Décisions
CA Douai, ch. 2 sect. 1, 17 octobre 2024, n° 24/01222
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 17/10/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 24/01222 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VNXX
Ordonnance n° 24/00046 rendue le 05 mars 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
Madame [L] [R] [E]
née le 20 février 1961 à [Localité 4], de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Fatma-Zohra Abdellatif, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
SARL Tilio Mattia prise en la personne de son gérant, M. [F] [T] domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Laurence d'Herbomez, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 11 septembre 2024 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Aude Bubbe, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pauline Mimiague, conseiller, en remplacement de Dominique Gilles, président empêché et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 septembre 2024
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seings privés du 20 juin 2016 Mme [L] [E] a donné à bail (renouvellement) à la société Tilio Mattia un local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 5] pour une durée de neuf années à compter du 1er mars 2016, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 24 000 euros pour y exploiter un fonds de commerce de restauration.
Exposant que la bailleresse aurait, en septembre 2023, fait reprendre les clés du local et installer une pancarte 'Fermeture définitive' sur la devanture, et qu'elle serait désormais dans l'incapacité d'exploiter les locaux, la société Tilio Mattia a assigné Mme [E] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille le 5 janvier 2024, aux fins de la voir condamner à restituer les clés sous astreinte et en paiement d'une provision de 150 000 euros.
Suivant ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 5 mars 2024, le juge des référés a :
- condamné Mme [E] à restituer à la société Tilio Mattia les clés du local sis [Adresse 1] à [Localité 5] sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, passé le délai de dix jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et pendant une durée de trois mois,
- dit que le juge des référés se réserve la liquidation de l'astreinte,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision,
- condamné Mme [E] à payer à la société Tilio Mattia la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 mars 2024, Mme [E] a relevé appel aux fins d'annulation ou de réformation de cette ordonnance, déférant à la cour l'ensemble de ses chefs.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 juin 2024, Mme [E] demande à la cour de réformer l'ordonnance du 5 mars 2024 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- juger irrecevable l'action de la société Tilio Mattia, subsidiairement, la débouter de l'ensemble de ses demandes,
à titre reconventionnel,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial du 20 juin 2016,
- ordonner la libération du local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 5] par la société Tilio Mattia et la remise des clés après établissement d'un état des lieux de sorties,
- assortir cette obligation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce, jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés,
- ordonner, à défaut de libération des lieux après la signification de la décision, l'expulsion de la société Tilio Mattia et de celle de tout occupant de son chef avec si nécessaire le concours et l'assistance de la force publique, d'un serrurier et d'un déménageur suivant un commandement resté sans effet d'avoir à libérer les locaux,
- autoriser Mme [E] à faire transporter les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, dans tout garde meubles de son choix, au frais, risques et péril de la société Tilio Mattia,
- autoriser le commissaire de justice instrumentaire à se faire assister d'un serrurier de M. le commissaire de police ou d'un officier de police,
- condamner la société Tilio Mattia au paiement de la somme de 10 170,32 euros avec intérêt au taux légal majoré de 4 points pour chaque échéance, au titre de l'arriéré des loyers d'août 2023 au 20 décembre 2023, et 36 000 euros à titre d'indemnités d'occupation forfaitaire,
- condamner la société Tilio Mattia à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société Tilio Mattia a formé appel incident par conclusions notifiées le 24 mai 2024 et demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 2 septembre 2024, de :
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Mme [E] à restituer les clés du local sous astreinte, dit que le juge des référés se réservait la liquidation de l'astreinte et condamné Mme [E] au titre de l'article 700 et aux dépens,
- l'infirmer pour le surplus,
- statuant à nouveau, condamner Mme [E] au paiement d'une provision de 150 000 euros,
- en tout état de cause, la débouter de l'ensemble des ses demandes, la condamner au paiement d'une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 11 septembre 2024, avant l'audience de plaidoiries tenue le même jour.
MOTIFS
Sur les demandes la société Tilio Mattia
Mme [E] conclut à l'irrecevabilité des demandes à raison du défaut d'intérêt à agir de la société Tilio Mattia suite à la résiliation du bail intervenue le 20 décembre 2023, après la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire le 20 novembre 2023, non suivi d'effet.
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.
L'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; la société Tilio Mattia justifie dès lors d'un intérêt à agir, sa prétention portant sur la restitution des clés d'un local sur lequel elle prétend être titulaire d'un bail. Le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de la société Tilio Mattia sera en conséquence écarté.
Sur la demande de restitution des clés, la société Tilio Mattia invoque les dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, fondement qui a été exclu par le premier juge au motif qu'il n'était pas justifié d'une urgence, la société Tilio Mattia ne se proposant pas d'en justifier devant la cour.
La cour constate toutefois que c'est à bon droit que le premier juge a fait droit à la demande sur le fondement des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile qui permet de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d'une contestation sérieuse, dans la mesure où :
- il ne ressort d'aucun élément que le bail aurait été résilié à l'initiative du preneur et il n'est justifié d'aucune remise volontaire des clés par la locataire ni d'aucun constat d'abandon des locaux dressé à la requête de la bailleresse,
- la société Tilio Mattia ne peut plus disposer de son local comme il en résulte du procès-verbal de constat qu'elle a fait dresser le 31 octobre 2023 par huissier de justice (qui constate notamment la présence d'une seconde serrure d'aspect neuf placée sur la porte d'accès) et de l'absence de réalisation de tout chiffre d'affaires depuis le mois de septembre 2023, selon attestation de son expert comptable, même s'il est indiqué que la reprise du local par la bailleresse ne serait intervenue que le 18 septembre 2023,
- le fait que le gérant de la société Tilio Mattia ait fait immatriculer une autre société en Corse en mai 2023 et y est domicilié, ne suffit pas à établir l'abandon du local allégué par la bailleresse, pas plus que la mention (non datée) sur le site internet Google de ce que le restaurant est 'définitivement fermé' ou les échanges de messages téléphoniques écrits entre les parties qui montrent au contraire que la bailleresse a manifesté son intention de faire fermer le restaurant :
- message du 11 septembre 2023 : '[F] bonsoir je pense que je t'ai laissé assez de temps ça fait trois mois que tu me racontes des bêtises là on arrivé à saturation c'est terminé demain je m'occupe de la banque j'appelle l'avocat je ferme le restaurant fini'
- message du 18 septembre 2023 : 'Bonsoir [F] comme promis j'ai tenu ma parole jusqu'à 17 heures j'ai eu aucun coup de fil alors s'il te plaît j'ai téléphoné à Lhuissier c'est lui qui va s'occuper du dossier et qui va venir voir chez toi essaye de récupérer les clés de ces gens là et du me donnes les clés et tu ferme le restaurant s'il te plaît merci',
et ce, même si les parties ont pu par ailleurs discuter des conditions d'un départ de la société Tilio Mattia,
- un salarié de la société Tilio Mattia atteste que 'suite à la reprise des clés de l'établissement par le propriétaire, je ne pouvais plus exercer mon activité salariée'.
En conséquence, et alors qu'à la date alléguée de la reprise des clés la bailleresse ne pouvait se prévaloir d'une résolution du bail à son initiative, le commandement visant la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers n'ayant été délivré que le 20 novembre 2023, il convient de confirmer l'ordonnance.
S'agissant de la demande de provision, il y a lieu également de confirmer l'ordonnance qui dit n'y avoir lieu à référé considérant que les pièces communiquées ne permettaient pas d'évaluer le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée, la cour relevant que l'existence même d'un préjudice réellement subi, au regard du contexte de l'affaire, se heurte à une contestation sérieuse qui excède les pouvoirs du juge des référés.
Sur les demandes reconventionnelles de Mme [E]
Au regard du litige opposant les parties sur les conditions de reprise des lieux par la bailleresse et les arguments opposés par le preneur pour justifier du défaut de paiement du loyer, de l'impossibilité alléguée par la société Tilio Mattia d'exploiter son fonds de commerce, la demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et les demandes financières accessoires, qui ne sont d'ailleurs pas faites à titre provisionnel, se heurtent à une contestation sérieuse et ne relève donc pas des pouvoirs du juge des référés.
Il convient par ailleurs de débouter Mme [E] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, aucun abus ne pouvant être retenu à l'encontre de la société Tilio Mattia dans l'exercice de ses droits.
Sur les demandes accessoires
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les chefs de l'ordonnance relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, de mettre les dépens d'appel à la charge de Mme [E], et, en équité, Mme [E] n'ayant pas comparu en première instance, de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
Ecarte la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Tilio Mattia et déclare ses demandes recevables ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de Mme [L] [E] ;
Déboute Mme [L] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Condamne Mme [L] [E] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le greffier
Valérie Roelofs
Po/ le président empêché
Pauline Mimiague
Conseiller
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 17/10/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 24/01222 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VNXX
Ordonnance n° 24/00046 rendue le 05 mars 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
Madame [L] [R] [E]
née le 20 février 1961 à [Localité 4], de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Fatma-Zohra Abdellatif, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
SARL Tilio Mattia prise en la personne de son gérant, M. [F] [T] domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Laurence d'Herbomez, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 11 septembre 2024 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Aude Bubbe, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pauline Mimiague, conseiller, en remplacement de Dominique Gilles, président empêché et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 septembre 2024
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seings privés du 20 juin 2016 Mme [L] [E] a donné à bail (renouvellement) à la société Tilio Mattia un local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 5] pour une durée de neuf années à compter du 1er mars 2016, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 24 000 euros pour y exploiter un fonds de commerce de restauration.
Exposant que la bailleresse aurait, en septembre 2023, fait reprendre les clés du local et installer une pancarte 'Fermeture définitive' sur la devanture, et qu'elle serait désormais dans l'incapacité d'exploiter les locaux, la société Tilio Mattia a assigné Mme [E] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille le 5 janvier 2024, aux fins de la voir condamner à restituer les clés sous astreinte et en paiement d'une provision de 150 000 euros.
Suivant ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 5 mars 2024, le juge des référés a :
- condamné Mme [E] à restituer à la société Tilio Mattia les clés du local sis [Adresse 1] à [Localité 5] sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, passé le délai de dix jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et pendant une durée de trois mois,
- dit que le juge des référés se réserve la liquidation de l'astreinte,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision,
- condamné Mme [E] à payer à la société Tilio Mattia la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 mars 2024, Mme [E] a relevé appel aux fins d'annulation ou de réformation de cette ordonnance, déférant à la cour l'ensemble de ses chefs.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 juin 2024, Mme [E] demande à la cour de réformer l'ordonnance du 5 mars 2024 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- juger irrecevable l'action de la société Tilio Mattia, subsidiairement, la débouter de l'ensemble de ses demandes,
à titre reconventionnel,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial du 20 juin 2016,
- ordonner la libération du local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 5] par la société Tilio Mattia et la remise des clés après établissement d'un état des lieux de sorties,
- assortir cette obligation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce, jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés,
- ordonner, à défaut de libération des lieux après la signification de la décision, l'expulsion de la société Tilio Mattia et de celle de tout occupant de son chef avec si nécessaire le concours et l'assistance de la force publique, d'un serrurier et d'un déménageur suivant un commandement resté sans effet d'avoir à libérer les locaux,
- autoriser Mme [E] à faire transporter les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, dans tout garde meubles de son choix, au frais, risques et péril de la société Tilio Mattia,
- autoriser le commissaire de justice instrumentaire à se faire assister d'un serrurier de M. le commissaire de police ou d'un officier de police,
- condamner la société Tilio Mattia au paiement de la somme de 10 170,32 euros avec intérêt au taux légal majoré de 4 points pour chaque échéance, au titre de l'arriéré des loyers d'août 2023 au 20 décembre 2023, et 36 000 euros à titre d'indemnités d'occupation forfaitaire,
- condamner la société Tilio Mattia à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société Tilio Mattia a formé appel incident par conclusions notifiées le 24 mai 2024 et demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 2 septembre 2024, de :
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Mme [E] à restituer les clés du local sous astreinte, dit que le juge des référés se réservait la liquidation de l'astreinte et condamné Mme [E] au titre de l'article 700 et aux dépens,
- l'infirmer pour le surplus,
- statuant à nouveau, condamner Mme [E] au paiement d'une provision de 150 000 euros,
- en tout état de cause, la débouter de l'ensemble des ses demandes, la condamner au paiement d'une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 11 septembre 2024, avant l'audience de plaidoiries tenue le même jour.
MOTIFS
Sur les demandes la société Tilio Mattia
Mme [E] conclut à l'irrecevabilité des demandes à raison du défaut d'intérêt à agir de la société Tilio Mattia suite à la résiliation du bail intervenue le 20 décembre 2023, après la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire le 20 novembre 2023, non suivi d'effet.
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.
L'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; la société Tilio Mattia justifie dès lors d'un intérêt à agir, sa prétention portant sur la restitution des clés d'un local sur lequel elle prétend être titulaire d'un bail. Le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de la société Tilio Mattia sera en conséquence écarté.
Sur la demande de restitution des clés, la société Tilio Mattia invoque les dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, fondement qui a été exclu par le premier juge au motif qu'il n'était pas justifié d'une urgence, la société Tilio Mattia ne se proposant pas d'en justifier devant la cour.
La cour constate toutefois que c'est à bon droit que le premier juge a fait droit à la demande sur le fondement des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile qui permet de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d'une contestation sérieuse, dans la mesure où :
- il ne ressort d'aucun élément que le bail aurait été résilié à l'initiative du preneur et il n'est justifié d'aucune remise volontaire des clés par la locataire ni d'aucun constat d'abandon des locaux dressé à la requête de la bailleresse,
- la société Tilio Mattia ne peut plus disposer de son local comme il en résulte du procès-verbal de constat qu'elle a fait dresser le 31 octobre 2023 par huissier de justice (qui constate notamment la présence d'une seconde serrure d'aspect neuf placée sur la porte d'accès) et de l'absence de réalisation de tout chiffre d'affaires depuis le mois de septembre 2023, selon attestation de son expert comptable, même s'il est indiqué que la reprise du local par la bailleresse ne serait intervenue que le 18 septembre 2023,
- le fait que le gérant de la société Tilio Mattia ait fait immatriculer une autre société en Corse en mai 2023 et y est domicilié, ne suffit pas à établir l'abandon du local allégué par la bailleresse, pas plus que la mention (non datée) sur le site internet Google de ce que le restaurant est 'définitivement fermé' ou les échanges de messages téléphoniques écrits entre les parties qui montrent au contraire que la bailleresse a manifesté son intention de faire fermer le restaurant :
- message du 11 septembre 2023 : '[F] bonsoir je pense que je t'ai laissé assez de temps ça fait trois mois que tu me racontes des bêtises là on arrivé à saturation c'est terminé demain je m'occupe de la banque j'appelle l'avocat je ferme le restaurant fini'
- message du 18 septembre 2023 : 'Bonsoir [F] comme promis j'ai tenu ma parole jusqu'à 17 heures j'ai eu aucun coup de fil alors s'il te plaît j'ai téléphoné à Lhuissier c'est lui qui va s'occuper du dossier et qui va venir voir chez toi essaye de récupérer les clés de ces gens là et du me donnes les clés et tu ferme le restaurant s'il te plaît merci',
et ce, même si les parties ont pu par ailleurs discuter des conditions d'un départ de la société Tilio Mattia,
- un salarié de la société Tilio Mattia atteste que 'suite à la reprise des clés de l'établissement par le propriétaire, je ne pouvais plus exercer mon activité salariée'.
En conséquence, et alors qu'à la date alléguée de la reprise des clés la bailleresse ne pouvait se prévaloir d'une résolution du bail à son initiative, le commandement visant la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers n'ayant été délivré que le 20 novembre 2023, il convient de confirmer l'ordonnance.
S'agissant de la demande de provision, il y a lieu également de confirmer l'ordonnance qui dit n'y avoir lieu à référé considérant que les pièces communiquées ne permettaient pas d'évaluer le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée, la cour relevant que l'existence même d'un préjudice réellement subi, au regard du contexte de l'affaire, se heurte à une contestation sérieuse qui excède les pouvoirs du juge des référés.
Sur les demandes reconventionnelles de Mme [E]
Au regard du litige opposant les parties sur les conditions de reprise des lieux par la bailleresse et les arguments opposés par le preneur pour justifier du défaut de paiement du loyer, de l'impossibilité alléguée par la société Tilio Mattia d'exploiter son fonds de commerce, la demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et les demandes financières accessoires, qui ne sont d'ailleurs pas faites à titre provisionnel, se heurtent à une contestation sérieuse et ne relève donc pas des pouvoirs du juge des référés.
Il convient par ailleurs de débouter Mme [E] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, aucun abus ne pouvant être retenu à l'encontre de la société Tilio Mattia dans l'exercice de ses droits.
Sur les demandes accessoires
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les chefs de l'ordonnance relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, de mettre les dépens d'appel à la charge de Mme [E], et, en équité, Mme [E] n'ayant pas comparu en première instance, de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
Ecarte la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Tilio Mattia et déclare ses demandes recevables ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de Mme [L] [E] ;
Déboute Mme [L] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Condamne Mme [L] [E] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le greffier
Valérie Roelofs
Po/ le président empêché
Pauline Mimiague
Conseiller