Décisions
CA Rouen, ch. civ. et com., 17 octobre 2024, n° 24/00744
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 24/00744 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JS3D
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 17 OCTOBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00496
Juge commissaire du Havre du 09 février 2024
APPELANTS :
Monsieur [K] [S]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté et assisté par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau d'EURE
Maître [Y] [T] mandataire liquidateur de Monsieur [K] [S]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée et assistée par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau d'EURE
INTIMEE :
Mutualité MSA HAUTE NORMANDIE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Gaëlle MELO de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau d'EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 juin 2024 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 19 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 octobre 2024.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 octobre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par M. URBANO, conseiller, pour la présidente empêchée et par Mme RIFFAULT, greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par jugement du 29 avril 2016, le tribunal de grande instance du Havre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'EARL De [Localité 8].
Par jugement du 28 octobre 2016, le tribunal de grande instance du Havre a prononcé l'extension de la procédure de redressement judiciaire l'égard de M. et Mme [S] en leur qualité d'associés de l'EARL De [Localité 8] et à cette occasion, la Mutualité Sociale Agricole n'a déclaré aucune créance à l'encontre de M. [K] [S].
Par jugement du 26 janvier 2018, le tribunal de grande instance du Havre a arrêté un plan de redressement au profit de l'EARL De [Localité 8] et de M. et Mme [S], sur une durée de 15 ans.
Par requête du 22 février 2022, l'EARL De [Localité 8] et M. et Mme [S] ont sollicité la résolution judiciaire du plan de redressement en cours et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement du 16 mai 2022, le tribunal judiciaire du Havre a résolu le plan précédent et prononcé la liquidation judiciaire de l'EARL De [Localité 8] et de M. et Mme [S].
Suivant courrier du 14 novembre 2022, la Mutualité Sociale Agricole a déclaré une créance à l'égard de M. [K] [S] pour un montant de 9 959,80 euros à titre chirographaire et 23 723,98 euros à titre privilégié après avoir déclaré, le 4 août 2022, une créance à titre provisionnel.
M. [K] [S] a contesté la créance déclarée le 30 janvier 2023 en ces termes:
« Le débiteur conteste la somme de 1 793.80 euros au titre de la déclaration au titre des années 2018, 2019 et 2020 d'un montant de 9 959.80 euros au motif que faute de déclaration à la procédure de redressement judiciaire dont le plan a été résolu, vos créances pour ces périodes sont éteintes par prescription en application de l'article L.725-7 du code rural et de la pêche maritime. »
« Le débiteur conteste la somme de 10 493.98 euros au titre de la déclaration au titre des années 2014, 2015, 2016, 2021 et 2022 d'un montant de 23 729.98 euros au motif que faute de déclaration à la procédure de redressement judiciaire dont le plan a été résolu, votre créance pour cette période est éteinte par prescription en application de l'article L.725-7 du code rural et de la pêche maritime. »
Par ordonnance du 9 février 2024, le juge commissaire près le tribunal judiciaire du Havre a :
- admis la créance de la MSA à hauteur de 9 959,80 euros à titre chirographaire,
- ordonné l'emploi de dépens en frais privilégiés de procédure collective,
- dit que la présente ordonnance sera transmise au mandataire liquidateur et sera notifiée au débiteur et au créancier.
M. [K] [S] et Maître [Y] [T] ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 27 février 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 3 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de M. [K] [S] et Maître [Y] [T] es qualités de liquidateur judiciaire qui demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 7 février 2024,
Statuant à nouveau,
- rejeter la créance déclarée de la MSA pour 1 793,80 euros,
- débouter la MSA de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la MSA à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3 000 euros,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
M. [K] [S] et Maître [Y] [T] soutiennent que :
- la prescription prévue par l'article L 725-7 du code rural et de la pêche maritime est acquise alors que la MSA a déclaré sa créance le 14 novembre 2022 portant sur les cotisations des années 2018 à 2020 ;
- la jurisprudence vantée par la MSA ne s'applique pas s'agissant d'une créance de l'organisme social déclarée au titre de l'année 2018, soit postérieurement à l'ouverture de la première procédure collective ;
- il n'y a pas d'interruption de prescription lorsque le créancier a omis de déclarer sa créance.
Vu les conclusions du 7 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la MSA Haute Normandie qui demande à la cour de :
- débouter M. [K] [S] et Maître [Y] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal judiciaire du Havre le 9 février 2024, en ce qu'elle a admis la créance de la MSA Haute-Normandie à hauteur de 9 959,80 euros à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de l'EARL De [Localité 8] et de M. et Madame [S],
- condamner M. [K] [S] à verser à la MSA Haute-Normandie une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner [K] [S] aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Spagnol Deslandes Melo.
La Mutualité Sociale Agricole soutient que :
- elle n'a pas déclaré sa créance à l'égard de M. [K] [S] lors de l'extension de la procédure survenue par jugement du 28 octobre 2016 et cette créance a été inopposable à M. [K] [S] durant le temps de la procédure de redressement judiciaire ;
- le créancier n'ayant pas déclaré sa créance lors d'une procédure de redressement judiciaire ayant abouti à établissement d'un plan d'apurement peut la déclarer en cas de résolution du plan et prononcé d'une liquidation judiciaire ;
- elle était dans l'impossibilité d'agir contre M. [K] [S] dès lors qu'il se trouvait en redressement judiciaire et la prescription était nécessairement suspendue jusqu'à la résolution du plan ;
- les cotisations litigieuses sont celles dues pour l'année 2018 et sont postérieures à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de sorte que la MSA ne pouvait les déclarer dans les deux mois du jugement d'ouverture ;
- ces cotisations sont toutefois concernées par la suspension de la prescription.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L.725-7 I du code rural et de la pêche maritime dispose que : « I.-Les cotisations dues au titre des régimes de protection sociale agricole mentionnés au présent livre, et les pénalités de retard y afférentes, se prescrivent par trois ans à compter de l'expiration de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement résultant de l'application de l'article L. 725-3 est celui mentionné à l'article L. 224-8-1 du code de la sécurité sociale. Il court à compter de l'expiration du délai d'un mois imparti par la mise en demeure. »
L'article L622-21 du code de commerce, dans sa version applicable jusqu'au 1er octobre 2021 disposait que : «I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.»
L'article L622-26 du code de commerce dans sa version applicable au 28 octobre 2016 disposait que : « A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie... »
L'article L622-17 du code de commerce, dans sa version applicable jusqu'au 1er octobre 2021 disposait que : « I.-Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »
Par jugement du 29 avril 2016, le tribunal de grande instance du Havre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'EARL De [Localité 8] et cette procédure a été étendue à M. [K] [S] par jugement du 28 octobre 2016. A cette dernière occasion, la Mutualité Sociale Agricole n'a déclaré aucune créance à l'encontre de M. [K] [S].
Par jugement du 26 janvier 2018, le tribunal de grande instance du Havre a arrêté un plan de redressement puis par jugement du 16 mai 2022, le tribunal judiciaire du Havre a prononcé la résolution de ce plan et la liquidation judiciaire de l'EARL De [Localité 8] et de M. et Mme [S].
Par courrier du 14 novembre 2022, la Mutualité Sociale Agricole a déclaré une créance à l'égard de M. [K] [S] pour un montant de 9.959,80 euros à titre chirographaire et 23.723,98 euros à titre privilégié portant sur les cotisations allant des années 2014 à 2022 incluses étant précisé que la somme de 9.959,80 euros correspond aux cotisations de :
- 2018 pour 1.793,80 euros ;
- 2019 pour 4.057,00 euros ;
- 2020 pour 4.109,00 euros.
Il résulte de l'énoncé de ce qui précède que les cotisations pour l'année 2018, qui sont seules contestées par M. [K] [S] et Maître [Y] [T], sont nées postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de M. [K] [S] le 28 octobre 2016 et qu'elles relevaient dès lors des dispositions de l'article L 622-17 du code de commerce sur les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture étant observé qu'à compter du 26 janvier 2018, les débiteurs étaient également soumis à un plan de redressement et que les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun.
Ces créances n'étant soumises à aucune déclaration et ne faisant l'objet d'aucune suspension des poursuites individuelles, le moyen soutenu par la Mutualité Sociale Agricole selon lequel elle ne pouvait pas agir contre M. [K] [S] de sorte que la prescription extinctive de la créance prévue par l'article L 725-7 du code rural et de la pêche maritime était suspendue est inopérant.
La prescription de l'article L 725-7 du code rural et de la pêche maritime ayant commencé à courir le 1er janvier 2019 pour s'achever le 1er janvier 2022, la créance de la Mutualité Sociale Agricole portant sur les cotisations afférentes à l'année 2018 était prescrite au jour du jugement ayant résolu le plan et prononcé la liquidation judiciaire de M. [K] [S] et sa déclaration de créance du 14 novembre 2022 n'a pu avoir pour effet d'interrompre une prescription déjà acquise.
La somme restant due par M. [K] [S] est dès lors de 4 057,00 euros au titre des cotisations pour l'année 2019 et de 4 109,00 euros pour l'année 2020, la créance de 1 793,80 euros pour l'année 2018 étant prescrite.
L'ordonnance entreprise sera infirmée sauf en ce qu'elle a ordonné l'emploi de dépens en frais privilégiés de procédure collective et dit qu'elle sera transmise au mandataire liquidateur et sera notifiée au débiteur et au créancier et :
- la créance de 1 793,80 euros sera déclarée prescrite ;
- la créance de la Mutualité Sociale Agricole à l'égard de M. [K] [S] sera admise à hauteur de 8 166,00 euros à titre chirographaire.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme l'ordonnance du 9 février 2024 sauf en ce qu'elle a ordonné l'emploi de dépens en frais privilégiés de procédure collective et dit qu'elle sera transmise au mandataire liquidateur et sera notifiée au débiteur et au créancier ;
Statuant à nouveau :
Déclare prescrite la créance de 1 793,80 euros au titre des cotisations afférentes à l'année 2018 déclarée par la Mutualité Sociale Agricole
Prononce l'admission de la créance de la Mutualité Sociale Agricole à l'égard de M. [K] [S] au titre des cotisations afférentes aux années 2019 et 2020 à hauteur de 8 166,00 euros à titre chirographaire ;
Ordonne l'emploi de dépens en frais privilégiés de la procédure de liquidation ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le conseiller pour la présidente empêchée,
COUR D'APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 17 OCTOBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00496
Juge commissaire du Havre du 09 février 2024
APPELANTS :
Monsieur [K] [S]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté et assisté par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau d'EURE
Maître [Y] [T] mandataire liquidateur de Monsieur [K] [S]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée et assistée par Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau d'EURE
INTIMEE :
Mutualité MSA HAUTE NORMANDIE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Gaëlle MELO de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau d'EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 juin 2024 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, présidente de chambre
M. URBANO, conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 19 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 octobre 2024.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 octobre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par M. URBANO, conseiller, pour la présidente empêchée et par Mme RIFFAULT, greffière.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par jugement du 29 avril 2016, le tribunal de grande instance du Havre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'EARL De [Localité 8].
Par jugement du 28 octobre 2016, le tribunal de grande instance du Havre a prononcé l'extension de la procédure de redressement judiciaire l'égard de M. et Mme [S] en leur qualité d'associés de l'EARL De [Localité 8] et à cette occasion, la Mutualité Sociale Agricole n'a déclaré aucune créance à l'encontre de M. [K] [S].
Par jugement du 26 janvier 2018, le tribunal de grande instance du Havre a arrêté un plan de redressement au profit de l'EARL De [Localité 8] et de M. et Mme [S], sur une durée de 15 ans.
Par requête du 22 février 2022, l'EARL De [Localité 8] et M. et Mme [S] ont sollicité la résolution judiciaire du plan de redressement en cours et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement du 16 mai 2022, le tribunal judiciaire du Havre a résolu le plan précédent et prononcé la liquidation judiciaire de l'EARL De [Localité 8] et de M. et Mme [S].
Suivant courrier du 14 novembre 2022, la Mutualité Sociale Agricole a déclaré une créance à l'égard de M. [K] [S] pour un montant de 9 959,80 euros à titre chirographaire et 23 723,98 euros à titre privilégié après avoir déclaré, le 4 août 2022, une créance à titre provisionnel.
M. [K] [S] a contesté la créance déclarée le 30 janvier 2023 en ces termes:
« Le débiteur conteste la somme de 1 793.80 euros au titre de la déclaration au titre des années 2018, 2019 et 2020 d'un montant de 9 959.80 euros au motif que faute de déclaration à la procédure de redressement judiciaire dont le plan a été résolu, vos créances pour ces périodes sont éteintes par prescription en application de l'article L.725-7 du code rural et de la pêche maritime. »
« Le débiteur conteste la somme de 10 493.98 euros au titre de la déclaration au titre des années 2014, 2015, 2016, 2021 et 2022 d'un montant de 23 729.98 euros au motif que faute de déclaration à la procédure de redressement judiciaire dont le plan a été résolu, votre créance pour cette période est éteinte par prescription en application de l'article L.725-7 du code rural et de la pêche maritime. »
Par ordonnance du 9 février 2024, le juge commissaire près le tribunal judiciaire du Havre a :
- admis la créance de la MSA à hauteur de 9 959,80 euros à titre chirographaire,
- ordonné l'emploi de dépens en frais privilégiés de procédure collective,
- dit que la présente ordonnance sera transmise au mandataire liquidateur et sera notifiée au débiteur et au créancier.
M. [K] [S] et Maître [Y] [T] ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 27 février 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 3 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de M. [K] [S] et Maître [Y] [T] es qualités de liquidateur judiciaire qui demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 7 février 2024,
Statuant à nouveau,
- rejeter la créance déclarée de la MSA pour 1 793,80 euros,
- débouter la MSA de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la MSA à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3 000 euros,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
M. [K] [S] et Maître [Y] [T] soutiennent que :
- la prescription prévue par l'article L 725-7 du code rural et de la pêche maritime est acquise alors que la MSA a déclaré sa créance le 14 novembre 2022 portant sur les cotisations des années 2018 à 2020 ;
- la jurisprudence vantée par la MSA ne s'applique pas s'agissant d'une créance de l'organisme social déclarée au titre de l'année 2018, soit postérieurement à l'ouverture de la première procédure collective ;
- il n'y a pas d'interruption de prescription lorsque le créancier a omis de déclarer sa créance.
Vu les conclusions du 7 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la MSA Haute Normandie qui demande à la cour de :
- débouter M. [K] [S] et Maître [Y] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal judiciaire du Havre le 9 février 2024, en ce qu'elle a admis la créance de la MSA Haute-Normandie à hauteur de 9 959,80 euros à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de l'EARL De [Localité 8] et de M. et Madame [S],
- condamner M. [K] [S] à verser à la MSA Haute-Normandie une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner [K] [S] aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Spagnol Deslandes Melo.
La Mutualité Sociale Agricole soutient que :
- elle n'a pas déclaré sa créance à l'égard de M. [K] [S] lors de l'extension de la procédure survenue par jugement du 28 octobre 2016 et cette créance a été inopposable à M. [K] [S] durant le temps de la procédure de redressement judiciaire ;
- le créancier n'ayant pas déclaré sa créance lors d'une procédure de redressement judiciaire ayant abouti à établissement d'un plan d'apurement peut la déclarer en cas de résolution du plan et prononcé d'une liquidation judiciaire ;
- elle était dans l'impossibilité d'agir contre M. [K] [S] dès lors qu'il se trouvait en redressement judiciaire et la prescription était nécessairement suspendue jusqu'à la résolution du plan ;
- les cotisations litigieuses sont celles dues pour l'année 2018 et sont postérieures à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de sorte que la MSA ne pouvait les déclarer dans les deux mois du jugement d'ouverture ;
- ces cotisations sont toutefois concernées par la suspension de la prescription.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L.725-7 I du code rural et de la pêche maritime dispose que : « I.-Les cotisations dues au titre des régimes de protection sociale agricole mentionnés au présent livre, et les pénalités de retard y afférentes, se prescrivent par trois ans à compter de l'expiration de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement résultant de l'application de l'article L. 725-3 est celui mentionné à l'article L. 224-8-1 du code de la sécurité sociale. Il court à compter de l'expiration du délai d'un mois imparti par la mise en demeure. »
L'article L622-21 du code de commerce, dans sa version applicable jusqu'au 1er octobre 2021 disposait que : «I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.»
L'article L622-26 du code de commerce dans sa version applicable au 28 octobre 2016 disposait que : « A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie... »
L'article L622-17 du code de commerce, dans sa version applicable jusqu'au 1er octobre 2021 disposait que : « I.-Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »
Par jugement du 29 avril 2016, le tribunal de grande instance du Havre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'EARL De [Localité 8] et cette procédure a été étendue à M. [K] [S] par jugement du 28 octobre 2016. A cette dernière occasion, la Mutualité Sociale Agricole n'a déclaré aucune créance à l'encontre de M. [K] [S].
Par jugement du 26 janvier 2018, le tribunal de grande instance du Havre a arrêté un plan de redressement puis par jugement du 16 mai 2022, le tribunal judiciaire du Havre a prononcé la résolution de ce plan et la liquidation judiciaire de l'EARL De [Localité 8] et de M. et Mme [S].
Par courrier du 14 novembre 2022, la Mutualité Sociale Agricole a déclaré une créance à l'égard de M. [K] [S] pour un montant de 9.959,80 euros à titre chirographaire et 23.723,98 euros à titre privilégié portant sur les cotisations allant des années 2014 à 2022 incluses étant précisé que la somme de 9.959,80 euros correspond aux cotisations de :
- 2018 pour 1.793,80 euros ;
- 2019 pour 4.057,00 euros ;
- 2020 pour 4.109,00 euros.
Il résulte de l'énoncé de ce qui précède que les cotisations pour l'année 2018, qui sont seules contestées par M. [K] [S] et Maître [Y] [T], sont nées postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de M. [K] [S] le 28 octobre 2016 et qu'elles relevaient dès lors des dispositions de l'article L 622-17 du code de commerce sur les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture étant observé qu'à compter du 26 janvier 2018, les débiteurs étaient également soumis à un plan de redressement et que les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun.
Ces créances n'étant soumises à aucune déclaration et ne faisant l'objet d'aucune suspension des poursuites individuelles, le moyen soutenu par la Mutualité Sociale Agricole selon lequel elle ne pouvait pas agir contre M. [K] [S] de sorte que la prescription extinctive de la créance prévue par l'article L 725-7 du code rural et de la pêche maritime était suspendue est inopérant.
La prescription de l'article L 725-7 du code rural et de la pêche maritime ayant commencé à courir le 1er janvier 2019 pour s'achever le 1er janvier 2022, la créance de la Mutualité Sociale Agricole portant sur les cotisations afférentes à l'année 2018 était prescrite au jour du jugement ayant résolu le plan et prononcé la liquidation judiciaire de M. [K] [S] et sa déclaration de créance du 14 novembre 2022 n'a pu avoir pour effet d'interrompre une prescription déjà acquise.
La somme restant due par M. [K] [S] est dès lors de 4 057,00 euros au titre des cotisations pour l'année 2019 et de 4 109,00 euros pour l'année 2020, la créance de 1 793,80 euros pour l'année 2018 étant prescrite.
L'ordonnance entreprise sera infirmée sauf en ce qu'elle a ordonné l'emploi de dépens en frais privilégiés de procédure collective et dit qu'elle sera transmise au mandataire liquidateur et sera notifiée au débiteur et au créancier et :
- la créance de 1 793,80 euros sera déclarée prescrite ;
- la créance de la Mutualité Sociale Agricole à l'égard de M. [K] [S] sera admise à hauteur de 8 166,00 euros à titre chirographaire.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme l'ordonnance du 9 février 2024 sauf en ce qu'elle a ordonné l'emploi de dépens en frais privilégiés de procédure collective et dit qu'elle sera transmise au mandataire liquidateur et sera notifiée au débiteur et au créancier ;
Statuant à nouveau :
Déclare prescrite la créance de 1 793,80 euros au titre des cotisations afférentes à l'année 2018 déclarée par la Mutualité Sociale Agricole
Prononce l'admission de la créance de la Mutualité Sociale Agricole à l'égard de M. [K] [S] au titre des cotisations afférentes aux années 2019 et 2020 à hauteur de 8 166,00 euros à titre chirographaire ;
Ordonne l'emploi de dépens en frais privilégiés de la procédure de liquidation ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le conseiller pour la présidente empêchée,