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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 3, 2 mai 2024, n° 18/05238

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Coldwell Banker (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meano

Conseillers :

Mme Page, Mme Docquincourt

Avocats :

Me Garnier, Me Torregano, Me Lemaistre Bonnemay, Me Georgelin

TI Paris 8e, du 8 févr. 2018, n° 1117000…

8 février 2018

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [G] [B], décédée le 30 août 2021, était propriétaire d'un appartement de cinq pièces, en duplex, avec terrasse, situé au 6e et 7e étages, [Adresse 2], dont elle a confié la location, après rénovation, à la SAS Coldwell Banker [Localité 6] West Residential (ci-après la société Coldwell Banker), par mandat en date du 19 novembre 2015.

Un bail d'habitation rédigé par le mandataire a été consenti le 7 décembre 2015 à M. [I] [P], moyennant le loyer de 4.800 euros par mois, le dépôt de garantie versé étant du même montant.

Le suivi de la gestion locative a été par ailleurs confié au cabinet Deslandes.

En octobre 2016, M. [I] [P] a sollicité du gérant une diminution du loyer, comme étant excessif car supérieur au loyer de référence majoré fixé par arrêté préfectoral du 25 juin 2015, exposant avoir pris conscience de cette circonstance en consultant les sites publics relatifs à l'encadrement des loyers ; le Cabinet Deslandes lui a opposé que si le loyer convenu était certes supérieur au loyer de référence majoré, les caractéristiques exceptionnelles du logement donné à bail justifiaient un complément de loyer.

Le 6 décembre 2016, M. [I] [P] a saisi la Commission départementale de conciliation, exposant « Mon bail signé en décembre 2015 prévoit un loyer de 4.800 euros HC alors que le loyer maximum est de 3.346,44 euros. Aucun complément de loyer n'est prévu sur mon bail. Je souhaite réaligner rétroactivement le loyer sur ce montant. ».

Par avis du 14 mars 2017, cette commission a considéré que le loyer ne saurait dépasser le loyer de référence majoré soit 3.346 euros (120,81 m² x 27,70 euros ) et que le remboursement des sommes trop perçues et du dépôt de garantie devait être effectué rétroactivement depuis la date d'effet du bail.

Par acte d'huissier de justice du 30 mai 2017, M. [I] [P] a fait assigner Mme [G] [B] et MM. [A] et [K] [B], en leur qualité de représentants de celle-ci en vertu d'un mandat de protection future, aux fins de :

-diminution du loyer à la somme de 3.346 euros, correspondant au montant du loyer de référence majoré, à compter du 7 décembre 2015, sur le fondement de l'article 17 II A de la loi du 6 juillet 1989,

-condamnation in solidum de Mme [G] [B], MM. [A] et [K] [B] à lui rembourser la différence entre le loyer réglé de 4.800 euros et le loyer de référence de 3.346 euros, soit 1.454 euros par mois à compter du 7 décembre 2015 jusqu'à la signification du jugement à intervenir,

-exonération de tout paiement de la provision sur charges,

-condamnation in solidum des consorts [B] au remboursement de la provision sur charges de 380 euros par mois à compter du 7 décembre 2015 jusqu'à la signification du jugement à intervenir et au paiement de 3.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par acte d'huissier de justice du 27 juillet 2017, Mme [G] [B], MM. [A] et [K] [B] ont assigné en intervention forcée la société Coldwell banker aux fins de condamnation à garantir Mme [G] [B] de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle au bénéfice de M. [I] [P] ,à lui payer la somme de 1.454 euros par mois au titre des pertes locatives à compter du 7 décembre 2015 jusqu'au départ des lieux de M. [P], et certaines sommes en remboursement des honoraires versés à l'agence.

Ils ont demandé le rejet des demandes de M. [P], faisant valoir que les caractéristiques du logement justifiaient le loyer demandé.

La société Coldwell Banker a demandé à titre principal le rejet des demandes de M. [P], et en conséquence de toute demande à garantir Mme [B] des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice du locataire.

Par jugement contradictoire entrepris du 8 février 2018, le tribunal d'instance du 8º arrondissement de Paris a ainsi statué :

Dit que le contrat de bail du 7 décembre 2015 liant M [I] [P] à Mme [G] [B] pour l'appartement sis au [Adresse 2], n'est pas conforme aux articles 3 et 17 II B de la loi du 6 juillet 1989 modifiée par la loi ALUR,

Fixe à 3.346 euros le loyer mensuel et le dépôt de garantie concernant ce bail,

Condamne Mme [G] [B] à rembourser à M [I] [P] la somme de 1.454 euros trop versée au titre du dépôt de garantie, la somme de 863,55 euros trop versée au titre du loyer de janvier 2016, et la somme mensuelle de 1.454 euros trop versée à compter du mois de février 2016,

Ordonne la compensation entre les sommes dues par Mme [G] [B] au titre du trop versé sur le dépôt de garantie et le loyer, et les sommes dues par M [I] [P] au titre des loyers de la période en cours,

Déboute M [I] [P] de sa demande en remboursement des provisions pour charges,

Déboute M [I] [P] de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive,

Déboute Mme [G] [B] de sa demande en remboursement des honoraires versés à l'agence COLDWELL BANKER [Localité 6] West Residential,

Condamne Mme [G] [B] à payer à M [I] [P] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [G] [B] aux dépens engagés dans le cadre de l'action en réduction de loyer intentée par M [I] [P],

Dit que l'agence COLDWELL BANKER [Localité 6] West Residential devra garantir Mme [G] [B] de la condamnation prononcée contre elle dans le cadre de l'action en réduction de loyer engagée par M [I] [P], concernant le remboursement du trop versé, pour le dépôt de garantie soit 1.454 euros, pour le loyer de janvier 2016 soit 863,55 euros, pour les loyers à compter du mois de février 2016 jusqu'au 7 décembre 2018, soit la somme mensuelle de 1.454 euros, concernant l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1.000 euros et concernant les dépens,

Condamne l'agence COLDWELL BANKER [Localité 6] West Residential à payer à Mme [G] [B] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'agence COLDWELL BANKER [Localité 6] West Residential aux dépens engagés dans le cadre de l'action en garantie intentée par Mme [G] [B],

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent au dispositif

Ordonne l'exécution provisoire.

M. [P] a quitté les lieux le 8 mars 2019.

Mme [G] [B] est décédée le 30 août 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 10 mars 2018 par la SAS Coldwell banker ;

Vu l'arrêt du 16 octobre 2020, par lequel la présente cour a, notamment, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué par les juridictions administratives sur les arrêtés préfectoraux du 25 juin 2015 fixant les loyers de référence à [Localité 6] ;

Vu les conclusions en reprise d'instance remises au greffe le3 juillet 2023 par la société Coldwell Banker à l'issue des procédures devant la juridiction administrative ;

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 4 mars 2024 par lesquelles la société Coldwell banker demande à la cour de :

- Réformer le jugement déféré de ses chefs dont appel,

A titre principal,

- Débouter Monsieur [I] [P], comme étant irrecevable car prescrit et mal fondé, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tendant à voir fixer le loyer mensuel du bail qui lui a été consenti à la somme de 3.346 euros et à obtenir le remboursement des sommes qu'il aurait trop versées en exécution dudit bail,

A titre subsidiaire,

- Ordonner à Messieurs [A] et [K] [F] [B], venant aux droits de leur mère, Madame [G] [B] et Monsieur [I] [P] de mettre le bail régularisé le 7 Décembre 2015 en conformité avec les dispositions conjuguées des articles 3 et 17-IIB de la loi du 6 Juillet 1989 en distinguant ainsi sur le bail dont s'agit le loyer de référence majoré qui serait applicable, soit la somme de 3.346 euros, du montant du complément de loyer s'y ajoutant, soit la somme de 1.454 euros, portant ensemble le loyer contractuel convenu à la somme mensuelle de 4.800 euros, et en rappelant les caractéristiques du logement justifiant de ce complément,

- Débouter en conséquence Messieurs [A] et [K] [F] [B], venant aux droits de leur mère, Madame [G] [B] de leur appel en garantie formulé à l'encontre de la société COLDWELL BANKER,

A titre infiniment subsidiaire,

- Débouter en tout état de cause Messieurs [A] et [K] [F] [B], venant aux droits de leur mère, Madame [G] [B] de leur appel en garantie formulé à l'encontre de la société COLDWELL BANKER,

En conséquence,

- Condamner en tant que de besoin et solidairement, Monsieur [I] [P] et Messieurs [A] et [K] [F] [B], venant aux droits de leur mère, Madame [G] [B] à rembourser à la société COLDWELL BANKER les sommes dont elle s'est acquittée en exécution du jugement déféré et notamment :

o celle de 38.890,64 euros qu'elle a directement versée entre les mains du Conseil de Monsieur [I] [P] le 27 Mars 2018 (Pièce nº 9)

o celle de 13.414,32 euros qu'elle a directement versée entre les mains du Conseil Madame [G] [B] le 8 Février 2019 (Pièce nº 15),

Pour le surplus,

- Débouter Messieurs [A] et [K] [F] [B], venant aux droits de leur mère, Madame [G] [B] de leur demande tendant à voir la société COLDWELL BANKER être condamnée à lui payer la somme de 4.632 euros correspondant au manque à gagner qu'ils aurait supporté sur la période courant du 6 Décembre 2018 au 8 Mars 2019 pendant laquelle Monsieur [I] [P] s'est indûment maintenu dans les lieux,

- Condamner en tout état de cause Monsieur [I] [P] à garantir et relever indemne la société COLDWELL BANKER des condamnations qui seraient prononcées de ce chef à son encontre et au profit de Messieurs [A] et [K] [F] [B], venant aux droits de leur mère, Madame [G] [B],

- Débouter Messieurs [A] et [K] [F] [B], venant aux droits de leur mère, Madame [G] [B] de leur demande tendant à voir condamnée la société COLDWELL BANKER à lui verser la somme de 1.812 euros à titre de « dommages et intérêts »,

Enfin,

- Condamner Monsieur [I] [P] et Messieurs [A] et [K] [F] [B], venant aux droits de leur mère, Madame [G] [B] à verser à la société COLDWELL BANKER la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du PC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 6 mars 2024 au terme desquelles M. [A] [B] et M. [K] [B] demandent à la cour de :

-RECEVOIR Monsieur [A] [F] [B] et Monsieur [K] [F] [B] en leur intervention volontaire;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- fait droit à la demande de diminution de loyers et condamné Madame [B] à rembourser à Monsieur [P] la somme de 1.454 euros trop versée au titre du dépôt de garantie, la somme de 863,55 euros trop versée au titre du loyer de janvier 2016 et la somme mensuelle de 1.454 euros trop versée à compter du mois de février 2016

- condamné Madame [B] à payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du CPC et aux dépens engagés par Monsieur [P]

- débouté Madame [B] de sa demande en remboursement des honoraires versés à l'agence COLDWELL BANKER

En conséquence,

DECLARER Monsieur [P] irrecevable en sa demande de diminution de loyers

DEBOUTER Monsieur [P] de toutes ses demandes

Si Monsieur [A] [F] [B] et Monsieur [K] [F] [B] devaient être condamnés à restituer à l'agence COLDWELL la somme de 38.890,64 euros :

CONDAMNER Monsieur [P] à leur payer la somme de 38.890,64 euros

CONDAMNER Monsieur [P] à payer à Monsieur [A] [F] [B] et Monsieur [K] [F] [B] la somme de 13.414,32 euros au titre des loyers impayés de mars 2018 au 6/12/2018

CONDAMNER Monsieur [P] à payer à Monsieur [A] [F] [B] et Monsieur [K] [F] [B] une indemnité d'occupation complémentaire de 1.454 euros par mois du 7/12/2018 à son départ des lieux soit 4.362 euros.

-Subsidiairement,

Dans l'hypothèse où la Cour confirmerait le jugement sur les trois points ci-dessus, le CONFIRMER également en ce qu'il :

- a dit que l'agence COLDWELL BANKER devra garantir Madame [B] des condamnations prononcées contre elle concernant :

- le remboursement du trop versé pour le dépôt de garantie soit 1.454 euros

- le remboursement du trop versé pour le loyer de janvier 2016 soit 863,55 euros

- les loyers à compter du mois de février 2016 jusqu'au 7/12/2018 soit 1454 euros mensuel

- les 1.000 euros d'article 700

- les dépens

Y ajoutant,

CONDAMNER l'agence COLDWELL à payer à Monsieur [A] [F] [B] et Monsieur [K] [F] [B] la somme de 4.362 euros au titre de ses pertes locatives sur la période du 7/12/2018 au 8/3/2019

-En toute hypothèse,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [P] de sa demande de remboursement des provisions pour charges

- débouté Monsieur [P] de sa demande en Dommages et Intérêts pour résistance abusive

- condamné l'agence COLDWELL BANKER à payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du CPC à Madame [B]

DEBOUTER Monsieur [P] de toutes ses demandes

DEBOUTER la SAS Coldwell Banker [Localité 6] West Residential de toutes ses demandes de condamnation dirigées à l'encontre de Monsieur [A] [F] [B] et Monsieur [K] [F] [B]

CONDAMNER la SAS Coldwell Banker [Localité 6] West Residential à payer à Monsieur [A] [F] [B] et Monsieur [K] [F] [B] la somme de 1.812 euros à titre de dommages et intérêts (frais d'agence)

CONDAMNER Monsieur [P] et la SAS Coldwell Banker [Localité 6] West Residential à payer à Monsieur [A] [F] [B] et Monsieur [K] [F] [B] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du CPC et les entiers dépens

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 6 mars 2024 au terme desquelles M. [I] [P] demande à la cour de :

REJETER la fin de non-recevoir tirée de la prescription

CONFIRMER le jugement du tribunal d'Instance de PARIS 8 du 8 février 2018 nº11-17-000244 en ce qu'il a :

Fixé à 3.346 euros le loyer mensuel et le dépôt de garantie concernant ce bail,

Condamné Madame [G] [B] à rembourser à Monsieur [I] [P] la somme de 1.454 euros trop versée au titre du dépôt de garantie, la somme de 863,55 euros trop versée au titre du loyer de janvier 2016 et la somme mensuelle de 1.454 euros trop versée à compter du mois de février 2016,

Ordonné la compensation entre les sommes dues par Madame [G] [B] au titre du trop versé sur le dépôt de garantie et le loyer, et les sommes dues par Monsieur [I] [P] au titre des loyers de la période en cours,

Condamné Madame [G] [B] à payer à Monsieur [I] [P] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné Madame [G] [B] aux dépens engagés dans le cadre de l'action en réduction de loyer intentée par Monsieur [I] [P],

Ordonné l'exécution provisoire

En conséquence (du fait du décès de Mme [G] [B]):

Fixé à 3.346 euros le loyer mensuel et le dépôt de garantie concernant ce bail,

Condamné monsieur [A] [F] [B] et monsieur [K] [F] [B] venant aux droits de Madame [G] [B], à rembourser à Monsieur [I] [P] la somme de 1.454 euros trop versée au titre du dépôt de garantie, la somme de 863,55 euros trop versée au titre du loyer de janvier 2016 et la somme mensuelle de 1.454 euros trop versée à compter du mois de février 2016,

Ordonné la compensation entre les sommes dues par monsieur [A] [F] [B] et par monsieur [K] [F] [B] venant aux droits de Madame [G] [B] au titre du trop versé sur le dépôt de garantie et le loyer, et les sommes dues par Monsieur [I] [P] au titre des loyers de la période en cours,

Condamné monsieur [A] [F] [B] et monsieur [K] [F] [B] venant aux droits de Madame [G] [B], à payer à Monsieur [I] [P] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné monsieur [A] [F] [B] et monsieur [K] [F] [B] venant aux droits de Madame [G] [B] aux dépens engagés dans le cadre de l'action en réduction de loyer intentée par Monsieur [I] [P],

Ordonné l'exécution provisoire

En conséquence :

REJETER toutes les demandes formées par l'agence COLDWELL BANKER [Localité 6] WEST RESIDENTIAL à l'encontre de Monsieur [I] [P] et notamment la demande de remboursement de la somme de 38.890,64 € et de la somme de 13.414,32 €, REJETER l'appel en garantie formé par la société COLDWELL BANKER [Localité 6] WEST RESIDENTIAL des condamnations qui pourraient être prononcées au titre de la demande de madame [G] [B] formée à l'encontre de la société COLDWELL BANKER [Localité 6] WEST RESIDENTIAL au titre de la somme de 4.632 € pour manque à gagner pour la période du 6 décembre 2018 au 8 mars 2019,

REJETER toutes les demandes de condamnations et appel en garantie formés par madame [G] [B] à l'encontre de monsieur [I] [P],

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'agence COLDWELL BANKER [Localité 6] WEST RESIDENTIAL de sa demande de mise en conformité du bail

En conséquence :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Et statuant à nouveau :

CONDAMNER in solidum Monsieur [A] [B] et Monsieur [K] [B] venant aux droits de Madame [C] [B] à payer à Monsieur [I] [P] la somme de 3.000 € pour résistance abusive tribunal d'Instance de PARIS 8 du 8 février 2018,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER in solidum la société COLDWELL BANKER [Localité 6] WEST RESIDENTIAL, Monsieur [A] [B] et Monsieur [K] [B] à payer à Monsieur [I] [P] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel,

CONDAMNER in solidum la société COLDWELL BANKER [Localité 6] WEST RESIDENTIAL, Monsieur [A] [B] et Monsieur [K] [B] à payer à Monsieur [I] [P] à payer les entiers dépens de la procédure qui seront recouvrés par Maitre [U] [N] conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'intervention volontaire de M.[A] [S] [F] [B] et M. [K] [D] [F] [B] (ci-après les consorts [B])

M.[A] [S] [F] [B] et M. [K] [D] [F] [B] viennent aux droits de leur mère, Mme [G] [B], qui est décédée le 30 août 2021, comme en atteste l'acte de notoriété du 22 octobre 2021 constatant la dévolution successorale.

Il convient de les recevoir en cette intervention volontaire, qui n'est pas contestée par les autres parties, et ce en application des articles 328 et suivants du code de procédure civile.

Sur la prescription de l'action de M. [P]

La société Coldwell Banker et les consorts [B] soulèvent l'irrecevabilité des demandes de M. [P] tendant à voir fixer le loyer mensuel du bail qui lui a été consenti à la somme de 3.346 euros et à obtenir le remboursement des sommes trop versées, comme étant prescrites au regard des articles 17 et 3 de la loi nº89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Ils font valoir en effet que l'assignation du 30 mai 2017 visait l'article 17 II A de la loi de 1989,dans sa rédaction au jour de la signature du bail et de l'assignation, selon lequel : 'Dans les zones où s'applique l'arrêté mentionné au I, le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, dans la limite du loyer de référence majoré. Une action en diminution de loyer peut être engagée si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature dudit contrat.' ; or, l'article 17 II al. 6 édicte une prescription selon laquelle le locataire qui entend contester la part excédant le montant du loyer de référence majoré doit saisir la Commission Départementale de Conciliation dans les 3 mois de la signature de son bail, puis dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de l'avis de la commission pour saisir le juge d'une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer;

Ils ajoutent que le cas échéant l'action est également prescrite au regard de l'article 3 dernier alinéa de la même loi, dans sa rédaction au jour de la signature du bail et de l'assignation, selon lequel : 'En cas d'absence dans le contrat de location d'une des informations relatives à la surface habitable, aux loyers de référence et au dernier loyer acquitté par le précédent locataire, le locataire peut, dans un délai d'un mois à compter de la prise d'effet du contrat de location, mettre en demeure le bailleur de porter ces informations au bail. A défaut de réponse du bailleur dans le délai d'un mois ou en cas de refus de ce dernier, le locataire peut saisir, dans le délai de trois mois à compter de la mise en demeure, la juridiction compétente afin d'obtenir, le cas échéant, la diminution du loyer.'

Ils soutiennent qu'en l'espèce ces délais de prescription n'ont pas été respectés.

M. [P] leur oppose en premier lieu l'irrecevabilité de cette fin de non-recevoir et, subsidiairement, conteste cette prescription, soutenant que son action en diminution du loyer étant fondée sur l'article 17II A de la loi du 6 juillet 1989, elle est soumise à la prescription triennale instituée par l'article 7-1 de la même loi.

Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir soulevée par la société Coldwell Banker et les consorts [B], tirée de la prescription extinctive

Invoquant l'article 910-4 du code de procédure civile, M. [P] soutient que la prescription prétendue de son action aurait du être soulevée dès les premières conclusions des parties adverses.

La société Coldwell Banker et les consorts [B] contestent l'applicabilité de cet article, estimant que la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'ils opposent à M. [P] n'est pas une 'prétention sur le fond' au sens de cet article.

Ils ajoutent qu'il résulte des articles 122 et 123 du code de procédure civile que cette fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause et soutiennent que le juge doit d'ailleurs la relever d'office.

Selon l'article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile :

'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures (...)'.

Contrairement à ce qui est soutenu par la société Coldwell Banker et les consorts [B], la fin de non-recevoir tirée de la prescription constitue une prétention à laquelle les dispositions de l'article 910-4 précité sont applicables (1re Civ., 30 mars 2022, pourvoi nº 20-20.658).

Il résulte de l'article 125 du code de procédure civile, que le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugéeet que les fins non-recevoir 'doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours', ce qui n'est pas le cas s'agissant, comme en l'espèce, des délais de prescription, étant rappelé que les juges ne peuvent suppléer d'office le moyen résultant de la prescription et ce même lorsque cette dernière est d'ordre public.

En l'espèce, il est constant et il résulte des éléments de la procédure que, tant la société Coldwell Banker que les consorts [B], n'ont pas présenté, dès leur premières conclusions, respectivement du 6 juin 2018 et du 6 septembre 2018, la fin de non-recevoir tirée de la prescription, ces prétentions n'ayant été présentées que bien plus tard, respectivement les 5 juillet 2023 et 5 mars 2024.

Dès lors, il convient de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [P], opposée par la société Coldwell Banker et les consorts [B] et de statuer sur le fond.

A toutes fins utiles et surabondamment, il résulte des dispositions de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction citée plus bas, applicable au litige, que l'action de M. [P] est une action en diminution de loyer fondée sur le paragraphe II A de cet article, laquelle, en l'absence de durée de prescription spéciale, est soumise au délai de prescription triennale de l'article 7-1 de la même loi.

Sur la demande de régularisation du bail

La société Coldwell Banker demande à la cour d'ordonner aux consorts [B] et à M. [P] de régulariser le bail du 7 décembre 2015 pour le mettre en conformité avec les articles 3 et 17-II-B de la loi du 6 juillet 1989 en distinguant le loyer de référence majoré, de 3.346 euros, et le montant du complément de loyer s'y ajoutant, soit la somme de 1.454 euros, ce qui correspond à la somme mensuelle totale convenue entre les parties de 4.800 euros, et en rappelant les caractéristiques du logement justifiant de ce complément.

Les consorts [B] estiment à tout le moins qu'il appartient à la cour de procéder par son arrêt à cette 'mise en conformité' du contrat à la volonté des parties et fonde ses demandes financières sur cette interprétation de l'intention des parties.

M. [P] s'y oppose notamment en raison de son départ des lieux et de la résiliation du bail intervenue entre-temps et conteste un 'accord des parties' à ce sujet.

Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'ordonnance du 1er octobre 2016 :

'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.'

Le juge ne saurait, sous prétexte d'équité ou pour toute autre raison, modifier le contenu du contrat, à peine de dénaturation ni l'interpréter dès lors que ses termes sont clairs et précis.

En l'espèce, le contrat de bail est désormais résilié de sorte qu'il n'y a pas lieu de le régulariser. En outre, en l'absence de tout 'consentement mutuel' des parties sur l'existence d'un complément de loyer et sur une 'régularisation', il n'y a pas lieu d'ordonner aux parties de régulariser le bail.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le loyer fixé par les parties

Il convient en revanche d'apprécier le contenu et la portée du bail et le cas échéant d'interpréter la volonté des parties.

La société Coldwell Banker et les consorts [B] considèrent en substance que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le montant du loyer fixé à 4.800 euros implique nécessairement la prise en compte d'un complément de loyer, quand bien même le bail « n'aurait pas formellement distingué la part de ce prix correspondant loyer de référence et celle correspondant au complément de loyer ».

Ils considèrent ainsi que c'est par suite d'une simple erreur que la part du complément de loyer n'a pas été précisée ; les consorts [B] ajoutent que le complément de loyer est parfaitement justifié au regard des prestations de l'appartement.

L'article 17 de la loi nº89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, dans sa rédaction applicable au bail, issu de la loi Alur (et modifiée depuis), dispose que :

'I. - Les zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social, sont dotées d'un observatoire local des loyers prévu à l'article 16 de la présente loi. Un décret fixe la liste des communes comprises dans ces zones.

Dans ces zones, le représentant de l'Etat dans le département fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique.

Les catégories de logement et les secteurs géographiques sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers.

Chaque loyer de référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers selon les catégories de logement et les secteurs géographiques.

Chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré sont fixés respectivement par majoration et par minoration du loyer de référence.

Les compétences attribuées au représentant de l'Etat dans le département par le présent article sont exercées, dans la région d'Ile-de-France, par le représentant de l'Etat dans la région.

Le loyer de référence majoré est égal à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence.

Le loyer de référence minoré est égal au loyer de référence diminué de 30 %.

II. - A. - Dans les zones où s'applique l'arrêté mentionné au I, le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, dans la limite du loyer de référence majoré.

Une action en diminution de loyer peut être engagée si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature dudit contrat.

B. - Un complément de loyer peut être appliqué au loyer de base tel que fixé au A pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique. Les modalités d'application du présent alinéa sont précisées par décret en Conseil d'Etat.

Le montant du complément de loyer et les caractéristiques du logement le justifiant sont mentionnés au contrat de bail.

Lorsqu'un complément de loyer est appliqué, le loyer s'entend comme la somme du loyer de base et de ce complément.

Un complément de loyer ne peut être appliqué à un loyer de base inférieur au loyer de référence majoré.

Le locataire qui souhaite contester le complément de loyer dispose d'un délai de trois mois à compter de la signature du bail pour saisir la commission départementale de conciliation prévue à l'article 20 de la présente loi.

En cas de contestation, il appartient au bailleur de démontrer que le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.

En cas de conciliation, le montant du loyer, tenant compte de l'éventuel complément de loyer, est celui fixé par le document de conciliation délivré par la commission départementale de conciliation.

En l'absence de conciliation, le locataire dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de l'avis de la commission départementale de conciliation pour saisir le juge d'une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de la commission départementale de conciliation peut être soulevée d'office par le juge.

Dans les deux cas, le loyer résultant du document de conciliation ou de la décision de justice s'applique à compter de la prise d'effet du bail.

III. - En dehors des territoires mentionnés au I, la fixation du loyer des logements mis en location est libre.

IV. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.'

Il est constant que le décret nº2015-650 du 10 juin 2015 relatif aux modalités de mise en 'uvre du dispositif d'encadrement du niveau de certains loyers a précisé les caractéristiques visées par l'article 17 de la loi et qu'un arrêté préfectoral nº2015 176-0007 du 25 juin 2015 a fixé les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de [Localité 6] pour les baux d'habitation conclus entre le 1er août 2015 et le 31 juillet 2016 et précisé les caractéristiques retenues pour la catégorisation des logements.

Le premier juge s'est fondé sur cet arrêté, tout comme la commission de conciliation dans son avis du 14 mars 2017.

Après plusieurs recours devant les juridictions administratives qui ont justifié le sursis à statuer dans la présente instance (jugement du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2017, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 juin 2018, annulé partiellement par arrêt du conseil d'État du 5 juin 2019 ; arrêt du 21 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Paris, saisie sur renvoi, annulant le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2017 ; désistement du recours contre cet arrêt constaté par arrêt du Conseil d'État du 31 décembre 2021), il est désormais constant d'une part que l'arrêté préfectoral du 25 juin 2015 est régulier et s'applique en l'espèce et d'autre part, qu'il en résulte que le loyer de référence majoré maximum résultant de cet arrêté devait bien être de 3.346 euros par mois comme l'a retenu le jugement entrepris (soit 27,7 euros par m2 pour une surface habitable de 120,81 m2).

C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte et qui ne sont pas utilement contredits, aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal n'étant produit en cause d'appel, que le premier juge a retenu que le contrat de bail ne prévoit aucun complément de loyer, alors que l'imprimé utilisé pour la rédaction du contrat prévoit explicitement une case 'complément de loyer' , laquelle n'a été ni cochée ni renseignée par les parties.

La cour ajoute que seul est rempli le paragraphe: 'a) montant du loyer mensuel : 4.800 euros'.

En revanche, le paragraphe 'b) modalités particulières de fixation initiale du loyer applicable dans certaines zones tendues' n'est pas renseigné, alors qu'il permet d'apporter toutes les précisions applicables le cas échéant en cas de complément de loyer, c'est à dire de mentionner le montant du loyer de référence, le montant du loyer de référence majorée, le loyer de base, le complément de loyer et les caractéristiques du logement. Aucune de ces mentions n'est remplie.

Aucun complément de loyer n'est donc prévu au contrat, parfaitement clair à cet égard.

Il ne résulte pas des éléments produits que l'intention des parties ait été de considérer que le loyer mensuel de 4.800 euros incluait en réalité un complément de loyer.

Le seul fait que le loyer mentionné excède le loyer de référence majoré ne suffit pas à contredire les termes dénués d'ambiguïté du bail et à en déduire qu'elles s'accordaient sur un complément de loyer non mentionné; il n'y a pas lieu à interprétation de l'intention des parties sur ce point.

D'ailleurs l'article 17 de la loi précitée ouvre la possibilité au locataire d'agir en diminution du loyer exédant le loyer de référence majoré (§ II A), une telle action étant prévue indépendamment de celle, distincte, relative le cas échéant au complément de loyer stipulé (§ II B).

En tout état de cause et surabondamment, si les consorts [B] soutiennent que ce complément de loyer est justifié, ce qui expliquerait selon eux le montant de 4.800 euros excédant le loyer de référence majoré, ils ne rapportent pas la preuve de ce que le logement loué justifiait un tel complément.

Pour mémoire, le décret précité du 10 juin 2015, prévoit en son article 3 de la section 3 portant sur les dispositions relatives au complément de loyer que:

'L'application d'un complément de loyer, prévu au B du II de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée, peut être justifiée par les caractéristiques de localisation ou de confort d'un logement, lorsque ces caractéristiques réunissent les conditions suivantes :

1º Elles n'ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement ;

2º Elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ;

(...)'.

Si les consorts [B] font valoir que l'appartement, qui avait été entièrement rénové, est en duplex, au dernier étage, doté d'une terrasse de 23 m² orientée au sud, avec vue sur la Tour Eiffel et le Sacré-C'ur et comporte un niveau d'équipement exceptionnel (menuiseries neuves, chambres équipées de dressing, douches à l'italienne, WC suspendus,...), ils ne prouvent pas que ces caractéristiques n'ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence, étant rappelé que le loyer de référence in fine retenu est le loyer de référence majoré, ni qu'elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.

C'est ainsi par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits, aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal n'étant produit devant la cour, que le premier juge a retenu que le bailleur ne fournissait aucun élément de comparaison, fondé sur des logements de la même catégorie, situés dans le même secteur géographique qui pourraient justifier ce complément de loyer.

La cour relève au surplus que de tels éléments n'apparaissent pas davantage avoir été justifiés devant la commission de conciliation qui, dans son avis du 14 mars 2017, a 'regretté que le bailleur n'ait eu aucune contreproposition à formuler en séance ce qui a empêché toute possibilité de conciliation.'

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a :

-retenu que le loyer mensuel devait être fixé à 3.346 euros,

-condamné Mme [G] [B], aux droits de laquelle viennent désormais les consorts [B], à rembourser à M. [I] [P] la somme de 1.454 euros trop versée au titre du dépôt de garantie, la somme de 863,55 euros trop versée au titre du loyer de janvier 2016, et la somme mensuelle de 1.454 euros trop versée à compter du mois de février 2016, étant observé que les motifs du premier juge ne sont pas particulièrement critiqués.

-ordonné la compensation entre les sommes dues par Mme [G] [B] au titre du trop versé sur le dépôt de garantie et le loyer, et les sommes dues par M [I] [P] au titre des loyers de la période en cours,

Sur les sommes mises à la charge de la société Coldwell Banker

S'agissant des obligations du mandataire, l'article 1991 du code civil dispose que: "Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution (...)".

L'article 1992 dispose que :

"Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.

Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire."

Le mandataire est donc tenu d'accomplir son mandat avec diligence et jusqu'au terme des missions prévues, étant souligné qu'il peut disposer d'une certaine marge de manoeuvre dans cet accomplissement.

Il a aussi une obligation de renseignement et de conseil, spécialement s'agissant d'un professionnel, et de rendre compte.

En outre, le mandataire rédacteur d'acte doit supporter un devoir de conseil renforcé en ce qu'il doit s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il confectionne, à défaut de quoi sa responsabilité est engagée.

Il répond à l'égard du mandant de toutes ses fautes, y compris de simples fautes d'imprudence ou d'un simple manque de diligence.

Par ailleurs, selon les principes généraux de la réparation, le dommage réparable doit être personnel, direct et certain. Le dommage juridiquement réparable doit se rattacher au fait générateur de responsabilité par un lien de causalité direct et certain.

La réparation du dommage doit être intégrale, sans excéder le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit.

En matière de responsabilité contractuelle la réparation du dommage imprévisible est en principe exclue en application de l'article 1150 dans sa rédaction applicable au litige selon lequel 'Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée'.

En l'espèce le contrat de mandat du 19 novembre 2015 stipule que la société Coldwell Banker est mandatée afin de "rechercher un locataire et faire toutes les démarches en vue de louer" le bien litigieux ; le paragraphe VII du contrat ('mission-pouvoirs du mandataire') stipule que "tout pouvoir est donné au mandataire pour parvenir à la location notamment (...) établir tout acte sous seing privé (contrat de location, état des lieux') nécessaire à l'accomplissement des présentes et recueillir la signature du locataire. ».

Le loyer indiqué dans le mandat est de 4.800 euros.

Le mandataire avait ainsi un devoir de conseil s'agissant du montant du loyer, en particulier dans le contexte d'une réglementation spécifique en matière d'encadrement des loyers, la loi étant d'ordre public, et un devoir de rédiger le bail conformément à l'estimation faite avec le bailleur quant au montant du loyer et en éclairant ce dernier sur la portée de l'acte et l'incidence d'une éventuelle contestation par le locataire.

Il lui appartenait de s'assurer, en rédigeant l'acte, qu'étaient observées les formalités requises en matière de détermination du loyer et de ses composantes pour donner à l'acte toute son efficacité ; son obligation de rédiger un bail conforme aux dispositions légales est à cet égard une obligation de résultat comme l'a exactement retenu le premier juge ; ainsi s'agissant d'un loyer qui excédait le loyer de référence majoré, les mentions relatives à ce dernier et à un éventuel complément de loyer devaient être précisées afin que le loyer convenu résulte d'un accord éclairé entre le locataire et le bailleur et que l'acte signé ait une pleine efficacité.

Or, le bail prévoit un loyer excédant le loyer de référence majoré mais ne mentionne aucun complément de loyer.

Comme l'a retenu le premier juge, la faute de la société est d'autant plus caractérisée que l'imprimé utilisé rappelait les modalités de fixation du loyer applicable dans les zones tendues.

Aucun élément ne démontre que le mandant a rempli son devoir de conseil au sujet des dispositions légales et réglementaires en matière d'encadrement des loyers et de la possibilité et l'incidence d'une contestation par le locataire.

La cour observe au surplus que contrairement à ce que semble soutenir la société mandataire, aucun élément n'établit que le loyer de 4.800 euros aurait été décidé et imposé par le mandant et que la société Coldwell Banker n'allègue ni n'établit avoir proposé une estimation autre que la somme de 4.800 euros.

La société Coldwell Banker a donc commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1992 du code civil, comme l'a retenu le premier juge dans les motifs de sa décision.

La société Coldwell Banker, qui ne conteste d'ailleurs pas véritablement avoir commis une faute, soutient que le préjudice subi par les consorts [B] consiste en une perte de chance de recevoir paiement d'un complément de loyer, lequel était d'ailleurs incertain puisqu'il pouvait être contesté en justice par le locataire dans les conditions prévues par l'article 17 II B précité; elle estime que la condamner à les garantir des sommes qu'ils sont condamnés à payer au titre des complément de loyers non dus, entraînerait pour eux un enrichissement sans cause et que la perte de chance subie en l'espèce ne saurait excéder 10% du loyer de référence majoré soit 335 euros par mois.

Cependant les consorts [B] sont condamnés à des restitutions de loyers découlant du fait que le termes du bail ne sont pas conformes aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 sur l'encadrement des loyers et les conditions de fixation d'un complément de loyers ; il ne s'agit pas d'une simple perte de chance mais d'un préjudice résultant directement du manquement du gestionnaire de location à son obligation de conseil et de rédiger un bail valable et efficace.

Comme l'a pertinemment retenu le premier juge dans ses motifs, que la cour adopte, le préjudice subi par le bailleur, est directement en lien avec la faute commise par le mandataire puisque M. [P] a fondé sa demande en diminution du loyer à la somme de 3.346 euros sur le loyer de référence majoré et sur l'absence de toute mention d'un complément de loyer dans le bail.

Il a également retenu exactement que ce préjudice s'étendait à la perte locative subie par le bailleur jusqu'au départ des lieux devant intervenir le 7 décembre 2018, compte tenu du congé pour reprise délivré par ailleurs au locataire ; en effet le bailleur et le locataire était parvenus à un accord sur le montant du loyer à 4.800 euros et la perte locative subie par le bailleur résulte directement de la rédaction incorrecte du bail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Coldwell Banker à garantir Mme [G] [B], aux droits de laquelle viennent les consorts [B], de la condamnation prononcée contre elle dans le cadre de l'action en réduction de loyer engagée par M [I] [P], concernant le remboursement du trop versé, pour le dépôt de garantie soit 1.454 euros, pour le loyer de janvier 2016 soit 863,55 euros, pour les loyers à compter du mois de février 2016 jusqu'au 7 décembre 2018 inclus soit la somme mensuelle de 1.454 euros, concernant l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1.000 euros et concernant les dépens.

En conséquence, les demandes de la société Coldwell Banker tendant au remboursement des sommes qu'elle a directement réglées, en exécution du jugement entrepris, à

-M. [P], en remboursement des loyers trop payés par lui sur la période allant de la signature du bail à l'échéance de février 2018 incluse, soit de 38.890,64 euros,

-aux consorts [B], en compensation de la perte locative de mars 2018 jusqu'au terme du bail, le 6 décembre 2018 soit la somme de 13.414,32 euros (le locataire ayant sur cette période payé au bailleur uniquement le loyer de référence majoré de 3.346 euros) ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la demande des consorts [B] de la somme de 1.812 euros à titre de dommages-intérêts à l'encontre de la société Coldwell Banker

Devant le premier juge, cette demande de paiement était présentée comme un remboursement des honoraires versés à la société Coldwell Banker.

Les consorts [B] demandent l'infirmation du jugement qui les a déboutés sur ce point et réitèrent cette demande devant la cour, en tant que demande de dommages-intérêts.

Dans les moyens développés à l'appui de cette demande, ils se bornent à invoquer le 'remboursement' des honoraires payés à l'agence et ce pour 'inexécution de ses obligations contractuelles'.

C'est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par les consorts [B] qui ne produisent en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a retenu que la faute commise par l'agence de l'exercice de son mandat ne la privait pas de son droit à rémunération prévue dans ledit mandat.

La cour ajoute que les consorts [B] n'exposent ni n'établissent avoir subi un préjudice distinct de celui réparé par ailleurs par les condamnations de la société Coldwell Banker, justifiant que leur soit allouée cette somme.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [B] de leur demande.

Sur la demande des consorts [B] en condamnation de la société Coldwell Banker à leur payer la somme de 4.362 euros au titre des pertes locatives sur la période du 7/12/2018 au 8/3/2019

Les consorts [B] saisissent la cour d'une demande de condamnation de la société Coldwell Banker à leur payer la somme de 4.362 euros au titre de leur pertes locatives sur la période allant de la date d'effet du congé pour reprise délivré au locataire, le 7 décembre 2018, à la date à laquelle ce dernier a effectivement quitté les lieux, le 8 mars 2019 ; ils soutiennent que l'indemnité d'occupation aurait due être de 4.800 euros et non de 3.346 euros par mois, somme payée par M. [P], et que le différentiel entre ces deux sommes leur est dû.

La société Coldwell Banker objecte que le préjudice invoqué est sans rapport avec sa faute et qu'elle n'a pas à le réparer.

M. [P] rappelle qu'il a payé sur cette période des indemnités d'occupation de 3.346 euros mensuels correspondant au loyer fixé par le premier juge, et ne saurait être redevable d'aucune somme à quelque titre que ce soit, même subsidiairement pour 'garantir' la société Coldwell Banker de toute condamnation, comme cette dernière le demande.

En l'espèce, le préjudice invoqué par les consorts [B] résulte du seul maintien dans les lieux de M. [P] au delà du terme du bail et jusqu'au 8 mars 2019, qui est sans rapport avec la faute de la société Coldwell Banker ; comme le fait d'ailleurs valoir cette dernière, si le locataire ne s'était pas indûment maintenu dans les lieux aucune somme n'aurait été due aux consorts [B].

Les consorts [B] n'établissent pas avoir subi un préjudice réel, direct et certain résultant de la faute de la société Coldwell Banker et justifiant l'octroi des sommes demandées.

Cette demande sera donc rejetée.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de garantie à l'encontre de M. [P] formée par la société Coldwell Banker.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée par M. [P]

M. [P] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande à hauteur de 3.000 euros pour résistance abusive à l'encontre des consorts [B] et réitère cette demande devant la cour, toutes ses démarches amiables étant restées vaines.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu, par des motifs que la cour adopte et qui ne sont pas utilement contredits par des éléments nouveaux, que M. [P] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui suffisamment réparé par les remboursements de loyer et du dépôt de garantie surévalués par rapport au loyer de référence majoré, et par les frais de procédure, justifiant la condamnation du bailleur à lui allouer des dommages-intérêts distincts.

La cour ajoute que ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre des consorts [B] une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre en justice, l'inexacte appréciation de leurs droits n'étant pas fautive.

Par ailleurs, les allégations relatives aux conditions dans lesquelles le congé pour reprise lui a été délivré sont sans rapport avec la présente instance et aucune 'volonté vengeresse' n'en résulte qui justifie l'octroi de sommes à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Les termes de la présente décision ne justifient pas d'infirmer le jugement en ce qui concerne les dépens et les frais de l'article 700 de première instance.

S'agissant de l'instance d'appel, la société Coldwell Banker et les consorts [B] étant parties perdantes sur l'essentiel de leurs prétentions en appel, il est équitable de les condamner in solidum à payer à M. [P] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit MM. [A] et [K] [B] en leur intervention volontaire;

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir opposée par la SAS Coldwell Banker [Localité 6] West Residential et MM. [A] et [K] [B] à l'action de M. [I] [P], tirée de la prescription de celle-ci ;

Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf à préciser que MM. [A] et [K] [B] viennent aux droits de Mme [G] [B], décédée,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,

Et y ajoutant,

Rejette la demande de MM. [A] et [K] [B] en condamnation de la SAS Coldwell Banker [Localité 6] West Residential à leur payer la somme de 4.362 euros au titre de leur pertes locatives sur la période du 7 décembre 2018 au 8 mars 2019;

Condamne in solidum la SAS Coldwell Banker [Localité 6] West Residential et MM. [A] et [K] [B] à payer à M. [I] [P] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SAS Coldwell Banker [Localité 6] West Residential et MM. [A] et [K] [B] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.