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Décisions

TUE, 5e ch., 23 octobre 2024, n° T-724/22

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Neottolemo, Lda (Zona Franca da Madeira), Register.com LP – Sucursal em Portugal (Zona Franca da Madeira), Intercement Portugal SA

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Svenningsen

Juges :

M. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), Mme Stancu

Avocats :

Me Leite de Campos, Me Clemente

TUE n° T-724/22

22 octobre 2024

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

1 Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Neottolemo, Lda (Zona Franca da Madeira) et Register.com LP – Sucursal em Portugal (Zona Franca da Madeira), demandent l’annulation des articles 1er à 3, de l’article 4, paragraphes 1 à 3, et paragraphe 4, deuxième membre de phrase, et des articles 5 et 6 de la décision (UE) 2022/1414 de la Commission, du 4 décembre 2020, relative au régime d’aides SA.21259 (2018/C) (ex 2018/NN) mis en œuvre par le Portugal en faveur de la zone franche de Madère (ZFM) – Régime III (JO 2022, L 217, p. 49, ci après la « décision attaquée »).

Antécédents du litige

2 Le régime de la zone franche de Madère (Portugal) (ci-après la « ZFM ») prend la forme de divers avantages fiscaux accordés dans le cadre du Centro Internacional de Negócios da Madeira (centre international d’affaires de Madère), du Registo Internacional de Navios da Madeira (registre international des navires de Madère) et de la Zona Franca Industrial (zone franche industrielle).

3 Ce régime a initialement été approuvé par la décision de la Commission européenne du 27 mai 1987 rendue dans l’affaire N 204/86 [SG(87) D/6736] en tant qu’aide à finalité régionale compatible avec le marché unique. Sa prorogation a ensuite été autorisée par la décision de la Commission du 27 janvier 1992 rendue dans l’affaire E 13/91 [SG(92) D/1118], puis par la décision de la Commission du 3 février 1995 rendue dans l’affaire E 19/94 [SG(95) D/1287].

4 Le régime qui lui a succédé a été autorisé par la décision de la Commission du 11 décembre 2002 rendue dans l’affaire N 222A/01 (ci après la « décision de 2002 »).

5 Sur le fondement des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13), un troisième régime (ci après le « régime III ») a été autorisé par la décision de la Commission du 27 juin 2007 rendue dans l’affaire No 421/2006 (ci-après la « décision de 2007 »), pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013. La Commission a autorisé ce régime en tant qu’aide au fonctionnement compatible avec le marché intérieur visant à promouvoir le développement régional et la diversification de la structure économique de Madère, en tant que région ultrapériphérique au sens de l’article 299, paragraphe 2, CE (devenu article 349 TFUE).

6 Le régime III prend la forme d’une réduction  de l’impôt sur le revenu applicable aux personnes  morales (ci-après l’« IRPM ») sur les bénéfices résultant d’activités effectivement et matériellement réalisées à Madère (3 % de 2007 à 2009, 4 % de 2010 à 2012 et 5 % de 2013 à 2020), d’une exonération de taxes municipales et locales ainsi que d’une exonération de l’impôt sur la transmission de biens immobiliers pour la création d’une entreprise dans la ZFM, jusqu’à des montants d’aide maximaux fondés sur les plafonds de la base d’imposition applicables à la base imposable annuelle des bénéficiaires. Ces plafonds sont fixés en fonction du nombre de postes de travail maintenus par le bénéficiaire au cours de chaque exercice. Dans certaines conditions, les sociétés enregistrées dans la zone franche industrielle de la ZFM peuvent bénéficier d’une réduction supplémentaire de 50 % de l’IRPM.

7 L’accès au régime III a été restreint aux activités qui figuraient sur une liste incluse dans la décision de 2007. De plus, l’ensemble des activités d’intermédiation financière et d’assurances, des activités auxiliaires financières et d’assurances et des activités du type « services intragroupe » (centres de coordination, trésorerie et distribution), en tant que « services fournis à des entreprises, principalement », ont été exclues du champ d’application du régime III.

8 Une version modifiée du régime III a été autorisée par la décision de la Commission du 2 juillet 2013 rendue dans l’affaire SA.34160 (2011/N) (ci-après la « décision de 2013 »), pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Celle-ci maintient les mêmes conditions que celles prévues par le régime III, sous réserve d’une augmentation de 36,7 % des plafonds de la base imposable à laquelle est applicable la réduction de l’IRPM.

9 Par la suite, la prorogation jusqu’au 30 juin 2014 du régime III modifié a été autorisée par la décision rendue par la Commission le 26 novembre 2013 dans l’affaire SA.37668 (2013/N). La prorogation dudit régime jusqu’à la fin de l’année 2014 a été autorisée par la décision de la Commission du 8 mai 2014 rendue dans l’affaire SA.38586 (2014/N).

10 Le 12 mars 2015, la Commission a engagé, sur le fondement de l’article 108, paragraphe 1, TFUE et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), un exercice de surveillance du régime III portant sur les années 2012 et 2013.

11 Par lettre du 6 juillet 2018, la Commission a informé la République portugaise de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard du régime III (JO 2019, C 101, p. 7).

12 Cette procédure a été ouverte en raison des doutes de la Commission concernant, d’une part, l’application des exonérations fiscales sur les revenus provenant d’activités effectivement et matériellement réalisées dans la région autonome de Madère (ci-après la « RAM ») et, d’autre part, le lien entre le montant de l’aide et la création ou le maintien de postes de travail effectifs à Madère.

13 À l’issue de ladite procédure, la Commission a adopté la décision attaquée, dont le dispositif est libellé comme suit :

« Article premier

Le régime d’aides “Zone Franche de Madère (ZFM) – Régime III”, dans la mesure où il a été mis en œuvre par le Portugal en violation de la décision [de 2007] et de la décision [de 2013], a été illégalement mis à exécution par le Portugal en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], et est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

Les aides individuelles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er ne constituent pas des aides si, au moment de leur octroi, elles satisfont aux conditions définies dans un règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (UE) 2015/1588, applicable au moment où l’aide est octroyée.

Article 3

Les aides individuelles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er qui, au moment de leur octroi, satisfont aux conditions définies dans les décisions visées à l’article 1er ou dans un règlement adopté en vertu de l’article 1er du règlement […] 2015/1588 sont compatibles avec le marché intérieur, à concurrence de l’intensité d’aide maximale applicable à ce type d’aide.

Article 4

1. Le Portugal est tenu de récupérer auprès des bénéficiaires les aides incompatibles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er.

2. Les montants à récupérer sont majorés d’intérêts calculés à partir de la date à laquelle ils ont été mis à la disposition des bénéficiaires jusqu’à celle de leur récupération effective.

3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004.

4. Le Portugal est tenu d’abroger le régime d’aides incompatible dans la mesure visée à l’article 1er et d’annuler tous les paiements en cours concernant les aides, à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 5

1. La récupération des aides octroyées au titre du régime prévu à l’article 1er est immédiate et effective.

2. Le Portugal veille à ce que la présente décision soit exécutée dans un délai de huit mois à compter de la date de notification.

Article 6

1. Dans les quatre mois à compter de la notification de la présente décision, le Portugal fournit les informations suivantes :

a) une liste des bénéficiaires qui ont reçu une aide dans le cadre du régime visé à l’article 1er et le montant total d’aide reçu par chacun d’eux à ce titre ;

b) le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès de chaque bénéficiaire ;

c) une description détaillée des mesures prévues pour se conformer à la présente décision.

2. Le Portugal tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales adoptées pour l’exécution de la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide octroyée dans le cadre du régime visé à l’article 1er. Le Portugal transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision.

Le Portugal fournit aussi des informations détaillées concernant les montants des aides et les intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires.

[…] »

Conclusions des parties

14 Neottolemo, soutenue par Intercement Portugal SA, et Register.com LP concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter les exceptions d’irrecevabilité de la Commission ;

– à titre principal, annuler les articles 1er à 3, l’article 4, paragraphes 1 à 3, et paragraphe 4, deuxième membre de phrase, et les articles 5 et 6 de la décision attaquée ;

– à titre subsidiaire, annuler l’article 4, paragraphes 1 à 3, et paragraphe 4, deuxième membre de phrase, et les articles 5 et 6 de la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

15 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– déclarer les recours irrecevables ;

– alternativement, rejeter les recours ;

– condamner les requérantes aux dépens.

En droit

16 Les parties ayant été entendues, le Tribunal décide de joindre les affaires T 724/22 et T-725/22 aux fins du présent arrêt, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

Sur la recevabilité des recours

17 À l’appui de ses exceptions d’irrecevabilité dans les deux affaires jointes, la Commission soulève deux fins de non-recevoir, tirées, la première, du défaut de qualité pour agir des requérantes et, la seconde, de l’absence d’intérêt à agir de celles ci.

Sur la qualité pour agir des requérantes

18 La Commission soutient que les requérantes n’auraient fourni aucun élément de nature à démontrer qu’elles étaient bénéficiaires du régime III, tel que mis en œuvre. Ainsi, les requérantes n’apporteraient aucun élément de nature à démontrer que la décision attaquée les concerne directement et individuellement alors qu’elles n’en sont pas destinataires, de sorte qu’elles ne remplissent pas les conditions posées par le deuxième membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

19 Les requérantes contestent les arguments de la Commission.

20 Conformément à une jurisprudence établie, les bénéficiaires effectifs d’aides individuelles octroyées au titre d’un régime d’aides dont la Commission a ordonné la récupération sont, de ce fait, individuellement concernés au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C 71/09 P, C 73/09 P et C 76/09 P, EU:C:2011:368, point 53 et jurisprudence citée).

21 En l’occurrence, il appartient donc aux requérantes de démontrer qu’elles étaient des bénéficiaires effectifs du régime III, tel que mis en œuvre.

22 À cet égard, en annexe à leurs observations sur les exceptions d’irrecevabilité, les requérantes ont produit une série de lettres, envoyées par l’Autoridade Tributária e Aduaneira (Autorité fiscale et douanière, Portugal) en septembre 2022 en exécution de la décision attaquée, les invitant à présenter respectivement leurs observations sur les projets de décision de récupération des aides qui leur avaient été versées au titre du régime III en violation des décisions de 2007 et de 2013, au titre des exercices 2012 à 2020 pour Neottolemo et au titre des exercices 2012 à 2016 pour Register.com LP.

23 Dès lors, l’affectation individuelle des requérantes par la décision attaquée a été suffisamment démontrée par les éléments apportés devant le Tribunal.

24 S’agissant de l’affectation directe des requérantes, dans la mesure où l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée oblige la République portugaise à prendre les mesures nécessaires pour récupérer l’aide incompatible, dont ont bénéficié les requérantes, ces dernières doivent être considérées comme étant directement concernées par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T 445/05, EU:T:2009:50, point 52 et jurisprudence citée).

25 Les requérantes étant directement et individuellement concernées, il convient de rejeter la première fin de non-recevoir.

Sur l’intérêt à agir des requérantes

26 La Commission fait valoir que les requérantes n’ont formulé aucune allégation et n’ont apporté aucun élément de nature à démontrer qu’elles avaient un intérêt à agir. En effet, rien dans les requêtes n’indiquerait qu’une éventuelle annulation de la décision attaquée serait susceptible de procurer un bénéfice aux requérantes.

27 Les requérantes contestent les arguments de la Commission.

28 Pour démontrer son intérêt à agir lors de l’introduction du recours, il suffit qu’une entreprise indique de manière pertinente qu’elle a bénéficié de mesures au titre du régime d’aides considéré, susceptibles d’être couvertes par la déclaration d’incompatibilité avec le marché intérieur énoncée par la Commission dans la décision en cause. Il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours contre une décision de la Commission relative à un régime d’aides, de statuer sur l’application concrète des critères énoncés dans cette décision, afin de déterminer si les mesures en cause en faveur d’une entreprise déterminée doivent être considérées comme des aides incompatibles avec le marché intérieur, en vertu de ladite décision. En effet, c’est aux autorités nationales compétentes qu’il incombe, lors de l’exécution d’une telle décision, d’appliquer dans chaque cas individuel les critères susmentionnés, sous le contrôle de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission, T 254/00, T 270/00 et T 277/00, EU:T:2008:537, point 88).

29 Ainsi, dès l’adoption de la décision attaquée, les requérantes devaient s’attendre, en principe, à être obligées de restituer les aides déjà perçues, justifiant ainsi de leur intérêt à agir (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C 71/09 P, C 73/09 P et C 76/09 P, EU:C:2011:368, point 77).

30 En l’espèce, de surcroît, ainsi qu’il a été souligné au point 22 ci dessus, l’Autorité fiscale et douanière a envoyé aux requérantes des lettres les informant de projets de décision de récupération des aides leur ayant été octroyées.

31 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, au jour de l’introduction de leurs recours, les requérantes disposaient d’un intérêt à agir.

32 Il convient, dès lors, de rejeter la seconde fin de non-recevoir soulevée par la Commission et, partant, les exceptions d’irrecevabilité.

Sur le fond

33 Au soutien des conclusions en annulation à titre principal, les requérantes soulèvent un moyen à titre principal et un moyen à titre subsidiaire. Le premier moyen, à titre principal, est tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 1er, sous b), ii), et des articles 21 à 23 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9). Le deuxième moyen, à titre subsidiaire, est tiré de la contradiction irréconciliable entre la décision attaquée et les fondements sur lesquels elle repose.

34 Au soutien des conclusions en annulation à titre subsidiaire, les requérantes soulèvent trois moyens. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe d’attribution des compétences, consacré à l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 107 TFUE, en ce que certains avantages inclus dans le champ d’application de la décision attaquée ne constituent pas des aides d’État et en ce que l’obligation de récupération constitue une violation de l’interdiction de l’enrichissement sans cause de l’État portugais. Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 26, paragraphe 1, TFUE et de la directive (UE) 2016/1164 du Conseil, du 12 juillet 2016, établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (JO 2016, L 193, p. 1), en ce qui concerne le développement du marché intérieur.

Sur le chef de conclusions, à titre principal, tendant à l’annulation des articles 1er à 3, de l’article 4, paragraphes 1 à 3, et paragraphe 4, deuxième membre de phrase, et des articles 5 et 6 de la décision attaquée

–  Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 1er, sous b), ii), et des articles 21 à 23 du règlement 2015/1589

35 Les requérantes soutiennent, en substance, que la décision attaquée a violé l’article 108 TFUE et les articles 21 à 23 du règlement 2015/1589 dans la mesure où le régime III, tel que mis en œuvre, devrait être qualifié d’« aide existante ».

36 Selon les requérantes, contrairement à la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM, la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM ne faisait pas partie intégrante de l’Estatuto dos Benefícios Fiscais (statut des avantages fiscaux) proposé par le projet de décret-loi accompagnant la notification. Partant, la Commission aurait à tort considéré, dans les décisions de 2007 et de 2013, que cette condition faisait partie intégrante du régime III notifié en 2006 et en 2012, qu’elle a approuvé et que le Portugal a mis en œuvre.

37 De ce fait, les aides visées par la décision attaquée auraient été mises en œuvre conformément aux bases juridiques notifiées à la Commission ainsi qu’aux décisions de 2007 et de 2013, et constitueraient donc un régime d’aides existantes, au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement 2015/1589. Dès lors, la compatibilité de celui-ci aurait dû être appréciée dans le cadre de la procédure prévue aux articles 21 à 23 du règlement 2015/1589 et ne pouvait pas donner lieu à la récupération des aides individuelles versées en exécution de celui ci.

38 La Commission conteste cette argumentation.

39 Afin d’apprécier si la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM faisait partie intégrante du régime III autorisé par la Commission dans les décisions de 2007 et de 2013 et, partant, si, au considérant 180 de la décision attaquée, la Commission a, à juste titre, considéré que le régime III, tel que mis en œuvre, constituait un régime d’aides nouveau, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, et non, comme le soutiennent les requérantes, un régime d’aides existant, au sens de l’article 1er, sous b), de ce règlement, il convient de vérifier si cette condition faisait partie intégrante du régime III notifié par le Portugal en 2006 et en 2012.

40 En effet, il ressort de la jurisprudence que la portée d’une décision par laquelle la Commission ne soulève pas d’objection à l’égard d’un régime d’aides notifié par un État membre doit être déterminée non seulement en se référant au texte même de ladite décision, dont seul un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne, mais également en tenant compte du régime d’aides notifié par l’État membre concerné (arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C 537/08 P, EU:C:2010:769, point 44).

41 De même, une demande d’informations supplémentaires, par laquelle la Commission sollicite des renseignements complémentaires quant au champ d’application d’un régime d’aides notifié par un État membre, ainsi que la réponse des autorités nationales à cette demande doivent être considérées comme faisant indissociablement partie du régime d’aides notifié (arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C 537/08 P, EU:C:2010:769, point 45).

42 Il en est d’autant plus ainsi lorsque c’est précisément sur la base de ces informations que la Commission décide de ne pas soulever d’objection à l’égard d’un régime d’aides (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C 537/08 P, EU:C:2010:769, point 45).

43 Or, en l’espèce, il ressort de la décision de 2002 et de la décision attaquée que, au cours des procédures administratives ayant abouti aux décisions de 2002, de 2007 et de 2013, autorisant le régime III et le régime l’ayant précédé, la Commission et les autorités portugaises ont toujours partagé la position selon laquelle seuls les bénéfices issus d’activités effectivement et matériellement réalisées à Madère pourraient bénéficier de la réduction de l’IRPM.

44 En effet, selon la décision de 2002, au cours de la procédure administrative ayant abouti à celle-ci, les autorités portugaises ont indiqué que « les avantages fiscaux ser[aie]nt limités aux activités effectivement et matériellement exercées à Madère, ce qui permettra[it] d’exclure les activités qui seraient exercées hors de Madère ».

45 De même, selon le considérant 226 de la décision attaquée, qui n’est pas contesté spécifiquement par les requérantes, la Commission, dans une lettre du 9 novembre 2006, « avait demandé l’introduction dans le projet de loi notifié par [la République portugaise] le 28 juin 2006 d’une disposition expresse selon laquelle les réductions d’impôts ne s’appliqueraient qu’aux bénéfices résultant d’activités menées à Madère » et la République portugaise, dans une lettre du 19 décembre 2006, a refusé de procéder à cette introduction au motif « qu’une telle disposition n’était pas nécessaire, car la restriction en cause découlait de la base juridique de la ZFM ».

46 Partant, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM était indissociable du régime III notifié par le Portugal et approuvé par la suite par la Commission dans les décisions de 2007 et de 2013.

47 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas vérifié si le projet de décret-loi accompagnant la notification garantissait que les avantages du régime III s’appliqueraient uniquement aux bénéfices issus d’activités effectivement et matériellement réalisées à Madère.

48 En effet, il ressort du considérant 226 de la décision attaquée que la Commission a veillé à ce que tel soit le cas par sa lettre du 9 novembre 2006.

49 Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

–  Sur le deuxième moyen, tiré de la contradiction irréconciliable entre la décision attaquée et les fondements sur lesquels elle repose

50 Dans le cadre de leur deuxième moyen intitulé « contradiction irréconciliable entre la décision attaquée et les fondements sur lesquels elle repose », les requérantes font valoir ce qui suit, aux points 135 à 137 de leurs requêtes :

« La Commission a évalué “le régime de la ZFM mis en œuvre par le Portugal en faveur des bénéficiaires de la ZFM” en se référant exclusivement à la mesure qui a été autorisée par [s]es décisions de 2007 et de 2013. […] Or, [l]a prolongation d’un régime d’aides existant constitue une aide nouvelle distincte du régime prolongé et […] [l]es régimes d’aides à la ZFM ont été prolongés par les décisions du 26 novembre 2013 et [du 8 mai] 2014. […] La décision attaquée est illégale en ce qu’elle ne limite pas ses effets aux avantages exclusivement accordés aux entreprises couvertes par les textes légaux (prétendument) adoptés en violation des autorisations résultant des décisions de 2007 et de 2013, en raison d’une contradiction irréconciliable avec les fondements correspondants. »

51 Une telle argumentation doit être comprise, en substance, comme reprochant à la Commission d’avoir, dans la décision attaquée, statué sur l’incompatibilité avec le marché intérieur des aides versées par les autorités portugaises en application des régimes de la ZFM autorisés par la Commission dans les décisions du 26 novembre 2013 et du 8 mai 2014.

52 Or, une telle affirmation procède d’une lecture erronée de la décision attaquée.

53 Il ressort en effet sans aucune ambiguïté de l’article 1er de la décision attaquée que cette dernière concerne la mise en œuvre du régime de la ZFM en violation uniquement des décisions de 2007 et de 2013, sans préjuger d’une éventuelle mise en œuvre non conforme du régime de la ZFM tel qu’autorisé par les décisions ultérieures du 26 novembre 2013 et du 8 mai 2014, qui ne sont d’ailleurs citées qu’une seule fois dans la note en bas de page n° 9 de la décision attaquée afin de décrire le contexte décisionnel dans lequel s’inscrit celle-ci.

54 Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté et que, partant, le chef de conclusions en annulation présenté à titre principal doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le chef de conclusions, à titre subsidiaire, tendant à l’annulation de l’article 4, paragraphes 1 à 3, et paragraphe 4, deuxième membre de phrase, et des articles 5 et 6 de la décision attaquée

55 Dans le cadre de leur second chef de conclusions, présenté à titre subsidiaire, les requérantes font valoir en substance cinq critiques, tirées, premièrement, de l’inapplicabilité de la réglementation de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus et de la violation du principe d’attribution des compétences ; deuxièmement, du fait que les allégements fiscaux accordés à ces entreprises ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ; troisièmement, de l’absence, dans la décision attaquée, d’une appréciation spécifique et individualisée de la situation desdites entreprises dans le cadre de l’examen du régime III, tel que mis en œuvre ; quatrièmement, de la violation de l’article 26, paragraphe 1, TFUE ainsi que de la directive 2016/1164 et, cinquièmement, de l’enrichissement sans cause du Portugal du fait de l’obligation faite à ce dernier de procéder à la récupération des aides versées en application du régime III, tel que mis en œuvre, auprès desdites entreprises.

–  Sur la première critique, tirée de l’inapplicabilité de la réglementation de l’Union en matière d’aides d’État aux sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus et de la violation du principe d’attribution des compétences

56 Dans le cadre de la première critique, découlant des arguments soulevés dans leur premier moyen, les requérantes font valoir que la Commission aurait considéré à tort que le régime III constituait une aide d’État du fait que celui-ci s’appliquait à des entreprises qui exerçaient matériellement, effectivement et en totalité leurs activités en dehors du territoire portugais et qui étaient domiciliées dans la RAM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus.

57 Selon les requérantes, les domiciliations d’entreprises purement formelles dans la ZFM relèvent en substance des cas dits de « transfert international de revenus » qui consistent à transférer des revenus issus d’activités effectivement, matériellement et totalement réalisées en dehors du territoire portugais dans la ZFM pour éviter le taux d’imposition étranger plus élevé qui s’appliquerait autrement.

58 Par conséquent, cette situation soulèverait des questions liées exclusivement à la répartition des compétences fiscales entre États, auxquelles les règles en matière d’aides d’État ne s’appliqueraient pas, et qui ne pourraient être résolues que par le recours à des mécanismes de droit international.

59 Selon une jurisprudence constante, les interventions des États membres dans les domaines qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation dans le droit de l’Union ne sont pas exclues du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au contrôle des aides d’État (voir arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C 337/19 P, EU:C:2021:741, point 161 et jurisprudence citée).

60 En particulier, les États membres doivent exercer leur compétence en matière de fiscalité directe dans le respect du droit de l’Union et, notamment, des règles instituées par le traité FUE en matière d’aides d’État. Ils doivent, par conséquent, s’abstenir, dans l’exercice de cette compétence, d’adopter des mesures susceptibles de constituer des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, au sens de l’article 107 TFUE (arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C 337/19 P, EU:C:2021:741, point 162).

61 Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir outrepassé ses compétences et violé le principe d’attribution des compétences lorsqu’elle a examiné les mesures constituant le régime III, tel que mis en œuvre, sur le fondement des articles 107 et 108 TFUE et constaté que ce régime était constitutif d’une aide d’État nouvelle illégale et incompatible (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International, C 337/19 P, EU:C:2021:741, point 163).

62 En conséquence, la première critique doit être rejetée comme étant non fondée.

–  Sur la deuxième critique, tirée du fait que les allégements fiscaux accordés aux sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus ne constituent pas des aides d’État

63 Dans le cadre de la deuxième critique, résultant des arguments soulevés dans la partie introductive des recours et la première branche du deuxième moyen de leur second chef de conclusions, les requérantes soutiennent, en substance, que les allégements fiscaux offerts par le régime III, tel que mis en œuvre, aux sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus ne sont pas constitutifs d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à défaut d’avoir été accordés « au moyen de ressources d’État ».

64 En effet, selon elles, dans le cas d’enregistrements purement formels de sociétés dans la ZFM, l’État portugais serait le bénéficiaire effectif des recettes fiscales au détriment des prétentions fiscales d’autres États.

65 Or, en l’espèce, force est de constater que le régime III, tel que mis en œuvre, prévoit un régime fiscal dérogatoire au bénéfice, notamment, des sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus.

66 De ce fait, le régime III, tel que mis en œuvre, implique une absence de rentrées fiscales dans les caisses de l’État portugais, ce qui implique que ce régime a été financé au moyen de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C 182/03 et C 217/03, EU:C:2006:416, point 129).

67 Par ailleurs, le fait, invoqué par les requérantes, que les sociétés qui se sont enregistrées à des fins purement formelles dans la ZFM ne l’auraient pas fait en l’absence de l’avantage litigieux est sans incidence.

68 En effet, il est de jurisprudence constante que l’appréciation de la satisfaction des conditions fixées par l’article 107, paragraphe 1, TFUE s’effectue au regard des effets des mesures concernées. Il en découle que les causes ou les objectifs poursuivis par les États membres ayant élaboré ces mesures sont indifférents (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C 124/10 P, EU:C:2012:318, point 77). Il doit en aller a fortiori de même des intentions poursuivies par les entreprises bénéficiaires desdites mesures.

69 Les requérantes n’ayant pas contesté que le régime III, tel que mis en œuvre, satisfaisait aux autres conditions fixées par l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour être qualifié d’« aide d’État », il y a lieu de rejeter leur critique tirée du fait que les allégements fiscaux accordés aux sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus ne constituent pas des aides d’État comme étant non fondée.

70 En conséquence, il y a lieu de rejeter la deuxième critique comme étant non fondée.

–  Sur la troisième critique, tirée de l’absence, dans la décision attaquée, d’une appréciation spécifique et individualisée de la situation des sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus

71 Au titre de la troisième critique, fondée sur des arguments soulevés dans le cadre de développements introductifs qu’elles n’ont toutefois rattachés expressément à aucun moyen spécifique, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission de ne pas avoir examiné la situation spécifique des sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus lorsqu’elle a qualifié le régime III, tel que mis en œuvre, d’aide nouvelle illégale et incompatible.

72 À cet égard, il est de jurisprudence constante que, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C 310/99, EU:C:2002:143, points 89 et 91 ; du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C 71/09 P, C 73/09 P et C 76/09 P, EU:C:2011:368, point 63, et du 13 juin 2019, Copebi, C 505/18, EU:C:2019:500, points 28 à 33).

73 En l’espèce, ainsi que cela ressort des points 6 et 7 ci dessus, le régime III était ouvert, sous réserve d’en satisfaire les conditions, à l’ensemble des sociétés enregistrées dans la ZFM, à l’exception de celles dont l’activité relevait de la liste incluse dans la décision de 2007.

74 Le bénéfice de ce régime n’était donc pas réservé aux seules sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus.

75 Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a pu apprécier la conformité du régime III, tel que mis en œuvre, avec la réglementation de l’Union en matière d’aides d’État en examinant ce régime uniquement à la lumière de ses implications sur l’ensemble des sociétés enregistrées dans la ZFM et, donc, de ses caractéristiques générales, sans procéder à une appréciation spécifique aux sociétés mentionnées au point 74 ci-dessus.

76 En conséquence, la troisième critique doit être rejetée comme étant non fondée.

–  Sur la quatrième critique, tirée de la violation de l’article 26, paragraphe 1, TFUE ainsi que de la directive 2016/1164

77 Par leur quatrième critique, soulevée dans le cadre de leur cinquième moyen, les requérantes font valoir que, par la décision attaquée, la Commission aurait enfreint l’article 26, paragraphe 1, TFUE et la directive 2016/1164 en récompensant l’inertie des autorités portugaises dans la lutte contre les pratiques d’évasion fiscale ayant une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

78 À cet égard, il convient de relever que l’argument des requérantes prend appui sur le fait que la décision attaquée favoriserait les pratiques d’évasion fiscale ayant une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

79 Or, cette allégation procède d’une mauvaise compréhension des implications de la décision attaquée.

80 En effet, en déclarant incompatibles les aides d’État illégales versées en application du régime III, tel que mis en œuvre, et en imposant leur récupération, d’une part, la Commission impose à la République portugaise de cesser de mettre à exécution le régime III en violation des décisions de 2007 et de 2013 et garantit que les sociétés ne remplissant pas notamment la condition relative à l’origine des bénéfices ne peuvent plus bénéficier des taux réduits d’IRPM, notamment en s’enregistrant dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus. D’autre part, elle prive les entreprises ayant bénéficié du régime III, tel que mis en œuvre, de l’avantage qu’elles ont indument retiré d’un tel enregistrement.

81 De telles implications, qui ont pour effet de rendre non avantageux l’enregistrement artificiel dans la ZFM de sociétés n’ayant aucune activité dans la RAM, ne sauraient être considérées comme contraires à la directive 2016/1164 ou encore à l’article 26, paragraphe 1, TFUE.

82 En conséquence, la quatrième critique doit être rejetée comme étant non fondée.

–  Sur la cinquième critique, tirée de l’enrichissement sans cause du Portugal

83 Par leur cinquième critique, soulevée dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes font valoir que l’obligation de récupération des aides individuelles versées en application du régime III, tel que mis en œuvre, à l’égard des entreprises qui exerçaient matériellement, effectivement et en totalité leurs activités en dehors du territoire portugais donne lieu à un enrichissement sans cause au profit de la République portugaise, en violation de l’interdiction de tirer profit de ses propres manquements.

84 En effet, la récupération de ces avantages, accordés en contrepartie de la perte de recettes fiscales dans d’autres États, aurait pour effet d’augmenter les recettes publiques que la République portugaise aurait indument perçues au détriment des recettes fiscales de ces autres États.

85 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C 164/15 P et C 165/15 P, EU:C:2016:990, point 116 et jurisprudence citée).

86 De plus, dans la mesure où l’argument des requérantes tiré du fait que les allégements fiscaux accordés aux sociétés enregistrées dans la ZFM de manière purement formelle et exclusivement aux fins de transferts internationaux de revenus n’étaient pas constitutifs d’aides d’État a été écarté au point 69 ci dessus, celles-ci ne peuvent utilement se prévaloir de l’enrichissement sans cause de l’État portugais.

87 En effet, dès lors que le régime III, tel que mis en œuvre, a été financé au moyen de ressources d’État – en l’occurrence par la renonciation de la République portugaise à la perception de l’IRPM au taux plein –, le remboursement à cet État du différentiel entre le taux réduit d’IRPM et le taux plein de celui-ci constitue simplement la soumission des entreprises concernées au régime fiscal normal et aucunement un enrichissement sans cause de cet État.

88 En conséquence, la cinquième critique doit être rejetée comme étant non fondée.

89 Partant, le chef de conclusions en annulation présenté à titre subsidiaire doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

90 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

91 En outre, conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, « le Tribunal peut décider qu’un intervenant [...] supportera ses propres dépens ».

92 Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

93 Par ailleurs, Intercement Portugal ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens relatifs à son intervention, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1) Les affaires T 724/22 et T 725/22 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2) Les recours sont rejetés.

3) Neottolemo, Lda (Zona Franca da Madeira) et Register.com LP – Sucursal em Portugal (Zona Franca da Madeira) supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

4) Intercement Portugal SA supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission qui sont relatifs à son intervention.