CA Douai, 2e ch. sect. 1, 17 octobre 2024, n° 23/05692
DOUAI
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Cedrus (FCT), IQ EQ Management (SAS), MCS et Associés (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilles
Conseillers :
Mme Mimiague, Mme Bubbe
Avocats :
Me Le Roy, Me Cavallo, Me Camus-Demailly, Me Tack
EXPOSÉ DU LITIGE
La société [B] et Fils (ci-après [B]) était titulaire d'un compte courant professionnel ouvert dans les livres de la Société générale. Le 17 décembre 2010 la banque lui a consenti deux ouvertures de crédit de trésorerie de montants maximums de 150 000 euros.
Suivant acte du 19 février 2010 M. [C] [B], directeur de la société, s'est engagé en qualité de caution solidaire de tous engagements de la société [B], dans la limite de 520 000 euros et pour une durée de dix ans.
Le 18 novembre 2011 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par le tribunal de commerce d'Amiens à l'égard de la société [B] convertie en liquidation judiciaire par jugement du 18 janvier 2013. La liquidation judiciaire sera clôturée le 13 janvier 2017 pour insuffisance d'actif.
Le 6 janvier 2012 la Société générale a déclaré au passif de la procédure collective plusieurs créances, dont des créances au titre des deux crédits et du solde débiteur du compte courant qui ont été admises par ordonnance du juge-commissaire du 29 mai 2013 confirmée par arrêt du 15 octobre 2015.
La banque a mis en demeure la caution le 6 février 2013 de lui payer les sommes au titre du compte courant et des deux crédits puis l'a assignée en paiement devant le tribunal de commerce d'Amiens par acte du 30 avril 2013.
Par acte du 30 août 2018 la Société générale a assigné M. [B] aux mêmes fins devant le même tribunal.
Par jugement du 5 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Amiens, statuant dans l'instance introduite par l'assignation du 30 avril 2013, a constaté le désistement d'instance de la banque.
Par jugement du 9 juillet 2019 (2018J00136), statuant dans l'instance introduite par l'assignation du 30 août 2018, le tribunal a déclaré prescrite l'action initiée par la Société générale à l'encontre de la caution et l'a déboutée de ses demandes, l'a condamnée à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à sa charge.
Saisie par déclaration d'appel de la Société générale, la cour d'appel d'Amiens a, par arrêt du 19 avril 2022 (RG 19/06554), déclaré recevable l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation (FCT) Cedrus représenté par la société MCS et Associés venant aux droits de la Société générale, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et a condamné le FCT à payer à M. [B] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Le FCT Cedrus a formé un pourvoi contre cet arrêt et par arrêt du 25 octobre 2023 la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire du FCT Cedrus, a remis, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt, et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Douai.
Par déclaration reçue au greffe le 22 décembre 2023 le FCT Cedrus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, anciennement dénommée Equitis Gestion SAS, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés, a saisi la cour de renvoi. La déclaration de saisine vise l'ensemble des chefs du jugement du tribunal de commerce.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 mai 2024 le FCT Cedrus demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Amiens et, statuant à nouveau, de :
- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner à lui payer la somme totale de 277 083,49 euros, outre les intérêts dus au taux légal jusqu'à parfait paiement, se décomposant ainsi :
- 43 025,26 euros au titre du solde débiteur compte courant professionnel outre les intérêts au taux légal depuis le 18 janvier 2013,
- 77 836,19 euros au titre du solde crédit moyen terme du 17 décembre 2010, outre les intérêts dus au taux légal depuis le 18 janvier 2013 et jusqu'à parfait paiement,
- 156 222,04 euros au titre du solde crédit moyen terme du 17 décembre 2010, outre les intérêts dus au taux légal depuis le 18 janvier 2013 et jusqu'à parfait paiement,
- le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de M. Loïc Le Roy, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 mai 2024 M. [B] demande à la cour de :
à titre principal,
- juger qu'il n'est pas démontré que la demanderesse au renvoi dispose de l'intérêt et de la qualité à agir devant la cour d'appel de renvoi et la déclarer irrecevable en son action et ses demandes,
- juger qu'à la date à laquelle la Société générale a fait délivrer une seconde assignation, son action était déjà en cours devant la juridiction consulaire, que la banque ne justifiait pas d'un intérêt à agir et déclarer la seconde assignation irrecevable pour défaut d'intérêt à agir,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action initiée par la Société générale, l'a condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
à titre subsidiaire,
- juger que la Société générale aux droits de laquelle vient le FCT Cedrus a commis une faute en versant les sommes de 150 000 euros et de 100 000 euros en contravention des dispositions des deux contrats du 17 décembre 2010,
- juger en conséquence que :
- il doit être déchargé de toute obligation en qualité de caution,
- la perte de chance subie par la caution doit être évaluée à la somme de 250 000 euros,
- les intérêts sollicités par le FCT Cedrus n'ont aucun fondement contractuel,
- la somme demandée à hauteur de 106 000 euro est malfondée en son montant en ce qu'elle a été ramenée par le juge-commissaire à 77 836,19 euros,
- condamner le FCT Cedrus à lui payer la somme de 250 000 euros au titre de la perte de chance subie et ordonner toute compensation entre les créances respectivement dues entre les parties,
- le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- constater la disproportion de l'engagement de caution par rapport à ses biens et revenus,
- juger en conséquence que le FCT Cedrus ne peut se prévaloir de l'engagement de caution,
- constater que le FCT Cedrus ne justifie d'aucune information annuelle donnée à la caution quant à la dette cautionnée,
- le déchoir en conséquence de tout droit à intérêts,
à titre infiniment subsidiaire,
- lui accorder un échelonnement des paiements sur une période de vingt-quatre mois,
en toute hypothèse,
- débouté le FCT Cedrus de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner au paiement d'une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- le condamner au paiement d'une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de cette procédure d'appel outre l'ensemble des frais et dépens de première instance et d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 juin 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 20 juin suivant.
MOTIFS
i - sur les fins de non-recevoir opposées par M. [B]
Sur la qualité et l'intérêt à agir du FCT à raison du défaut de pouvoir du recouvreur
M. [B] fait valoir qu'il n'est pas justifié de l'intérêt et de la qualité à agir de la société MCS et associés pour le FCT, relevant que le pouvoir communiqué, daté du 18 novembre 2019, non accepté par le recouvreur, ne vise que les créances cédées à cette date et non les créances à céder, la créance en cause ayant été cédée le 29 novembre 2019.
La cour d'appel d'Amiens a déclaré recevable l'intervention volontaire du FCT Cedrus représenté par la société MCS et associés venant aux droits de la Société générale, disposition devenue définitive suite à l'arrêt de la Cour de cassation, constatant l'intervention d'une cession de créance au profit du fonds mais elle ne s'est pas prononcée sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir de la société MCS et associés pour représenter le fonds, qui concerne la qualité et non l'intérêt à agir de celle-ci.
Selon l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable, issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, invoqué par le FCT Cedrus, une société de gestion, en tant que représentant légal d'un fonds de titrisation, peut confier par voie de convention à une entité désignée à cet effet le recouvrement de toute créance dont ce fonds serait cessionnaire, entité qui peut représenter directement l'organisme dans toutes les actions en justice liées à la gestion et au recouvrement de l'actif, sans qu'il soit besoin qu'elle obtienne un mandat spécial à cet effet ni qu'elle mentionne la société de gestion dans les actes.
L'acte de cession de créances comprenant les créances de la Société générale sur la société [B], en date du 29 novembre 2019, stipule que le recouvrement des créances constituant le 'Portefeuille' a été confié par le cessionnaire à MCS & Associés. Il est en outre justifié d'un pouvoir octroyé le 18 novembre 2019 par le FCT Cedrus, représenté par Equitis Gestion SAS, désignant la société MCS & Associés 'comme l'entité en charge du suivi et du recouvrement des créances cédées au FCT', précisant qu'à compter de ce jour, conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, le recouvreur représentera seul et directement le FCT dans toutes les actions en justice liées à la gestion et au recouvrement des créances cédées. Ces éléments font ressortir l'existence d'une convention confiant à la société MCS & Associés le recouvrement des créances cédées au FCT, qui ne limite pas son étendue aux créances ayant déjà fait l'objet d'une cession à la date du pouvoir et que rien ne permet d'interpréter en ce sens.
La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société MCS et Associés doit donc être rejetée, de même que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir motivée par l'absence de pouvoir de cette société et soulevée de manière inopérante.
Sur l'intérêt à agir du FCT du fait d'une procédure déjà en cours
M. [B] soutient que le demandeur était dépourvu d'intérêt à agir, lequel s'apprécie au jour de la demande en justice, au motif qu'à la date de l'assignation du 30 août 2018, une instance, introduite par l'assignation du 30 avril 2013, était déjà en cours.
Le FCT Cedrus lui oppose que la Société générale avait bien un intérêt à agir pour demander le recouvrement d'une créance dont il était débiteur à son égard. Il estime que le seul fait de délivrer deux assignations entre les mêmes parties et pour les mêmes causes n'est pas de nature à entraîner la nullité d'un des deux actes ; il considère que M. [B] fait une confusion entre autorité de la chose jugée, litispendance, intérêt, capacité et défaut de pouvoir.
Si l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice, l'absence d'intérêt à agir lors de l'introduction de la demande peut en revanche être régularisée jusqu'au jugement en application des dispositions de l'article 126 du code de procédure civile.
En l'espèce, si à la date de l'assignation du 30 août 32018, l'instance introduite le 30 avril 2013, ayant le même objet, était toujours en cours, celle-ci s'éteindra par l'effet du désistement de la Société générale constaté par le jugement du 5 octobre 2018 et seule l'instance engagée le 30 août 2018 se poursuivra.
La société [B] invoque la jurisprudence relative à la procédure d'appel selon laquelle lorsque la cour d'appel est régulièrement saisie par une première déclaration d'appel dont la caducité n'est pas constatée, est irrecevable le second appel faute d'intérêt pour son auteur à interjeter un appel dirigé contre le même jugement entre les mêmes parties (2e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 19-23.423). Ce raisonnement n'est toutefois pas transposable en l'espèce dans la mesure où, en appel, le désistement emporte acquiescement au jugement (article 403 du code de procédure civile) et la péremption lui confère la force de la chose jugée (article 390 du code de procédure civile), alors qu'en première instance le désistement ou la péremption emportent extinction de l'instance, et non de l'action, et n'empêchent pas l'introduction d'une nouvelle instance.
En conséquence, le FCT Cedrus, venant aux droits de la Société générale pour le recouvrement de créances alléguées sur M. [B], justifie d'un intérêt à agir puisque l'instance introduite en premier, identique à celle introduite le 30 août 2018, encore en cours à cette date, s'est ensuite éteinte par l'effet du désistement, même s'il est intervenu postérieurement.
Le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir sera en conséquence écarté.
Sur la prescription de l'action en paiement
Il résulte de la combinaison des articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et de l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.
Le premier juge a considéré que la déclaration de créance de la Société générale à la procédure collective avait perdu son effet interruptif de prescription dès lors que la procédure introduite en 2013 contre la caution avait fait l'objet d'un désistement, d'une péremption ou d'une décision de rejet, et ce, par application de l'article 2243 du code civil, que le délai de prescription de l'action en paiement (cinq ans) courait donc à compter du 18 janvier 2013, date de la conversion en redressement judiciaire, rendant exigible le cautionnement, de sorte que l'action introduite le 30 août 2018 était prescrite.
En vertu de l'article 2243 du code civil, l'interruption de la prescription résultant d'une demande en justice est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.
La déclaration de créance constitue une demande en justice ayant un effet interruptif de prescription. Si son effet interruptif de prescription s'étend à la caution codébiteur solidaire, elle ne constitue pas une demande en justice contre la caution et n'introduit pas l'instance contre elle ; ce n'est qu'à l'égard du débiteur principal qu'elle constitue un acte de poursuite. Les effets interruptifs de prescription d'actes intervenus dans une autre instance (ici la déclaration de créance) n'impliquent pas que les effets attachés au désistement, à la péremption ou au rejet des prétentions d'une instance (ici contre la caution) s'appliquent à ces actes, les deux instances pouvant avoir le même objet mais concernant des débiteurs différents.
Ainsi, si la déclaration de créance doit être assimilée à une assignation car elle a, comme elle, la nature de demande en justice ayant le même objet, à savoir le recouvrement de la créance de la banque, la déclaration de créance n'est pas l'acte qui introduit la demande en justice à l'égard de la caution de sorte qu'elle n'est pas atteinte par les effets liés au désistement ou à la péremption de l'instance introduite par l'assignation contre la caution ; elle ne se confond pas avec l'assignation délivrée contre la caution.
Il en résulte que le désistement, en le considérant pur et simple comme le soutient M. [B], ou une éventuelle péremption acquise, n'ont pu avoir pour effet que de rendre non avenue la prescription résultant de l'assignation du 30 avril 2013, peu importe à cet égard que cet effet fût en pratique sans incidence sur le délai de prescription parce que cette assignation a été délivrée pendant le cours de l'interruption résultant de la déclaration de créance.
Dès lors, la prescription quinquennale ayant été interrompue à compter de la déclaration de créance du 6 janvier 2012 et jusqu'à la clôture de la procédure collective le 13 janvier 2017, l'action en paiement contre la caution introduite par l'assignation du 30 août 2018, n'est pas prescrite.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
ii - sur le fond
En premier lieu, M. [B] fait valoir que la banque a commis une faute en versant le montant des deux crédits à la société [B] après la durée des ouvertures des crédits, qui prenaient fin au 31 août 2011, en violation des dispositions contractuelles. Il en déduit qu'il doit être déchargé de toute obligation au titre de son engagement de caution, la banque ne pouvant réclamer des sommes qu'elle n'aurait pas dû verser, et expliquant qu'il n'a pas cautionné des prêts à échéance au 3 septembre ou 26 novembre 2011. Il sollicite des dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas être appelé en paiement au titre du cautionnement. Il estime que rien n'établit un accord entre la société [B] et la banque pour proroger les effets de la convention, rappelant qu'il n'est pas intervenu en qualité de caution dans l'opération ni dans la vérification du passif pour le contester.
Les contrats d'ouverture de crédit à moyen terme signés entre la société [B] et la Société générale le 17 décembre 2010 prévoient que la banque ouvre un crédit d'un montant maximal de 150 000 euros pour une durée de 9 mois soit jusqu'au 31/08/2011, date à laquelle il devra être intégralement remboursé en capital et intérêts et que le crédit sera amorti en totalité et en une seule fois à la date d'échéance finale. Il stipule aussi que le montant du tirage doit s'inscrire, à tout moment, dans la limite du montant disponible et son échéance ne doit pas être postérieure à la date de remboursement du Crédit.
La société [B] a émis deux 'avis de tirage' visant en objet les contrats du 17 décembre 2010, l'un le 2 août 2011 concernant un tirage de 150 000 euros au 3 août et mentionnant une date d'échéance au 3 septembre 2011, l'autre le 26 octobre 2011 concernant un tirage de 100 000 euros au 26 octobre et une date d'échéance au 26 novembre 2011.
Il ne peut être retenu une faute contractuelle de la banque à l'égard de la société [B] pour avoir exécuté ces demandes au motif que les dates d'échéance étaient postérieures à la date de remboursement prévues initialement dans les deux contrats dès lors que les deux parties ont pu librement décider de reporter la durée de l'ouverture du crédit, leur accord résultant de la demande par la société [B] et de l'exécution qui en a été faite par la banque.
En outre, s'il est mentionné dans les deux contrats de crédit que le prêt est garanti 'par le cautionnement solidaire de M. [C] [B] à hauteur de 520 000 euros par acte séparé du 19 février 2010 pour garantir l'ensemble des engagements', le cautionnement en question n'a pas été consenti pour garantir spécifiquement ces prêts mais 'le paiement de toutes sommes que le cautionné peut ou pourra devoir à la banque au titre de l'ensemble de ses engagements sous quelque forme que ce soit' de sorte que la caution ne peut soutenir que le cautionnement n'est pas opposable au motif qu'elle n'a pas cautionné des prêts à échéance au 3 septembre et au 26 novembre 2011.
Le moyen sera en conséquence écarté ainsi que, pour le même motif, la demande de dommages-intérêts, à supposer qu'elle puisse être formée contre le cessionnaire de la créance.
En second lieu, M. [B] fait valoir, sur le fondement de l'article L. 341-4 du code de la consommation, que le FCT Cedrus ne peut se prévaloir du cautionnement compte tenu de son caractère disproportionné à ses biens et revenus.
Selon l'article L. 341-4, du code de la consommation, dans sa version applicable au cautionnement litigieux, issue de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution, qui se prévaut du caractère manifestement disproportionné du cautionnement lors de sa souscription, d'en rapporter la preuve.
Sur la fiche de renseignements relatifs à la situation de la caution signée par M. [B] le 12 janvier 2010,celui-ci a déclaré être marié sous contrat, avoir deux enfants à charge, exercer la profession de PDG de la société [B] depuis 1979 et percevoir un salaire annuel de 87 096 euros. Il a mentionné détenir un patrimoine immobilier composé d'une maison constituant sa résidence personnelle estimée à 250 K€ et d'une maison et d'un corps de ferme estimés à 245 K€. Il n'est mentionné aucune charge mobilière ou immobilière ni aucun autre engagement dans les espaces prévus à cet effet sur la fiche de renseignements. Il est enfin renvoyé, s'agissant d'autres produits financiers, à une fiche contenant la liste des actionnaires de la société [B] montrant que M. [B] est titulaire de 18 991 actions en pleine propriété (sur un total de 36 081).
Comme le soutient M. [B], la proportion du cautionnement doit s'apprécier, lorsque le régime matrimonial de la caution est un régime de séparation de biens, au regard de ses seuls patrimoine et revenus, à l'exclusion de ceux de son conjoint. Toutefois il se borne à indiquer qu'il est marié sous le régime de séparation de biens et qu'en conséquence la disproportion manifeste s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels mais, alors qu'il n'a rien mentionné au sujet du patrimoine déclaré (bien propre ou indivis notamment), il ne communique aucun élément à ce sujet, et rien ne permet dès lors de considérer qu'il ne serait pas seul propriétaire du patrimoine immobilier qu'il a déclaré. Il n'est pas non plus communiqué d'élément concernant la valeur du patrimoine mobilier mentionné dans la fiche de renseignement. Dans ces conditions, et vu les éléments déclarés dans la fiche de renseignements, il n'est pas démontré que le cautionnement serait, à la date où il a été souscrit, manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution.
En troisième lieu, s'agissant des sommes dues, il est demandé contre la caution :
- au titre du solde débiteur du compte courant professionnel : 43 025,16 euros,
- au titre du premier crédit de trésorerie (150 000 euros) : 156 222,04 euros,
- au titre du second crédit de trésorerie (100 000 euros) : 77 836,19 euros.
M. [B] conclut à la déchéance du droit aux intérêts de la banque à raison du défaut d'information annuelle de la caution, sur le fondement de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier qui, dans sa version applicable à la date du cautionnement, dispose :
Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Le FCT Cedrus oppose à M. [B] la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts considérant que l'information aurait dû être donnée pour la première fois au 31 mars 2010, date constituant le point de départ du délai de prescription quinquennale.
Toutefois, la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle, lorsqu'elle tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre, constitue un moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence.
Dès lors le FCT, qui admet qu'aucune information annuelle n'a été donnée, encourt la déchéance du droit aux intérêts.
S'agissant du solde débiteur du compte courant, le montant demandé par le FCT correspond au montant déclaré à la procédure collective arrêté au 18 novembre 2011 ; le dernier décompte arrêté au 18 janvier 2013 ne comprend aucun intérêt et M. [B] ne communique pas d'élément démontrant que la somme réclamée comprendrait des intérêts. Dès lors, et la caution restant tenue à titre personnel des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, il sera fait droit à la demande au titre du solde débiteur du compte, sauf à prévoir l'application des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, le 6 février 2013.
S'agissant du premier prêt (tirage de 150 000 euros le 3 août 2011), la banque sera déchue des intérêts contractuels intégrés dans le décompte et la caution condamnée en conséquence au paiement de la somme de 150 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2013.
S'agissant du second prêt (tirage de 100 000 euros le 26 octobre 2011), le FCT, qui communique un décompte arrêté 21 février 2013 mentionnant une créance de 106 806,64 euros, incluant des intérêts au taux conventionnel, a ramené sa demande au montant admis par le juge-commissaire, soit à 77 836,19 euros ; M. [B] ne communique aucune pièce permettant de considérer que cette somme inclurait des intérêts ; il convient dès lors de faire droit à la demande de la banque, sauf à faire courir les intérêts au taux légal à compter du 6 février 2013, date de la mise en demeure.
En quatrième lieu, sur la demande de délai de paiement, vu l'article 1343-5 du code civil, M. [B] se borne à solliciter un échelonnement de la dette sur vingt-quatre mois mais ne formule aucune proposition concrète de règlement ni ne fait état de mesures qu'il pourrait mettre en place pour parvenir au règlement de la créance qui, en principal, s'élève à plus de 270 000 euros. Dès lors, au regard de ses revenus (retraite de 3 647 euros), un simple échelonnement sur vingt-quatre mois ne permet pas d'envisager un règlement de la créance en totalité, et la demande de délai sera en conséquence rejetée.
Enfin, il convient de débouter M. [B] de sa demande de dommages-intérêts fondée sur les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile aucun abus de procédure pouvant être retenu à l'encontre du FCT Cedrus, de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de M. [B], qui succombe, les dépens d'appel pouvant être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et, en équité, il n'y pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera infirmé en conséquence.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Réforme le jugement en toutes ses dispositions
Ecarte les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir, du défaut d'intérêt à agir et de la prescription ;
Déclare recevables les demandes du FCT Cedrus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés ;
Rejette la demande tendant à voir déclarer le cautionnement inopposable au FCT Cedrus ;
Déboute M. [C] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance et sa demande de compensation ;
Condamne M. [C] [B] à payer au FCT Cedrus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés, les sommes suivantes :
- 43 025,16 euros avec intérêt au taux légal à compter 6 février 2013, au titre du solde débiteur du compte courant professionnel de la société [B] et Fils,
- 150 000 euros avec intérêt au taux légal à compter du 6 février 2013 au titre du crédit de trésorerie de 150 000 euros consenti à la société [B] et Fils,
- 77 836,19 euros avec intérêt au taux légal à compter du 6 février 2013 au titre du crédit de trésorerie de 100 000 euros consenti à la société [B] et Fils,
Déboute M. [C] [B] de sa demande de délai ;
Déboute M. [C] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Condamne M. [C] [B] aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.