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Décisions

Cass. com., 23 octobre 2024, n° 23-17.962

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Bedouet

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Spinosi

Caen, du 19 mai 2023

19 mai 2023

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société [H] [Z], désignée liquidateur de la société Gazengel, en remplacement de la société Xavier Lemée par une ordonnance du 26 mars 2024, de sa reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 19 mai 2023), un jugement du 4 septembre 2018, a ouvert le redressement judiciaire de la société Gazengel, ultérieurement converti en liquidation judiciaire. Le groupement agricole d'exploitation en commun de [Adresse 2] (le GAEC) a déclaré à la procédure une créance qui a été contestée.

3. Par une ordonnance du 19 juin 2019, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et invité le GAEC à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de son ordonnance.

4. Le GAEC ayant formé appel de cette ordonnance, la cour d'appel l'a confirmée par arrêt du 18 février 2021, signifié 1er mars 2021.

5. Le 12 octobre 2021, le juge-commissaire a ordonné le rappel de l'affaire aux fins de statuer sur la créance, puis, par une ordonnance du 16 novembre 2021, a constaté la forclusion du GAEC et rejeté sa créance.

6. Le GAEC qui avait assigné, le 14 octobre 2021, la société Gazengel devant un tribunal judiciaire aux fins de reconnaître la responsabilité de cette dernière a formé appel de l'ordonnance du juge-commissaire du 16 novembre 2021.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. La société Gazengel et son liquidateur font grief à l'arrêt de déclarer le GAEC non forclos en son assignation devant le tribunal judiciaire et d'ordonner le renvoi de l'affaire devant le juge-commissaire pour qu'il soit statué sur l'admission ou le rejet de sa créance, alors « que, si, en l'absence de toute référence aux dispositions de l'article R.624-5 du code de commerce et de toute indication relative au délai d'un mois légalement imparti à l'intéressé pour saisir la juridiction compétente et à la forclusion encourue le cas échéant, tant dans la décision elle-même que dans sa notification ou sa signification, les exigences du droit à un procès équitable peuvent exceptionnellement justifier que la forclusion ne puisse être opposée au créancier, il en est autrement lorsque l'arrêt, statuant sur l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire invitant expressément le créancier à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à peine de forclusion, a confirmé purement et simplement cette ordonnance et ce en toutes ses dispositions, y compris celles mentionnant le délai de forclusion d'un mois, mettant ainsi l'intéressé en mesure de faire le nécessaire pour se prémunir de la forclusion ; qu'en considérant au contraire qu'à défaut de dispositions expresses de l'arrêt confirmatif fixant un nouveau délai au créancier pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion, celle-ci n'était pas encourue, la cour d'appel a violé les articles R.624-5 du code de commerce et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R.624-5 du code de commerce :

8. Selon ce texte, le juge-commissaire qui constate l'existence d'une contestation sérieuse, invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

9. Il en résulte que si la cour d'appel confirme l'ordonnance ayant invité l'une des parties à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, l'arrêt se substitue à l'ordonnance attaquée et la notification de l‘arrêt fait courir un nouveau délai de forclusion d'un mois.

10. Pour dire que le GAEC n'était pas forclos, l'arrêt retient que le texte ne

prévoit aucun report du point de départ du délai d'un mois imparti par le juge-commissaire et que l'arrêt confirmatif n'a en l'espèce fixé aucun nouveau délai au créancier pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. Tel que suggéré par la société Gazengel et la société Xavier Lemée, son liquidateur judiciaire, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie en effet que la Cour de cassation statue au fond.

14. Le délai de forclusion d'un mois imparti au GAEC pour saisir le juge compétent a commencé à courir à compter du 1er mars 2021, date de signification de l'arrêt du 18 février 2021. Il était donc expiré lorsque le GAEC a saisi le tribunal judiciaire de Coutances le 14 octobre 2021.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.