquitaine a engagé Mme [S] [T] en qualité d'agent de service.
La convention collective applicable est celle des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.
Plusieurs contrats de travail à durée déterminée se sont succédé, à temps partiel et à temps complet.
Le 1er septembre 2003, Mme [T] a conclu un contrat à durée indéterminée à temps partiel, à mi-temps, en qualité d'agent de service.
A compter du 17 janvier 2004, Mme [T] a occupé un poste de garde malade, pour un temps partiel à 70%, selon avenant du 10 février 2004.
Plusieurs avenants ont été signés afin d'augmenter le temps de travail de Mme [T].
Par avenant du 11 mars 2009, la durée du temps de travail de Mme [T] a été fixée à temps plein pour la période du 22 septembre 2008 au 31 mars 2010, afin de lui permettre de suivre une formation d'aide médico psychologique.
Le 9 mai 2010, Mme [T] a été victime, lors de la dispense d'une toilette auprès d'un bénéficiaire, d'un accident de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle.
A compter du 1er juin 2010, la durée de travail de Mme [T] a définitivement été portée à temps plein.
Par courrier du 21 décembre 2012, la maison départementale des personnes handicapées de la Gironde (la MDPH de la Gironde en suivant) a informé Mme [T] de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2017.
Le 12 septembre 2013, le médecin du travail a déclaré Mme [T] apte à la reprise sur un poste à un temps partiel, avec une préconisation de ne pas effectuer de manutentions importantes.
A compter du 17 septembre 2013, Mme [T] a occupé un poste d'aide médico psychologique.
Le 26 octobre 2013, Mme [T] a déclaré une rechute au titre de l'accident du travail du 9 mai 2010; un arrêt de travail lui a été délivré, plusieurs fois renouvelé.
Lors de la visite de pré-reprise du 11 mars 2015, le médecin du travail a préconisé une reprise sur le poste d'aide médico psychologique, avec des soins limités, et suggéré une activité de jour.
Mme [T] a été en congé maternité du 1er janvier 2016 au 17 juin 2016.
A l'occasion de la visite de pré-reprise du 19 mai 2016, le médecin du travail a mentionné qu'un reclassement professionnel était à préparer avec une formation éventuelle en lien avec l'association [13].
A l'issue de ses congés payés du 18 juin 2016 au 15 septembre 2016, Mme [T] a bénéficié d'un congé parental du 16 septembre 2016 jusqu'au 1er mai 2018.
Par un courrier du 19 juin 2018, la MDPH de la Gironde a informé Mme [T] du renouvellement de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé,pour la période du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2020.
Du 2 mai 2018 au 20 juin 2019, Mme [T] a suivi une formation d'animatrice en gérontologie prise en charge, en partie, par l'association [13].
Le 2 juillet 2019, Mme [T] a été déclarée inapte par le médecin du travail à un poste nécessitant la manutention des personnes mais apte à un poste d'animation.
Le 26 juillet 2019, Mme [T] a été reçue par l'employeur à un entretien facultatif de reclassement.
Par courrier du 1er août 2019, l'employeur a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 août 2019, auquel Mme [T] ne s'est pas rendue. Mme [T] a reçu une seconde convocation, pour le 14 août 2019.
Mme [T] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de procéder à son reclassement par un courrier daté du 16 août 2019.
Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 28 février 2020 aux fins de contester son licenciement et de faire condamner la Fondation [6] venant aux droits de l'Association d'Action Sanitaire et Sociale d'Aquitaine à lui régler différentes sommes.
En l'absence de conciliation des parties, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a, par un jugement en date du 22 octobre 2021 :
- jugé que l'inaptitude de Mme [T] est d'origine professionnelle;
- jugé que la Fondation [6] n'a pas respecté son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement à l'égard de Mme [T] et s'est rendue fautive de discrimination au regard de son statut de travailleur handicapé;
- jugé que le licenciement de Mme [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
- condamné la Fondation [6] à verser à Mme [T] les sommes suivantes :
* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse,
* 5 785,65 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 578,57 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,
* 11 571,30 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
* 1 928,55 euros de dommages et intérêts pour ne pas avoir perçu l'indemnité
temporaire d'inaptitude;
- ordonné l'exécution provisoire d'une partie du jugement, à hauteur de 17 000 euros;
- condamné la Fondation [6] à verser à Mme [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté les parties de toutes autres demandes et prétentions;
- mis la totalité des dépens à la charge la Fondation [6] , ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 17 novembre 2021 la Fondation [6] a relevé appel dudit jugement en ce qu'il a :
- dit que l'inaptitude de Mme [T] est d'origine professionnelle;
- dit que la Fondation [6] n'a pas respecté son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement à l'égard de Mme [T] et s'est rendue fautive de discrimination au regard de son statut de travailleur handicapé;
- dit que le licenciement de Mme [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
- condamné la Fondation [6] à verser à Mme [T] les sommes suivantes :
* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse,
* 5 785,65 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 578,57 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,
* 11 571,30 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
* 1 928,55 euros de dommages et intérêts pour ne pas avoir perçu l'indemnité
temporaire d'inaptitude,
- ordonné l'exécution provisoire d'une partie dudit jugement, à hauteur de 17 000 euros,
- condamné la Fondation [6] à verser à Mme [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté les parties de toutes autres demandes et prétentions;
- mis la totalité des dépens à la charge de la Fondation [6] , ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 août 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience du 2 septembre 2024, pour être plaidée.
PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 20 juillet 2022, la Fondation [6] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a été condamnée au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui a résulté du non versement de l'indemnité temporaire d'inaptitude et en ce que l'origine professionnelle de l'inaptitude a été reconnue et a donné droit au doublement de l'indemnité légale de licenciement et au paiement d'une indemnité compensatrice dont le montant est toutefois équivalent à l'indemnité compensatrice de préavis; en cela,
- juger que le statut de travailleur handicapé a été pris en compte par l'employeur, qui ne s'est rendu coupable d'aucune discrimination en raison de ce statut;
- juger le licenciement régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse; en conséquence, débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes au titre d'un licenciement injustifié ou dépourvu de cause réelle et sérieuse;
- juger que le montant de l'indemnité compensatrice est équivalent à l'indemnité de préavis qui s'élève à la somme de 3 857,10 euros et que cette indemnité n'ouvre pas droit aux congés payés;
- juger que le montant restant à verser au titre de l'indemnité spéciale de licenciement s'élève à la somme de 7 131,23 euros net;
- 'confirmer le surplus';
- reconventionnellement, condamner Mme [T] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais éventuels d'exécution.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 16 juillet 2024, Mme [T] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 22 octobre 2021en toutes ses dispositions ; en conséquence, condamner la Fondation [6] à lui verser:
- au titre de la rupture du contrat de travail
* à titre principal, 30 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 et de l'article L. 1235-3-1 du code du travail
* à titre subsidiaire, 26 999,70 euros ( soit 14 mois de salaire ) sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
- au titre du préavis
* à titre principal, Mme [T] étant salariée handicapée et l'employeur ayant manqué à son obligation de reclassement, 5 785,65 euros et 578,57 euros au titre des congés payés afférents
* à titre subsidiaire, l'inaptitude étant d'origine professionnelle, 3 857,10 euros et 385,71 euros au titre des congés payés afférents
* à titre infiniment subsidiaire, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, 3 857,10 euros et 385,71 euros au titre des congés payés afférents,
- outre 11 571,30 euros de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
1 928,55 euros de dommages et intérêts pour ne pas avoir perçu l'indemnité temporaire d'inaptitude et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- y ajoutant,
- condamner la Fondation [6] à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel
- assortir les condamnations correspondant aux créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil des prudhommes
- assortir les condamnations indemnitaires des intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud'hommes pour les sommes accordées par le conseil et à compter de l'arrêt de la cour pour les sommes allouées par la cour
- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,
- débouter la Fondation [6] de l'ensemble de ses demandes;
- condamner la Fondation [6] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour relève en l'état des dernières conclusions de l'appelante que les dispositions du jugement déféré qui jugent l'inaptitude comme étant d'origine professionnelle et qui condamnent la Fondation [6] à payer une indemnité temporaire d'inaptitude ne sont plus discutées, qu'elles ne pourront dès lors qu'être confirmées.
I - Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
Sur le bien fondé du licenciement
Mme [T] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'une part parce que parce que la Fondation [6] a manqué à son obligation en matière de reclassement, d'autre part parce que la directrice des ressources humaines de la Fondation [6] n'avait pas qualité pour signer la lettre de licenciement,
Sur l'obligation de reclassement
La Fondation [6] fait valoir qu'elle a rempli l'obligation de reclassement qui s'impose à l'employeur en ce qu' elle a transmis à la salariée tous les postes à la fois disponibles ou sur le point de l'être et compatibles avec le poste qu'elle occupait précédemment et avec son état de santé; que Mme [T], dont le médecin du travail avait préconisé le reclassement sur un poste d'animatrice, a refusé les postes d'animatrice qu'elle lui a proposés ; qu'elle ne disposait d'aucun autre poste disponible ou susceptible d'être proposé à Mme [T] au regard des contre indications médicales posées par le médecin du travail, de ses compétences et/ou des diplômes requis; que les propositions qu'elle a adressées à Mme [T] étaient suffisamment précises; que Mme [T] les a déclinées non par manque de temps mais parce qu'elle allait perdre en rémunération; que les postes proposés étaient adaptés à son statut de travailleur handicapé et qu'elle n'avait pas à solliciter la SAMETH dès lors qu'aucun aménagement n'était nécessaire pour occuper cet emploi.
Elle ajoute qu'il ressort du procés-verbal de la réunion correspondante que les institutions représentatives du personnel ont été dûment convoquées et informées et qu'elles ont pu donner un avis éclairé sur les postes disponibles et répondant aux préconisations du médecin du travail.
Mme [T] fait valoir que la Fondation [6] ne rapporte pas la preuve qu'elle a mené des recherches sérieuses, loyales et renforcées eu égard à son statut de travailleur handicapé, en ce qu'elle ne produit les réponses que de six des onze établissements qui la composent,en ce qu'elle lui a proposé des postes en réalité pourvus, en ce que tous les postes disponibles ne lui ont pas été présentés, singulièrement au sein de la Résidence d'Aquitaine, de [12], du [8], en ce que les informations communiquées au comité économique et social étaient erronées, en ce que celles qu'elle a reçues étaient partielles et dans tous les cas insuffisantes puisque ne comportant aucune donnée sur la rémunération, la durée exacte de chaque CDD et la répartition du temps de travail, voire erronées s'agissant de la prime d'ancienneté, en ce que le délai de réflexion dont elle a disposé était insuffisant n'ayant jamais reçu le courrier du 12 juillet 2019.
Sur ce,
Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, en vigueur à compter du 1er janvier 2018, applicable en l'espèce, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
L'article L.1226-12 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, applicable en l'espèce, dispose que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Il ajoute que l'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L.1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
L'obligation de reclassement court à compter du jour de la visite de reprise et jusqu'au jour du licenciement au plus tard.
* En l'espèce,
- le 29 avril 2019, Mme [T] a écrit à la directrice des ressources humaines de l'établissement [16] pour poser sa candidature pour le poste alors vacant d'animatrice sociale; par un courrier du 16 mai 2019, l'établissement a informé Mme [T] que le poste était pourvu;
- le 13 juin 2019, Mme [T] a informé l'employeur qu'elle souhaitait réintégrer La Résidence d'Aquitaine sur un ETP 0,5 et intégrer [8] sur un ETP 0,5 à partir du 21 juin 2019 sur le poste d'animatrice vacant en CDD, ' en attendant le retour de la titulaire ou qu'un poste d'animatrice se libère en CDI';
- dans son avis du 2 juillet 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [T] ' inapte à un poste nécessitant la manutention des personnes; serait apte à un poste d'animation';
- par un courriel du 3 juillet 2019, la Fondation [6] a interrogé ses partenaires sur l'existence de postes d'animatrice disponibles au sein de leurs structures respectives;
- Mme [N], de l'établissement [10], et M. [U], de l'établissement [9], ont répondu le même jour par l'affirmative; le 9 juillet 2019, Mme [V] de La Résidence d'Aquitaine a indiqué qu'elle disposait d'un poste d'animatrice en CDD à compter du 3 août 2019 et M. [L] de l'établissement [8] que le poste d'animatrice en CDD à mi-temps était pourvu à compter du 3 août 2019;
- le 10 juillet 2019, les membres du comité économique et social ont convenu que la direction pouvait proposer à Mme [T] au titre des postes disponibles, outre le poste de médecin coordonnateur et celui d'ergothérapeute hors de ses compétences toutefois, celui d'animateur à [9] (33) s'agissant d'un poste à temps complet en CDD, à [10] (64) s'agissant d'un poste à mi-temps en CDI, à La Résidence d'Aquitaine (33) s'agissant d'un poste à mi-temps en CDD 'actuellement pourvu', dans l'établissement [8] (33) s'agissant d'un poste à mi-temps en CDD 'actuellement pourvu',dans l'établissement [12] (33) s'agissant d'un poste à mi-temps en CDD 'actuellement pourvu';
- par lettres recommandées avec accusé de réception du 12 juillet 2019, la Fondation [6] a informé Mme [T] et le médecin du travail qu'elle était en mesure de proposer un poste d'animateur, dans son établissement [9] à [Localité 4] en CDD à temps complet, dans son établissement [10] à [Localité 14] en CDI à mi temps, dans son établissement La Résidence d' Aquitaine à [Localité 11] en CDD ' actuellement pourvu' à mi-temps, dans son établissement [8] à [Localité 5] en CDD ' actuellement pourvu ' à mi-temps, dans son établissement [12] à [Localité 15] en CDD 'actuellement pourvu' à mi-temps;
- par un courrier du 16 juillet 2019, le médecin du travail a écrit à la Fondation [6] ' (...) Compte-tenu du fait que les postes proposés ne comportent pas de tâches de manutention de personnes, ils sont compatibles avec l'état de santé de Mme [T] (...)';
- par un courrier du 19 juillet 2019, la Fondation [6] a écrit à Mme [T] ' Pour faire suite à notre courrier du 12 juillet 2019, nous vous informons que le Médecin du travail, le docteur [P] [G] a répondu favorablement à notre demande de proposition de poste, indiquant que les postes proposés étaient compatibles avec votre état de santé. Nous souhaiterions vous rencontrer dans le cadre d'un entretien facultatif afin d'échanger sur ces propositions et ainsi finaliser votre reclassement. Nous vous proposons la date du mardi 23 juillet 2019 (...)';
- Mme [T] et Mme [M], pour l'employeur, se sont entretenues le 26 juillet 2019;
- dans un témoignage par attestation du 2 avril 2021, dont la force probante ne peut pas être entamée par la seule circonstance que son auteur est salariée de la Fondation [6], Mme [M] écrit : ' J'ai reçu Mme [T] le 26/7/19 à 11h. Au cours de cet entretien, nous avons échangé sur les différents postes qui pouvaient lui être proposés dans le cadre de son reclassement. Nous avons parcouru la liste des postes vacants. Je lui ai expliqué les différents postes ( CDD/CDI) et j'ai parlé des 21/2 proposés sur Résidence d'Aquitaine et [8]. Ces deux postes vacants en cdd pouvaient lui être proposés ce qui permettait qu'elle bénéficie d'un poste à temps complet. ( titulaire en arrêt de travail). Les CDD étant reconduits selon les arrêts maladie . Elle a souhaité avoir les différents horaires de travail sur les structures , je lui ai donc fourni; Nous avons ensuite évoqué le salaire du poste d'animateur. Je lui ai expliqué que son ancienneté au sein de l'association était maintenue mais pas valorisée sur le poste d'animateur car elle était juste diplômée. Puis je lui ai remis le document Questionnaire en vue d'un reclassement. Elle m'a proposé de le renvoyer par mail. Elle m'a ensuite informée qu'elle souhaitait un temps de réflexion suite à notre échange. Je lui ai répondu que nous attendions sa réponse dans un délai de 2à 3 jours';
- dans un courriel du 29 Juillet 2019 15h46 , Mme [T] a écrit: ' Bonjour Madame [E]. A la suite du vendredi 26 juillet 2019 à 11h00 sur le sujet du reclassement, Mme [M] ne m'a pas fait de proposition écrite et elle me demande une réponse soit le jour même soit mardi 30 juillet au plus tard. A ce jour je n'ai toujours pas reçu de proposition écrite de sa part ( salaire, prise en compte de mes 17 ans d'ancienneté ... ) qui m'auraient permis de prendre une décision rapidement. Mme [E] j'ai besoin d'avoir un entretien avec vous car peu importe la décision que je prendrai j'ai besoin d'échanger avec vous (...)';
- par courriel du même jour 17h05, auquel elle a joint une copie du courrier du 12 juillet 2019, Mme [D] a répondu : ' (...) Il s'agit de la procédure habituelle avec en particulier l'envoi le 12 juillet de l'intégralité des postes d'animatrices susceptibles de vous intéresser dans le respect des préconisations de la médecine du travail. L'objet de votre entretien du 30 juillet prévu initialement le 23 juillet et reporté à votre demande, était précisément de répondre à vos questions pour vous permettre de vous positionner. Un questionnaire remis à cette occasion par Mme [M] sert habituellement de guide pour échanger et accompagner la réflexion du salarié pendant l'entretien. Vous avez souhaité ne pas le renseigner au cours de cet entretien. Concernant la question du salaire, Madame [M] vous a fait part du montant brut d'un animateur débutant, ce qui correspondrait à votre situation actuelle. Pour rappel l'information déjà transmise est la suivante: 1 652,95 euros brut mensuel base temps complet. Concernant la question de l'ancienneté de 17 ans elle est conservée au titre de la présence au sein de la Fondation mais non valorisée au titre de la fonction d'animatrice. Elle est donc susceptible d'être mobilisée dans le calcul par exemple d'un solde de tout compte ( retraite, licenciement...). Dans l'hypothèse d'un positionnement effectif de votre part sur un des postes proposés un avenant au contrat de travail sera immédiatement établi. La procédure d'instruction d'une inaptitude est contrainte par des délais et par ailleurs le recrutement d'animateur sur les postes disponibles qui vous ont été proposés est gelé dans l'attente de votre décision. C'est pourquoi je suis prête à vous rencontrer dès demain à 10h00 afin de respecter les délais et recueillir dans la journée votre réponse écrite. Merci de me confirmer votre présence';
- le 30 juillet 2019 à 16h05, Mme [T] a écrit: ' Bonjour Madame [E]. Je ne peux pas passer aujourd'hui car j'ai un rendez-vous pour me renseigner sur mes droits et je passerai demain sans faute. Dans un cas similaire au mien, vous avez maintenu le salaire et l'ancienneté. Je ne comprends pas pourquoi vous me le refusez à moi qui suis plus que motivée. Madame, je me permets de vous rappeler que j'ai toujours effectué de l'animation chez vous à L'EHPAD [7] sur mes temps de pause. Je peux vous le prouver j'ai retrouvé un journal que je mettais en place tous les deux ou trois mois. Tout en exerçant ma fonction de soignante, je réalisais (....)';
- le 30 juillet 2019 16h46 , Mme [E] a écrit : ' Bonjour Mme [A]. Notre rendez-vous de ce jour venait de répondre à votre demande expresse d'hier. Vous m'avez informé ne pas être disponible et avez privilégié la solution d'un échange téléphonique au cours duquel j'ai essayé de répondre à toutes vos questions. Vous deviez nous faire part aujourd'hui de ce choix sur les différentes postes d'animatrices proposés conformes aux préconisations de la médecine du travail. Le mail reçu ce jour ne nous renseigne absolument pas sur ce choix et en conséquence la procédure normale suit son cours';
- le même jour à 18h25, Mme [T] a répondu : ' Chère Madame [E]. Je m'appelle Madame [T] et non [A] qui est mon adresse email, vous le savez après autant d'échanges. Pour faire suite à votre mail, bien sûr je vous l'envoie comme je vous l'ai dit dans mon précédent mail au plus tard demain. J'essaye quand même de vous le scanner cesoir si j'y arrive. Si je refuse vos conditions, j'aurais eu grand plaisir à échanger avec vous. Et si je reste je prendais grand plaisir à continuer d'échanger avec vous. Je vous remercie pour tout';
- Mme [T] a refusé les postes susmentionnés dans un courriel du 31 juillet 2019 libellé comme suit: ' Bonjour Mme [E]. A la suite de nos différents échanges je reviens vers vous pour vous donner la réponse tant attendue. Je suis très motivée pour accepter un des postes proposés mais malheureusement tout est fait pour me dissuader d'accepter. Dans le cas où je me positionne sur ce poste, je serai privée de ma prime d'ancienneté et en diminuant mon salaire de manière significative. Je trouve cela très injuste que vous refusiez de prendre ma prime d'ancienneté alors que cela a été accepté pour une ancienne collège de travail dans un cas similaire au mien. Je me vois donc dans l'obligation de décliner votre offre pour un poste d'animateur social. De plus mon contrat de travail initial était un CDI et tous les postes que vous me proposez sont en CDD ( à l'exception d'un poste en CDI à mi temps il se situe dans le 64 à des centaines de kilomètres)'.
Il s'en déduit de l'ensemble des échanges sus-mentionnés que la Fondation [6] a proposé à Mme [T] tous les postes d'animatrice disponibles sur la période de reclassement, peu important la mention ' actuellement pourvu' s'agissant des établissements La Résidence d'Aquitaine, [8] et [12], ses courriels de candidature du 29 avril 2019 et du 13 juin 2019 établissant en effet que Mme [T] savait que les postes étaient pouvus dans le cadre de contrats à durée déterminée pour les deux premiers et donc susceptibles d'être libérés.
Pour finir de répondre à l'argumentaire de Mme [T] s'agissant des postes proposés et des conditions dans lesquelles ils lui ont été proposés, la cour relève encore que:
- il n'est pas discutable, ni d'ailleurs discuté par Mme [T] qui se contente d'exposer ( conclusions intimée n° 2 page 7) que six réponses seulement sont produites, que la Fondation [6] a, dans le strict respect de son obligation, interrogé chacun des onze établissements qui la composent;
- il ne ressort d'aucune des dispositions des articles L.1226-10 et suivants du code du travail que les propositions de reclassement doivent être écrites et l'avenant au contrat de travail rédigé avant que le salarié n'ait fait connaître sa position à l'employeur;
- il se déduit des motifs de son refus - singulièrement et uniquement le montant du salaire, le refus de l'employeur de calculer sa prime d'ancienneté en fonctionnement de son temps de présence dans la fondation et l'éloignement - que Mme [T] disposait de toutes les informations suffisantes, au titre desquelles la nature du contrat et les horaires de travail, lorsqu'elle a décliné les propositions de reclassement ;
- le reclassement devant être recherché dans tous les postes disponibles, il peut en conséquence porter également sur des postes temporaires et emporter une baisse de la rémunération, étant précisé que Mme [T] ne rapporte pas la preuve que la valorisation de l'ancienneté accordée à une de ses collègues qu'elle allègue relève d'un usage;
- s'il ressort des listes de personnel produites par la Fondation [6] qu'étaient, en sus des postes proposés au reclassement , également disponibles un poste d'agent de service hôtelier, un poste d'aide soignante, un poste d'aide médico psychologique, un poste d'ergothérapeute, un poste d'infirmier et un poste de médecin coordinateur, il n'est pas discutable que Mme [T], à laquelle l'employeur n'était pas tenu d'assurer une formation initiale, ne pouvait occuper ni le poste de médecin coordonnateur, ni le poste d'infirmier, ni le poste d'ergothérapeute, que Mme [T] a été déclarée inapte à son poste d'aide médico psychologique, que la lecture de la fiche correspondante, singulièrement au titre de la mobilisation, établit que le poste d'aide soignante implique de la manutention de personnes.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la proposition faite à Mme [T] de la reclasser sur un poste d'animatrice sociale, conformément aux préconisations du médecin du travail et en adéquation avec son statut de travailleur handicapé, dans les conditions susmentionnées, caractérise de la part de la Fondation [6] une recherche de reclassement loyale et sérieuse.
* L'article L.1226-10 du code du travail n'impose aucune forme particulière pour consulter les délégués du personnel. L'employeur n'est donc tenu ni de les convoquer selon une forme particulière ( Soc., 23 mai 2017, pourvoi n° 15-24.713) ni de recueillir cet avis collectivement au cours d'une réunion. Il doit néanmoins fournir aux délégués du personnel toutes les informations utiles au reclassement pour leur permettre de donner un avis en connaissance de cause ( Cass. Soc., 29 février 2012, pourvoi n° 10-28.848).
En l'espèce, une convocation à un comité économique et social extraordinaire prévu le 10 juillet 2019 a été envoyée aux élus pour l'examen des possibilités de reclassement de Mme [T]; le courriel correspondant était accompagné de l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail.
Il ressort des mentions du procès-verbal dressé à la suite que le comité économique et social, en l'état des informations qui lui ont été communiquées et dont la cour a relevé pour les raisons sus-énoncées qu'elles n'étaient pas erronées, a donné son avis en connaissance de cause.
Le moyen tenant au manquement à l'obligation de reclassement n'est en conséquence pas retenu.
Sur la qualité de la signataire de la lettre de licenciement
La Fondation [6] fait valoir que sa directrice des ressources humaines a reçu une délégation de pouvoirs de son président lors de son embauche en 2018, qu'elle n'est pas un tiers à la fondation, qu'elle fait partie du personnel de direction.
Mme [T] fait valoir qu'en l'état des éléments du dossier seul le président de la fondation a le pouvoir de licencier, qu'à supposer qu'il ait le pouvoir de le déléguer cette délégation ne vaut qu'au bénéfice du directeur auquel la directrice des ressources humaines ne saurait être assimilée.
Sur ce,
Le défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, Mme [T] a été licenciée par un courrier du 16 août 2019, signé par la directrice des ressources humaines de la Fondation [6].
L'article 8 des statuts de la Fondation [6] prévoit: ' Le président représente la Fondation [6] dans tous les actes de la vie civile. Il ordonnance les dépenses. Il peut donner délégation dans les conditions définies par le règlement intérieur. Le président ne peut être représenté en justice que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale. Toutefois, le président peut consentir au directeur une procuration générale pour représenter la Fondation [6] dans les litiges qui touchent à la gestion courante dans les conditions définies par le règlement intérieur. Après avis du conseil d'administration, le président nomme le directeur de la Fondation. Il met fin à ses fonctions dans les mêmes conditions. (...)'.
Le réglement intérieur de la Fondation [6], dans sa version approuvée par les conseils d'administration du 1er septembre 2004 et du 15 décembre 2005, prévoit s'agissant des délégations:
- article 7 : ' Le Président peut donner délégation au Trésorier pour en son absence assurer l'ordonnancement des recettes et des dépenses. Il pourra de la même façon donner délégation au Directeur pour le réglement des dépenses courantes de gestion';
- article 8 : ' Le Président représente la Fondation dans tous les actes de la vie courante. Il peut cependant donner pouvoir à un Membre du conseil d'administration de le représenter, la procuration devra préciser la durée et les limites de la délégation ainsi donnée. Une procuration pourra également être donnée au Directeur pour représenter la Fondation dans les litiges de la vie courante de la Fondation. Le Directeur devra tenir informé le Président régulièrement de ces interventions.'.
Il s'en déduit que si le président de la Fondation [6] peut déléguer certains de ses pouvoirs au directeur de la fondation, cette possibilité est limitée au réglement des dépenses courantes de gestion et à la représentation de la fondation dans les litiges de la vie courante, de sorte que la délégation ne peut pas être considérée comme portant sur le pouvoir de licencier.
La cour relève encore qu'à supposer que la délégation de pouvoir des articles 8 susmentionnés emporte le pouvoir de licencier, elle ne peut en l'état du libellé des statuts et du règlement intérieur être donnée qu'au directeur de la fondation, auquel la directrice des ressources humaines ne peut pas être assimilée, étant précisé qu'il n'est au surplus justifié d'aucune subdélégation donnée par le directeur à la sous directrice des ressources humaines et que la délégation produite ne comporte aucune durée.
Le licenciement de Mme [T] ayant été notifié par une personne qui n'en avait pas le pouvoir est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est confirmé de ce chef, par substitution de motifs.
Sur les conséquences financières du licenciement
Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La Fondation [6] fait valoir que l'ancienneté de Mme [T] s'établit compte tenu des périodes de suspension de son contrat de travail à 16 années seulement et que Mme [T] ne justifie pas du préjudice dont elle demande l'indemnisation.
Mme [T] rappelle qu'elle justifiait d'une ancienneté de 17 ans et renvoie la cour à l'examen des relevés qu'elle a reçus de France Travail et de son organisme de sécurité sociale.
Sur ce,
Selon l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, version en vigueur depuis le 1er avril 2018, applicable, ' Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau figurant dans le texte.
Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.'.
Il est constant que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à la charge de l'employeur ne peut excéder, au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et au montant de son salaire brut, le montant maximal fixé par ce texte exprimé en mois de salaire brut (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.782).
En l'espèce, au regard de l'ancienneté de Mme [T] et de son âge au jour du licenciement, de ses périodes d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi et de sa capacité à retrouver un emploi, le préjudice qui a résulté de la perte de son emploi sera entièrement réparé par le versement d'une indemnité s'établissant à la somme de 8 000 euros, que la Fondation [6] est condamnée à lui payer. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.
Sur les indemnités de l'article L.1226 -14 du code du travail
Suivant les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail, ' La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.'
Il s'en déduit que les indemnités prévues ne sont dues que si le reclassement du salarié déclaré inapte s'est révélé impossible ou en cas de refus non abusif par le salarié inapte de l'emploi proposé ( Soc., 8 avril 2009, pourvoi n° 07-45.234; Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-18.966), comme en l'espèce.
1° Sur l'indemnité spéciale de licenciement
La Fondation [6] fait valoir qu'il ne peut s'agir que de doubler l'indemnité légale de licenciement.
Mme [T] ne conclut pas expressement de ce chef se contentant de se prévaloir de l'origine professionnelle de son inaptitude.
Sur ce,
L'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L.1226-14 du code du travail est, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, égale au double de l'indemnité légale prévue par l'article L. 1234-9 de ce code.
La règle du doublement de l'indemnité de licenciement ne vise, à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables, que l'indemnité légale prévue par l'article L.1234-9 du même code, et non l'indemnité conventionnelle de licenciement (Soc., 22 février 2000, n° 98-40.137). Les juges doivent donc procéder à une comparaison entre l'indemnité légale doublée et l'indemnité conventionnelle éventuellement prévue.
En l'espèce, il n'est pas contesté que l'employeur a versé la somme de 11571,30 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et que l'indemnité légale de licenciement s'établit à la somme de 9 351,26 euros, sommes non querellées dans leur montant.
L'indemnité conventionnelle de licenciement étant inférieure à l'indemnité légale doublée, la Fondation [6] reste devoir à Mme [T] la somme de 7 131,22 euros [ (9 351,26 x 2) - 11 571,30], qu'elle est condamnée à lui payer. Le jugement est infirmé de ce chef.
2° Sur l'indemnité compensatrice
La Fondation [6] fait valoir que n'ayant pas manqué à l'obligation de reclassement qui incombe à l'employeur l'indemnité compensatrice, au paiement de laquelle elle est tenue en considération de l'origine de l'inaptitude, correspond à l'indemnité compensatrice de préavis soit en l'espèce deux mois de salaire; que l'indemnité compensatrice n'ouvre pas droit aux congés payés.
Mme [T] fait valoir que son statut de travailleur handicapé et le manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement lui ouvrent droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis doublée.
Sur ce,
L'article L. 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5.
L'article L. 1234-5 du code du travail précise que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L'article L. 5213-9 du code du travail indique qu'en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les travailleurs handicapés, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis; toutefois ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.
Lorsqu'un salarié est licencié en raison d'une inaptitude d'origine professionnelle, l'article L.5213-9 du code du travail n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 1226-14 dudit code et le salarié ne peut prétendre au doublement du délai congé prévu par l'article L. 5213-9 du code du travail.
L'inaptitude de Mme [T] étant d'origine professionnelle, les dispositions de l'article L. 5213-9 du code du travail ne peuvent s'appliquer de sorte que l'indemnité compensatrice à laquelle elle peut prétendre résulte des seules dispositions de l'article L.1226-14.
Il lui sera, en conséquence, alloué la somme de 3 857,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice.
L'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, qui n'a la nature d'une créance salariale, n'ouvre pas droit à congés payés sur préavis. Mme [T] sera déboutée de sa demande d'indemnité de congés payés sur préavis.
Le jugement déféré est infirmé de ces chefs.
II - Sur les frais du procès
Le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions qui condamnent la Fondation [6] aux dépens et à payer la somme de 1 000 euros à Mme [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Fondation [6], qui succombe devant la cour, sera tenue aux dépens d'appel en même temps qu'elle sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irréptibles.
L'équité commande de ne pas laisser à Mme [T] la charge des frais irrépétibles qu'elle a engagés à hauteur d'appel. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la Fondation [6] sera condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros.
III - Sur les autres demandes
Les condamnations, s'agissant de créances salariales, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes.
Les condamnations, s'agissant de créances indemnitaires, porteront intérêts au taux à compter de la présente décision.
En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 22 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux dans ses dispositions qui jugent que l'inaptitude est d'origine professionnelle, qui jugent que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, par substitution de motifs, qui condamnent la Fondation [6] à payer à Mme [T] la somme de 1 928,55 euros au titre de l'indemnité temporaire d'inaptitude et la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,qui condamnent la Fondation [6] aux dépens;
Infirme le jugemment déféré pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la Fondation [6] à payer à Mme [S] [T]:
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 7 131,22 euros à titre de solde sur l'indemnité spéciale de licenciement,
- 3 857,10 euros à titre d'indemnité compensatrice;
Condamne la Fondation [6] aux dépens d'appel; en conséquence la déboute de sa demande au titre de ses frais irrépétibles;
Condamne la Fondation [6] à payer à Mme [S] [T]
2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel;
Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal, s'agissant des créances salariales à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, s'agissant de créances indemnitaires à compter de la présente décision;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps M.P. Menu
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
--------------------------
ARRÊT DU : 17 OCTOBRE 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 21/06306 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MNMR
Fondation [6]
c/
Madame [S] [T]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 octobre 2021 (R.G. n°F 20/00310) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 17 novembre 2021.
APPELANTE :
Fondation [6], siège administratif : [Adresse 1],prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
Représentée et assistée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[S] [T]
née le 01 Mars 1973 à MAROC
de nationalité Française
Profession : Garde malade, demeurant [Adresse 2]
Représentée et assistée par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 septembre 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Valérie Collet, conseillère,
qui en ont délibéré.
greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCEDURE
Selon un contrat de travail à durée déterminée conclu le 3 août 2002, l'Association d'Action Sanitaire et Sociale d'Aquitaine a engagé Mme [S] [T] en qualité d'agent de service.
La convention collective applicable est celle des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.
Plusieurs contrats de travail à durée déterminée se sont succédé, à temps partiel et à temps complet.
Le 1er septembre 2003, Mme [T] a conclu un contrat à durée indéterminée à temps partiel, à mi-temps, en qualité d'agent de service.
A compter du 17 janvier 2004, Mme [T] a occupé un poste de garde malade, pour un temps partiel à 70%, selon avenant du 10 février 2004.
Plusieurs avenants ont été signés afin d'augmenter le temps de travail de Mme [T].
Par avenant du 11 mars 2009, la durée du temps de travail de Mme [T] a été fixée à temps plein pour la période du 22 septembre 2008 au 31 mars 2010, afin de lui permettre de suivre une formation d'aide médico psychologique.
Le 9 mai 2010, Mme [T] a été victime, lors de la dispense d'une toilette auprès d'un bénéficiaire, d'un accident de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle.
A compter du 1er juin 2010, la durée de travail de Mme [T] a définitivement été portée à temps plein.
Par courrier du 21 décembre 2012, la maison départementale des personnes handicapées de la Gironde (la MDPH de la Gironde en suivant) a informé Mme [T] de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2017.
Le 12 septembre 2013, le médecin du travail a déclaré Mme [T] apte à la reprise sur un poste à un temps partiel, avec une préconisation de ne pas effectuer de manutentions importantes.
A compter du 17 septembre 2013, Mme [T] a occupé un poste d'aide médico psychologique.
Le 26 octobre 2013, Mme [T] a déclaré une rechute au titre de l'accident du travail du 9 mai 2010; un arrêt de travail lui a été délivré, plusieurs fois renouvelé.
Lors de la visite de pré-reprise du 11 mars 2015, le médecin du travail a préconisé une reprise sur le poste d'aide médico psychologique, avec des soins limités, et suggéré une activité de jour.
Mme [T] a été en congé maternité du 1er janvier 2016 au 17 juin 2016.
A l'occasion de la visite de pré-reprise du 19 mai 2016, le médecin du travail a mentionné qu'un reclassement professionnel était à préparer avec une formation éventuelle en lien avec l'association [13].
A l'issue de ses congés payés du 18 juin 2016 au 15 septembre 2016, Mme [T] a bénéficié d'un congé parental du 16 septembre 2016 jusqu'au 1er mai 2018.
Par un courrier du 19 juin 2018, la MDPH de la Gironde a informé Mme [T] du renouvellement de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé,pour la période du 1er décembre 2017 au 30 novembre 2020.
Du 2 mai 2018 au 20 juin 2019, Mme [T] a suivi une formation d'animatrice en gérontologie prise en charge, en partie, par l'association [13].
Le 2 juillet 2019, Mme [T] a été déclarée inapte par le médecin du travail à un poste nécessitant la manutention des personnes mais apte à un poste d'animation.
Le 26 juillet 2019, Mme [T] a été reçue par l'employeur à un entretien facultatif de reclassement.
Par courrier du 1er août 2019, l'employeur a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 août 2019, auquel Mme [T] ne s'est pas rendue. Mme [T] a reçu une seconde convocation, pour le 14 août 2019.
Mme [T] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de procéder à son reclassement par un courrier daté du 16 août 2019.
Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 28 février 2020 aux fins de contester son licenciement et de faire condamner la Fondation [6] venant aux droits de l'Association d'Action Sanitaire et Sociale d'Aquitaine à lui régler différentes sommes.
En l'absence de conciliation des parties, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a, par un jugement en date du 22 octobre 2021 :
- jugé que l'inaptitude de Mme [T] est d'origine professionnelle;
- jugé que la Fondation [6] n'a pas respecté son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement à l'égard de Mme [T] et s'est rendue fautive de discrimination au regard de son statut de travailleur handicapé;
- jugé que le licenciement de Mme [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
- condamné la Fondation [6] à verser à Mme [T] les sommes suivantes :
* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse,
* 5 785,65 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 578,57 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,
* 11 571,30 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
* 1 928,55 euros de dommages et intérêts pour ne pas avoir perçu l'indemnité
temporaire d'inaptitude;
- ordonné l'exécution provisoire d'une partie du jugement, à hauteur de 17 000 euros;
- condamné la Fondation [6] à verser à Mme [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté les parties de toutes autres demandes et prétentions;
- mis la totalité des dépens à la charge la Fondation [6] , ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 17 novembre 2021 la Fondation [6] a relevé appel dudit jugement en ce qu'il a :
- dit que l'inaptitude de Mme [T] est d'origine professionnelle;
- dit que la Fondation [6] n'a pas respecté son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement à l'égard de Mme [T] et s'est rendue fautive de discrimination au regard de son statut de travailleur handicapé;
- dit que le licenciement de Mme [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
- condamné la Fondation [6] à verser à Mme [T] les sommes suivantes :
* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse,
* 5 785,65 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 578,57 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,
* 11 571,30 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
* 1 928,55 euros de dommages et intérêts pour ne pas avoir perçu l'indemnité
temporaire d'inaptitude,
- ordonné l'exécution provisoire d'une partie dudit jugement, à hauteur de 17 000 euros,
- condamné la Fondation [6] à verser à Mme [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté les parties de toutes autres demandes et prétentions;
- mis la totalité des dépens à la charge de la Fondation [6] , ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 août 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience du 2 septembre 2024, pour être plaidée.
PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 20 juillet 2022, la Fondation [6] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a été condamnée au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui a résulté du non versement de l'indemnité temporaire d'inaptitude et en ce que l'origine professionnelle de l'inaptitude a été reconnue et a donné droit au doublement de l'indemnité légale de licenciement et au paiement d'une indemnité compensatrice dont le montant est toutefois équivalent à l'indemnité compensatrice de préavis; en cela,
- juger que le statut de travailleur handicapé a été pris en compte par l'employeur, qui ne s'est rendu coupable d'aucune discrimination en raison de ce statut;
- juger le licenciement régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse; en conséquence, débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes au titre d'un licenciement injustifié ou dépourvu de cause réelle et sérieuse;
- juger que le montant de l'indemnité compensatrice est équivalent à l'indemnité de préavis qui s'élève à la somme de 3 857,10 euros et que cette indemnité n'ouvre pas droit aux congés payés;
- juger que le montant restant à verser au titre de l'indemnité spéciale de licenciement s'élève à la somme de 7 131,23 euros net;
- 'confirmer le surplus';
- reconventionnellement, condamner Mme [T] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais éventuels d'exécution.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées au greffe par voie électronique le 16 juillet 2024, Mme [T] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 22 octobre 2021en toutes ses dispositions ; en conséquence, condamner la Fondation [6] à lui verser:
- au titre de la rupture du contrat de travail
* à titre principal, 30 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 et de l'article L. 1235-3-1 du code du travail
* à titre subsidiaire, 26 999,70 euros ( soit 14 mois de salaire ) sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
- au titre du préavis
* à titre principal, Mme [T] étant salariée handicapée et l'employeur ayant manqué à son obligation de reclassement, 5 785,65 euros et 578,57 euros au titre des congés payés afférents
* à titre subsidiaire, l'inaptitude étant d'origine professionnelle, 3 857,10 euros et 385,71 euros au titre des congés payés afférents
* à titre infiniment subsidiaire, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, 3 857,10 euros et 385,71 euros au titre des congés payés afférents,
- outre 11 571,30 euros de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
1 928,55 euros de dommages et intérêts pour ne pas avoir perçu l'indemnité temporaire d'inaptitude et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- y ajoutant,
- condamner la Fondation [6] à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel
- assortir les condamnations correspondant aux créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil des prudhommes
- assortir les condamnations indemnitaires des intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud'hommes pour les sommes accordées par le conseil et à compter de l'arrêt de la cour pour les sommes allouées par la cour
- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,
- débouter la Fondation [6] de l'ensemble de ses demandes;
- condamner la Fondation [6] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour relève en l'état des dernières conclusions de l'appelante que les dispositions du jugement déféré qui jugent l'inaptitude comme étant d'origine professionnelle et qui condamnent la Fondation [6] à payer une indemnité temporaire d'inaptitude ne sont plus discutées, qu'elles ne pourront dès lors qu'être confirmées.
I - Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
Sur le bien fondé du licenciement
Mme [T] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'une part parce que parce que la Fondation [6] a manqué à son obligation en matière de reclassement, d'autre part parce que la directrice des ressources humaines de la Fondation [6] n'avait pas qualité pour signer la lettre de licenciement,
Sur l'obligation de reclassement
La Fondation [6] fait valoir qu'elle a rempli l'obligation de reclassement qui s'impose à l'employeur en ce qu' elle a transmis à la salariée tous les postes à la fois disponibles ou sur le point de l'être et compatibles avec le poste qu'elle occupait précédemment et avec son état de santé; que Mme [T], dont le médecin du travail avait préconisé le reclassement sur un poste d'animatrice, a refusé les postes d'animatrice qu'elle lui a proposés ; qu'elle ne disposait d'aucun autre poste disponible ou susceptible d'être proposé à Mme [T] au regard des contre indications médicales posées par le médecin du travail, de ses compétences et/ou des diplômes requis; que les propositions qu'elle a adressées à Mme [T] étaient suffisamment précises; que Mme [T] les a déclinées non par manque de temps mais parce qu'elle allait perdre en rémunération; que les postes proposés étaient adaptés à son statut de travailleur handicapé et qu'elle n'avait pas à solliciter la SAMETH dès lors qu'aucun aménagement n'était nécessaire pour occuper cet emploi.
Elle ajoute qu'il ressort du procés-verbal de la réunion correspondante que les institutions représentatives du personnel ont été dûment convoquées et informées et qu'elles ont pu donner un avis éclairé sur les postes disponibles et répondant aux préconisations du médecin du travail.
Mme [T] fait valoir que la Fondation [6] ne rapporte pas la preuve qu'elle a mené des recherches sérieuses, loyales et renforcées eu égard à son statut de travailleur handicapé, en ce qu'elle ne produit les réponses que de six des onze établissements qui la composent,en ce qu'elle lui a proposé des postes en réalité pourvus, en ce que tous les postes disponibles ne lui ont pas été présentés, singulièrement au sein de la Résidence d'Aquitaine, de [12], du [8], en ce que les informations communiquées au comité économique et social étaient erronées, en ce que celles qu'elle a reçues étaient partielles et dans tous les cas insuffisantes puisque ne comportant aucune donnée sur la rémunération, la durée exacte de chaque CDD et la répartition du temps de travail, voire erronées s'agissant de la prime d'ancienneté, en ce que le délai de réflexion dont elle a disposé était insuffisant n'ayant jamais reçu le courrier du 12 juillet 2019.
Sur ce,
Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, en vigueur à compter du 1er janvier 2018, applicable en l'espèce, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
L'article L.1226-12 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, applicable en l'espèce, dispose que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Il ajoute que l'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L.1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
L'obligation de reclassement court à compter du jour de la visite de reprise et jusqu'au jour du licenciement au plus tard.
* En l'espèce,
- le 29 avril 2019, Mme [T] a écrit à la directrice des ressources humaines de l'établissement [16] pour poser sa candidature pour le poste alors vacant d'animatrice sociale; par un courrier du 16 mai 2019, l'établissement a informé Mme [T] que le poste était pourvu;
- le 13 juin 2019, Mme [T] a informé l'employeur qu'elle souhaitait réintégrer La Résidence d'Aquitaine sur un ETP 0,5 et intégrer [8] sur un ETP 0,5 à partir du 21 juin 2019 sur le poste d'animatrice vacant en CDD, ' en attendant le retour de la titulaire ou qu'un poste d'animatrice se libère en CDI';
- dans son avis du 2 juillet 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [T] ' inapte à un poste nécessitant la manutention des personnes; serait apte à un poste d'animation';
- par un courriel du 3 juillet 2019, la Fondation [6] a interrogé ses partenaires sur l'existence de postes d'animatrice disponibles au sein de leurs structures respectives;
- Mme [N], de l'établissement [10], et M. [U], de l'établissement [9], ont répondu le même jour par l'affirmative; le 9 juillet 2019, Mme [V] de La Résidence d'Aquitaine a indiqué qu'elle disposait d'un poste d'animatrice en CDD à compter du 3 août 2019 et M. [L] de l'établissement [8] que le poste d'animatrice en CDD à mi-temps était pourvu à compter du 3 août 2019;
- le 10 juillet 2019, les membres du comité économique et social ont convenu que la direction pouvait proposer à Mme [T] au titre des postes disponibles, outre le poste de médecin coordonnateur et celui d'ergothérapeute hors de ses compétences toutefois, celui d'animateur à [9] (33) s'agissant d'un poste à temps complet en CDD, à [10] (64) s'agissant d'un poste à mi-temps en CDI, à La Résidence d'Aquitaine (33) s'agissant d'un poste à mi-temps en CDD 'actuellement pourvu', dans l'établissement [8] (33) s'agissant d'un poste à mi-temps en CDD 'actuellement pourvu',dans l'établissement [12] (33) s'agissant d'un poste à mi-temps en CDD 'actuellement pourvu';
- par lettres recommandées avec accusé de réception du 12 juillet 2019, la Fondation [6] a informé Mme [T] et le médecin du travail qu'elle était en mesure de proposer un poste d'animateur, dans son établissement [9] à [Localité 4] en CDD à temps complet, dans son établissement [10] à [Localité 14] en CDI à mi temps, dans son établissement La Résidence d' Aquitaine à [Localité 11] en CDD ' actuellement pourvu' à mi-temps, dans son établissement [8] à [Localité 5] en CDD ' actuellement pourvu ' à mi-temps, dans son établissement [12] à [Localité 15] en CDD 'actuellement pourvu' à mi-temps;
- par un courrier du 16 juillet 2019, le médecin du travail a écrit à la Fondation [6] ' (...) Compte-tenu du fait que les postes proposés ne comportent pas de tâches de manutention de personnes, ils sont compatibles avec l'état de santé de Mme [T] (...)';
- par un courrier du 19 juillet 2019, la Fondation [6] a écrit à Mme [T] ' Pour faire suite à notre courrier du 12 juillet 2019, nous vous informons que le Médecin du travail, le docteur [P] [G] a répondu favorablement à notre demande de proposition de poste, indiquant que les postes proposés étaient compatibles avec votre état de santé. Nous souhaiterions vous rencontrer dans le cadre d'un entretien facultatif afin d'échanger sur ces propositions et ainsi finaliser votre reclassement. Nous vous proposons la date du mardi 23 juillet 2019 (...)';
- Mme [T] et Mme [M], pour l'employeur, se sont entretenues le 26 juillet 2019;
- dans un témoignage par attestation du 2 avril 2021, dont la force probante ne peut pas être entamée par la seule circonstance que son auteur est salariée de la Fondation [6], Mme [M] écrit : ' J'ai reçu Mme [T] le 26/7/19 à 11h. Au cours de cet entretien, nous avons échangé sur les différents postes qui pouvaient lui être proposés dans le cadre de son reclassement. Nous avons parcouru la liste des postes vacants. Je lui ai expliqué les différents postes ( CDD/CDI) et j'ai parlé des 21/2 proposés sur Résidence d'Aquitaine et [8]. Ces deux postes vacants en cdd pouvaient lui être proposés ce qui permettait qu'elle bénéficie d'un poste à temps complet. ( titulaire en arrêt de travail). Les CDD étant reconduits selon les arrêts maladie . Elle a souhaité avoir les différents horaires de travail sur les structures , je lui ai donc fourni; Nous avons ensuite évoqué le salaire du poste d'animateur. Je lui ai expliqué que son ancienneté au sein de l'association était maintenue mais pas valorisée sur le poste d'animateur car elle était juste diplômée. Puis je lui ai remis le document Questionnaire en vue d'un reclassement. Elle m'a proposé de le renvoyer par mail. Elle m'a ensuite informée qu'elle souhaitait un temps de réflexion suite à notre échange. Je lui ai répondu que nous attendions sa réponse dans un délai de 2à 3 jours';
- dans un courriel du 29 Juillet 2019 15h46 , Mme [T] a écrit: ' Bonjour Madame [E]. A la suite du vendredi 26 juillet 2019 à 11h00 sur le sujet du reclassement, Mme [M] ne m'a pas fait de proposition écrite et elle me demande une réponse soit le jour même soit mardi 30 juillet au plus tard. A ce jour je n'ai toujours pas reçu de proposition écrite de sa part ( salaire, prise en compte de mes 17 ans d'ancienneté ... ) qui m'auraient permis de prendre une décision rapidement. Mme [E] j'ai besoin d'avoir un entretien avec vous car peu importe la décision que je prendrai j'ai besoin d'échanger avec vous (...)';
- par courriel du même jour 17h05, auquel elle a joint une copie du courrier du 12 juillet 2019, Mme [D] a répondu : ' (...) Il s'agit de la procédure habituelle avec en particulier l'envoi le 12 juillet de l'intégralité des postes d'animatrices susceptibles de vous intéresser dans le respect des préconisations de la médecine du travail. L'objet de votre entretien du 30 juillet prévu initialement le 23 juillet et reporté à votre demande, était précisément de répondre à vos questions pour vous permettre de vous positionner. Un questionnaire remis à cette occasion par Mme [M] sert habituellement de guide pour échanger et accompagner la réflexion du salarié pendant l'entretien. Vous avez souhaité ne pas le renseigner au cours de cet entretien. Concernant la question du salaire, Madame [M] vous a fait part du montant brut d'un animateur débutant, ce qui correspondrait à votre situation actuelle. Pour rappel l'information déjà transmise est la suivante: 1 652,95 euros brut mensuel base temps complet. Concernant la question de l'ancienneté de 17 ans elle est conservée au titre de la présence au sein de la Fondation mais non valorisée au titre de la fonction d'animatrice. Elle est donc susceptible d'être mobilisée dans le calcul par exemple d'un solde de tout compte ( retraite, licenciement...). Dans l'hypothèse d'un positionnement effectif de votre part sur un des postes proposés un avenant au contrat de travail sera immédiatement établi. La procédure d'instruction d'une inaptitude est contrainte par des délais et par ailleurs le recrutement d'animateur sur les postes disponibles qui vous ont été proposés est gelé dans l'attente de votre décision. C'est pourquoi je suis prête à vous rencontrer dès demain à 10h00 afin de respecter les délais et recueillir dans la journée votre réponse écrite. Merci de me confirmer votre présence';
- le 30 juillet 2019 à 16h05, Mme [T] a écrit: ' Bonjour Madame [E]. Je ne peux pas passer aujourd'hui car j'ai un rendez-vous pour me renseigner sur mes droits et je passerai demain sans faute. Dans un cas similaire au mien, vous avez maintenu le salaire et l'ancienneté. Je ne comprends pas pourquoi vous me le refusez à moi qui suis plus que motivée. Madame, je me permets de vous rappeler que j'ai toujours effectué de l'animation chez vous à L'EHPAD [7] sur mes temps de pause. Je peux vous le prouver j'ai retrouvé un journal que je mettais en place tous les deux ou trois mois. Tout en exerçant ma fonction de soignante, je réalisais (....)';
- le 30 juillet 2019 16h46 , Mme [E] a écrit : ' Bonjour Mme [A]. Notre rendez-vous de ce jour venait de répondre à votre demande expresse d'hier. Vous m'avez informé ne pas être disponible et avez privilégié la solution d'un échange téléphonique au cours duquel j'ai essayé de répondre à toutes vos questions. Vous deviez nous faire part aujourd'hui de ce choix sur les différentes postes d'animatrices proposés conformes aux préconisations de la médecine du travail. Le mail reçu ce jour ne nous renseigne absolument pas sur ce choix et en conséquence la procédure normale suit son cours';
- le même jour à 18h25, Mme [T] a répondu : ' Chère Madame [E]. Je m'appelle Madame [T] et non [A] qui est mon adresse email, vous le savez après autant d'échanges. Pour faire suite à votre mail, bien sûr je vous l'envoie comme je vous l'ai dit dans mon précédent mail au plus tard demain. J'essaye quand même de vous le scanner cesoir si j'y arrive. Si je refuse vos conditions, j'aurais eu grand plaisir à échanger avec vous. Et si je reste je prendais grand plaisir à continuer d'échanger avec vous. Je vous remercie pour tout';
- Mme [T] a refusé les postes susmentionnés dans un courriel du 31 juillet 2019 libellé comme suit: ' Bonjour Mme [E]. A la suite de nos différents échanges je reviens vers vous pour vous donner la réponse tant attendue. Je suis très motivée pour accepter un des postes proposés mais malheureusement tout est fait pour me dissuader d'accepter. Dans le cas où je me positionne sur ce poste, je serai privée de ma prime d'ancienneté et en diminuant mon salaire de manière significative. Je trouve cela très injuste que vous refusiez de prendre ma prime d'ancienneté alors que cela a été accepté pour une ancienne collège de travail dans un cas similaire au mien. Je me vois donc dans l'obligation de décliner votre offre pour un poste d'animateur social. De plus mon contrat de travail initial était un CDI et tous les postes que vous me proposez sont en CDD ( à l'exception d'un poste en CDI à mi temps il se situe dans le 64 à des centaines de kilomètres)'.
Il s'en déduit de l'ensemble des échanges sus-mentionnés que la Fondation [6] a proposé à Mme [T] tous les postes d'animatrice disponibles sur la période de reclassement, peu important la mention ' actuellement pourvu' s'agissant des établissements La Résidence d'Aquitaine, [8] et [12], ses courriels de candidature du 29 avril 2019 et du 13 juin 2019 établissant en effet que Mme [T] savait que les postes étaient pouvus dans le cadre de contrats à durée déterminée pour les deux premiers et donc susceptibles d'être libérés.
Pour finir de répondre à l'argumentaire de Mme [T] s'agissant des postes proposés et des conditions dans lesquelles ils lui ont été proposés, la cour relève encore que:
- il n'est pas discutable, ni d'ailleurs discuté par Mme [T] qui se contente d'exposer ( conclusions intimée n° 2 page 7) que six réponses seulement sont produites, que la Fondation [6] a, dans le strict respect de son obligation, interrogé chacun des onze établissements qui la composent;
- il ne ressort d'aucune des dispositions des articles L.1226-10 et suivants du code du travail que les propositions de reclassement doivent être écrites et l'avenant au contrat de travail rédigé avant que le salarié n'ait fait connaître sa position à l'employeur;
- il se déduit des motifs de son refus - singulièrement et uniquement le montant du salaire, le refus de l'employeur de calculer sa prime d'ancienneté en fonctionnement de son temps de présence dans la fondation et l'éloignement - que Mme [T] disposait de toutes les informations suffisantes, au titre desquelles la nature du contrat et les horaires de travail, lorsqu'elle a décliné les propositions de reclassement ;
- le reclassement devant être recherché dans tous les postes disponibles, il peut en conséquence porter également sur des postes temporaires et emporter une baisse de la rémunération, étant précisé que Mme [T] ne rapporte pas la preuve que la valorisation de l'ancienneté accordée à une de ses collègues qu'elle allègue relève d'un usage;
- s'il ressort des listes de personnel produites par la Fondation [6] qu'étaient, en sus des postes proposés au reclassement , également disponibles un poste d'agent de service hôtelier, un poste d'aide soignante, un poste d'aide médico psychologique, un poste d'ergothérapeute, un poste d'infirmier et un poste de médecin coordinateur, il n'est pas discutable que Mme [T], à laquelle l'employeur n'était pas tenu d'assurer une formation initiale, ne pouvait occuper ni le poste de médecin coordonnateur, ni le poste d'infirmier, ni le poste d'ergothérapeute, que Mme [T] a été déclarée inapte à son poste d'aide médico psychologique, que la lecture de la fiche correspondante, singulièrement au titre de la mobilisation, établit que le poste d'aide soignante implique de la manutention de personnes.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la proposition faite à Mme [T] de la reclasser sur un poste d'animatrice sociale, conformément aux préconisations du médecin du travail et en adéquation avec son statut de travailleur handicapé, dans les conditions susmentionnées, caractérise de la part de la Fondation [6] une recherche de reclassement loyale et sérieuse.
* L'article L.1226-10 du code du travail n'impose aucune forme particulière pour consulter les délégués du personnel. L'employeur n'est donc tenu ni de les convoquer selon une forme particulière ( Soc., 23 mai 2017, pourvoi n° 15-24.713) ni de recueillir cet avis collectivement au cours d'une réunion. Il doit néanmoins fournir aux délégués du personnel toutes les informations utiles au reclassement pour leur permettre de donner un avis en connaissance de cause ( Cass. Soc., 29 février 2012, pourvoi n° 10-28.848).
En l'espèce, une convocation à un comité économique et social extraordinaire prévu le 10 juillet 2019 a été envoyée aux élus pour l'examen des possibilités de reclassement de Mme [T]; le courriel correspondant était accompagné de l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail.
Il ressort des mentions du procès-verbal dressé à la suite que le comité économique et social, en l'état des informations qui lui ont été communiquées et dont la cour a relevé pour les raisons sus-énoncées qu'elles n'étaient pas erronées, a donné son avis en connaissance de cause.
Le moyen tenant au manquement à l'obligation de reclassement n'est en conséquence pas retenu.
Sur la qualité de la signataire de la lettre de licenciement
La Fondation [6] fait valoir que sa directrice des ressources humaines a reçu une délégation de pouvoirs de son président lors de son embauche en 2018, qu'elle n'est pas un tiers à la fondation, qu'elle fait partie du personnel de direction.
Mme [T] fait valoir qu'en l'état des éléments du dossier seul le président de la fondation a le pouvoir de licencier, qu'à supposer qu'il ait le pouvoir de le déléguer cette délégation ne vaut qu'au bénéfice du directeur auquel la directrice des ressources humaines ne saurait être assimilée.
Sur ce,
Le défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, Mme [T] a été licenciée par un courrier du 16 août 2019, signé par la directrice des ressources humaines de la Fondation [6].
L'article 8 des statuts de la Fondation [6] prévoit: ' Le président représente la Fondation [6] dans tous les actes de la vie civile. Il ordonnance les dépenses. Il peut donner délégation dans les conditions définies par le règlement intérieur. Le président ne peut être représenté en justice que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale. Toutefois, le président peut consentir au directeur une procuration générale pour représenter la Fondation [6] dans les litiges qui touchent à la gestion courante dans les conditions définies par le règlement intérieur. Après avis du conseil d'administration, le président nomme le directeur de la Fondation. Il met fin à ses fonctions dans les mêmes conditions. (...)'.
Le réglement intérieur de la Fondation [6], dans sa version approuvée par les conseils d'administration du 1er septembre 2004 et du 15 décembre 2005, prévoit s'agissant des délégations:
- article 7 : ' Le Président peut donner délégation au Trésorier pour en son absence assurer l'ordonnancement des recettes et des dépenses. Il pourra de la même façon donner délégation au Directeur pour le réglement des dépenses courantes de gestion';
- article 8 : ' Le Président représente la Fondation dans tous les actes de la vie courante. Il peut cependant donner pouvoir à un Membre du conseil d'administration de le représenter, la procuration devra préciser la durée et les limites de la délégation ainsi donnée. Une procuration pourra également être donnée au Directeur pour représenter la Fondation dans les litiges de la vie courante de la Fondation. Le Directeur devra tenir informé le Président régulièrement de ces interventions.'.
Il s'en déduit que si le président de la Fondation [6] peut déléguer certains de ses pouvoirs au directeur de la fondation, cette possibilité est limitée au réglement des dépenses courantes de gestion et à la représentation de la fondation dans les litiges de la vie courante, de sorte que la délégation ne peut pas être considérée comme portant sur le pouvoir de licencier.
La cour relève encore qu'à supposer que la délégation de pouvoir des articles 8 susmentionnés emporte le pouvoir de licencier, elle ne peut en l'état du libellé des statuts et du règlement intérieur être donnée qu'au directeur de la fondation, auquel la directrice des ressources humaines ne peut pas être assimilée, étant précisé qu'il n'est au surplus justifié d'aucune subdélégation donnée par le directeur à la sous directrice des ressources humaines et que la délégation produite ne comporte aucune durée.
Le licenciement de Mme [T] ayant été notifié par une personne qui n'en avait pas le pouvoir est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est confirmé de ce chef, par substitution de motifs.
Sur les conséquences financières du licenciement
Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La Fondation [6] fait valoir que l'ancienneté de Mme [T] s'établit compte tenu des périodes de suspension de son contrat de travail à 16 années seulement et que Mme [T] ne justifie pas du préjudice dont elle demande l'indemnisation.
Mme [T] rappelle qu'elle justifiait d'une ancienneté de 17 ans et renvoie la cour à l'examen des relevés qu'elle a reçus de France Travail et de son organisme de sécurité sociale.
Sur ce,
Selon l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, version en vigueur depuis le 1er avril 2018, applicable, ' Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau figurant dans le texte.
Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.'.
Il est constant que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à la charge de l'employeur ne peut excéder, au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et au montant de son salaire brut, le montant maximal fixé par ce texte exprimé en mois de salaire brut (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.782).
En l'espèce, au regard de l'ancienneté de Mme [T] et de son âge au jour du licenciement, de ses périodes d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi et de sa capacité à retrouver un emploi, le préjudice qui a résulté de la perte de son emploi sera entièrement réparé par le versement d'une indemnité s'établissant à la somme de 8 000 euros, que la Fondation [6] est condamnée à lui payer. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.
Sur les indemnités de l'article L.1226 -14 du code du travail
Suivant les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail, ' La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.'
Il s'en déduit que les indemnités prévues ne sont dues que si le reclassement du salarié déclaré inapte s'est révélé impossible ou en cas de refus non abusif par le salarié inapte de l'emploi proposé ( Soc., 8 avril 2009, pourvoi n° 07-45.234; Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-18.966), comme en l'espèce.
1° Sur l'indemnité spéciale de licenciement
La Fondation [6] fait valoir qu'il ne peut s'agir que de doubler l'indemnité légale de licenciement.
Mme [T] ne conclut pas expressement de ce chef se contentant de se prévaloir de l'origine professionnelle de son inaptitude.
Sur ce,
L'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L.1226-14 du code du travail est, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, égale au double de l'indemnité légale prévue par l'article L. 1234-9 de ce code.
La règle du doublement de l'indemnité de licenciement ne vise, à défaut de dispositions conventionnelles plus favorables, que l'indemnité légale prévue par l'article L.1234-9 du même code, et non l'indemnité conventionnelle de licenciement (Soc., 22 février 2000, n° 98-40.137). Les juges doivent donc procéder à une comparaison entre l'indemnité légale doublée et l'indemnité conventionnelle éventuellement prévue.
En l'espèce, il n'est pas contesté que l'employeur a versé la somme de 11571,30 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et que l'indemnité légale de licenciement s'établit à la somme de 9 351,26 euros, sommes non querellées dans leur montant.
L'indemnité conventionnelle de licenciement étant inférieure à l'indemnité légale doublée, la Fondation [6] reste devoir à Mme [T] la somme de 7 131,22 euros [ (9 351,26 x 2) - 11 571,30], qu'elle est condamnée à lui payer. Le jugement est infirmé de ce chef.
2° Sur l'indemnité compensatrice
La Fondation [6] fait valoir que n'ayant pas manqué à l'obligation de reclassement qui incombe à l'employeur l'indemnité compensatrice, au paiement de laquelle elle est tenue en considération de l'origine de l'inaptitude, correspond à l'indemnité compensatrice de préavis soit en l'espèce deux mois de salaire; que l'indemnité compensatrice n'ouvre pas droit aux congés payés.
Mme [T] fait valoir que son statut de travailleur handicapé et le manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement lui ouvrent droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis doublée.
Sur ce,
L'article L. 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5.
L'article L. 1234-5 du code du travail précise que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L'article L. 5213-9 du code du travail indique qu'en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les travailleurs handicapés, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis; toutefois ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.
Lorsqu'un salarié est licencié en raison d'une inaptitude d'origine professionnelle, l'article L.5213-9 du code du travail n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 1226-14 dudit code et le salarié ne peut prétendre au doublement du délai congé prévu par l'article L. 5213-9 du code du travail.
L'inaptitude de Mme [T] étant d'origine professionnelle, les dispositions de l'article L. 5213-9 du code du travail ne peuvent s'appliquer de sorte que l'indemnité compensatrice à laquelle elle peut prétendre résulte des seules dispositions de l'article L.1226-14.
Il lui sera, en conséquence, alloué la somme de 3 857,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice.
L'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, qui n'a la nature d'une créance salariale, n'ouvre pas droit à congés payés sur préavis. Mme [T] sera déboutée de sa demande d'indemnité de congés payés sur préavis.
Le jugement déféré est infirmé de ces chefs.
II - Sur les frais du procès
Le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions qui condamnent la Fondation [6] aux dépens et à payer la somme de 1 000 euros à Mme [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Fondation [6], qui succombe devant la cour, sera tenue aux dépens d'appel en même temps qu'elle sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irréptibles.
L'équité commande de ne pas laisser à Mme [T] la charge des frais irrépétibles qu'elle a engagés à hauteur d'appel. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la Fondation [6] sera condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros.
III - Sur les autres demandes
Les condamnations, s'agissant de créances salariales, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes.
Les condamnations, s'agissant de créances indemnitaires, porteront intérêts au taux à compter de la présente décision.
En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 22 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux dans ses dispositions qui jugent que l'inaptitude est d'origine professionnelle, qui jugent que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, par substitution de motifs, qui condamnent la Fondation [6] à payer à Mme [T] la somme de 1 928,55 euros au titre de l'indemnité temporaire d'inaptitude et la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,qui condamnent la Fondation [6] aux dépens;
Infirme le jugemment déféré pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la Fondation [6] à payer à Mme [S] [T]:
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 7 131,22 euros à titre de solde sur l'indemnité spéciale de licenciement,
- 3 857,10 euros à titre d'indemnité compensatrice;
Condamne la Fondation [6] aux dépens d'appel; en conséquence la déboute de sa demande au titre de ses frais irrépétibles;
Condamne la Fondation [6] à payer à Mme [S] [T]
2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel;
Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal, s'agissant des créances salariales à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, s'agissant de créances indemnitaires à compter de la présente décision;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps M.P. Menu