CJUE, 9e ch., 24 octobre 2024, n° C-513/23
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Question préjudicielle
PARTIES
Demandeur :
Obshtina Pleven
Défendeur :
Rakovoditel na Upravlyavashtia organ na Operativna programa « Regioni v rastezh » 2014-2020
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Lycourgos (rapporteur)
Juges :
M. Rodin, Mme Spineanu Matei
Avocat général :
M. Campos Sánchez-Bordona
Avocat :
Me Manolova-Naydenova
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 42, paragraphe 3, sous b), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2019/1828 de la Commission, du 30 octobre 2019 (JO 2019, L 279, p. 25) (ci-après la « directive 2014/24 »), lu en combinaison avec l'annexe VII, point 2, de cette directive.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant l'Obshtina Pleven (commune de Pleven, Bulgarie) au rakovoditel na Upravliavashtia organ na Operativna programa « Regioni v rastezh » 2014‑2020 (chef de l'autorité de gestion du programme opérationnel « Régions en développement » 2014‑2020, Bulgarie) au sujet d'une décision par laquelle celui-ci a imposé à cette commune une correction des dépenses éligibles au financement d'un projet relatif à un environnement urbain durable par ce programme opérationnel, en raison d'une violation alléguée des règles relatives aux marchés publics.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
La directive 98/34/CE
3 La directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information (JO 1998, L 204, p. 37), qui n'était plus en vigueur à la date des faits du litige au principal, est pertinente eu égard à la réglementation de l'Union applicable. L'annexe I de cette directive, intitulée « Organismes européens de normalisation », comprenait la liste suivante :
« CEN
Comité européen de normalisation
CENELEC
Comité européen de normalisation électrotechnique
ETSI
Institut européen de normalisation des télécommunications ».
4 L'article 6, paragraphe 3, de ladite directive prévoyait que la Commission européenne peut inviter les organismes européens de normalisation à élaborer une norme européenne dans un délai déterminé.
Le règlement (UE) no 305/2011
5 L'article 2 du règlement (UE) no 305/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2011, établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant la directive 89/106/CEE du Conseil (JO 2011, L 88, p. 5), énonce :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
11) “norme harmonisée”, une norme adoptée par l'un des organismes européens de normalisation énumérés à l'annexe I de la directive 98/34/CE, à la demande de la Commission conformément à l'article 6 de ladite directive ;
[...] »
6 L'article 17, paragraphe 5, de ce règlement dispose :
« La Commission évalue la conformité des normes harmonisées établies par les organismes européens de normalisation avec les mandats correspondants.
La Commission publie au Journal officiel de l'Union européenne la liste des références des normes harmonisées qui sont conformes aux mandats correspondants.
Pour chaque norme harmonisée figurant sur la liste, les éléments suivants sont indiqués :
a) les références des éventuelles spécifications techniques harmonisées qui sont remplacées ;
b) la date du début de la période de coexistence ;
c) la date de la fin de la période de coexistence.
La Commission publie toute mise à jour de cette liste.
À compter de la date du début de la période de coexistence, il est possible d'utiliser une norme harmonisée pour établir une déclaration des performances pour un produit de construction couvert par cette norme. Les organismes nationaux de normalisation ont l'obligation de transposer les normes harmonisées conformément à la directive 98/34/CE.
Sans préjudice des articles 36 à 38, [établissant des procédures simplifiées,] à compter de la date de la fin de la période de coexistence, la norme harmonisée est le seul moyen d'établir une déclaration des performances pour un produit de construction couvert par cette norme.
À la fin de la période de coexistence, les normes nationales incompatibles sont retirées et les États membres mettent fin à la validité de toutes les dispositions nationales incompatibles. »
Le règlement (UE) no 1025/2012
7 Aux termes de l'article 2 du règlement (UE) no 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif à la normalisation européenne, modifiant les directives 89/686/CEE et 93/15/CEE du Conseil ainsi que les directives 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 98/34/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/23/CE et 2009/105/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la décision 87/95/CEE du Conseil et la décision no 1673/2006/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2012, L 316, p. 12) :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
1) “norme”, une spécification technique, approuvée par un organisme reconnu de normalisation, pour application répétée ou continue, dont le respect n'est pas obligatoire et qui relève de l'une des catégories suivantes :
a) “norme internationale”, une norme adoptée par un organisme international de normalisation ;
b) “norme européenne”, une norme adoptée par une organisation européenne de normalisation ;
c) “norme harmonisée”, une norme européenne adoptée sur la base d'une demande formulée par la Commission pour l'application de la législation d'harmonisation de l'Union ;
d) “norme nationale”, une norme adoptée par un organisme national de normalisation ;
[...] »
La directive 2014/24
8 Le considérant 74 de la directive 2014/24 est libellé comme suit :
« Il est nécessaire que les spécifications techniques établies par les acheteurs publics permettent d'ouvrir les marchés publics à la concurrence et d'atteindre les objectifs de durabilité. À cet effet, la présentation d'offres reflétant la diversité des solutions techniques, des normes et des spécifications techniques existant sur le marché, y compris celles définies sur la base de critères de performance liés au cycle de vie et à la durabilité du processus de production des travaux, fournitures et services, devrait être possible.
Les spécifications techniques devraient donc être élaborées de manière à éviter de restreindre artificiellement la concurrence en instaurant des exigences qui favorisent un opérateur économique particulier en reprenant les principales caractéristiques des fournitures, services ou travaux qu'il propose habituellement. La rédaction des spécifications techniques en termes de performances et d'exigences fonctionnelles permet généralement d'atteindre au mieux cet objectif. Les exigences fonctionnelles et celles liées aux performances sont également des moyens appropriés pour promouvoir l'innovation dans la passation de marchés publics et elles devraient être utilisées aussi largement que possible. Lorsqu'il est fait référence à une norme européenne ou, à défaut, à une norme nationale, les offres fondées sur des standards équivalents devraient être prises en compte par les pouvoirs adjudicateurs. Il devrait incomber à l'opérateur économique de prouver l'équivalence avec le label demandé.
Pour prouver cette équivalence, il devrait être possible d'exiger des soumissionnaires qu'ils fournissent des attestations de tiers. Il convient toutefois d'admettre d'autres moyens de preuve appropriés, tels que le dossier technique du fabricant, lorsque l'opérateur économique concerné n'a pas accès à de tels certificats ou rapports d'essai ni la possibilité de se les procurer dans les délais requis, à condition que l'opérateur économique concerné prouve ainsi que les travaux, fournitures ou services remplissent les conditions ou critères énoncés dans les spécifications techniques, les critères d'attribution ou les conditions d'exécution du marché. »
9 L'article 4 de cette directive prévoit :
« La présente directive s'applique aux marchés dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est égale ou supérieure aux seuils suivants :
a) 5 350 000 [euros] pour les marchés publics de travaux ;
[...] »
10 L'article 42 de ladite directive dispose :
« [...]
2. Les spécifications techniques donnent aux opérateurs économiques une égalité d'accès à la procédure de passation de marché et n'ont pas pour effet de créer des obstacles injustifiés à l'ouverture des marchés publics à la concurrence.
3. Sans préjudice des règles techniques nationales obligatoires, dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit de l'Union, les spécifications techniques sont formulées de l'une des façons suivantes :
[...]
b) par référence à des spécifications techniques et, par ordre de préférence, aux normes nationales transposant des normes européennes, aux évaluations techniques européennes, aux spécifications techniques communes, aux normes internationales, aux autres référentiels techniques élaborés par les organismes européens de normalisation, ou, en leur absence, aux normes nationales, aux agréments techniques nationaux ou aux spécifications techniques nationales en matière de conception, de calcul et de réalisation des ouvrages et d'utilisation des fournitures ; chaque référence est accompagnée de la mention “ou équivalent” ;
[...]
5. Lorsque les pouvoirs adjudicateurs font usage de la possibilité de se référer aux spécifications techniques visées au paragraphe 3, point b), ils ne rejettent pas une offre au motif que les travaux, fournitures ou services offerts ne sont pas conformes aux spécifications techniques auxquelles ils ont fait référence dès lors que le soumissionnaire prouve dans son offre, par tout moyen approprié, y compris les moyens de preuve visés à l'article 44, que les solutions proposées satisfont de manière équivalente aux exigences définies par les spécifications techniques.
[...] »
11 Aux termes de l'article 44 de la même directive :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger que les opérateurs économiques fournissent, comme moyen de preuve de la conformité aux exigences ou aux critères arrêtés dans les spécifications techniques, les critères d'attribution ou les conditions d'exécution du marché, un rapport d'essai d'un organisme d'évaluation de la conformité ou un certificat délivré par un tel organisme.
Lorsque les pouvoirs adjudicateurs demandent que des certificats établis par un organisme d'évaluation de la conformité particulier leur soient soumis, ils acceptent aussi des certificats d'autres organismes d'évaluation de la conformité équivalents.
[...]
2. Les pouvoirs adjudicateurs acceptent d'autres moyens de preuve appropriés que ceux visés au paragraphe 1, comme un dossier technique du fabricant lorsque l'opérateur économique concerné n'avait pas accès aux certificats ou aux rapports d'essai visés au paragraphe 1 ni la possibilité de les obtenir dans les délais fixés, à condition que l'absence d'accès ne soit pas imputable à l'opérateur économique concerné et pour autant que celui-ci établisse ainsi que les travaux, fournitures ou services qu'il fournit satisfont aux exigences ou aux critères énoncés dans les spécifications techniques, les critères d'attribution ou les conditions d'exécution du marché.
3. Les États membres mettent à la disposition des autres États membres, sur demande, toute information relative aux éléments de preuve et documents soumis conformément [...] aux paragraphes 1 et 2 du présent article. [...] »
12 L'annexe VII de la directive 2014/24 prévoit :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
2. “norme”, une spécification technique adoptée par un organisme de normalisation reconnu pour application répétée ou continue, dont le respect n'est pas obligatoire et qui est l'une des normes suivantes :
a) “norme internationale” : norme qui est adoptée par un organisme international de normalisation et qui est mise à la disposition du public ;
b) “norme européenne” : norme qui est adoptée par un organisme européen de normalisation et qui est mise à la disposition du public ;
c) “norme nationale” : norme qui est adoptée par un organisme national de normalisation et qui est mise à la disposition du public ;
[...] »
La directive 2014/35/UE
13 L'article 2 de la directive 2014/35/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché du matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension (JO 2014, L 96, p. 357), énonce :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
9) “norme harmonisée” : une norme harmonisée au sens de l'article 2, point 1) c), du règlement [no 1025/2012] ;
[...] »
Le droit bulgare
14 En vertu de l'article 48, paragraphe 2, du Zakon za obshtestvenite porachki (loi sur les marchés publics, DV no 13, du 16 février 2016), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur les marchés publics »), toute référence à une norme, à une spécification, à une évaluation technique ou à un agrément technique est complétée par les mots « ou équivalent ».
Le litige au principal et la question préjudicielle
15 Le 10 juillet 2020, la commune de Pleven a conclu un contrat administratif avec le Ministerstvo na regionalnoto razvitie i blagoustroystvoto (ministère du Développement régional et des Travaux publics, Bulgarie) en vue de l'obtention, dans le cadre de l'Operativna programa « Regioni v rastezh » 2014-2020 (programme opérationnel « Régions en développement » 2014-2020), d'une subvention pour le financement d'un projet contribuant à un environnement urbain durable.
16 Dans ce cadre, cette commune a organisé une procédure d'appel d'offres intitulée « Réalisation de travaux de construction et de montage – reconstruction d'objets linéaires de l'environnement urbain de Pleven, divisée en trois lots distincts ». Les spécifications techniques du lot no 1 faisaient référence aux normes BDS 624:87 (Bordures en béton), BDS EN 1340:2005 (Bordures de trottoir en béton. Prescriptions et méthodes d'essai) et EN 60332‑1-2 (Essais des câbles électriques et à fibres optiques soumis au feu. Partie 1‑2. Essai de propagation verticale de la flamme sur conducteur ou câble isolé. Procédure pour flamme à prémélange de 1 kW). Ces spécifications techniques ne comportaient pas la mention « ou équivalent ».
17 Le 19 février 2021, un adjudicataire a été désigné pour chacun des lots du marché public. Le 23 mars 2021, un contrat a été conclu avec l'adjudicataire du lot no 1, pour une valeur de 1 449 180,17 leva bulgares (BGN) (environ 740 000 euros) hors TVA.
18 Par une décision du 20 mars 2023, le chef de l'autorité de gestion du programme opérationnel « Régions en développement » 2014‑2020 a imposé une correction financière des dépenses éligibles à la subvention de l'État bulgare, correspondant à 25 % e la valeur du contrat. Cette correction financière a été imposée, notamment, au motif que la procédure de passation du marché public en cause n'avait pas été menée en conformité avec l'article 48, paragraphe 2, de la loi sur les marchés publics, qui transpose l'article 42 de la directive 2014/24 et prévoit notamment que toute spécification technique d'un marché public formulée par référence à une norme doit être complétée par les mots « ou équivalent ». En omettant une telle mention, la commune de Pleven aurait limité de manière injustifiée la possibilité pour tout opérateur économique intéressé de participer à cette procédure, ce qui aurait une incidence financière, en ce que cela ferait naître un risque de préjudice pour le budget de l'Union européenne.
19 La commune de Pleven a saisi l'Administrativen sad Pleven (tribunal administratif de Pleven, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, d'un recours visant à annuler cette décision. Elle fait valoir que l'omission de la mention « ou équivalent » n'a pas eu pour effet de décourager les participants potentiels à ladite procédure. En effet, les produits de construction devraient être conformes aux exigences essentielles énoncées dans le règlement no 305/2011. Or, les normes BDS EN 1340:2005 et EN 60332‑1‑2 constitueraient des « normes harmonisées », au sens de ce règlement. Partant, il n'existerait pas de normes équivalentes à celles-ci, et toute autre norme serait contraire à la réglementation applicable.
20 À cet égard, selon les explications contenues dans une lettre du Balgarski institut po standartizatsia (Institut bulgare de normalisation), produite devant la juridiction de renvoi, en 2005, la norme bulgare BDS EN 1340:2005, en vigueur au moment de la rédaction de cette lettre, a remplacé la norme bulgare BDS 624:1987. La norme BDS EN 60332‑1-2:2006, quant à elle, serait la norme bulgare introduisant la norme européenne identique à la norme internationale IEC 60332‑1‑2:2004. Le concept d'équivalence n'aurait pas de sens dans le domaine de la normalisation internationale, européenne ou nationale, dont le principe consisterait précisément à établir une seule norme pour chaque objet.
21 Tenant compte du fait que le marché public en cause est financé par le budget de l'Union, la juridiction de renvoi observe que, en vertu de l'annexe VII, point 2, de la directive 2014/24, une « norme » est une spécification technique dont le respect n'est pas obligatoire.
22 Or, selon cette juridiction, les normes en cause devant elle sont des normes harmonisées au sens du règlement no 305/2011. À la lumière du point 40 de l'arrêt du 27 octobre 2016, James Elliott Construction (C‑613/14, EU:C:2016:821), ainsi que des points 65 et 66 de l'arrêt du 17 décembre 2020, Allemagne/Commission (C‑475/19 P et C‑688/19 P, EU:C:2020:1036), ladite juridiction considère que de telles normes peuvent être considérées comme contraignantes.
23 Sur cette base, la même juridiction se demande si ces normes relèvent du champ d'application de l'article 42, paragraphe 3, sous b), de la directive 2014/24 et si un pouvoir adjudicateur a l'obligation ou le droit d'exiger une norme équivalente.
24 Dans ces conditions, l'Administrativen sad Pleven (tribunal administratif de Pleven) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L'article 42, paragraphe 3, sous b), lu en combinaison avec l'annexe VII, point 2, de la [directive 2014/24] doit-il être interprété en ce sens qu'il admet une réglementation et une jurisprudence nationales en vertu desquelles, dans le cadre d'un marché public, le pouvoir adjudicateur est toujours tenu d'indiquer dans l'avis de marché l'expression “ou équivalent” en ce qui concerne une norme exigée, y compris lorsqu'il exige le respect d'une norme harmonisée en vigueur en vertu du [règlement no 305/2011], ou émise sur le fondement de la directive 89/106/CEE du Conseil[, du 21 décembre 1988, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction (JO 1989, L 40, p. 12),] abrogée ? »
Sur la question préjudicielle
25 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 42, paragraphe 3, sous b), de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui exige des pouvoirs adjudicateurs l'ajout de la mention « ou équivalent » dans tous les cas où les spécifications techniques figurant dans des documents de marché sont formulées par référence à des normes nationales transposant des normes européennes, y compris des normes harmonisées relevant du règlement no 305/2011.
26 À titre liminaire, il convient de relever que la demande de décision préjudicielle ne permet pas d'établir que la valeur estimée du marché en cause au principal est égale ou supérieure au seuil de 5 350 000 euros fixé par l'article 4, sous a), de la directive 2014/24 en ce qui concerne les marchés publics de travaux et, partant, que ce marché relève du champ d'application de cette directive.
27 En tout état de cause, ainsi qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu'une législation nationale se conforme, de manière directe et inconditionnelle, pour les solutions qu'elle apporte à des situations non couvertes par un acte du droit de l'Union, à celles retenues par cet acte, il existe un intérêt certain de l'Union à ce que les dispositions reprises dudit acte reçoivent une interprétation uniforme. Cela permet en effet d'éviter des divergences d'interprétation futures et d'assurer un traitement identique à ces situations et à celles relevant du champ d'application desdites dispositions (arrêt du 7 décembre 2023, Obshtina Razgrad, C‑441/22 et C‑443/22, EU:C:2023:970, point 39 et jurisprudence citée).
28 À cet égard, la Cour a déjà jugé que la loi sur les marchés publics, qui a transposé la directive 2014/24 dans l'ordre juridique bulgare, s'applique plus généralement à toutes les procédures de passation de marchés publics subventionnées par des fonds européens, indépendamment de la valeur des marchés concernés (arrêt du 7 décembre 2023, Obshtina Razgrad, C‑441/22 et C‑443/22, EU:C:2023:970, point 40 et jurisprudence citée).
29 Or, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le marché public en cause au principal est financé par le budget de l'Union et que la loi sur les marchés publics transpose en droit bulgare l'article 42, paragraphe 3, sous b), de la directive 2014/24, de telle sorte que les règles énoncées à cette disposition sont applicables à ce marché public.
30 Dans ces conditions, le fait que la valeur estimée du marché en cause au principal ne ressorte pas de cette demande ne fait pas obstacle à ce que la Cour réponde à la question préjudicielle.
31 Sous le bénéfice de ces précisions liminaires, il y a lieu d'observer que l'article 42, paragraphe 3, sous b), de la directive 2014/24 dispose que les spécifications techniques sont formulées par référence, notamment, par ordre de préférence, aux normes nationales transposant des normes européennes, aux normes internationales ou aux normes nationales. Cette disposition prévoit également que « chaque référence » soit accompagnée de la mention « ou équivalent ».
32 Il ressort du libellé de ladite disposition que la mention « ou équivalent » doit toujours être ajoutée lorsque des spécifications techniques sont formulées par référence à des normes, y compris à des normes nationales transposant des normes européennes. La même disposition ne prévoit aucune exception en ce qui concerne les normes harmonisées au sens de l'article 2, point 11, du règlement no 305/2011.
33 Une telle exigence est d'ailleurs cohérente avec l'annexe VII, point 2, de la directive 2014/24, qui définit le terme « norme » comme correspondant à une spécification technique adoptée par un organisme de normalisation reconnu, qu'il soit international, européen ou national, en vue d'une application répétée ou continue, dont le respect n'est pas obligatoire et qui est mise à la disposition du public.
34 Dès lors, on ne saurait reprocher à une réglementation nationale d'exiger des pouvoirs adjudicateurs l'ajout de la mention « ou équivalent » dans tous les cas où des spécifications techniques sont formulées par référence à des normes.
35 Cette interprétation est confirmée par le constat que, conformément à l'article 42, paragraphe 5, de cette directive, lorsque les travaux, fournitures ou services offerts ne sont pas conformes à des spécifications techniques formulées, en vertu de l'article 42, paragraphe 3, sous b), de ladite directive, par référence à des normes, le soumissionnaire peut prouver dans son offre que les solutions proposées satisfont de manière équivalente aux exigences définies par ces spécifications techniques.
36 L'appréciation contenue au point 34 du présent arrêt est également corroborée par l'objectif de la directive 2014/24 mentionné au considérant 74 de celle-ci, visant à ce que les spécifications techniques établies par les acheteurs publics permettent d'ouvrir les marchés publics à la concurrence et de refléter notamment la diversité des solutions techniques existant sur le marché.
37 Il résulte de tout ce qui précède que, en l'occurrence, il est indifférent que la norme EN 1340:2003, transposée par la norme BDS EN 1340:2005 mentionnée par la juridiction de renvoi, figure, sans avoir été remplacée ou déclarée obsolète par la suite, dans la liste des normes harmonisées contenue dans la dernière communication de la Commission publiée au Journal officiel de l'Union européenne dans le cadre de la mise en œuvre du règlement no 305/2011 (JO 2018 C 92, p. 139). De même, est dénuée de pertinence la circonstance que, à l'époque des faits à l'origine du litige au principal, la norme EN 60332‑1‑2:2004 figurait dans la liste de normes harmonisées publiée au Journal officiel de l'Union européenne par une communication de la Commission dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 2014/35 (JO 2018 C 326, p. 4).
38 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l'article 42, paragraphe 3, sous b), de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui exige des pouvoirs adjudicateurs l'ajout de la mention « ou équivalent » dans tous les cas où les spécifications techniques figurant dans des documents de marché sont formulées par référence à des normes nationales transposant des normes européennes, y compris des normes harmonisées relevant du règlement no 305/2011.
Sur les dépens
39 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
L'article 42, paragraphe 3, sous b), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2019/1828 de la Commission, du 30 octobre 2019,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui exige des pouvoirs adjudicateurs l'ajout de la mention « ou équivalent » dans tous les cas où les spécifications techniques figurant dans des documents de marché sont formulées par référence à des normes nationales transposant des normes européennes, y compris des normes harmonisées relevant du règlement (UE) no 305/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2011, établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant la directive 89/106/CEE du Conseil.