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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 17 octobre 2024, n° 24/00310

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/00310

17 octobre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 OCTOBRE 2024

N° RG 24/00310 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WJFY

AFFAIRE :

SAS WAPSI

C/

[K] [C]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 29 Décembre 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2023R00674

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 17.10.2024

à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, avocat au barreau de VERSAILLES (620)

Me Julie GOURION-RICHARD, avocat au barreau de VERSAILLES (51)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS WAPSI

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005759

Plaidant : Me Luc-Marie AUGAGNEUR, du barreau de Lyon

APPELANTE

****************

Monsieur [K] [C]

né le 16 Juin 1973 à [Localité 5] (78)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.S. AMS SAS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Julie GOURION-RICHARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 2241444

Plaidant : Me Thileli ADLI, du barreau de Paris

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Septembre 2024, Monsieur Thomas VASSEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

M. [C], président de la société AMS, détenait 15 % de la société Wapsi , dont l'actionnaire majoritaire était la société AAW, présidée par M. [G]. Un conflit s'est élevé entre les actionnaires, qui a conduit notamment à la révocation de M. [C], jusqu'alors président de la société Wapsi, lors de l'assemblée générale du 21 septembre 2022.

Sur requête de la société Wapsi, le président du tribunal de commerce de Nanterre, par une ordonnance du 25 avril 2023, a autorisé une mesure d'investigation au domicile de M. [C].

Les mesures d'investigation et la signification de l'ordonnance sont intervenues le 17 mai 2023.

Par acte du 16 juin 2023, M. [C] et la société AMS ont fait assigner la société Wapsi en rétractation de cette ordonnance.

Par ordonnance contradictoire rendue le 29 décembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

rétracté l'ordonnance sur requête du 25 avril 2023 (n°2023 O 07136) ;

ordonné la mainlevée totale du séquestre et conditionné la restitution des documents/pièces/clés USB saisis par la SCP Judicium, Me [B] [P], commissaire de justice, à l'épuisement des recours éventuels devant la cour d'appel à l'encontre de la décision (ou à accord amiable ou à la production d'un certificat de non appel) ;

sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive, dit n'y avoir lieu à référé, et renvoyé M. [C], la société AMS et la société Wapsi à se mieux pouvoir ;

débouté la société Wapsi de sa demande d'amende civile ;

condamné la société Wapsi à payer à M. [C] la somme de 2 500 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Wapsi aux dépens ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2024, la société Wapsi a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 août 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Wapsi demande à la cour de :

'à titre principal

- déclarer recevable et bienfondé l'appel interjeté par la société Wapsi,

- infirmer l'ordonnance du 29 décembre 2023 rendue par le président du tribunal de commerce

de Nanterre, en ce qu'elle a :

« - rétracté l'ordonnance sur requête du 25 avril 2023 (n°2023 O 07136),

- ordonné la mainlevée totale du séquestre et conditionné la restitution des documents/pièces/clés USB saisis par la SCP Judicium, Maître [B] [P], commissaire de justice, à l'épuisement des recours éventuels devant la cour d'appel à l'encontre de la présente décision (ou à accord amiable ou à la production d'un certificat de non appel),

- sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, dit n'y avoir lieu à référé, et renvoyé la SAS Wapsi à se mieux pourvoir,

- débouté la SAS Wapsi de sa demande d'amende civile,

- condamné la SAS Wapsi à payer à M. [K] [C] la somme de 2 500 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Wapsi aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 47,42 euros dont TVA 7,90 euros »

- confirmer l'ordonnance du 29 décembre 2023 rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu'elle a :

- sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé M. [K] [C] et la SAS AMS à mieux se pourvoir.

Statuant à nouveau

- dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre le 25 avril 2023,

- ordonner la mainlevée totale du séquestre prononcée par ordonnance du président du tribunal

de commerce de Nanterre le 25 avril 2023,

- ordonner la communication à Wapsi de l'ensemble des éléments séquestrés et établis en application de l'ordonnance,

- condamner AMS SAS et M. [K] [C] à verser à Wapsi des dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros au titre de l'abus de procédure,

- débouter AMS SAS et M. [K] [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement M. [K] [C] et AMS SAS à verser à Wapsi la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner AMS SAS et M. [K] [C] aux entiers dépens d'instance.'

Au soutien de son appel, la société Wapsi indique que M. [C], qui a fait obstacle pendant onze mois à la convocation de l'assemblée générale des associés ayant conduit à sa révocation, a mis à profit cette période pour verser indûment à sa holding personnelle la somme de 16.667 euros HT par mois, sans que ces versements n'aient été approuvés, et a initié le développement de la société Axoo, animée par M. [H], tout en dissimulant son implication. Elle expose que les circonstances de la création de cette activité révèlent des indices de violation de l'obligation de non-concurrence contractuelle à laquelle M. [H] était tenu en tant que directeur technique de la société Wapsi, ainsi que de violation de l'obligation de loyauté à laquelle M. [C] était tenu en qualité de président de la société Wapsi. Cette déloyauté résulte ainsi de l'établissement, par M. [C], des fondations de la société Axoo, notamment par le dépôt de son nom de domaine « axoo.fr » et par la mise en place de la messagerie électronique associée à ce nom. Elle résulte également du démarrage de l'activité de cette société avant même le départ de M. [H] de la société Wapsi, matérialisé par l'embauche d'un salarié, ancien collaborateur de la société Wapsi, avant même que la société Axoo ne soit régulièrement constituée. Elle est également caractérisée, selon l'appelante, par la violation des engagements de non-sollicitation, par la désorganisation de la société Wapsi, par le détournement, au bénéfice de la société Axoo, des clients de la société Wapsi et des prestations de sous-traitance confiées par le client historique de cette dernière, la société Aerow, et par le débauchage des salariés, ce qui s'est matérialisé par le départ quasi-simultané de plusieurs dizaines de salariés et leur embauche par la société Axoo ou des sociétés qui lui sont affiliées.

La société Wapsi critique en premier lieu le motif retenu par l'ordonnance frappée d'appel, motif tenant à ce qu'il existait une procédure au fond entre la société Wapsi et M. [C] au moment de la requête : elle expose que le litige au fond dont le tribunal de commerce de Paris était saisi était parfaitement différent car cette procédure, initiée par la société AAW visait à solliciter le remboursement au bénéfice de la société Wapsi de sommes indûment versées par M. [C] à sa holding personnelle pendant la période durant laquelle il s'était abusivement maintenu à la tête de la société Wapsi. Celle-ci ajoute que le jugement du tribunal de commerce rendu dans le cadre de cette autre instance ne mentionne à aucun moment l'existence des agissements de concurrence déloyale dont les sociétés Axoo et AMS et MM. [C] et [H] sont suspectés d'être les auteurs. La société Wapsi ajoute à cet égard que ce ne sont pas les mêmes parties qui sont impliquées dans ces litiges dès lors que ce litige préexistant avait été initié par la société AAW, qui n'intervient pas dans la présente instance, et ne concernait ni la société Axoo ni M. [H] ni d'ailleurs aucune autre des personnes physiques ou morales suspectées d'avoir participé à la captation déloyale de l'activité de la société Wapsi.

La société Wapsi considère que la dérogation au principe de la contradiction était justifiée afin de préserver l'effet de surprise, M. [C] ayant pris soin, lors de son départ, d'effacer l'ensemble des données figurant sur son ordinateur professionnel et celui-ci ayant en outre activement participé, par le truchement de sa holding personnelle, à la constitution d'une société concurrente à la société Wapsi alors qu'il en était encore le président. Au demeurant, la société Wapsi souligne que le juge de première instance lui-même a retenu que la dérogation au principe du contradictoire était nécessaire et justifiée.

La société Wapsi indique qu'elle n'était pas tenue de mettre dans la cause les potentiels défendeurs au procès au fond, d'autant que les intimés, ayant eux-mêmes introduit l'action en rétractation, pouvaient attraire aux débats les parties de leur choix.

La société Wapsi développe ce qu'elle considère être les indices de la violation, par M. [C], de son devoir de loyauté et indique ainsi que pendant la période durant laquelle il s'est illicitement maintenu à la tête de la société Wapsi, il a vraisemblablement abusé des biens et du crédit de celle-ci à des fins personnelles, faisant état ainsi du règlement d'une facture de 5.000 euros HT au bénéfice d'une société dénommée Nymphea et Stemmadenia en rémunération d'une mission qui lui aurait été confiée quatre ans plutôt, alors qu'aucun des éléments communiqués par cette société ne permet de justifier de la réalité de ses prestations et que les rapports établis à cet égard sont non seulement totalement vierges mais ont été édités par un logiciel qui n'a été créé lui-même que postérieurement à l'établissement des rapports.

La société Wapsi expose encore que la société Axoo a elle-même désigné comme point de contact la société AMS, holding personnelle de M. [C], ce qui démontre les liens entre ces deux sociétés, d'autant que la propriété du nom de domaine 'Axoo.fr' a été cédée par la société AMS à la holding personnelle de M. [H].

La société Wapsi souligne que M. [C] a lui-même dispensé de préavis M. [H], directeur technique de la société Wapsi, lorsque celui-ci a choisi de démissionner, alors qu'il savait pertinemment qu'il allait constituer la société Axoo afin de développer une activité concurrente à celle de la société Wapsi. Elle ajoute que cette société Axoo a embauché un de ses salariés, M. [D], dès le mois de mars 2022, c'est-à-dire avant même qu'elle ne soit constituée et que, dès le mois de juillet 2022, M. [H] a facturé directement des prestations à la société Aerow, client historique de la société Wapsi. Elle indique à cet égard que la société Axoo et les sociétés qui lui sont affiliées ont procédé à un débauchage massif de ses salariés, citant cet égard MM. [L] et [J], ainsi que Mme [W], qui sont désormais salariés de la société Axoo, ainsi que MM. [I] et Paravithana, qui sont salariés de la société Gamann, elle-même affiliée à la société Axoo.

Elle mentionne également que quelques jours avant sa révocation, M. [C] a pris attache avec la société Microfocus, éditeur de logiciels professionnels avec laquelle la société Wapsi est en relation depuis de nombreuses années, afin de remplacer son adresse e-mail professionnelle par une adresse e-mail personnelle.

S'agissant de son activité, la société Wapsi indique que la société Aerow sous-traitait historiquement les besoins de la société Framatome auprès d'elle. Elle fait valoir que depuis son e-mail professionnel, M. [C] a indiqué à la société Aerow que son directeur technique, le M. [H], était démissionnaire et, par SMS, il a proposé à la même société, de sous-traiter la prestation Framatome à M. [H], en prenant soin de souligner que celui-ci allait « s'installer en freelance ». Elle ajoute que le 5 octobre 2022, la société Framatome a passé une commande de 14.850 euros HT auprès de la société Aerow pour la réalisation d'une prestation et que M. [C] a choisi de dissimuler cette commande au bénéfice de M. [H], ce qui constitue un élément sérieux de nature à caractériser les soupçons d'agissements déloyaux commis au préjudice de la société Wapsi. Elle indique encore que dans le stratagème mis en 'uvre pour détourner cette commande, la proposition pour la société Wapsi devait être établie par Mme [E], laquelle avait des liens étroits avec MM. [C] et [H] et qui s'est abstenue d'adresser une réponse pour la société Wapsi. La société Wapsi indique que le procès-verbal de constat de la mesure d'instruction diligentée permet de confirmer que c'est la société Axoo qui est intervenue pour le projet Framatome. Elle ajoute que la mesure d'instruction réalisée a permis de constater de nombreuses occurrences avec les sociétés clientes et partenaires historiques de la société Wapsi, dont notamment les sociétés Eiffage, LVMH, Conforama, Boulanger, Aerow, Picard et Hitechpros. Ainsi, les clients de la société Wapsi sont soudainement devenues des clients de la société Axoo.

La société Wapsi relate le rôle commercial de M. [C] dans la société Axoo, comme le montre le courriel adressé par erreur par ce dernier à la société Wapsi, depuis l'adresse « [Courriel 6] », comportant la signature « [K] » et qui concerne un des partenaires historiques de la société Wapsi, la société Tricentis, ce qui démontre que M. [C] utilise désormais une boîte de messagerie au nom de la société Axoo, dont il est un contact commercial. L'explication des intimés, tenant à ce que cette signature serait celle de M. [Z] [K], avec l'attestation de ce dernier, est dépourvue de crédibilité, dès lors que l'on ne se signe pas de son patronyme.

La société Wapsi relate également la création par M. [C] d'une société dénommée Runreal, qui est manager du groupe Infyny et concurrente directe de la société Wapsi ; cette société est également l'un des managers de la société Axoo et il existe ainsi une collusion entre MM. [C] et [H], leurs holding respectives et les sociétés Infyny et Aerow. De même, l'existence de liens étroits entre MM. [C] et [H] d'une part et M. [O] d'autre part, ainsi que la participation active de la société Portify à l'activité de la société Axoo caractérise la constitution d'un groupe de sociétés concurrent à la société Wapsi.

La société Wapsi indique par ailleurs que la mesure ordonnée est proportionnée, étant notamment strictement délimitée dans le temps, du 1er janvier 2022 à la date de la réalisation de la mesure, ainsi que dans son objet, les mots-clés discriminants étant en lien direct avec les faits suspectés.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 2 septembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [C] et la société AMS demandent à la cour de :

'- déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par la sas Wapsi.

- l'en débouter .

- déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par M. [K] [C] et la société AMS.

y faisant droit,

- confirmer l'ordonnance dont appel en date du 29 décembre 2023 en ce qu'elle a :

- rétracté l'ordonnance sur requête du 25 avril 2023 (n°2023 O 07136) ;

- ordonné la mainlevée totale du séquestre et conditionné la restitution des documents/pièces/ clés usb saisie par la S.C.P Judicium, Me [N] [T] [A], commissaire de justice, à l'épuisement des recours éventuels devant la cour d'appel à l'encontre de la présente décision (ou à la production d'un certificat de non-appel)

- condamné la S.A.S Wapsi à payer à M. [K] [C] la somme de 2 500 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté la S.A.S Wapsi de sa demande d'amende civile.

- condamné la S.A.S Wapsi aux dépens.

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 47,42 euros, dont TVA 7,90 euros

- réformer l'ordonnance dont appel en date du 29 décembre 2023 en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu a référé et renvoyé M. [K] [C] et la S.A.S AMS SAS à se mieux pouvoir s'agissant de la demande de dommages-intérêts pour la procédure abusive

Et statuant, à nouveau et y ajoutant :

- condamner la S.A.S Wapsi à payer à M. [K] [C] et la S.A.S AMS SAS, à chacun d'eux, la somme de 10 000 euros au titre de la procédure abusive.

- débouter la société Wapsi en toutes ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la S.A.S Wapsi à payer à M. [K] [C] et la S.A.S AMS SAS, à chacun d'eux, la somme de 15 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Wapsi à verser à M. [C] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Wapsi à verser à la société AMS SAS la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Wapsi aux entiers dépens.

- dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion Richard, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

Les intimés indiquent en premier lieu que l'ordonnance sur requête ne contient pas les motifs précisant les circonstances de nature à justifier une dérogation au principe de la contradiction. Ils indiquent que le motif figurant dans l'ordonnance sur requête n'intéresse que M. [H] et la société Axoo mais ne contient rien s'agissant de M. [C] et la société AMS, de sorte que pour ce seul motif, la rétractation de l'ordonnance doit être confirmée.

Ils ajoutent que la société Wapsi a dissimulé l'existence d'une procédure au fond entre les parties au moment de la requête de l'ordonnance : les accusations de concurrence déloyale et la sollicitation de l'ordonnance sur requête sont indissociables des multiples contentieux initiés par la société AAW et poursuivis par la société Wapsi, en ce qu'elles sont une partie du conflit d'actionnaires initié par l'actionnaire majoritaire AAW à l'encontre de l'actionnaire minoritaire AMS SAS et M. [C]. Ainsi, lors des plaidoiries de première instance, il existait un contentieux devant le tribunal de commerce de Paris, qui a été tranché en faveur de M. [C] et de la société AMS depuis et pour lequel les sociétés AAW et Wapsi ont ensemble interjeté appel devant la cour d'appel de Paris. En outre avant même ce contentieux, l'actionnaire majoritaire qu'est la société AAW avait saisi le tribunal de commerce de Paris en référé en vue de la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de convoquer une assemblée générale de révocation du mandat de président assumé par M. [C]. Dans ce contexte, le juge de la rétractation n'a pas été dupe du caractère global du contentieux dans chacune des actions judiciaires introduites par l'actionnaire majoritaire AAW, poursuivies par la société Wapsi et une partie indissociables de l'ensemble du conflit. En tout état de cause, dans ce contexte, il revenait au juge des requêtes de décider si le litige éventuel était ou non distinct de celui pendant devant le tribunal de commerce, de sorte que la société Wapsi a manqué de loyauté en passant ce conflit sous silence.

Par ailleurs, les intimés développent l'absence de motif légitime de l'ordonnance sur requête. Ainsi, s'agissant de l'e-mail reçu par la société Wapsi émanant de la société Axoo et signé « [K] », celui-ci émane de M. [Z] [K], qui est un ami de longue date de M. [H], ainsi que cela ressort de son attestation, de sorte qu'un tel courriel, comme l'a pertinemment retenu le juge de la rétractation, n'est pas une preuve suffisante de ces liens entre MM. [C] et [H].

En outre, contrairement à ce qu'indique la société Wapsi, celle-ci n'est en réalité jamais intervenue en tant que sous-traitant pour la société Aerow dans le cadre du contrat Framatome et la mission de sous-traitance pour Framatome n'a pas été détournée par la société Axoo mais simplement perdue par la société Wapsi. Ainsi, M. [C] a annoncé une proposition à cet égard le 20 septembre 2022, par SMS, puis par un courriel du 21 septembre au matin, alors même qu'il était révoqué par l'assemblée générale qui s'est tenue le même jour à midi, sans que pour autant la société AAW n'ait organisé une passation sereine ; remplacé à la présidence de la société Wapsi par la société AAW, cette dernière ne s'est pas inquiétée de l'envoi d'une proposition commerciale ni, d'une manière générale, du suivi de ce dossier, de sorte que la société Wapsi est la seule responsable de sa défaillance à adresser une quelconque offre pour le contrat Framatome.

De même, les intimés indiquent qu'aucun détournement ne saurait leur être reproché concernant les autres partenaires de la société Wapsi : ainsi la société Runreal, contrairement à ce qu'indique l'appelante, n'exerce pas dans le même domaine qu'elle et elle est intervenue auprès de la société Eiffage sur un tout autre métier et auprès d'un autre interlocuteur que celui que connaît la société Wapsi. De même, la société Wapsi a perdu le marché avec la société AFNOR tout simplement parce qu'elle n'a pas candidaté à l'appel d'offres lancées par cette dernière.

S'agissant de la création de la société Axoo, celle-ci a été permise par la décision de la société Wapsi elle-même de renoncer, le 30 septembre 2022, à la clause de non-concurrence de M. [H], qui n'a d'ailleurs pas fait de demande à cette fin et qui n'a immatriculé sa société que le 1er décembre 2022, soit en tout état de cause bien après l'expiration de son préavis théorique de trois mois fixé au 5 novembre 2022 ; en outre, M. [H] ne doit pas la réduction de son préavis à M. [C] mais à Mme [V], comme cela ressort de son courriel du 16 août 2022.

Les intimés indiquent encore que la récupération, par la société Axoo, du nom de domaine « axoo.fr » ne caractérise pas une implication de la part de M. [C], qui avait déposé plusieurs idées de noms de domaine sans jamais les utiliser pour développer un site internet.

Les intimés indiquent encore que la société Wapsi ne caractérise aucun mouvement significatif de salariés vers la société Axoo : s'agissant du départ de M. [M] [S], c'est M. [G] lui-même qui, le 22 novembre 2022, a accepté une réduction du préavis pour sa démission afin qu'il puisse rejoindre la société Séphora, de sorte que cette démission ne pouvait être instrumentalisée dans la requête. Ainsi, un seul et unique salarié, M. [L], est venu rejoindre M. [H] au sein de la société Axoo, sans même qu'il n'ait été débauché à cette fin. S'agissant de Mme [W], les intimés indiquent qu'elle est tout à fait libre d'intervenir pour la société Axoo près de deux ans après avoir cessé toute collaboration avec la société Wapsi.

Les intimés considèrent que la société Wapsi ne justifie à aucun moment de la réalité des prétendus soupçons de désorganisation. S'agissant du changement de coordonnées personnelles de M. [C] auprès de la société Microfocus, celle-ci s'explique par le fait que cette société permet de bénéficier de formations et de certifications et chaque collaborateur dispose d'un compte individuel, nominatif et personnel.

S'agissant de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, les intimés estiment qu'elle n'aurait pas dû être rejetée dès lors que l'ordonnance sur requête qui avait été sollicitée s'inscrit dans la continuité d'un conflit d'actionnaires et procède d'un détournement de procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

En premier lieu, cet article prévoit une condition tenant à ce que la mesure soit demandée 'avant tout procès'. En l'occurrence, c'est en raison du défaut de cette condition que la mesure a été rétractée, le juge de première instance ayant retenu qu'il existait une procédure au fond entre la société Wapsi et M. [C] au moment de la présentation de la requête, ainsi qu'il résulte de l'assignation devant le tribunal de commerce de Paris communiquée à cet égard par les demanderesses à la rétractation. A l'encontre de ce motif, la société Wapsi formule une double critique, tenant d'une part à ce le litige au fond dont le tribunal de commerce de Paris était saisi était parfaitement différent et, d'autre part, à ce que les parties impliquées dans ce litige ne sont pas les mêmes.

S'agissant de la différence alléguée de litige, la procédure qui était pendante devant le tribunal de commerce de Paris porte sur ce que la société Wapsi indique être le remboursement de sommes que M. [C], alors président de la société Wapsi, aurait indûment prélevées au profit de sa holding personnelle, la société AMS. S'il est vrai que l'objet de ce contentieux ne se confond pas exactement avec celui qui, susceptible d'être engagé, est évoqué dans la requête et qui tient à des 'actes de concurrence déloyale' (1er paragraphe introductif de la requête, en sa deuxième page), à 'des éléments rendant vraisemblables les agissements déloyaux commis au préjudice de Wapsi' (titre du paragraphe 5, en 5ème page de la requête), à la 'mise en oeuvre de procédés déloyaux [de la part de M. [C]], alors qu'il était Président de Wapsi', il demeure que le contentieux préexistant et celui envisagé ne sont pas étrangers l'un à l'autre : tous deux procèdent de la révocation de M. [C] de la présidence de la société Wapsi et de l'exclusion de la holding personnelle de celui-ci du capital (par décision d'assemblée générale de Wapsi le 2 octobre 2023, en application de l'article 12 des statuts, ainsi que l'indique l'appelante en 6ème page de ses conclusions). Cette révocation, à la suite de laquelle a été engagée l'action au fond devant le tribunal de commerce de Paris, est elle-même intervenue, selon les termes de la société Wapsi, (en 6ème page de ses conclusions) 'en raison, notamment de l'activité concurrente de AMS SAS', qui est la holding personnelle de M. [C] et (8ème page de ses conclusions) 'au regard du comportement particulièrement frondeur au sein de Wapsi adopté par [K] [C]'. Ainsi, 'l'activité concurrente' de la holding personnelle de M. [C] correspond bien à une imputation commune à la procédure au fond qui était pendante devant le tribunal de commerce de Paris et à la requête tendant à ce que soit ordonnée la mesure d'instruction.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'indique l'appelante, la procédure au fond et la requête se confondent, au moins pour partie, quant aux parties en présence : s'agissant des demanderesses, si la société AAW, holding personnelle de M. [G], est la partie demanderesse au procès au fond qui était pendant devant le tribunal de commerce de Paris, cette société est devenue l'actionnaire majoritaire, puis unique de la société Wapsi et ce sont d'ailleurs tant la société AAW que la société Wapsi elle-même qui ont interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Paris ; s'agissant des défendeurs, M. [C] est la partie assignée devant le tribunal de commerce de Paris et la partie directement visée par la requête ayant conduit à l'ordonnance dont la rétractation fait l'objet du présent litige.

Les deux procédures sont d'ailleurs à ce point liées que désormais, dans ses conclusions à hauteur d'appel, la société Wapsi fait elle-même état en préambule (1ère moitié de la page introductive, page numérotée 3) de ces détournements (ayant entraîné la procédure devant le tribunal de commerce de Paris) pour en inférer que 'les circonstances de la création [de l'activité de la société Axoo] révèlent des indices nombreux, sérieux et concordants de différents agissements déloyaux'.

En ne formulant pas un mot, au stade de la requête, quant à ce contentieux préexistant, la société Wapsi n'a pas simplement seulement menti par omission au juge des requêtes, elle a méconnu la condition première de l'article 145 précité tenant à l'absence de tout procès pour solliciter une mesure sur ce fondement.

Pour cette première raison, c'est à bon droit que le juge de première instance a ordonné la rétractation de l'ordonnance en cause.

Surabondamment, l'ordonnance doit également être rétractée en raison de l'absence de motif légitime et, plus précisément du caractère pour partie sciemment mensonger de ceux qui sont invoqués.

En premier lieu, il convient d'examiner le point de savoir si M. [C] et M. [H] ont bien détourné la clientèle de l'entreprise Framatome, ainsi que ce point est développé en pages 8 et 9 de la requête. Cet égard, la requête mentionnait que la société Wapsi « intervient régulièrement, pour une mission d'accompagnement » pour la société Framatome (4ème § en partant de la fin de la page 8). La requête indiquait que «Aerow sous-traitait historiquement les demandes de Framatome à Wapsi » et présentait ainsi Framatome comme étant « un client important » de la société Wapsi (2ème § en partant de la fin de la page 8). À l'exact opposé, les intimés indiquent que « Wapsi n'est en réalité jamais intervenue en tant que sous-traitant pour Aerow dans le cadre du contrat Framatome. » (15ème page de ses conclusions).

Ces deux versions de fait sont parfaitement contradictoires, de sorte que l'une des deux parties ment sciemment sur ce point. Dans ses conclusions en cause d'appel, la société Wapsi continue d'affirmer (page 39) que « la société Aerow sous-traitait historiquement les besoins de la société Framatome à Wapsi ». Cependant, elle ne renvoie à cet égard à aucun élément de preuve. En effet, l'ensemble des éléments développés à cet égard (page 39 et 40 des conclusions de la société Wapsi) ont trait à une commande que la société Aerow a adressée à la société Wapsi, par le truchement de M. [H] qui était encore alors le directeur technique de cette société. Mais aucun élément ne permet de contredire les intimés lorsqu'ils indiquent que la société Wapsi n'est jamais intervenue en tant que sous-traitant de la société Aerow pour un contrat Framatome. Il était pourtant loisible, dans le cadre de l'instance d'appel, à la société Wapsi de donner des éléments permettant d'accréditer le fait qu'elle avait travaillé antérieurement pour la société Framatome, fût-ce par le truchement de la société Aerow. Or, les cinq pages (page 39 à 43) des conclusions de la société Wapsi sur ce point sont consacrées aux prétendus détournements de clientèle de septembre 2022 mais ne contiennent aucune démonstration quant au fait que la société Wapsi travaillait antérieurement, et qui plus est selon la requête régulièrement, pour la société Framatome (que ce soit ou non par le truchement de la société Aerow).

Ainsi, au vu des éléments qui sont versés aux débats, la société Wapsi doit être considérée comme ayant menti au juge des requêtes lorsqu'elle lui a indiqué expressément qu'elle travaillait pour la société Framatome avant ce que la requête présente comme un détournement de cette clientèle à partir du 19 septembre 2022.

Pour ce deuxième motif, de poids au regard de l'importance que la requête attache à ce prétendu détournement de la clientèle de la société Framatome, il doit être considéré que c'est à bon droit que la rétractation de l'ordonnance sur requête a été ordonnée. Il n'est en effet pas admissible de tromper délibérément le juge des requêtes en lui présentant un état factuel des lieux mensonger.

Parmi les autres motifs d'importance cités par la requête se trouve (7ème page de la requête) « le vraisemblable débauchage d'anciens salariés de Wapsi par Axoo ». La requête indique à cet égard que de manière quasi simultanée à la révocation de M. [C] et à la démission de M. [H], « quatre salariés ont remis à Wapsi leurs lettres de démission » et qu'il est « légitime pour Wapsi de penser que les salariés démissionnaires interviennent désormais directement ou indirectement via la société de portage salarial, Portify, pour le compte d'Axoo. » Parmi les quatre salariés se trouvait M. [M] [S]. Cependant, celui-ci n'est aucunement parti travailler pour la société Axoo de M. [H] mais pour la société Séphora, ainsi qu'il résulte de son courriel produit en pièce n° 33 par les intimés. Dans les quatre pages (page 35 à 39) qu'elle consacre à ce qu'elle présente être « le débauchage de nombreux salariés de Wapsi par Axoo et ses sociétés affiliées », la société Wapsi ne consacre pas un mot à la situation de M. [S], en dépit de l'omission soulignée par ses adversaires et surtout du motif sur ce point de l'ordonnance attaquée. Sur ce point de nouveau, la société Wapsi a présenté une version erronée de cette démission au juge des requêtes en présentant comme un débauchage un départ au profit d'une société qui n'a rien à voir avec les intimés. Pour cette troisième raison, c'est à bon droit que le juge de première instance a ordonné la rétractation de l'ordonnance sur requête.

Aussi convient-il de confirmer l'ordonnance entreprise.

Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive :

Si la société Wapsi succombe en la présente instance, il n'est pas démontré que la demande d'infirmation de l'ordonnance ordonnant la rétractation procède elle-même d'une particulière mauvaise foi ou d'une intention de nuire, de sorte qu'il convient de débouter les intimés de la demande indemnitaire qu'ils formulent à ce titre.

Sur les mesures accessoires :

Partie succombante en cause d'appel, la société Wapsi sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au remboursement des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par ses adversaires.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Rejette la demande indemnitaire formée par M. [C] et la société AMS SAS ;

Condamne la société Wapsi aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la société Wapsi à verser à M. [C] la somme de 3.000 euros et à la société AMS SAS la somme de 3.000 euros.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président