CA Bordeaux, ch., 28 mars 2024, n° 23/01326
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pignon
Conseillers :
Mme Delaquys, Mme Faucherie
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Mme [W] [P] a relevé appel d'une décision rendue le 20 février 2023 par la bâtonnière de l'ordre des avocats de Bordeaux ayant fixé à 3.150 € TTC les honoraires dus par elle à Me [E].
Elle fait valoir qu'elle avait demandé à Me [E] de ne pas relever appel de la décision du tribunal administratif ayant rejeté sa requête en annulation de la décision préfectorale de refus de titre de séjour si sa demande d'aide juridictionnelle était rejetée.
Me [E] demande à la cour de :
- débouter Mme [W] [P] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer en toutes ces dispositions la décision du Bâtonnier en date du 20 février 2023 en ce qu'elle a :
- Fixé à la somme de 2.625 € HT, soit 3.150 € TTC, le montant de ses honoraires et frais,
- Condamné Mme [W] [P] au paiement de cette somme,
- condamner Mme [W] [P] à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
Me [E] fait valoir qu'il est intervenu dans le cadre d'une procédure de contestation d'une décision de refus de titre de séjour, que Mme [W] [P] était pleinement informée de la méthode de fixation de ses honoraires puisque le taux horaire est affiché dans la salle d'attente et que la facture forfaitaire détaillée jusqu'à l'obtention du jugement du Tribunal administratif lui a été annoncée le jour même, qu'enfin, l'appel a été inscrit le 14 juin 2021 à la demande de Mme [P] et que c'est suite à cette demande que l'intégralité de la procédure à été gérée, alors que la décision d'aide juridictionnelle a été refusée le 2 décembre 2021.
MOTIFS
Conformément à l'article 10 de la loi n 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n 2015-990 du 6 août 2015 les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Sauf urgence ou force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires.
L'article 10 du décret du 12 juillet 2005, précise que les honoraires sont fixés à défaut de convention entre l'avocat et son client, "selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci".
Plus précisément, à défaut de mandat écrit, la preuve et l'étendue du mandat confié par un client à son avocat peuvent être recherchées par référence aux diligences accomplies, aux correspondances échangées et au libellé des notes d'honoraires, étant précisé que la preuve des diligences incombe à l'avocat.
L'évaluation qui doit être effectuée à ce titre ne porte que sur le travail réalisé et l'adéquation de celui-ci avec la nature et l'importance du dossier.
En l'espèce, si aucune convention d'honoraires n'a été conclue entre Mme [P] et Me [E], il est constant que Mme [P] lui a confié la défense de ses intérêts dans le cadre d'une instance en contestation d'une décision de refus de titre de séjour devant le tribunal administratif de Bordeaux.
L'appelante soutient qu'elle a demandé à Me [E] de ne pas exercer de recours à l'encontre de la décision du tribunal administratif en cas de refus de l'aide juridictionnelle.
Cependant, il ressort de la chronologie des événements telle qu'elle résulte des pièces versées aux débats que le recours a été exercé par Me [E] le 14 juin 2021 afin de préserver les droits de Mme [P], et que la demande d'aide juridictionnelle devant la cour administrative d'appel n'a été déposée que le 30 septembre 2021, de sorte que Mme [P] ne justifie pas de son allégation selon laquelle elle ne souhaitait exercer son recours qu'en cas de décision d'attribution de l'aide juridictionnelle.
Me [E] produit aux débats l'ensemble des documents en justifiant, desquels il ressort qu'il a effectué les diligences suivantes : 3 rendez-vous, analyse du jugement de première instance et des pièces transmises par Mme [P], rédaction d'un mémoire d'appel.
S'agissant des 38 correspondances reçues et 19 envoyées, la plupart sont des courriels émanant de Mme [P], ceux de Me [E] contenant soit des consignes à destination de confrères, soit des correspondances concernant un autre dossier (ordonnance de protection).
Les honoraires susceptibles d'être alloués dans le cadre de l'instance devant la cour administrative d'appel de Bordeaux doivent rétribuer 3 rendez-vous ayant eu lieu dans le cadre de la procédure d'appel, et la rédaction d'une requête de 6 pages, étant précisé que la procédure devant le tribunal administratif avait donné lieu à une facture de 1.830 € intégralement réglée par Mme [P].
Au regard des diligences effectuées devant la cour administrative d'appel, les honoraires ne sauraient dépasser ceux réclamés pour la procédure devant le tribunal administratif de Bordeaux.
La décision de la bâtonnière de l'ordre des avocats de Bordeaux sera en conséquence infirmée, et les honoraires de Me [E] taxés à la somme de 1.830 €.
Enfin il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens, et il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Fixe à 1.830 € TTC l'honoraire dû par Mme [W] [P] à Me [F] [E] ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que chaque partie gardera la charge des frais et dépens qu'elle a exposés ;
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n' 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception.