CA Paris, Pôle 4 ch. 13, 10 janvier 2024, n° 20/18574
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
AMJ (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme d’Ardailhon Miramon
Conseillers :
Mme Moreau, Mme Cochet
Avocats :
Me Kuhn, Me Angles, Me Lebert
***
Par acte reçu le 28 juillet 1997 par M. [T], notaire exerçant au sein de la Scp [T] [E] & associés, la Sci AMJ a donné à bail commercial à la Sarl Contrôle technique automobile de [Localité 4] (ci-après, la société CTAM) des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 4]. La Scp [T] et [E], notaires associés, a été en charge de la gestion locative du bien.
Par jugement du 24 janvier 2005, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société CTAM, selon le régime simplifié. La Scp [V]-[B], mandataire judiciaire, a été désignée en qualité de représentant des créanciers et la date de cessation de paiement a été fixée au 15 octobre 2003.
La Sci AMJ a déclaré une créance au titre de loyers impayés. Le plan de redressement a été arrêté par le tribunal de commerce par jugement du 26 septembre 2005 pour une durée de huit années, M. [B] étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Les échéances du plan n'ayant pas été respectées, M. [B] en a sollicité la résolution.
Par jugement du 17 avril 2013, le tribunal de commerce de Meaux a ordonné la mainlevée de l'inaliénabilité du fonds de commerce appartenant à la société CTAM et a autorisé sa cession pour un prix de 245 000 euros.
Par courrier du 1er juillet 2013, M. [T] a formé à la demande du bailleur une opposition par voie d'huissier de justice sur le prix de vente pour un montant de 55 493,82 euros (soit 48 683,38 euros au titre des arriérés de loyers impayés depuis l'arrêté de plan de redressement et 6 810,44 euros au titre du solde restant dû en qualité de créancier privilégié sur admission de créance compte tenu de l'adoption du plan de continuation de la société CTAM).
Par jugement du 20 janvier 2014, le tribunal de commerce de Meaux a prononcé la résolution du plan, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société CTAM et désigné en qualité de liquidateur la Scp [K] [B] [G] [Z].
M. [B] en a informé la société AMJ par courrier du 28 janvier 2014.
M. [T] a interrogé M. [B], le 13 février 2014, sur les chances de recouvrement de la créance de la Sci AMJ, puis lui a rappelé, le 27 novembre 2014, qu'il avait formé à la demande de celle-ci une opposition par voie d'huissier de justice sur le prix de vente le 1er juillet 2013.
Par courrier du 15 décembre 2014, M. [B] a répliqué que la créance de la société AMJ d'un montant de 6 810, 44 euros inscrite dans le plan avait été admise de plein droit au passif de la liquidation judiciaire de la société CTAM mais qu'il appartenait à la société AMJ de déclarer entre ses mains, compte tenu de la nouvelle situation juridique de la société CTAM placée en liquidation judiciaire, toutes nouvelles créances nées depuis lors, ce qu'elle n'avait pas fait.
Par lettre du 15 janvier 2015, M. [T] a précisé à M. [B] que son courrier du 13 février 2014, postérieur à la liquidation de CTAM, renvoyait à sa lettre du 13 décembre 2013 dans laquelle il lui rappelait le montant de la créance AMJ, à la suite de l'opposition formée sur la cession du fonds de commerce, ce renvoi pouvant s'analyser en une déclaration de créance.
M. [B] lui a répondu le 21 janvier 2015 que le courrier du 13 février 2014 ne portait que sur la créance de 6 810,44 euros et que postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire, aucune autre créance n'avait été déclarée dans le délai imparti expirant au 11 avril 2014. Il a précisé qu'il sollicitait la clôture de la procédure pour extinction de passif, l'ensemble des créanciers admis à la procédure de liquidation judiciaire ayant été désintéressés et a conseillé à M. [T] de régulariser une déclaration de sinistre.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 18 janvier 2019, la société AMJ a fait assigner la Scp [T] et [E] en responsabilité devant le tribunal judiciaire de
Meaux.
Par jugement rendu le 26 novembre 2020, le tribunal a :
- condamné la Scp [T] et [E] à payer à la Sci AMJ la somme de 43 815,04 euros de dommages-intérêts,
- condamné la Scp [T] et [E] à payer à la Sci AMJ la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Scp [T] et [E] entiers dépens.
Par déclaration du 17 décembre 2020, la Scp [T] et [E] a interjeté appel de cette décision.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 3 octobre 2023.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 mars 2021, la Scp [T] et [E] demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle avait commis une faute à l'origine du préjudice de la Sci AMJ,
statuant a' nouveau,
- dire et juger que M. [T] a correctement rempli sa mission et n'a commis aucune faute a' l'égard de la Sci AMJ,
- dire et juger que les préjudices allégués par la Sci AMJ n'ont pas été causés par les prétendues fautes reprochées a' M. [T],
en conséquence,
- débouter la Sci AMJ de l'ensemble de ses demandes a' son encontre,
- condamner la Sci AMJ au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sci AMJ en tous les dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 mai 2021, la Sci AMJ demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Scp [T] et [E] au paiement de la somme de 43 815,04 euros au titre des dommages et intérêts,
- condamner la Scp [T] et [E] à' lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Scp [T] et [E] aux entiers dépens de la présente instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023.
SUR CE
Sur la responsabilité du notaire :
Sur la faute :
Le tribunal n'a pas retenu l'existence d'un mandat donné par la Sci AMJ au notaire aux fins de déclaration des créances postérieures à la liquidation de la société CTAM en ce que :
- il résulte des dispositions de l'article L. 622-24 alinéa 2 du code de commerce que la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix,
- une déclaration de créance s'analyse en une demande en justice et la preuve du mandat ad litem doit être écrite,
- la Sci AMJ ne rapporte pas la preuve qu'elle a donné mandat à M. [T] de procéder à une quelconque déclaration de créance, la connaissance invoquée du contexte global de la procédure de redressement puis de liquidation judiciaires de la société CTAM ou l'intervention de M. [T] pour certains actes ponctuels, comme l'opposition sur le prix de cession, conclus dans ce cadre ne pouvant suffire à démontrer qu'un tel mandat lui a été confié,
- en conséquence, il ne peut être reproché à M. [T] de ne pas avoir accompli ce mandat.
Il a en revanche jugé que la Scp [T] et [E] avait manqué à ses obligations d'information et de conseil envers la Sci AMJ en ce que :
- en vertu des articles L. 622-24 et R. 622-24 du code du commerce, dans leur version applicable au litige, les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture doivent adresser leur déclaration de créance au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois à compter de la publication de ce jugement au Bodacc, tandis que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture autres que celles mentionnées à l'article L.622-17 I doivent être déclarées dans le délai de deux mois à compter de la date d'exigibilité de la créance,
- un notaire manque à son obligation de conseil si, informé d'un jugement de liquidation judiciaire et de l'ampleur de la créance de son client, il omet de souligner, auprès de son client, la nécessité de procéder à la déclaration de sa créance au mandataire judiciaire dans les délais prescrits,
- M. [T] n'a pas appelé l'attention de sa cliente, la société AMJ, sur l'importance de régulariser la déclaration de créance de 48 683,38 euros correspondant au montant des sommes dues par la société CTAM postérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire dont elle a fait l'objet.
La Scp [T] et [E] fait valoir que :
- en application de l'article L.626-27 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire, la société AMJ, soumise
au plan de continuation, était dispensée de déclarer sa créance de loyers impayés pendant la période d'observation, née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et n'avait dès lors pas à déclarer sa créance de 48 683,38 euros à la liquidation judiciaire dès lors qu'elle a satisfait aux exigences de l'article L. 622-17 du code de commerce, qui n'impose aucun formalisme, en portant cette créance à la connaissance de M. [B] par courriers des 13 décembre 2013 et 13 février 2014,
- elle n'a commis aucune faute en ne procédant pas à une déclaration de créance au moment de la conversion de la procédure en liquidation, puisqu'une telle déclaration n'était pas nécessaire,
- le courrier de M. [T] adressé au liquidateur le 27 novembre 2014, soit à l'intérieur du délai d'un an prévu par l'article L. 622-17 IV du code de commerce, mentionne clairement la somme de 48 683,38 euros au titre des créances restant dues postérieurement à l'adoption du plan de continuation,
- subsidiairement, aucun pouvoir spécial écrit ne lui a été donné pour déclarer la créance de la société AMJ au titre des loyers dus postérieurement à l'adoption du plan de continuation à la procédure de liquidation judiciaire de la société CTAM en sorte qu'à défaut de rapporter la preuve d'un mandat en ce sens, ladite société ne saurait se prévaloir d'une faute à ce titre.
La société AMJ répond que :
- en application de l'article L. 622-24 du code de commerce, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture de liquidation judiciaire doivent adresser leur déclaration de créance au mandataire ou liquidateur, cette obligation ne souffrant d'aucune exception,
- M. [T], qui a déclaré la créance de 6 810,44 euros dans le cadre de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, laquelle a été réglée lors des opérations de liquidation, n'a pas déclaré la créance nouvelle postérieure au redressement judiciaire mais antérieure à la liquidation judiciaire, alors que l'exception prévue à l'article L. 626-27 du code de commerce prévoyant qu'il n'est pas nécessaire de déclarer à nouveau sa créance dans le cadre de la résolution du plan de redressement entraînant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, n'est valable que pour la créance antérieurement déclarée à la procédure de redressement judiciaire,
- M. [T] étant saisi de l'ensemble des diligences afférentes à la gestion locative du bien de la société et qui ne lui a jamais indiqué entendre se décharger de cette mission, était bien mandaté afin de suivre la totalité de l'affaire, comme en témoignent les courriers adressés à M. [B] notamment postérieurement à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire,
- au vu du courrier que lui a adressé le gérant de la société AMJ le 26 novembre 2015, la Scp [T] et [E] ne saurait exciper de l'absence de mandat écrit,
- le mandat peut être exprès ou tacite et M. [T] a accepté le mandat en poursuivant l'exécution de la mission qui lui était confiée,
- à tout le moins, en sa qualité de professionnel du droit, M. [T], débiteur d'une obligation de conseil et d'information à son égard, aurait dû l'alerter sur la nécessité de régulariser une déclaration de créance née postérieurement à la liquidation judiciaire de la société CTAM.
Le notaire, représentant les intérêts d'un client, engage sa responsabilité contractuelle à charge pour celui qui l'invoque d'établir une faute, un lien de causalité et un préjudice.
Selon l'article 1984 du code civil, 'Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire'.
L'article 1985 du code civil précise que 'Le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n'en est reçue que conformément au titre 'Des contrats ou des obligations conventionnelles en général'.
L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire'.
La preuve du mandat, même tacite, reste soumise aux règles générales de la preuve des conventions et doit répondre aux exigences de l'article 1341 ancien du code civil. L'acceptation tacite du mandat ne peut résulter, à défaut d'écrit ou de commencement de preuve par écrit corroboré par des éléments extrinsèques, que de son exécution.
L'article L. 622-24 du code de commerce prévoit que la déclaration de créance peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.
Une déclaration de créance s'analyse en une demande en justice. Si le mandat ad litem est présumé pour un avocat se constituant dans les intérêts d'une personne, il doit être prouvé par écrit pour toute autre personne formant une demande en justice au nom et pour le compte d'une autre personne.
Il n'est pas discuté que la Scp [T] et [E], chargée de la gestion locative du bien de la société AMJ donné à bail à la société CTAM, a reçu mandat de représenter les intérêts de la société AMJ à l'occasion de la procédure de redressement judiciaire dont a fait l'objet la société CTAM, et que c'est en exécution d'un tel mandat que, par courrier du 1er juillet 2013, la Scp [T] [E] & associés, agissant en qualité de représentant de la société AMJ, a formé opposition par voie d'huissier de justice sur le prix de cession du fonds de commerce de la société CTAM, ledit courrier mentionnant 'Vous trouverez ci-joint le pouvoir régularisé par M. [R] [P] en sa qualité de gérant de la Sci AMJ', non versé aux débats. Aucune des parties ne précise dans quelles circonstances la créance de la société AMJ a été précédemment déclarée à la procédure de redressement judiciaire de la société CTAM.
Le courrier que M. [P], gérant de la Sci AMJ, a adressé à la Scp [T]-[E] le 26 novembre 2015, postérieurement à la naissance du litige, lui indiquant qu'elle était chargée d'accomplir les formalités permettant de récupérer toute ou partie de la créance qui lui était due d'un montant de 50 000 euros à laquelle s'ajoutait une somme de 6 810,44 euros, et ne mentionnant aucune mission donnée à fin de déclaration de sa créance à la procédure de liquidation judiciaire de la société
CTAM, ne caractérise pas un mandat écrit à cette fin.
Parmi les courriers que la Scp [T] et [E] a adressés à M. [B] postérieurement au jugement du 20 janvier 2014 ordonnant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société CTAM, seul le courrier du 15 janvier 2015 mentionne une déclaration de créance, dans les termes suivants : 'J'ai bien reçu votre courrier du 15 décembre dernier relatif au dossier visé en référence, dans lequel vous indiquez que la société AMJ n'a pas déclaré sa créance suite à la résolution du plan de continuation. Mon courrier daté du 13 février 2014, postérieur à la liquidation judiciaire de la société CTAM, fait renvoi à ma lettre du 13 décembre 2013 dans laquelle je vous rappelais le montant de la créance dû à la société AMJ suite à l'opposition formée sur la cession du fonds de commerce.
Comme vous le savez, les textes du code de commerce ne prévoient pas de forme précise pour la déclaration de créance : il me semble donc que le renvoi à ma précédente correspondance peut être assimilé à une déclaration de créance'.
A supposer que ce courrier constitue un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable l'existence d'un mandat donné à la Scp [T] et [E] d'effectuer une déclaration de créance de la société AMJ postérieurement au jugement d'ouverture de liquidation judiciaire de la société CTAM, ce commencement de preuve par écrit n'est corroboré par aucun autre élément tels que des témoignages, indices ou présomptions, le courrier du 15 janvier 2015 susvisé étant à ce titre inopérant.
A défaut d'écrit ou de commencement de preuve par écrit et en l'absence d'exécution du mandat allégué, l'intimée échoue à rapporter la preuve d'un mandat donné à l'appelante aux fins de déclaration de sa créance postérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société CTAM.
En l'absence de mandat, il est vainement allégué une faute au titre du défaut d'exécution de celui-ci.
Le notaire, assurant la défense des intérêts d'un client, est tenu à son égard à une obligation d'information et à un devoir de conseil.
Selon l'article L.622-24 du code de commerce dans sa version applicable aux faits,
'A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.
La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.
La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre.
(...)
Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17 sont soumises aux dispositions du présent article. Les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance. Toutefois, les créanciers dont les créances résultent d'un contrat à exécution successive déclarent l'intégralité des sommes qui leur sont dues dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
Le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées d'une infraction pénale court dans les conditions prévues au premier alinéa ou à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, lorsque cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture.
Les créances alimentaires ne sont pas soumises aux dispositions du présent article':
L'article L. 622-17 I, dans sa version applicable aux faits, énonce que 'Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contre partie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance'.
L'article L. 626-27 du code de commerce, dans sa version applicable aux faits, précise que
'I.- En cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité.
Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.
Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.
Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.
(...)
III.- Après résolution du plan et ouverture de la nouvelle procédure, les créanciers soumis à ce plan sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues'.
Tout créancier qui a déclaré sa créance et qui est soumis à un plan de sauvegarde ou de redressement peut bénéficier de la dispense de déclaration prévue à l'article L. 626-7 III. Lorque le plan de redressement est résolu et ouvre la liquidation judiciaire du débiteur, la créance déclarée dans la première procédure et inscrite au plan est admise de plein droit dans la seconde en application de l'article L.626-27, III, du code de commerce, tandis que la créance supplémentaire non déclarée au passif de la première est soumise à la procédure de vérification et d'admission des créances propre à la seconde.
La créance du bailleur relative à la location du fonds de commerce n'est pas la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur durant la période d'observation au sens de l'article L. 622-17 I du code de commerce dès lors que le bail n'a pas été souscrit durant cette période mais antérieurement à celle-ci, et ne relève dès lors pas de la dispense de déclaration prévue à l'article L. 626-27 du même code.
La créance de 48 683,38 euros au titre des arriérés de loyers impayés depuis l'arrêté de plan de redressement devait donc être déclarée à l'occasion de la procédure de liquidation judiciaire de la société CTAM.
S'il n'est exigé aucun formalisme particulier au titre de la déclaration de créance, celle-ci doit résulter d'une déclaration claire faite par le créancier et accompagnée de justificatifs.
Le courrier de la Scp [T] et [E] du 13 février 2014 rappelant les termes de sa lettre du 13 décembre 2013 dans laquelle elle précisait que le montant de l'opposition effectuée pour le compte du bailleur s'élevait à la somme de 55 873,04 euros ne constitue pas une déclaration de la créance de 48 683,38 euros au titre des arriérés de loyers impayés depuis l'arrêté du plan de redressement. Le courrier du 27 novembre 2014 dans lequel la Scp [T] et [E] rappelle à M. [D] que ladite opposition a été notamment formée au titre de cette créance de 48 683,38 euros et lui demandant sous quel délai la société AMJ recouvrera cette somme ne constitue pas davantage une déclaration de créance.
Ainsi que l'a retenu le tribunal, la Scp [T] devait informer et attirer l'attention de la société AMJ sur la nécessité d'effectuer cette déclaration de créance dans les délais légaux prescrits, et a donc manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil.
Sa faute est donc caractérisée.
Sur le lien de causalité et le préjudice :
Le tribunal a retenu que la Scp [T] et [E] avait fait perdre une chance élevée à la société AMJ de déclarer sa créance dans le délai imparti et de voir sa créance désintéressée. Relevant que M. [B] avait indiqué que l'ensemble des créanciers avaient été désintéressés de leurs créances déclarées et que la procédure a été clôturée pour extinction du passif, il a estimé la perte de chance de la société AMJ de percevoir le règlement de sa créance de 48.683,38 à 90%, soit un préjudice de 44 815,04 euros.
La Scp [T] et [E] fait valoir que le préjudice allégué a été exclusivement causé par la faute du liquidateur judiciaire n'ayant pas tenu compte de la créance de la Sci AMJ née postérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société CTAM et qu'il n'est justifié d'aucun préjudice certain qui présuppose que même si la dette importante de 48 683,38 euros avait été comptabilisée, les créanciers privilégiés auraient tous été désintéressés.
La société AMJ, sollicitant la confirmation du jugement, réplique qu'elle était titulaire du droit au remboursement de sa créance qui n'a pas été déclarée et que son préjudice est certain dans la mesure où la faculté de recouvrement de sa créance en qualité de créancier privilégié est avérée, le liquidateur judiciaire ayant indiqué en février 2014 qu'il disposait de fonds suffisants pour désintéresser l'ensemble des créanciers à la procédure et la procédure de liquidation judiciaire ayant été clôturée pour extinction de passif.
Le manquement du notaire à son obligation d'information et à son devoir de conseil n'a pu causer au bailleur qu'une perte de chance de ne pas obtenir le remboursement de sa créance non déclarée à la procédure de liquidation judiciaire de son locataire, et non pas un préjudice certain. Si une perte de chance même faible est indemnisable, la perte de chance doit être raisonnable et avoir un minimum de consistance. La preuve de la perte de chance incombe à celui qui s'en prévaut et la réparation de celle-ci doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Il est évident et non discuté que dûment informée et conseillée par le notaire, la société AMJ aurait procédé à la déclaration de sa créance de 48 683,38 euros à la procédure de liquidation judiciaire de la société CTAM.
Pour justifier de l'importance de la chance perdue de recouvrer l'intégralité de cette créance, la société AMJ se fonde sur une annotation portée par M. [B] le 17 mars 2014, sur le courrier de la Scp [T] et [E] du 13 février 2014 lui confirmant qu'il reste dû au titre de la première procédure la somme de 6 810,44 euros et, après lui avoir rappelé 'les termes de sa lettre du 13 décembre dernier', l'interrogeant sur les chances de la Scp AMJ, en sa qualité de créancier privilégié, de recouvrer tout ou partie de sa créance. Dans cet écrit, M. [B] indique que 'Le prix de cession du fonds de commerce devrait permettre à terme le désinteressement de l'ensemble des créanciers privilégiés et de servir des dividendes aux créanciers chirographaires'.
Cependant, M. [D] ayant à juste titre considéré qu'il n'était saisi d'aucune déclaration de créance de 48 683,38 euros mais uniquement de 6 810,44 euros, admise de plein droit à la liquidation de la société CTAM, s'est prononcé sur les chances de recouvrement de cette seule créance, dont la société AMJ a d'ailleurs obtenu le remboursement le 20 octobre 2014.
La société AMJ ne produit pas aux débats l'état des créances admises à la liquidation judiciaire de la société CTAM dont elle a nécessairement été rendue destinataire puisque sa créance de 6810,44 euros a été admise et remboursée.
En l'absence d'un tel état permettant de situer la créance privilégiée de la société AMJ de 48 683,38 euros au titre de loyers impayés depuis l'arrêté du plan de redressement de la société CTAM, non déclarée à la liquidation judiciaire de celle-ci, parmi les autres créances privilégiées admises et recouvrées, la circonstance que la procédure de liquidation judiciaire ait été clôturée pour extinction de passif le 29 juin 2015 ne suffit pas à établir que la société AMJ a perdu une chance quasi totale d'être désintéressée de sa créance, alors que par lettre du 15 décembre 2014, le liquidateur judiciaire a précisé que le prix de cession du fonds de commerce de la société CTAM, de 245 000 euros, ne permettait pas de désintéresser à la fois les créances admises au plan et les dettes nouvelles depuis l'arrêté dudit plan.
Au vu de ces éléments et compte tenu de la nature privilégiée de la créance dont disposait la société AMJ, sa perte de chance d'en obtenir le remboursement doit être évaluée à 70%.
La société [D] et [E] doit donc être condamnée au paiement d'une indemnité de 34 078 euros (48 683,38 x 70%) en réparation du préjudice de perte de chance de la société AMJ.
Le jugement est donc infirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées. Aucune disposition tirée de l'équité ne justifie la condamnation de la Scp [D] et [E], tenue aux dépens de l'appel, au paiement d'une indemnité de procédure en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement sauf en ses dispositions ayant trait aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,
statuant de nouveau,
Condamne la Scp [D] et [E] à payer à la Sci AMJ la somme de 34 078 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de perte de chance de recouvrer sa créance,
y ajoutant,
Déboute la Sci AMJ de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Scp [D] et [E] aux dépens d'appel.