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Décisions

Cass. com., 23 octobre 2024, n° 23-17.704

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Bedouet

Avocat :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Versailles, du 9 mars 2023

9 mars 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 mars 2023), le 24 mars 2017, un arrêt, devenu irrévocable, a condamné la société Ecossev à payer aux sociétés Trimax développement et Espace conseil chacune une certaine somme à titre de dommages et intérêts. Le 29 mai 2019, ces sociétés ont cédé leur créance à la société Triel Seine Amont ayant notamment pour associée la société Ecossev.

2. Le 25 juillet 2019, la société Ecossev a été mise en liquidation judiciaire.

3. Le 29 juillet 2019, les cessions de créances lui ont été notifiées.

4. Le 23 février 2021, le liquidateur de la société Ecossev a assigné la société Triel Seine Amont en paiement du solde de son compte courant d'associé. La société Triel Seine Amont lui a opposé une exception de compensation du chef des créances cédées le 29 mai 2019.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'accueillir l'exception de compensation et de fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Ecossev les créances de la société Triel Seine Amont à concurrence de 17 083,50 euros en principal alors « que le jugement d'ouverture d'une liquidation judiciaire prend effet à compter de sa date ; qu'il emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; que la compensation, qui est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes, s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ; que le caractère de réciprocité des créances ne peut intervenir qu'au moment de la notification des cessions de créances opérées par le cessionnaire ; qu'en estimant qu'il y avait lieu d'opérer une compensation entre les créances réciproques des sociétés Ecossev et Triel Seine Amont dès lors que les conditions de la compensation légale étaient réunies le 27 juin 2019, soit avant l'ouverture de la procédure collective, cependant que le caractère de réciprocité des créances litigieuses n'avait pu naître qu'au moment de la notification des cessions de créances opérées par la société Triel Seine Amont à la société Ecossev, le 29 juillet 2019, soit postérieurement à l'ouverture de la procédure collective le 25 juillet 2019, la cour d'appel a violé les articles 1324 et 1347 du code civil, ensemble l'article L. 622-7 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1324 et 1347 du code civil, L. 622-7 et R. 621-4 du code de commerce :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que la compensation légale ne peut s'opérer au profit du cessionnaire du chef d'une créance cédée qu'après la notification de la cession au débiteur, laquelle doit intervenir avant le jugement d'ouverture de la procédure collective de ce dernier qui prend effet dès le jour de son prononcé.

7. Pour admettre la compensation entre la créance de la société Ecossev au titre du compte courant d'associé et celle de la société Triel Seine Amont au titre de l'acquisition de créances, l'arrêt retient que, la cession de créance ayant été signifiée le 29 juillet 2019, avant la publication du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Ecossev, et la créance du liquidateur judiciaire au titre du remboursement du compte courant d'associé, étant exigible à tout moment, donc avant l'ouverture de la procédure, les deux créances étaient donc exigibles antérieurement au jugement d'ouverture, les conditions de la compensation légale étant réunies le 27 juin 2019 [le 29 mai 2019].

8. En statuant ainsi, alors que la cession de créance ayant été signifiée après l'ouverture de la procédure collective de la société Ecossev, la créance cédée ne pouvait être compensée de plein droit avec la créance de cette dernière contre le cessionnaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.