Décisions
CA Lyon, 8e ch., 16 octobre 2024, n° 23/07555
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 23/07555 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PHGF
Décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon en référé du 03 juillet 2023
RG : 23/00728
[O]
[O]
C/
[K]
[K]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 16 Octobre 2024
APPELANTS :
M. [N] [O]
né le 21 Mars 1982 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 5]
M. [H] [O]
né le 26 Janvier 1988 à [Localité 7] (42)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés par Me Christiane DEBONO-CHAZAL, avocat au barreau de LYON, toque : 1048
INTIMÉS :
M. [F] [K]
né le 18 Janvier 2008 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Mme [P] [K]
née le 03 Septembre 2010 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentés par Madame [T] [D], administrateur de ses enfants mineurs, résidant avec eux au [Adresse 3] [Localité 5]
Représentés par Me Patrick PROTIERE de la SELARL CABINET JURIDIQUE ET FISCAL MOULINIER, avocat au barreau de LYON, toque : 733
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 03 Septembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Septembre 2024
Date de mise à disposition : 16 Octobre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique DRAHI, conseiller
- Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [A] [K], décédé en 2017, était propriétaire d'un tènement immobilier situé à [Localité 5] sur lequel ont été construits des box et appartements, dont certains avaient été donnés en location.
M. [N] [O] et M. [H] [O] louaient divers box et un appartement sur place.
Au décès de [A] [K], ses enfants mineurs en ont hérité.
Par exploit d'huissier délivré le 27 mars 2023, M. [N] [O] et M. [H] [O] ont fait assigner [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], administratrice légale de ses enfants mineurs devant le Président du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de :
voir ordonner la restitution de la cabine de peinture leur appartenant sous astreinte de 50 euros par jour de retard, décrite ainsi :
panneaux frigorifiques
chaudière avec fumisterie
cuve de 1000 litres
compresseur
armoire de commande
caisson de ventilation
divers petits matériels
armoire métallique de stockage,
Subsidiairement, si l'exécution de l'obligation s'avérerait impossible,
voir condamner les défendeurs à payer à M. [N] [O] et M. [H] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
les voir condamner à lui verser la somme de 2 000,00 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.
En défense, [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], ont soulevé l'existence de contestations sérieuses et contesté tout trouble illicite ou dommage imminent.
Par ordonnance de référé contradictoire du 3 juillet 2023, le Président du tribunal judiciaire de Lyon a :
dit n'y avoir lieu à référé,
en conséquence, renvoyé Mrs [N] et [H] [O] à mieux se pourvoir,
dit n'y avoir lieu à article 700 du Code de procédure civile,
condamné M. [N] [O] et M. [H] [O] aux dépens de l'instance.
Le Président du tribunal a retenu en substance que la preuve de leur droit de propriété sur la cabine litigieuse n'était pas rapportée par les demandeurs.
Par déclaration du 4 octobre 2023, M. [N] [O] et M. [H] [O] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions régularisées au RPVA le 7 août 2024, M. [N] [O] et M. [H] [O] demandent à la cour de :
Vu les articles 484 à 492, 834 et 835 du Code de procédure civile,
Vu l'article 2276 du Code civil,
Dire leur appel recevable et bien fondé ;
Infirmer les dispositions du jugement en ce qu'elles ont :
Dit n'y avoir lieu à référé,
Renvoyé M. [N] [O] et M. [H] [O] à mieux se pourvoir,
Condamné M. [N] [O] et M. [H] [O] aux dépens d'instance ;
Et statuer à nouveau :
Dire que la cabine de peinture et ses accessoires est la propriété de M. [N] [O] et M. [H] [O] ;
Ordonner la restitution de la cabine de peinture leur appartenant décrite ainsi :
panneaux frigorifiques,
chaudière avec fumisterie,
cuve de 1000 litres,
compresseur,
armoire de commande,
caisson de ventilation,
divers petits matériels,
armoire métallique de stockage.
Ce, sous astreinte de 50 euros par jour ;
Subsidiairement, si l'exécution de l'obligation s'avérerait impossible,
Condamner les défendeurs à payer aux consorts [O] la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
Débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes ;
Condamner les intimés à payer aux consorts [O] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner les intimés aux entiers dépens des deux instances ;
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 30 août 2024, [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], administratrice légale de ses enfants mineurs demandent à la cour de :
Vu les dispositions du Code de procédure civile et notamment ses articles 700, 834 et 835,
Vu les dispositions du Code civil et notamment son article 551,
Vu le Code de l'environnement et notamment ses articles L 511-1 et R 122-1,
Confirmer l'ordonnance du Tribunal judiciaire de Lyon du 3 juillet 2023 en ce qu'elle a dit qu'il n'y a pas lieu à référé et a renvoyé les consorts [O] à mieux se pourvoir ;
Y ajoutant :
Condamner Monsieur [N] [O] et Monsieur [H] [O] à payer chacun à Monsieur [F] [K] et Mademoiselle [P] [K] la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC, outre entiers dépens d'instance ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 11 octobre 2023 ordonnant la clôture des débats au 3 septembre 2024,
Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus amples exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS ET DECISION
A titre liminaire, lorsque les demandes des parties tendant à voir la cour "constater" ou "dire et juger" ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
L'appel interjeté dans les formes et délais prévus par la loi, sera déclaré recevable.
Les appelants expliquent que la cabine de peinture a été fabriquée par M. [C] en 2011 alors que ce dernier louait un box à M. [K], matériel que le premier a cédé à M. [I] en 2016 lequel a repris la location du box, puis a lui-même revendu la cabine à M. [N] [O] et M. [H] [O] au prix de 200 euros, en arrêtant la location du box à son tour : la cabine est alors restée dans le box (n°9) qui sera ensuite loué à M. [E] jusqu'en décembre 2022.
Ils se sont vus refuser la restitution de la cabine de peinture par Mme [D] lorsqu'il a été mis fin à leurs propres baux, alors que cette dernière n'en avait jamais revendiqué la propriété et qu'ils l'ont utilisée pendant plusieurs années, se comportant ainsi comme possesseurs de bonne foi et partant propriétaires présumés au sens de l'article 2276 du Code civil.
Ils font valoir, au visa principal de l'article 835, aliéna 2 du Code de procédure civile, que dans le cadre de la procédure pénale ouverte sur leur plainte pour vol, messieurs [C], [I] et [E] ont été entendus et confirmé que la cabine était la propriété des appelants, même si elle se trouvait dans le local loué par M. [E] qui utilisait le côté non occupé par la cabine. Ils invoquent en outre un bail signé le 1er juin 2022 avec madame [D] stipulant que « le box n°9 comprenait une cabine de peinture de 24 m² appartenant au locataire », en sorte qu'il n'y a pas de contestations sérieuses au titre qu'ils revendiquent, précisant que M. [E] leur avait demandé de la sortir lorsqu'il a mis fin à son bail, la cabine devant alors être transférée dans un autre box que Mme [D] devait leur louer. Ils ajoutent que Mme [D] qui n'a jamais douté de l'appartenance de la cabine aux appelants cherche à leur nuire.
Ils soutiennent enfin, qu'il existe un trouble manifestement illicite et un dommage imminent car le matériel peut être cédé ou détruit et qu'aucune contestation sérieuse ne s'oppose à la récupération de la cabine dont M. [N] [O] et M. [H] [O] rapportent la preuve qu'ils sont propriétaires, sauf à obtenir une indemnisation de 10 000 euros compte tenu de la valeur d'une cabine neuve et de la rétention abusive du bien par madame [D].
[F] et [P] [K], représentés par [T] [D] qui soutiennent l'incompétence du juge des référés, observent que la condition d'urgence visée à l'article 834 du Code de procédure civile fait défaut et n'est même pas invoquée ni en première instance, ni en appel, par les appelants dont les demandes se heurtent au surplus à des contestations sérieuses dès lors qu'ils ne justifient pas être les propriétaires de la cabine revendiquée, y compris au regard des attestations produites en cause d'appel, lesquelles sont confuses, voire contradictoires quant à l'identité du constructeur de la cabine et celle de ses utilisateurs et non conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile ainsi qu'au vu des procès-verbaux d'audition où seules des supputations peuvent être relevées.
Au titre des contestations sérieuses, ils exposent que la cabine de peinture est en effet située dans un box qui n'est pas loué par M. [N] [O] et M. [H] [O], raison pour laquelle madame [D] ne pouvait les laisser l'emporter, étant précisé que s'ils invoquent les dispositions de l'article 2276 du Code civil, ils ne démontrent pas davantage être les possesseurs de la cabine, condition nécessaire à l'application de ce texte. Ils ajoutent que M. [N] [O] et M. [H] [O] n'ont jamais signé le projet de bail qu'ils invoquent portant sur le box n°9 et visant leurs propres affirmations et qui ne devait être consenti qu'à M. [N] [O] et non à son frère.
Ils soutiennent qu'au contraire, l'indivision [K] peut être considérée comme propriétaire de la cabine en application des dispositions civiles afférentes aux baux, selon lesquelles les constructions faites par le locataire deviennent propriété du bailleur, d'une part, à l'accession, en vertu de l'article 551 du Code civil, la cabine ayant été scellée au bâtiment qui la contient, d'autre part.
Ils objectent enfin que les conditions requises pour l'application des dispositions de l'article 835, alinéa 1 du Code de procédure civile ne sont pas davantage remplies en l'espèce, M. [N] [O] et M. [H] [O] se prévalant d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent dont ils ne justifient nullement, leur demande n'étant de surcroît, pas suffisamment précise notamment au regard de l'exigence de démontage du matériel. Ils invoquent au surplus le caractère impossible de la restitution de la cabine qui a été détruite par un incendie survenu pendant l'été, ayant dévasté les box.
Ils font enfin valoir que le juge des référés est incompétent pour allouer des dommages et intérêts, étant en outre observé que le quantum sollicité de 10 000,00 euros est disproportionné par rapport au prix de 200 euros auquel les appelants disent avoir acquis la cabine litigieuse.
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 835, alinéa 2 du Code de procédure civile, l'exécution d'une obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire, peut être ordonnée par le juge des référés dans le cas où cette obligation n'est pas sérieusement contestable, sans que la condition d'urgence ne soit requise.
La cour relève que :
- Il résulte de la procédure pénale versée aux débats par les appelants qu'en 2011, [J] [C], carrossier peintre à son compte a débuté son activité dans un local appartenant à M. [K], père, où il a fabriqué une cabine de peinture de 4 m de large sur 7 m de long et 4 m de haut, comprenant une chaudière à air pulsé, une cuve de fioul domestique, et un « labo », c'est à dire un lieu de stockage de la peinture et autres solvants très inflammables devant être ventilé.
- M. [C] a quitté les lieux après plus de 3 ans d'exercice, avec tout son matériel qu'il a finalement revendu à [B] [I] en 2016 pour quelques centaines d'euros. Ce dernier a installé la cabine dans le box qu'il louait depuis 2014 à [A] [K].
- Lorsqu'il a lui-même arrêté la location, il a cédé la cabine qui n'était pas totalement montée aux frères [O] pour 200 euros, cabine qui est restée dans le box resté un temps sans locataire. Mr [I] explique que le local est un bâtiment agricole avec une charpente métallique qu'il a aménagé avec une partie cabine et une partie stockage et fermé avec une porte en acier. Il décrit la cabine de peinture comme étant une structure métallique avec un caisson de soufflerie en métal au-dessus, une chaudière avec fumisterie des gaz et un système de VMC, des conduits poussant l'air en partie haute, le tout fonctionnant avec un tableau électrique, et une cuve à fioul.
- A partir de 2019, c'est M. [E] qui a loué ce box n°9 qu'il qualifie de grand hangar et qui est situé [Adresse 2] à [Localité 5] auquel les frères [O] ont accès pour utiliser la cabine de peinture dont M. [E] dit qu'elle leur appartient. Les photographies versées aux débats montrent également que des compresseurs composant la cabine sont fixés au mur et/ou au sol.
- Au décès de M. [K], la mère de ses enfants a voulu établir des baux en bonne et due forme et augmenter le prix du loyer, raison pour laquelle M. [E] a quitté les lieux en juin 2022. Dès avant cette date, M. [N] [O] et M. [H] [O] ont sollicité les bailleurs pour reprendre le hangar n°9 contenant la cabine, après le départ de M. [E].
- Les échanges épistolaires produits montrent que les bailleurs étaient d'accord à condition que M. [N] [O] et M. [H] [O] justifient de leur propriété sur la cabine par un document écrit. Par la suite, un désaccord est survenu sur la surface et le prix des lieux loués et en octobre 2022, les bailleurs ont refusé cette reprise. Le bail qui avait été pré-rédigé mentionnait effectivement que : « le box n°9 comprend une cabine de peinture de 24 m² appartenant au locataire ».
- En janvier 2023, Mme [D] a refusé que M. [N] [O] et M. [H] [O] procèdent au démontage de la cabine, le notaire lui ayant indiqué qu'il y avait un doute sur la propriété du bien. Les bailleurs ont ensuite donné congé à M. [N] [O] et M. [H] [O] des autres locaux qu'ils louaient.
Aussi, s'il n'est pas sérieusement contestable que la cabine installée dans le box n°9 a été cédée par M. [I] à M. [N] [O] et à M. [H] [O] lorsqu'il a quitté les lieux en 2016 et que ces derniers ont continué à s'en servir sans être locataires du local, y compris après l'arrivée de M. [E] en 2019 et avec l'accord de ce dernier, les contestations émises par les intimés quant au statut juridique du bien revendiqué sont sérieuses, au regard des règles d'accession sur ce qui s'unit et s'incorpore à la chose au sens des dispositions de l'article 551 du Code civil. Il n'appartient donc pas au juge des référés de statuer sur la propriété effective de l'ensemble litigieux.
Par ailleurs, M. [N] [O] et M. [H] [O] ne justifient de l'existence ni d'un trouble manifestement illicite, ni d'un dommage imminent permettant de faire application des dispositions de l'article 835, alinéa 1er du Code de procédure civile.
Leur demande subsidiaire ne peut d'avantage prospérer pour les mêmes raisons.
La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé M. [N] [O] et M. [H] [O] à mieux se pourvoir.
Sur les mesures accessoires :
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a mis les dépens de première instance à la charge de M. [N] [O] et M. [H] [O], lesquels succombant supporteront également les dépens en cause d'appel.
L'équité commande en outre de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à article 700 du Code de procédure civile et de ne pas faire davantage application des dispositions de ce texte, en cause d'appel. La demande de [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel,
Statuant dans les limites de l'appel,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [N] [O] et M. [H] [O] ;
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], administratrice légale de ses enfants mineurs, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que les dépens exposés en appel seront supportés par M. [N] [O] et M. [H] [O].
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon en référé du 03 juillet 2023
RG : 23/00728
[O]
[O]
C/
[K]
[K]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 16 Octobre 2024
APPELANTS :
M. [N] [O]
né le 21 Mars 1982 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 5]
M. [H] [O]
né le 26 Janvier 1988 à [Localité 7] (42)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés par Me Christiane DEBONO-CHAZAL, avocat au barreau de LYON, toque : 1048
INTIMÉS :
M. [F] [K]
né le 18 Janvier 2008 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Mme [P] [K]
née le 03 Septembre 2010 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentés par Madame [T] [D], administrateur de ses enfants mineurs, résidant avec eux au [Adresse 3] [Localité 5]
Représentés par Me Patrick PROTIERE de la SELARL CABINET JURIDIQUE ET FISCAL MOULINIER, avocat au barreau de LYON, toque : 733
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Date de clôture de l'instruction : 03 Septembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Septembre 2024
Date de mise à disposition : 16 Octobre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique DRAHI, conseiller
- Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [A] [K], décédé en 2017, était propriétaire d'un tènement immobilier situé à [Localité 5] sur lequel ont été construits des box et appartements, dont certains avaient été donnés en location.
M. [N] [O] et M. [H] [O] louaient divers box et un appartement sur place.
Au décès de [A] [K], ses enfants mineurs en ont hérité.
Par exploit d'huissier délivré le 27 mars 2023, M. [N] [O] et M. [H] [O] ont fait assigner [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], administratrice légale de ses enfants mineurs devant le Président du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de :
voir ordonner la restitution de la cabine de peinture leur appartenant sous astreinte de 50 euros par jour de retard, décrite ainsi :
panneaux frigorifiques
chaudière avec fumisterie
cuve de 1000 litres
compresseur
armoire de commande
caisson de ventilation
divers petits matériels
armoire métallique de stockage,
Subsidiairement, si l'exécution de l'obligation s'avérerait impossible,
voir condamner les défendeurs à payer à M. [N] [O] et M. [H] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
les voir condamner à lui verser la somme de 2 000,00 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.
En défense, [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], ont soulevé l'existence de contestations sérieuses et contesté tout trouble illicite ou dommage imminent.
Par ordonnance de référé contradictoire du 3 juillet 2023, le Président du tribunal judiciaire de Lyon a :
dit n'y avoir lieu à référé,
en conséquence, renvoyé Mrs [N] et [H] [O] à mieux se pourvoir,
dit n'y avoir lieu à article 700 du Code de procédure civile,
condamné M. [N] [O] et M. [H] [O] aux dépens de l'instance.
Le Président du tribunal a retenu en substance que la preuve de leur droit de propriété sur la cabine litigieuse n'était pas rapportée par les demandeurs.
Par déclaration du 4 octobre 2023, M. [N] [O] et M. [H] [O] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions régularisées au RPVA le 7 août 2024, M. [N] [O] et M. [H] [O] demandent à la cour de :
Vu les articles 484 à 492, 834 et 835 du Code de procédure civile,
Vu l'article 2276 du Code civil,
Dire leur appel recevable et bien fondé ;
Infirmer les dispositions du jugement en ce qu'elles ont :
Dit n'y avoir lieu à référé,
Renvoyé M. [N] [O] et M. [H] [O] à mieux se pourvoir,
Condamné M. [N] [O] et M. [H] [O] aux dépens d'instance ;
Et statuer à nouveau :
Dire que la cabine de peinture et ses accessoires est la propriété de M. [N] [O] et M. [H] [O] ;
Ordonner la restitution de la cabine de peinture leur appartenant décrite ainsi :
panneaux frigorifiques,
chaudière avec fumisterie,
cuve de 1000 litres,
compresseur,
armoire de commande,
caisson de ventilation,
divers petits matériels,
armoire métallique de stockage.
Ce, sous astreinte de 50 euros par jour ;
Subsidiairement, si l'exécution de l'obligation s'avérerait impossible,
Condamner les défendeurs à payer aux consorts [O] la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
Débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes ;
Condamner les intimés à payer aux consorts [O] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner les intimés aux entiers dépens des deux instances ;
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 30 août 2024, [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], administratrice légale de ses enfants mineurs demandent à la cour de :
Vu les dispositions du Code de procédure civile et notamment ses articles 700, 834 et 835,
Vu les dispositions du Code civil et notamment son article 551,
Vu le Code de l'environnement et notamment ses articles L 511-1 et R 122-1,
Confirmer l'ordonnance du Tribunal judiciaire de Lyon du 3 juillet 2023 en ce qu'elle a dit qu'il n'y a pas lieu à référé et a renvoyé les consorts [O] à mieux se pourvoir ;
Y ajoutant :
Condamner Monsieur [N] [O] et Monsieur [H] [O] à payer chacun à Monsieur [F] [K] et Mademoiselle [P] [K] la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC, outre entiers dépens d'instance ;
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 11 octobre 2023 ordonnant la clôture des débats au 3 septembre 2024,
Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus amples exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS ET DECISION
A titre liminaire, lorsque les demandes des parties tendant à voir la cour "constater" ou "dire et juger" ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
L'appel interjeté dans les formes et délais prévus par la loi, sera déclaré recevable.
Les appelants expliquent que la cabine de peinture a été fabriquée par M. [C] en 2011 alors que ce dernier louait un box à M. [K], matériel que le premier a cédé à M. [I] en 2016 lequel a repris la location du box, puis a lui-même revendu la cabine à M. [N] [O] et M. [H] [O] au prix de 200 euros, en arrêtant la location du box à son tour : la cabine est alors restée dans le box (n°9) qui sera ensuite loué à M. [E] jusqu'en décembre 2022.
Ils se sont vus refuser la restitution de la cabine de peinture par Mme [D] lorsqu'il a été mis fin à leurs propres baux, alors que cette dernière n'en avait jamais revendiqué la propriété et qu'ils l'ont utilisée pendant plusieurs années, se comportant ainsi comme possesseurs de bonne foi et partant propriétaires présumés au sens de l'article 2276 du Code civil.
Ils font valoir, au visa principal de l'article 835, aliéna 2 du Code de procédure civile, que dans le cadre de la procédure pénale ouverte sur leur plainte pour vol, messieurs [C], [I] et [E] ont été entendus et confirmé que la cabine était la propriété des appelants, même si elle se trouvait dans le local loué par M. [E] qui utilisait le côté non occupé par la cabine. Ils invoquent en outre un bail signé le 1er juin 2022 avec madame [D] stipulant que « le box n°9 comprenait une cabine de peinture de 24 m² appartenant au locataire », en sorte qu'il n'y a pas de contestations sérieuses au titre qu'ils revendiquent, précisant que M. [E] leur avait demandé de la sortir lorsqu'il a mis fin à son bail, la cabine devant alors être transférée dans un autre box que Mme [D] devait leur louer. Ils ajoutent que Mme [D] qui n'a jamais douté de l'appartenance de la cabine aux appelants cherche à leur nuire.
Ils soutiennent enfin, qu'il existe un trouble manifestement illicite et un dommage imminent car le matériel peut être cédé ou détruit et qu'aucune contestation sérieuse ne s'oppose à la récupération de la cabine dont M. [N] [O] et M. [H] [O] rapportent la preuve qu'ils sont propriétaires, sauf à obtenir une indemnisation de 10 000 euros compte tenu de la valeur d'une cabine neuve et de la rétention abusive du bien par madame [D].
[F] et [P] [K], représentés par [T] [D] qui soutiennent l'incompétence du juge des référés, observent que la condition d'urgence visée à l'article 834 du Code de procédure civile fait défaut et n'est même pas invoquée ni en première instance, ni en appel, par les appelants dont les demandes se heurtent au surplus à des contestations sérieuses dès lors qu'ils ne justifient pas être les propriétaires de la cabine revendiquée, y compris au regard des attestations produites en cause d'appel, lesquelles sont confuses, voire contradictoires quant à l'identité du constructeur de la cabine et celle de ses utilisateurs et non conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile ainsi qu'au vu des procès-verbaux d'audition où seules des supputations peuvent être relevées.
Au titre des contestations sérieuses, ils exposent que la cabine de peinture est en effet située dans un box qui n'est pas loué par M. [N] [O] et M. [H] [O], raison pour laquelle madame [D] ne pouvait les laisser l'emporter, étant précisé que s'ils invoquent les dispositions de l'article 2276 du Code civil, ils ne démontrent pas davantage être les possesseurs de la cabine, condition nécessaire à l'application de ce texte. Ils ajoutent que M. [N] [O] et M. [H] [O] n'ont jamais signé le projet de bail qu'ils invoquent portant sur le box n°9 et visant leurs propres affirmations et qui ne devait être consenti qu'à M. [N] [O] et non à son frère.
Ils soutiennent qu'au contraire, l'indivision [K] peut être considérée comme propriétaire de la cabine en application des dispositions civiles afférentes aux baux, selon lesquelles les constructions faites par le locataire deviennent propriété du bailleur, d'une part, à l'accession, en vertu de l'article 551 du Code civil, la cabine ayant été scellée au bâtiment qui la contient, d'autre part.
Ils objectent enfin que les conditions requises pour l'application des dispositions de l'article 835, alinéa 1 du Code de procédure civile ne sont pas davantage remplies en l'espèce, M. [N] [O] et M. [H] [O] se prévalant d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent dont ils ne justifient nullement, leur demande n'étant de surcroît, pas suffisamment précise notamment au regard de l'exigence de démontage du matériel. Ils invoquent au surplus le caractère impossible de la restitution de la cabine qui a été détruite par un incendie survenu pendant l'été, ayant dévasté les box.
Ils font enfin valoir que le juge des référés est incompétent pour allouer des dommages et intérêts, étant en outre observé que le quantum sollicité de 10 000,00 euros est disproportionné par rapport au prix de 200 euros auquel les appelants disent avoir acquis la cabine litigieuse.
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 835, alinéa 2 du Code de procédure civile, l'exécution d'une obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire, peut être ordonnée par le juge des référés dans le cas où cette obligation n'est pas sérieusement contestable, sans que la condition d'urgence ne soit requise.
La cour relève que :
- Il résulte de la procédure pénale versée aux débats par les appelants qu'en 2011, [J] [C], carrossier peintre à son compte a débuté son activité dans un local appartenant à M. [K], père, où il a fabriqué une cabine de peinture de 4 m de large sur 7 m de long et 4 m de haut, comprenant une chaudière à air pulsé, une cuve de fioul domestique, et un « labo », c'est à dire un lieu de stockage de la peinture et autres solvants très inflammables devant être ventilé.
- M. [C] a quitté les lieux après plus de 3 ans d'exercice, avec tout son matériel qu'il a finalement revendu à [B] [I] en 2016 pour quelques centaines d'euros. Ce dernier a installé la cabine dans le box qu'il louait depuis 2014 à [A] [K].
- Lorsqu'il a lui-même arrêté la location, il a cédé la cabine qui n'était pas totalement montée aux frères [O] pour 200 euros, cabine qui est restée dans le box resté un temps sans locataire. Mr [I] explique que le local est un bâtiment agricole avec une charpente métallique qu'il a aménagé avec une partie cabine et une partie stockage et fermé avec une porte en acier. Il décrit la cabine de peinture comme étant une structure métallique avec un caisson de soufflerie en métal au-dessus, une chaudière avec fumisterie des gaz et un système de VMC, des conduits poussant l'air en partie haute, le tout fonctionnant avec un tableau électrique, et une cuve à fioul.
- A partir de 2019, c'est M. [E] qui a loué ce box n°9 qu'il qualifie de grand hangar et qui est situé [Adresse 2] à [Localité 5] auquel les frères [O] ont accès pour utiliser la cabine de peinture dont M. [E] dit qu'elle leur appartient. Les photographies versées aux débats montrent également que des compresseurs composant la cabine sont fixés au mur et/ou au sol.
- Au décès de M. [K], la mère de ses enfants a voulu établir des baux en bonne et due forme et augmenter le prix du loyer, raison pour laquelle M. [E] a quitté les lieux en juin 2022. Dès avant cette date, M. [N] [O] et M. [H] [O] ont sollicité les bailleurs pour reprendre le hangar n°9 contenant la cabine, après le départ de M. [E].
- Les échanges épistolaires produits montrent que les bailleurs étaient d'accord à condition que M. [N] [O] et M. [H] [O] justifient de leur propriété sur la cabine par un document écrit. Par la suite, un désaccord est survenu sur la surface et le prix des lieux loués et en octobre 2022, les bailleurs ont refusé cette reprise. Le bail qui avait été pré-rédigé mentionnait effectivement que : « le box n°9 comprend une cabine de peinture de 24 m² appartenant au locataire ».
- En janvier 2023, Mme [D] a refusé que M. [N] [O] et M. [H] [O] procèdent au démontage de la cabine, le notaire lui ayant indiqué qu'il y avait un doute sur la propriété du bien. Les bailleurs ont ensuite donné congé à M. [N] [O] et M. [H] [O] des autres locaux qu'ils louaient.
Aussi, s'il n'est pas sérieusement contestable que la cabine installée dans le box n°9 a été cédée par M. [I] à M. [N] [O] et à M. [H] [O] lorsqu'il a quitté les lieux en 2016 et que ces derniers ont continué à s'en servir sans être locataires du local, y compris après l'arrivée de M. [E] en 2019 et avec l'accord de ce dernier, les contestations émises par les intimés quant au statut juridique du bien revendiqué sont sérieuses, au regard des règles d'accession sur ce qui s'unit et s'incorpore à la chose au sens des dispositions de l'article 551 du Code civil. Il n'appartient donc pas au juge des référés de statuer sur la propriété effective de l'ensemble litigieux.
Par ailleurs, M. [N] [O] et M. [H] [O] ne justifient de l'existence ni d'un trouble manifestement illicite, ni d'un dommage imminent permettant de faire application des dispositions de l'article 835, alinéa 1er du Code de procédure civile.
Leur demande subsidiaire ne peut d'avantage prospérer pour les mêmes raisons.
La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé M. [N] [O] et M. [H] [O] à mieux se pourvoir.
Sur les mesures accessoires :
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a mis les dépens de première instance à la charge de M. [N] [O] et M. [H] [O], lesquels succombant supporteront également les dépens en cause d'appel.
L'équité commande en outre de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à article 700 du Code de procédure civile et de ne pas faire davantage application des dispositions de ce texte, en cause d'appel. La demande de [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel,
Statuant dans les limites de l'appel,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [N] [O] et M. [H] [O] ;
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de [F] et [P] [K], représentés par [T] [D], administratrice légale de ses enfants mineurs, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que les dépens exposés en appel seront supportés par M. [N] [O] et M. [H] [O].
LE GREFFIER LE PRESIDENT