Décisions
CA Bordeaux, 2e ch. civ., 17 octobre 2024, n° 21/03446
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 17 OCTOBRE 2024
N° RG 21/03446 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFFJ
[I] [L]
c/
[C] [E]
S.C.P. NICOLAS PEYRE, MARIE-CÉLINE CROQUET, ROMAIN ILLHE ET AGNÈS NUGERE
S.C.P. ANNIE NAVARRI, LAURENT MARSANT ET [X] [F]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 avril 2021 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 18/6073) suivant déclaration d'appel du 16 juin 2021
APPELANTE :
[I] [L]
née le 28 Novembre 1974 à [Localité 14]
de nationalité Française
Profession : Professeur des écoles,
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Stéphane DESPAUX de la SELARL STÉPHANE DESPAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
[C] [E]
née le 25 Mars 1964 à [Localité 13]
de nationalité Française
Profession : Secrétaire,
demeurant [Adresse 6]
Représentée par Me PASQUET substituant Me Caroline SALVIAT de la SELAS SALVIAT + JULIEN-PIGNEUX + PUGET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.P. NICOLAS PEYRE, MARIE-CÉLINE CROQUET, ROMAIN ILLHE ET AGNÈS NUGERE
anciennement dénommée la S.C.P NICOLAS PEYRE, MARIE CELINE CROQUET,
ROMAIN ILLHE, notaires, société immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 331 386 565, dont le siège social est sis [Adresse 11]
S.C.P. ANNIE NAVARRI, LAURENT MARSANT ET [X] [F]
notaires associés, société immatriculée au RCS de [Localité 13] sous le numéro 338 902 232, dont le siège social est [Adresse 2]
Représentées par Me HARDY substituant Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 03 septembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
En présence de Madame [B] [Y], élève avocat
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte reçu le 5 mai 2017 par M. [X] [F], notaire à [Localité 15], Mme [I] [L] a acquis de Mme [C] [E] une maison d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 17] [Adresse 16], cadastrée section AX n°[Cadastre 9] d'une contenance de 36 ca, comprenant au rez-de-chaussée une entrée, un salon-séjour, une cuisine américaine et à l'étage deux chambres, une salle d'eau, un WC, une mezzanine et une cour.
Informée de ce que la cour située à l'arrière de sa maison serait en fait la propriété de la SNCF, Mme [L] a fait assigner le 3 juillet 2018 devant le tribunal judiciaire de Bordeaux d'une part Mme [C] [E] en garantie de conformité et d'éviction et dommages et intérêts et d'autre part la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaire rédacteur de l'acte, en responsabilité et indemnisation.
Mme [C] [E], dans l'hypothèse où la demande de Mme [L] serait accueillie, a appelé à sa garantie par acte du 8 janvier 2019 la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Choquet et Romain Illhe, notaires associés à [Localité 12], venant aux droits de M. [A], notaire qui avait reçu l'acte authentique par lequel elle avait acquis le bien.
Parallèlement, Mme [L], faisant état d'une humidité excessive de sa maison causée par les eaux de ruissellement s'écoulant dans sa cour et provenant des terrains en surplomb de sa voisine, la SNCF, a saisi par requête enregistrée le 29 juillet 2019 le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux aux fins d'expertise. Par ordonnance en date du 11 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif a ordonné une expertise confiée à Mme [M] avec mission pour l'essentiel de décrire les désordres affectant l'immeuble de Mme [L].
Par jugement en date du 29 avril 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté Mme [T] [L] de ses demandes ;
- l'a condamnée à payer d'une part à Mme [C] [E] et d'autre part à la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaires associés à Cenon et à la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Choquet et Romain Illhe, notaires associés à Ambares Lagrave une somme de 1200 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Par déclaration électronique du 16 juin 2021, Mme [I] [L] a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 8 août 2024, Mme [I] [L] demande à la cour de :
- réformer intégralement la décision entreprise par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 29 avril 2021 ;
Statuant à nouveau,
- La déclarer recevable et bien fondée de l'ensemble de ses demandes et prétentions;;
- Dire et juger que la responsabilité contractuelle de Mme [E] est engagée ;
- Dire et juger que la responsabilité civile de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaires associés est engagée sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;
- Condamner Mme [E] à lui verser la somme de 20 000 € au titre du remboursement de la moins-value de l'immeuble acheté ;
- La condamner à lui verser la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral subi ;
- Condamner la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] de Giacomoni, notaires associés à lui verser la somme de 30 000 € en raison de la perte de chance de ne pas conclure le contrat de vente ;
En tout état de cause,
- Condamner solidairement Mme [E] et la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaires associés à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Les condamner aux entiers dépens ;
Dans ses dernières conclusions du 5 août 2024, Mme [C] [E] demande à la cour de :
À titre principal,
- Confirmer en tout point le jugement entrepris ;
- Débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Confirmer le jugement concernant la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
- Condamner Mme [L] à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
À titre subsidiaire,
- Dire et juger que ses demandes indemnitaires ne sont, en toute hypothèse, pas justifiées ;
- Débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle ;
En tout état de cause,
- Condamner la Société Civile Professionnelle Nicolas [Localité 20]-Marie-Céline Croquet-[Localité 21] Illhe à la relever indemne de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit de Mme [L] ;
- La débouter de son appel incident ;
En toute hypothèse,
- Condamner Mme [L] ou toute partie succombante à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions du 19 juillet 2024, la SCP Navarri, Marsant et Giacomoni et la SELARL Peyre Croquet Illhe et Nugère demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 29 avril 2021 ;
- Débouter Mme [L] de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F] ;
- Débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe ;
- Condamner toute partie succombante à verser à la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F] et à la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe une somme de 3 000 euros chacune par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocat, sur ses affirmations de droit.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 août 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur les demandes formées par Mme [L] à l'encontre de Mme [E].
Mme [L] soutient que la responsabilité contractuelle de Mme [E] est engagée, sur le fondement de l'obligation de délivrance de l'article 1604 du code civil, et, à titre complémentaire, sur celui de la garantie d'éviction de l'article 1637 du code civil. Elle expose que la cour litigieuse est bien la propriété de la SNCF, comme le démontrent les nouvelles pièces produites devant la cour d'appel. Elle ajoute que la SNCF a revendiqué la propriété de la cour litigieuse et sollicite une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre du remboursement de la moins-value de l'immeuble acheté, sur le fondement de la garantie d'éviction.
En réplique, Mme [E] fait valoir que les nouvelles pièces versées par Mme [L] ne prouvent, ni la réalité de la propriété de la cour par la SNCF, ni encore la revendication par cette dernière de la cour litigieuse, le rapport de Mme [Z] du 4 avril 2022 étant non contradictoire et les deux lettres simples de la société Nexity se présentant comme gestionnaire du patrimoine foncier de la SNCF n'étant pas de nature à justifier la réunion des conditions d'exercice de l'action en garantie d'éviction, en l'absence de revendication de la cour par la SNCF.
* * *
L'article 1603 du code civil dispose que le vendeur a deux obligations principales, ' celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend '; l'article 1604 du code civil prévoit quant à lui que ' la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur '.
L'article 1637 du code civil dispose par ailleurs que ' si dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur '.
Il est constant d'une part que le vendeur est tenu de délivrer à l'acquéreur un bien conforme à la stipulation de l'acte de vente, et, d'autre part, que la garantie d'éviction a pour objet d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue après la délivrance de la chose vendue.
En l'espèce, l'acte de vente versé aux débats par Mme [L] fait mention d'une cour (pièce 1 Mme [L]).
Pour rejeter la demande de Mme [L], le tribunal a considéré qu'elle ne démontrait pas ne pas être propriétaire de la cour, qu'elle ne peut reprocher à Mme [E] d'avoir manqué à son obligation de délivrance, dans la mesure où elle dispose de la petite cour, ni d'avoir manqué à son obligation de garantie d'éviction, la SNCF au vu des pièces produites n'ayant pas revendiqué la propriété de la bande de terre sur laquelle cette cour prend appui ni même fait état d'une telle intention.
Outre les pièces produites en première instance, Mme [L] produit de nouveaux éléments devant la cour d'appel.
Tout d'abord, elle verse aux débats une note technique, établie à sa demande par Mme [Z], géomètre-expert de la compagnie Geosat (pièce 16 Mme [L]).
Cette note technique n'a, ainsi que l'observe Mme [E] pas été établie contradictoirement, mais il est cependant constant qu'elle a été soumise à la discussion des parties et peut constituer un moyen de preuve si elle est corroborée par d'autres éléments.
Mme [Z], géomètre, dont il convient de relever qu'elle a effectué les diligences suivantes: visites des lieux, analyse des méthodes de construction du mur de soutènement, coupe de l'ouvrage SNCF, conclut que:
' le plan parcellaire réalisé par M.[R] géomètre missionné en 1991 pour préparer une partie de la vente de la parcelle AX [Cadastre 7] fait apparaître la limite actuelle du domaine ferroviaire,
cette limite est au mur de façade arrière de la maison de Mme [L], et que par conséquent la cour fait partie du domaine de la SNCF, que la cour dissimule ainsi le pied du mur de soutènement et le fossé,
la superficie de la maison, correspond à la contenance cadastrale de la parcelle AX417 sans la cour,
l'emprise de la parcelle AX [Cadastre 9] correspond à l'emprise de la partie bâtie uniquement (maison d'habitation)
la cour n'est donc pas intégrée dans la parcelle AX [Cadastre 1]".
Outre cette note, Mme [L] produit deux courriers émanant de la société Nexity agissant en qualité de gestionnaire du patrimoine foncier et immobilier de SNCF lmmobilier, le premier en date du 26 janvier 2018 aux termes duquel NEXITY confirme ' que la SNCF RESEAU est bien propriétaire de la parcelle cadastrée section AX N° [Cadastre 7]... d'une superficie de 24 620 m2 ', soit la parcelle jouxtant la cour litigieuse, un courrier du 6 mars 2018 émanant également de NEXITY aux termes duquel NEXITY énonce ' par courriel en date du 27 octobre 2017, vous nous avez fait part de votre souhait d'acquérir une partie de la parcelle appartenant à SNCF RESEAU cadastrée section AX N°[Cadastre 7] pour environ 6 m2 correspondant à une cour jouxtant votre maison. Après étude de votre dossier, nous sommes au regret de vous informer que la SNCF n'est pas en mesure de vous céder ce bien, celui-ci étant nécessaire au maintien du mur de soutènement du tunnel ferroviaire' (pièces 12 et 13 Mme [L]).
Si les pièces produites en première instance, en l'espèce l'extrait de relevé cadastral, les fiches hypothécaires, et l'expertise réalisée par Mme [M] ne permettent pas d'attester de la propriété de la SNCF sur la courette, en revanche il résulte des pièces produites en cause d'appel, et notamment de la note technique de Mme [Z], étayée par les courriers de Nexity, que la cour litigieuse est clairement la propriété de la SNCF.
Or, Mme [L] a acquis un bien immobilier comportant une cour.
Dès lors, Mme [E] a manqué à son obligation de délivrance, en ce qu'elle n'a pas délivré un immeuble conforme aux stipulations contractuelles.
A l'appui de sa demande de dommages et intérêts au titre du remboursement de la moins-value de l'immeuble, Mme [L], outre les deux courriers précités de la société Nexity, produit un courrier émanant toujours de Nexity en date du 16 juillet 2019 qui mentionne 'par ailleurs, la SNCF réseau a noté certains aménagements qui semblent être réalisés sur le domaine pubic ferroviaire (terrasses et jardins). Ces aménagements, s'ils sont sur nos emprises sont constitutifs d'une contravention de grande voirie, en ce qu'il porte atteinte à l'intégrité du domaine public ainsi qu'aux servitudes instituées par conservation. Ces aménagements devront être supprimés' (pièce 14 Mme [L]).
Si cette dernière pièce ne peut à elle seule caractériser un trouble actuel subi par Mme [L], en l'absence notamment d'action judiciaire intentée par la SNCF, comme le soulignent les intimés, en revanche, le refus de cession de la cour par la SNCF réseau, formalisé dans son courrier du 6 mars 2018(pièce 13 Mme [L]), constitue quant à lui un trouble actuel et non seulement éventuel, en ce qu'il empêche Mme [L] d'être titulaire d'un droit de propriété sur la cour.
Les conditions de la garantie d'éviction sont dès lors réunies et Mme [L] est fondée à solliciter des dommages et intérêts de ce chef. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Mme [L] produit deux avis de valeur émanant de l'agence I@D France, le premier en date du 20 novembre 2017 estimant le bien dans une fourchette comprise entre 100 000 et 105 000 euros mentionnant 'la terrasse sans vis-à-vis' (pièce 2 Mme [L]), et le second en date du 21 mars 2018 estimant le bien à une valeur de 82 500 euros et mentionnant que 'la maison ne possède plus d'extérieur ce qui fait baisser considérablement l'avis de valeur de la maison' (pièce 3 Mme [L]).
En considération de ces avis, mais aussi de la photographie contenue dans la note technique de Mme [Z] qui révèle une petite cour en assez mauvais état et encaissée, à laquelle on accède à l'étage par une fenêtre (pièce 16 page 7 Mme [L]), comme l'observent les intimés, Mme [E] sera condamnée à verser à Mme [L] une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la moins-value de l'immeuble.
Mme [L] sollicite en outre une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérets en réparation de son préjudice moral et verse aux débats à l'appui de sa demande trois certificats médicaux en date des 30 mars 2018, 10 avril 2018 et 21 mai 2018 émanant de son médecin traitant (pièces 4 et 5 Mme [L]) faisant état d'un trouble anxio-dépressif et de troubles du sommeil que Mme [L] 'attribue à des soucis immobiliers concernant la cour extérieure à la maison... elle est toujours très inquiète de ses problèmes immobiliers en rapport avec la cour extérieure de sa maison'.
Si Mme [L] justifie d'un préjudice, en revanche le lien de causalité avec le manquement de Mme [E] à ses obligations contractuelles n'est pas clairement établi, le médecin se contentant de reprendre les propos de sa patiente. Dès lors, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral sera confirmé.
II- Sur les demandes formées par Mme [L] à l'encontre de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] de Giacomoni, notaires.
Mme [L] reproche à M.de [O], notaire, d'avoir manqué à ses obligations, en ce qu'il n'a pas vérifié l'étendue du droit de propriété du vendeur, qu'une recherche au cadastre lui aurait permis de s'apercevoir que la parcelle AX [Cadastre 9] est en retrait par rapport aux immeubles voisins, qu'il aurait dû faire une recherche sur les titres de propriété antérieurs concernant la parcelle. Elle sollicite des dommages et intérêts au titre de la perte de chance de ne pas acquérir le bien.
En réplique, le notaire fait valoir que son obligation est de moyens, qu'il a parfaitement rempli ses obligations de sorte que la découverte postérieure d'une difficulté ne permet pas d'induire l'existence d'une faute, qu'il n'existe aucun dommage et que de plus les demandes au titre de la garantie d'éviction et de la perte de chance sont incompatibles en ce que si Mme [L] n'avait pas acquis, elle ne pourrait pas demander une indemnité d'éviction.
****
L'article 1240 du code civil dispose que 'tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
Il est constant que le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la sécurité juridique des actes qu'il instrumente.
En l'espèce, il ressort des pièces produites que:
- par acte du 20 février 2004, Mme [E] est devenue propriétaire de la parcelle AX [Cadastre 9], suite à la vente par les consorts [D]-[K], que l'acte de vente précise la description suivante du bien : ' une propriété bâtie située à [Adresse 18] figurant au cadastre AX [Cadastre 9] (36 ca). La propriété consistant en: une maison d'habitation, comprenant: une entrée, salon/salle à manger, cuisine américaine et au premier étage: deux chambres, une salle d'eau avec WC, mezzanine , petite cour' (pièce 2 Mme [E]).
- par acte du 5 mai 2017, Mme [L] a acquis de Mme [E] une maison à usage d'habitation située [Adresse 5] [Localité 17] [Adresse 16], cadastrée section AX n°[Cadastre 9] d'une contenance de 36 ca, ' comprenant au rez-de-chaussée une entrée, un salon-séjour, une cuisine américaine et à l'étage deux chambres, une salle d'eau, une mezzanine, un WC. Une cour' (pièce 1 Mme [L]).
Il en ressort que la désignation du bien cédé à Mme [L], en ce qu'elle mentionne une cour, correspond à la désignation du bien figurant dans l'acte acquisitif de Mme [E], et qu'il ne peut donc être reproché au notaire d'avoir seulement reproduit les déclarations des parties sur ce point.
Par ailleurs, il ne peut être reproché au notaire de ne pas s'être fait communiquer les certificats d'urbanisme afférents à la parcelle voisine, ou encore de ne pas s'être appuyé sur le plan cadastral dans la mesure où le plan cadastral n'a pas de valeur probante en matière de droit de propriété, et où le retrait des parclles AX [Cadastre 9] et AX [Cadastre 10] par rapport aux immeubles voisins ne lui auraient pas permis de déceler une difficulté relative à la propriété de la cour, alors qu'il ressort de la note technique de Mme [Z] (pièce 16 Mme [L]) que seules des visites sur les lieux et des constatations opérées sur place, ce que le notaire n'est pas tenu d'effectuer, ont permis d'attribuer la propriété de la cour à la SNCF.
Il en résulte qu'au moment de la rédaction de l'acte, le notaire ne pouvait déceler une difficulté relative à la propriété de la cour, l'acte antérieur de vente mentionnant notamment la présence de la cour.
Le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaire, sera confirmé à ce titre.
III- Sur l'appel en garantie formé par Mme [E] à l'encontre de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe .
Mme [E] sollicite la condamnation de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe, venant aux droits de Maître [A], notaire instrumentaire, à la relever et garantir des condamnations prononcées au profit de Mme [L], au motif qu'il n'aurait pas effectué de diligences suffisantes, l'acte authentique par lequel elle a acquis le bien en 2004 faisant état d'une cour alors que l'acte par lequel ses auteurs sont eux-mêmes devenus propriétaires en 1989 fait état d'un chai.
En réplique, le notaire fait valoir que la configuration du bien a probablement changé entre 1989 et 2004, une cour ayant remplacé un chai, que le notaire se doit de reporter la description du bien au jour de la vente selon les déclarations des parties, qu'il n'a commis aucune erreur lors de la division parcellaire, et qu'en tout état de cause il n'existe aucun lien de causalité entre sa prétendue faute et l'action diligentée à l'encontre de Mme [E] au titre de la garantie d'éviction.
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Il est rappelé que le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la sécurité juridique des actes qu'il instrumente et engage sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil en cas de manquement à ses obligations.
En l'espèce, il ressort des pièces produites:
- que par acte du 26 juillet 1989, les consorts [D]-[K] ont fait l'acquisition de la parcelle AX [Cadastre 8] à la suite de la vente par M. [J], que l'immeuble est identifié ainsi qu'il suit 'un immeuble sis au [Adresse 19], comprenant un rez-de-chaussée, une salle à manger, une cuisine, un chai, un WC et au premier étage deux chambres, figurant au cadastre : AX [Cadastre 8] (95 ca)' (pièce 8 Mme [E]),
- que par acte du 20 février 2004, Mme [E] est devenue propriétaire de la parcelle AX [Cadastre 9], à la suite de la division de la parcelle AX [Cadastre 8] en raison de la vente par les consorts [D]-[K], que le bien est identifié comme suit 'une propriété bâtie située à [Localité 17] [Adresse 3] figurant au cadastre AX [Cadastre 9] (36 ca). La propriété consistant en: 'une maison d'habitation, comprenant: une entrée, salon/salle à manger, cusisine américaine et au premier étage: deux chambres, une salle d'eau avec WC, mezzanine, petite cour' (pièce 2 Mme [E]).
Il en ressort que le notaire a commis une faute en faisant mention d'une cour dans l'acte de vente de 2004 alors que l'acte de vente antérieur de 1989 faisait état d'un chai, qu'il ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir que le chai est probablement devenu une cour alors que cette contradiction aurait dû à tout le moins le conduire à s'interroger sur l'origine de propriété de cette cour, et qu'au surplus, il est relevé par Mme [Z] dans sa note technique précitée (pièce 16 Mme [E]) que 'on ne peut dire que le chai aurait été transformé en cour car, d'une part le mur de la façade arrière de la maison était aveugle et d'autre part, le mur de soutènement et le fossé viennent au pied de ladite façade empêchant l'accès et l'usage de cette emprise'.
Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient le notaire, cette faute a directement un lien de causalité avec le préjudice subi par Mme [E], consistant à indemniser Mme [L], dans la mesure où si le notaire avait rempli ses obligations et vérifié l'origine de propriété de la cour, Mme [E] n'aurait pas pu vendre un bien mentionnant de façon erronée une cour à Mme [L].
En conséquence, la responsabilité délictuelle de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe, venant aux droits de Maître [A], est engagée et elle sera condamnée à relever et garantir Mme [E] de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme [L].
IV- Sur les demandes accessoires.
Le jugement, en ce qu'il a condamné Mme [L] aux dépens et à verser aux intimés une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera infirmé.
Mme [E] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à Mme [L] une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de débouter Mme [C] [E] et la SCPAnnie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe sera condamnée à relever et garantir Mme [C] [E] des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en date du 29 avril 2021 du tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [I] [L] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de ses demandes à l'encontre de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaires.
Statuant à nouveau:
Dit que la responsabilité contractuelle de Mme [C] [E] est engagée à l'égard de Mme [I] [L];
Condamne Mme [C] [E] à verser à Mme [I] [L] une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la moins-value de l'immeuble;
Dit que la responsabilité délictuelle de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe est engagée;
Condamne la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe à relever et garantir Mme [C] [E] de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme [I] [L].
Condamne Mme [C] [E] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civil ainsi qu'à payer la somme de 3000 euros à Mme [I] [L] par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe à relever et garantir Mme [C] [E] de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 au bénéfice de Mme [C] [E], de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F] et de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 17 OCTOBRE 2024
N° RG 21/03446 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFFJ
[I] [L]
c/
[C] [E]
S.C.P. NICOLAS PEYRE, MARIE-CÉLINE CROQUET, ROMAIN ILLHE ET AGNÈS NUGERE
S.C.P. ANNIE NAVARRI, LAURENT MARSANT ET [X] [F]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 avril 2021 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 18/6073) suivant déclaration d'appel du 16 juin 2021
APPELANTE :
[I] [L]
née le 28 Novembre 1974 à [Localité 14]
de nationalité Française
Profession : Professeur des écoles,
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Stéphane DESPAUX de la SELARL STÉPHANE DESPAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
[C] [E]
née le 25 Mars 1964 à [Localité 13]
de nationalité Française
Profession : Secrétaire,
demeurant [Adresse 6]
Représentée par Me PASQUET substituant Me Caroline SALVIAT de la SELAS SALVIAT + JULIEN-PIGNEUX + PUGET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.P. NICOLAS PEYRE, MARIE-CÉLINE CROQUET, ROMAIN ILLHE ET AGNÈS NUGERE
anciennement dénommée la S.C.P NICOLAS PEYRE, MARIE CELINE CROQUET,
ROMAIN ILLHE, notaires, société immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 331 386 565, dont le siège social est sis [Adresse 11]
S.C.P. ANNIE NAVARRI, LAURENT MARSANT ET [X] [F]
notaires associés, société immatriculée au RCS de [Localité 13] sous le numéro 338 902 232, dont le siège social est [Adresse 2]
Représentées par Me HARDY substituant Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 03 septembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
En présence de Madame [B] [Y], élève avocat
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte reçu le 5 mai 2017 par M. [X] [F], notaire à [Localité 15], Mme [I] [L] a acquis de Mme [C] [E] une maison d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 17] [Adresse 16], cadastrée section AX n°[Cadastre 9] d'une contenance de 36 ca, comprenant au rez-de-chaussée une entrée, un salon-séjour, une cuisine américaine et à l'étage deux chambres, une salle d'eau, un WC, une mezzanine et une cour.
Informée de ce que la cour située à l'arrière de sa maison serait en fait la propriété de la SNCF, Mme [L] a fait assigner le 3 juillet 2018 devant le tribunal judiciaire de Bordeaux d'une part Mme [C] [E] en garantie de conformité et d'éviction et dommages et intérêts et d'autre part la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaire rédacteur de l'acte, en responsabilité et indemnisation.
Mme [C] [E], dans l'hypothèse où la demande de Mme [L] serait accueillie, a appelé à sa garantie par acte du 8 janvier 2019 la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Choquet et Romain Illhe, notaires associés à [Localité 12], venant aux droits de M. [A], notaire qui avait reçu l'acte authentique par lequel elle avait acquis le bien.
Parallèlement, Mme [L], faisant état d'une humidité excessive de sa maison causée par les eaux de ruissellement s'écoulant dans sa cour et provenant des terrains en surplomb de sa voisine, la SNCF, a saisi par requête enregistrée le 29 juillet 2019 le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux aux fins d'expertise. Par ordonnance en date du 11 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif a ordonné une expertise confiée à Mme [M] avec mission pour l'essentiel de décrire les désordres affectant l'immeuble de Mme [L].
Par jugement en date du 29 avril 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté Mme [T] [L] de ses demandes ;
- l'a condamnée à payer d'une part à Mme [C] [E] et d'autre part à la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaires associés à Cenon et à la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Choquet et Romain Illhe, notaires associés à Ambares Lagrave une somme de 1200 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Par déclaration électronique du 16 juin 2021, Mme [I] [L] a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 8 août 2024, Mme [I] [L] demande à la cour de :
- réformer intégralement la décision entreprise par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 29 avril 2021 ;
Statuant à nouveau,
- La déclarer recevable et bien fondée de l'ensemble de ses demandes et prétentions;;
- Dire et juger que la responsabilité contractuelle de Mme [E] est engagée ;
- Dire et juger que la responsabilité civile de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaires associés est engagée sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;
- Condamner Mme [E] à lui verser la somme de 20 000 € au titre du remboursement de la moins-value de l'immeuble acheté ;
- La condamner à lui verser la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral subi ;
- Condamner la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] de Giacomoni, notaires associés à lui verser la somme de 30 000 € en raison de la perte de chance de ne pas conclure le contrat de vente ;
En tout état de cause,
- Condamner solidairement Mme [E] et la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaires associés à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Les condamner aux entiers dépens ;
Dans ses dernières conclusions du 5 août 2024, Mme [C] [E] demande à la cour de :
À titre principal,
- Confirmer en tout point le jugement entrepris ;
- Débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Confirmer le jugement concernant la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
- Condamner Mme [L] à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
À titre subsidiaire,
- Dire et juger que ses demandes indemnitaires ne sont, en toute hypothèse, pas justifiées ;
- Débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle ;
En tout état de cause,
- Condamner la Société Civile Professionnelle Nicolas [Localité 20]-Marie-Céline Croquet-[Localité 21] Illhe à la relever indemne de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit de Mme [L] ;
- La débouter de son appel incident ;
En toute hypothèse,
- Condamner Mme [L] ou toute partie succombante à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions du 19 juillet 2024, la SCP Navarri, Marsant et Giacomoni et la SELARL Peyre Croquet Illhe et Nugère demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 29 avril 2021 ;
- Débouter Mme [L] de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F] ;
- Débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe ;
- Condamner toute partie succombante à verser à la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F] et à la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe une somme de 3 000 euros chacune par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocat, sur ses affirmations de droit.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 août 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur les demandes formées par Mme [L] à l'encontre de Mme [E].
Mme [L] soutient que la responsabilité contractuelle de Mme [E] est engagée, sur le fondement de l'obligation de délivrance de l'article 1604 du code civil, et, à titre complémentaire, sur celui de la garantie d'éviction de l'article 1637 du code civil. Elle expose que la cour litigieuse est bien la propriété de la SNCF, comme le démontrent les nouvelles pièces produites devant la cour d'appel. Elle ajoute que la SNCF a revendiqué la propriété de la cour litigieuse et sollicite une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre du remboursement de la moins-value de l'immeuble acheté, sur le fondement de la garantie d'éviction.
En réplique, Mme [E] fait valoir que les nouvelles pièces versées par Mme [L] ne prouvent, ni la réalité de la propriété de la cour par la SNCF, ni encore la revendication par cette dernière de la cour litigieuse, le rapport de Mme [Z] du 4 avril 2022 étant non contradictoire et les deux lettres simples de la société Nexity se présentant comme gestionnaire du patrimoine foncier de la SNCF n'étant pas de nature à justifier la réunion des conditions d'exercice de l'action en garantie d'éviction, en l'absence de revendication de la cour par la SNCF.
* * *
L'article 1603 du code civil dispose que le vendeur a deux obligations principales, ' celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend '; l'article 1604 du code civil prévoit quant à lui que ' la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur '.
L'article 1637 du code civil dispose par ailleurs que ' si dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur '.
Il est constant d'une part que le vendeur est tenu de délivrer à l'acquéreur un bien conforme à la stipulation de l'acte de vente, et, d'autre part, que la garantie d'éviction a pour objet d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue après la délivrance de la chose vendue.
En l'espèce, l'acte de vente versé aux débats par Mme [L] fait mention d'une cour (pièce 1 Mme [L]).
Pour rejeter la demande de Mme [L], le tribunal a considéré qu'elle ne démontrait pas ne pas être propriétaire de la cour, qu'elle ne peut reprocher à Mme [E] d'avoir manqué à son obligation de délivrance, dans la mesure où elle dispose de la petite cour, ni d'avoir manqué à son obligation de garantie d'éviction, la SNCF au vu des pièces produites n'ayant pas revendiqué la propriété de la bande de terre sur laquelle cette cour prend appui ni même fait état d'une telle intention.
Outre les pièces produites en première instance, Mme [L] produit de nouveaux éléments devant la cour d'appel.
Tout d'abord, elle verse aux débats une note technique, établie à sa demande par Mme [Z], géomètre-expert de la compagnie Geosat (pièce 16 Mme [L]).
Cette note technique n'a, ainsi que l'observe Mme [E] pas été établie contradictoirement, mais il est cependant constant qu'elle a été soumise à la discussion des parties et peut constituer un moyen de preuve si elle est corroborée par d'autres éléments.
Mme [Z], géomètre, dont il convient de relever qu'elle a effectué les diligences suivantes: visites des lieux, analyse des méthodes de construction du mur de soutènement, coupe de l'ouvrage SNCF, conclut que:
' le plan parcellaire réalisé par M.[R] géomètre missionné en 1991 pour préparer une partie de la vente de la parcelle AX [Cadastre 7] fait apparaître la limite actuelle du domaine ferroviaire,
cette limite est au mur de façade arrière de la maison de Mme [L], et que par conséquent la cour fait partie du domaine de la SNCF, que la cour dissimule ainsi le pied du mur de soutènement et le fossé,
la superficie de la maison, correspond à la contenance cadastrale de la parcelle AX417 sans la cour,
l'emprise de la parcelle AX [Cadastre 9] correspond à l'emprise de la partie bâtie uniquement (maison d'habitation)
la cour n'est donc pas intégrée dans la parcelle AX [Cadastre 1]".
Outre cette note, Mme [L] produit deux courriers émanant de la société Nexity agissant en qualité de gestionnaire du patrimoine foncier et immobilier de SNCF lmmobilier, le premier en date du 26 janvier 2018 aux termes duquel NEXITY confirme ' que la SNCF RESEAU est bien propriétaire de la parcelle cadastrée section AX N° [Cadastre 7]... d'une superficie de 24 620 m2 ', soit la parcelle jouxtant la cour litigieuse, un courrier du 6 mars 2018 émanant également de NEXITY aux termes duquel NEXITY énonce ' par courriel en date du 27 octobre 2017, vous nous avez fait part de votre souhait d'acquérir une partie de la parcelle appartenant à SNCF RESEAU cadastrée section AX N°[Cadastre 7] pour environ 6 m2 correspondant à une cour jouxtant votre maison. Après étude de votre dossier, nous sommes au regret de vous informer que la SNCF n'est pas en mesure de vous céder ce bien, celui-ci étant nécessaire au maintien du mur de soutènement du tunnel ferroviaire' (pièces 12 et 13 Mme [L]).
Si les pièces produites en première instance, en l'espèce l'extrait de relevé cadastral, les fiches hypothécaires, et l'expertise réalisée par Mme [M] ne permettent pas d'attester de la propriété de la SNCF sur la courette, en revanche il résulte des pièces produites en cause d'appel, et notamment de la note technique de Mme [Z], étayée par les courriers de Nexity, que la cour litigieuse est clairement la propriété de la SNCF.
Or, Mme [L] a acquis un bien immobilier comportant une cour.
Dès lors, Mme [E] a manqué à son obligation de délivrance, en ce qu'elle n'a pas délivré un immeuble conforme aux stipulations contractuelles.
A l'appui de sa demande de dommages et intérêts au titre du remboursement de la moins-value de l'immeuble, Mme [L], outre les deux courriers précités de la société Nexity, produit un courrier émanant toujours de Nexity en date du 16 juillet 2019 qui mentionne 'par ailleurs, la SNCF réseau a noté certains aménagements qui semblent être réalisés sur le domaine pubic ferroviaire (terrasses et jardins). Ces aménagements, s'ils sont sur nos emprises sont constitutifs d'une contravention de grande voirie, en ce qu'il porte atteinte à l'intégrité du domaine public ainsi qu'aux servitudes instituées par conservation. Ces aménagements devront être supprimés' (pièce 14 Mme [L]).
Si cette dernière pièce ne peut à elle seule caractériser un trouble actuel subi par Mme [L], en l'absence notamment d'action judiciaire intentée par la SNCF, comme le soulignent les intimés, en revanche, le refus de cession de la cour par la SNCF réseau, formalisé dans son courrier du 6 mars 2018(pièce 13 Mme [L]), constitue quant à lui un trouble actuel et non seulement éventuel, en ce qu'il empêche Mme [L] d'être titulaire d'un droit de propriété sur la cour.
Les conditions de la garantie d'éviction sont dès lors réunies et Mme [L] est fondée à solliciter des dommages et intérêts de ce chef. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Mme [L] produit deux avis de valeur émanant de l'agence I@D France, le premier en date du 20 novembre 2017 estimant le bien dans une fourchette comprise entre 100 000 et 105 000 euros mentionnant 'la terrasse sans vis-à-vis' (pièce 2 Mme [L]), et le second en date du 21 mars 2018 estimant le bien à une valeur de 82 500 euros et mentionnant que 'la maison ne possède plus d'extérieur ce qui fait baisser considérablement l'avis de valeur de la maison' (pièce 3 Mme [L]).
En considération de ces avis, mais aussi de la photographie contenue dans la note technique de Mme [Z] qui révèle une petite cour en assez mauvais état et encaissée, à laquelle on accède à l'étage par une fenêtre (pièce 16 page 7 Mme [L]), comme l'observent les intimés, Mme [E] sera condamnée à verser à Mme [L] une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la moins-value de l'immeuble.
Mme [L] sollicite en outre une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérets en réparation de son préjudice moral et verse aux débats à l'appui de sa demande trois certificats médicaux en date des 30 mars 2018, 10 avril 2018 et 21 mai 2018 émanant de son médecin traitant (pièces 4 et 5 Mme [L]) faisant état d'un trouble anxio-dépressif et de troubles du sommeil que Mme [L] 'attribue à des soucis immobiliers concernant la cour extérieure à la maison... elle est toujours très inquiète de ses problèmes immobiliers en rapport avec la cour extérieure de sa maison'.
Si Mme [L] justifie d'un préjudice, en revanche le lien de causalité avec le manquement de Mme [E] à ses obligations contractuelles n'est pas clairement établi, le médecin se contentant de reprendre les propos de sa patiente. Dès lors, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral sera confirmé.
II- Sur les demandes formées par Mme [L] à l'encontre de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] de Giacomoni, notaires.
Mme [L] reproche à M.de [O], notaire, d'avoir manqué à ses obligations, en ce qu'il n'a pas vérifié l'étendue du droit de propriété du vendeur, qu'une recherche au cadastre lui aurait permis de s'apercevoir que la parcelle AX [Cadastre 9] est en retrait par rapport aux immeubles voisins, qu'il aurait dû faire une recherche sur les titres de propriété antérieurs concernant la parcelle. Elle sollicite des dommages et intérêts au titre de la perte de chance de ne pas acquérir le bien.
En réplique, le notaire fait valoir que son obligation est de moyens, qu'il a parfaitement rempli ses obligations de sorte que la découverte postérieure d'une difficulté ne permet pas d'induire l'existence d'une faute, qu'il n'existe aucun dommage et que de plus les demandes au titre de la garantie d'éviction et de la perte de chance sont incompatibles en ce que si Mme [L] n'avait pas acquis, elle ne pourrait pas demander une indemnité d'éviction.
****
L'article 1240 du code civil dispose que 'tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
Il est constant que le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la sécurité juridique des actes qu'il instrumente.
En l'espèce, il ressort des pièces produites que:
- par acte du 20 février 2004, Mme [E] est devenue propriétaire de la parcelle AX [Cadastre 9], suite à la vente par les consorts [D]-[K], que l'acte de vente précise la description suivante du bien : ' une propriété bâtie située à [Adresse 18] figurant au cadastre AX [Cadastre 9] (36 ca). La propriété consistant en: une maison d'habitation, comprenant: une entrée, salon/salle à manger, cuisine américaine et au premier étage: deux chambres, une salle d'eau avec WC, mezzanine , petite cour' (pièce 2 Mme [E]).
- par acte du 5 mai 2017, Mme [L] a acquis de Mme [E] une maison à usage d'habitation située [Adresse 5] [Localité 17] [Adresse 16], cadastrée section AX n°[Cadastre 9] d'une contenance de 36 ca, ' comprenant au rez-de-chaussée une entrée, un salon-séjour, une cuisine américaine et à l'étage deux chambres, une salle d'eau, une mezzanine, un WC. Une cour' (pièce 1 Mme [L]).
Il en ressort que la désignation du bien cédé à Mme [L], en ce qu'elle mentionne une cour, correspond à la désignation du bien figurant dans l'acte acquisitif de Mme [E], et qu'il ne peut donc être reproché au notaire d'avoir seulement reproduit les déclarations des parties sur ce point.
Par ailleurs, il ne peut être reproché au notaire de ne pas s'être fait communiquer les certificats d'urbanisme afférents à la parcelle voisine, ou encore de ne pas s'être appuyé sur le plan cadastral dans la mesure où le plan cadastral n'a pas de valeur probante en matière de droit de propriété, et où le retrait des parclles AX [Cadastre 9] et AX [Cadastre 10] par rapport aux immeubles voisins ne lui auraient pas permis de déceler une difficulté relative à la propriété de la cour, alors qu'il ressort de la note technique de Mme [Z] (pièce 16 Mme [L]) que seules des visites sur les lieux et des constatations opérées sur place, ce que le notaire n'est pas tenu d'effectuer, ont permis d'attribuer la propriété de la cour à la SNCF.
Il en résulte qu'au moment de la rédaction de l'acte, le notaire ne pouvait déceler une difficulté relative à la propriété de la cour, l'acte antérieur de vente mentionnant notamment la présence de la cour.
Le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaire, sera confirmé à ce titre.
III- Sur l'appel en garantie formé par Mme [E] à l'encontre de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe .
Mme [E] sollicite la condamnation de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe, venant aux droits de Maître [A], notaire instrumentaire, à la relever et garantir des condamnations prononcées au profit de Mme [L], au motif qu'il n'aurait pas effectué de diligences suffisantes, l'acte authentique par lequel elle a acquis le bien en 2004 faisant état d'une cour alors que l'acte par lequel ses auteurs sont eux-mêmes devenus propriétaires en 1989 fait état d'un chai.
En réplique, le notaire fait valoir que la configuration du bien a probablement changé entre 1989 et 2004, une cour ayant remplacé un chai, que le notaire se doit de reporter la description du bien au jour de la vente selon les déclarations des parties, qu'il n'a commis aucune erreur lors de la division parcellaire, et qu'en tout état de cause il n'existe aucun lien de causalité entre sa prétendue faute et l'action diligentée à l'encontre de Mme [E] au titre de la garantie d'éviction.
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Il est rappelé que le notaire est tenu d'assurer l'efficacité et la sécurité juridique des actes qu'il instrumente et engage sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil en cas de manquement à ses obligations.
En l'espèce, il ressort des pièces produites:
- que par acte du 26 juillet 1989, les consorts [D]-[K] ont fait l'acquisition de la parcelle AX [Cadastre 8] à la suite de la vente par M. [J], que l'immeuble est identifié ainsi qu'il suit 'un immeuble sis au [Adresse 19], comprenant un rez-de-chaussée, une salle à manger, une cuisine, un chai, un WC et au premier étage deux chambres, figurant au cadastre : AX [Cadastre 8] (95 ca)' (pièce 8 Mme [E]),
- que par acte du 20 février 2004, Mme [E] est devenue propriétaire de la parcelle AX [Cadastre 9], à la suite de la division de la parcelle AX [Cadastre 8] en raison de la vente par les consorts [D]-[K], que le bien est identifié comme suit 'une propriété bâtie située à [Localité 17] [Adresse 3] figurant au cadastre AX [Cadastre 9] (36 ca). La propriété consistant en: 'une maison d'habitation, comprenant: une entrée, salon/salle à manger, cusisine américaine et au premier étage: deux chambres, une salle d'eau avec WC, mezzanine, petite cour' (pièce 2 Mme [E]).
Il en ressort que le notaire a commis une faute en faisant mention d'une cour dans l'acte de vente de 2004 alors que l'acte de vente antérieur de 1989 faisait état d'un chai, qu'il ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir que le chai est probablement devenu une cour alors que cette contradiction aurait dû à tout le moins le conduire à s'interroger sur l'origine de propriété de cette cour, et qu'au surplus, il est relevé par Mme [Z] dans sa note technique précitée (pièce 16 Mme [E]) que 'on ne peut dire que le chai aurait été transformé en cour car, d'une part le mur de la façade arrière de la maison était aveugle et d'autre part, le mur de soutènement et le fossé viennent au pied de ladite façade empêchant l'accès et l'usage de cette emprise'.
Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient le notaire, cette faute a directement un lien de causalité avec le préjudice subi par Mme [E], consistant à indemniser Mme [L], dans la mesure où si le notaire avait rempli ses obligations et vérifié l'origine de propriété de la cour, Mme [E] n'aurait pas pu vendre un bien mentionnant de façon erronée une cour à Mme [L].
En conséquence, la responsabilité délictuelle de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe, venant aux droits de Maître [A], est engagée et elle sera condamnée à relever et garantir Mme [E] de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme [L].
IV- Sur les demandes accessoires.
Le jugement, en ce qu'il a condamné Mme [L] aux dépens et à verser aux intimés une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera infirmé.
Mme [E] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à Mme [L] une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de débouter Mme [C] [E] et la SCPAnnie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe sera condamnée à relever et garantir Mme [C] [E] des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en date du 29 avril 2021 du tribunal judiciaire de Bordeaux en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [I] [L] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de ses demandes à l'encontre de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F], notaires.
Statuant à nouveau:
Dit que la responsabilité contractuelle de Mme [C] [E] est engagée à l'égard de Mme [I] [L];
Condamne Mme [C] [E] à verser à Mme [I] [L] une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la moins-value de l'immeuble;
Dit que la responsabilité délictuelle de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe est engagée;
Condamne la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe à relever et garantir Mme [C] [E] de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme [I] [L].
Condamne Mme [C] [E] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civil ainsi qu'à payer la somme de 3000 euros à Mme [I] [L] par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe à relever et garantir Mme [C] [E] de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 au bénéfice de Mme [C] [E], de la SCP Annie Navarri, Laurent Marsant et [X] [F] et de la SCP Nicolas Peyre, Marie-Céline Croquet, Romain Illhe.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,