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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 22 octobre 2024, n° 23/01842

GRENOBLE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Akheos (Selarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

Mme Clerc, Mme Cardona

Conseillers :

Mme Blatry, Mme Lamoine, Mme Chétail

Avocats :

Me Benichou, Me Gerbaud, Me Racine, Me Lebas

CA Grenoble n° 23/01842

21 octobre 2024

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Il est rappelé que :

M. [N] [G], avocat, a intégré la SELARL Akheos le 1er janvier 2018 dont il est devenu associé en détenant 709 parts de son capital social.

Le 16 juin 2021, il a informé les autres associés de la société Akheos de sa décision de quitter cette société et par courrier recommandé avec AR du 30 juin 2021, conformément à l'article 9-3 des statuts, il a notifié cette décision au gérant de celle-ci, M. [X] [D].

La mise en 'uvre de cette décision de retrait a été à l'origine de difficultés et de désaccords entre M. [G] et la société Akheos et ses associés à savoir Mme [U] [E], M. [X] [D], M. [C] [R] et M.[V] [P].

Le 5 novembre 2021, la société Akheos et ses associés ont saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Marseille d'une demande de conciliation conformément à l'article 21 de la loi du 31 décembre 1970. Un procès-verbal de non-conciliation a été établi le 26 avril 2022.

La société Akheos et ses associés ont ensuite saisi par courrier du 24 juin 2022, le bâtonnier de l'ordre des avocats de Marseille en qualité d'arbitre , lequel s'est déclaré incompétent au profit du bâtonnier de l'ordre des avocats des Hautes Alpes, M. [G] étant inscrit au barreau d'Aix-en-Provence.

' Par décision d'arbitrage rendue le 19 avril 2023, le bâtonnier de l'ordre du barreau des Hautes Alpes a :

' avant dire droit,

- ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder M. [W] [A] (suivent l'adresse et les coordonnées)avec mission de :

convoquer et entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs conseils et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

se faire remettre par les parties l'ensemble des documents comptables utiles à l'accomplissement de sa mission,

procéder à l'évaluation des parts sociales de la société Akheos, détenues par M. [G] au 31 décembre 2021, date à partir de laquelle celui-ci a perdu la qualité d'associé au sein de la société Akheos,

procéder à l'évaluation du compte courant d'associé détenu par M. [G] au 31 décembre 2021 dans la société Akheos,

rechercher si M. [G] a perçu sa rétrocession d'honoraires de 8.000€ HT au cours de l'exécution de son préavis jusqu'au 31 décembre 2021,

rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,

- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission dans le délai de 4 mois à compter de l'avis de consignation,

- dit que sauf accord contraire des parties, l'expert devra adresser une note de synthèse préalablement au dépôt de son rapport,

- fixé à la somme de 4.000€ la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par M. [G] auprès du secrétariat de l'ordre des avocats au barreau des Hautes Alpes (suit l'adresse),

- dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

' sur le fond,

- réservé les demandes de M. [G] visant à obtenir le paiement de son compte courant d'associé et de sa rétrocession d'honoraires jusqu'au 31 décembre 2021 dans l'attente du rapport d'expertise à intervenir,

- débouté, pour le surplus, les parties de leurs autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront réservés.

' Par déclaration du 11 mai 2023 adressée électroniquement au greffe de la cour, la société Akheos, Mme [E], M. [D], M.[R] et M. [P] ont relevé appel de cette décision d'arbitrage qui leur avait été notifiée par lettre recommandée postée le 20 avril 2023.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 février 2024 au visa de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, et du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, la société Akheos , Mme [E], M. [D], M.[R] et M. [P] avaient demandé à la cour de :

' in limine litis,

- juger que la décision dont appel a été rendue en violation du respect du principe du contradictoire,

- annuler en conséquence la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats des Hautes-Alpes le 19 avril 2023,

' subsidiairement et en tout état de cause,

- juger recevables et bien fondées leurs conclusions,

- infirmer la décision dont appel dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

' sur la cession des parts de M. [G] au cabinet Akheos

- juger que M. [G] n'est plus associé du cabinet Akheos depuis le 31 décembre 2021,

- juger que M. [G] a donné son accord pour la cession de ses parts sociales pour un montant de un euro, prix qu'il a validé pour toutes les autres cessions auxquelles il a été partie,

- juger en conséquence que la cession des parts sociales de M. [G] au cabinet Akheos est parfaite, en vertu de l'assemblée générale en date du 6 janvier 2022 et au regard du paiement du prix effectué par le cabinet,

- rejeter toute demande d'expertise destinée à évaluer le montant des parts sociales de M. [G] au sein du cabinet Akheos,

- juger irrecevable, puisque nouvelle en cause d'appel, et en tout état de cause mal fondée, toute demande d'annulation de l'assemblée générale en date du 6 janvier 2022,

subsidiairement,

- juger que l'expert devra tenir compte de la valeur de la clientèle conservée par M. [G] en nature lors de son départ du cabinet,

- juger que M. [G] sera tenu de saisir la juridiction qu'il estime compétente pour statuer sur le rapport définitif de l'expert,

- condamner M. [G] au paiement des honoraires de l'expert dans leur intégralité,

' sur l'injonction de communiquer :

- condamner M. [G] à dresser une liste exhaustive de la totalité des dossiers qu'il a emportés lors de son départ et de fournir une copie intégrale sur support papier et numérique de la totalité des dossiers qu'il a emportés,

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- se réserver la liquidation de l'astreinte et le prononcé d'une nouvelle,

' sur la réparation des préjudices subis par le cabinet Akheos:

- condamner M. [G] à verser au cabinet Akheos les sommes suivantes :

30.000€ au titre du préjudice lié aux conditions dans lesquelles il a quitté le cabinet,

14.000€ au titre du préjudice de perte chance de recouvrer les honoraires non payés par les clients de M. [G] avant son départ et revenant au cabinet,

20.000€ au titre du préjudice lié à la sous-facturation par M. [G] au titre du second semestre 2021,

50.000€ au titre du préjudice d'image,

20.000€ au titre du préjudice né de la désorganisation du cabinet et du non-respect de la protection de ses intérêts,

20.000€ au titre du préjudice moral,

' sur la réparation des préjudices subis par les associés du cabinet Akheos :

- condamner M. [G] à verser à chacun des associés du cabinet Akheos (Mme [E], M. [D], M. [R], M. [P]) la somme de 20.000€ au titre du préjudice moral,

' sur les demandes de M. [G] :

- juger que la demande d'expertise pour l'évaluation de son compte courant d'associé est nouvelle en cause d'appel,

- la déclarer irrecevable, et en tout état de cause mal fondée,

- l'en débouter,

- rejeter ses demandes indemnitaires,

' en tout état de cause,

- débouter M. [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [G] à payer au cabinet Akheos la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 29 février 2024 sur le fondement des articles 1103, 1104, 1843-4 du code civil, M. [G] avait sollicité que la cour, le recevant en son appel incident et le déclarant recevable et bien fondé,

' confirme la décision arbitrale déférée sauf en ce qu'elle a :

rejeté la demande de condamnation de la société Akheos de lui payer le montant de ses parts sociales tel que déterminé par l'expert judiciaire,

rejeté la demande de condamnation in solidum de la société Akheos, Mme [E], M. [D], M. [R] et M.[P] à lui payer la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour rétention abusive du montant de son compte courant,

rejeté la demande de condamnation in solidum de Mme [E], M. [D], M.[R]

et M.[P] à lui payer la somme de 20.000€ au titre de son préjudice subi depuis l'annonce de son départ de la société Akheos,

- prenne acte qu'il transmet la liste des clients qui ont décidé de le suivre à compter de son départ de la société Akheos au 31 décembre 2021, et en conséquence, rejeter la demande de condamnation à dresser la liste sous astreinte de 100€ par jour de retard sollicitée par la société Akheos, Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P],

- déclare la société Akheos, Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P] irrecevables et mal fondés en leurs demandes,

en conséquence,

- déboute la société Akheos, Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P] de l'ensemble de leurs demandes, fin et prétentions,

statuant à nouveau sur les chefs de jugement critiqués, et y ajoutant,

- condamne la société Akheos à lui payer le prix de ses parts sociales, dont la valeur sera déterminée par l'expert judiciaire,

- à titre subsidiaire, et si par impossible la cour rejetait la demande de condamnation de la société Akheos de lui payer le prix de ses parts sociales,

condamne la société Akheos à lui payer les bénéfices qui lui sont dus depuis le 31 décembre 2021,

modifie la mission de l'expert judiciaire en prenant en compte l'évaluation du montant des bénéfices dus à M. [G] depuis le 31 décembre 2021,

modifie le chef de mission suivant de l'expert judiciaire désigné avant dire droit comme suit : « procéder à l'évaluation du compte courant d'associé détenu par M. [G] au 31 décembre 2021, dans la société Akheos, en ce compris l'évaluation de la totalité des sommes restants dues à M. [G] par la société Akheos»,

- à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour de céans infirmait la décision arbitrale en ce qu'elle a désigné un expert judiciaire ayant pour mission de procéder à l'évaluation de son compte courant, il lui serait alors demandé de :

condamner la société Akheos à lui payer le montant de son compte courant, soit la somme de 70.000€ avec intérêt au taux légal à compter de l'envoi de la mise en demeure par courrier recommandé en date du 7 janvier 2022, ainsi que le paiement de la somme de 1.707€ au titre des cotisations ordinales,

condamner in solidum la société Akheos, Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P] à lui payer la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour rétention abusive du montant de son compte-courant,

condamner in solidum Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P] à lui payer la somme de 20.000€ au titre de son préjudice moral subi depuis l'annonce de son départ de la société Akheos,

' subsidiairement, et si par impossible la cour faisait droit à la demande d'annulation de la décision arbitrable, il lui serait alors demandé de :

' sur les parts sociales et son compte courant,

- ordonner avant-dire droit une mesure d'expertise judiciaire, et en conséquence, désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de procéder à l'évaluation des parts sociales de la société Akheos qu'il détenait au 31 décembre 2021, soit 709 parts sociales, numérotées de 2.131 à 2.830, à leur valeur vénale, en application de l'article 9.3 des statuts, ainsi que l'évaluation de son compte courant au 31 décembre 2021 (en ce compris l'évaluation de la totalité des sommes lui restants par la société Akheos),

- condamner la société Akheos à lui payer le montant de ses parts sociales tel que déterminé par l'expert judiciaire,

- à titre subsidiaire, et si par impossible la cour rejetait cette demande, il lui serait alors demandé de

condamner la société Akheos de lui payer les bénéfices qui lui sont dus depuis le 31 décembre 2021, et en conséquence, ajouter à la mission de l'expert judiciaire l'évaluation du montant des bénéfices qui lui sont dus depuis le 31 décembre 2021.

condamner la société Akheos à lui payer le montant de son compte courant d'associé de la société Akheos tel que déterminé par l'expert judiciaire,

- à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour de céans rejetait la demande de désignation d'un expert judiciaire, ou du chef de mission visant à évaluer son compte courant au 31 décembre 2021, il lui serait alors demandé de condamner la société Akheos à lui payer le montant de son compte courant, soit la somme de 70.000€ avec intérêt au taux légal à compter de l'envoi de la mise en demeure par courrier recommandé en date du 7 janvier 2022, ainsi que le paiement de la somme de 1.707€ au titre des cotisations ordinales,

' sur ses demandes indemnitaires,

- condamner in solidum la société Akheos, Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P] à lui payer la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour rétention abusive du montant de son compte-courant,

- condamner in solidum Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P] à payer à [N] [G] la somme de 20.000€ au titre du préjudice moral qu'il a subi depuis l'annonce de son départ de la société Akheos,

' en tout état de cause,

- débouter la société Akheos, Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P] de l'ensemble de leurs demandes, fin et prétentions,

- condamner in solidum la société Akheos, Mme [E], M. [D], M.[R] et M.[P] à lui payer une somme de 20.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

' Par arrêt avant dire droit du 28 mai 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience solennelle du 18 juin 2024 afin :

- d'inviter les parties à s'expliquer uniquement sur la recevabilité de l'appel de la société Akheos et de ses associés, Mme [U] [E], M. [X] [D], M. [C] [R] et M.[V] [P], en tant qu'ayant été régularisé par voie électronique,

- de recueillir les observations du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Hautes Alpes sur cette recevabilité d'appel et sur l'affaire opposant M. [N] [G], la SELARL Akheos, Mme [U] [E], M. [X] [D], M. [C] [R] et M. [V] [P],

et avait réservé les demandes des parties.

Par dernières conclusions déposées le 7 juin 2024 sur le fondement de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991,la société Akheos Mme [E], M. [D], M.[R] et M. [P] demandent à la cour de :

' à titre liminaire

- juger recevable leur déclaration d'appel du 11 mai 2023 via le RPVA,

' in limine litis,

- juger que la décision dont appel a été rendue en violation du respect du principe du contradictoire,

- annuler en conséquence la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats des Hautes-Alpes le 19 avril 2023,

' en tout état de cause,

- juger recevables et bien fondées leurs conclusions,

- infirmer la décision dont appel dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

sur la cession des parts de M. [G] au cabinet Akheos :

- juger que M. [G] n'est plus associé du cabinet Akheos depuis le 31 décembre 2021,

- juger que M. [G] a donné son accord pour la cession de ses parts sociales pour un montant de un euro, prix qu'il a validé pour toutes les autres cessions auxquelles il a été partie,

- juger en conséquence que la cession des parts sociales de M. [G] au cabinet Akheos est parfaite, en vertu de l'Assemblée Générale en date du 6 janvier 2022 et au regard du paiement du prix effectué par le cabinet,

- rejeter toute demande d'expertise destinée à évaluer le montant des parts sociales de M. [G] au sein du cabinet Akheos,

- juger irrecevable, puisque nouvelle en cause d'appel, et en tout état de cause mal fondée, toute demande d'annulation de l'Assemblée Générale en date du 6 janvier 2022,

subsidiairement,

- juger que l'expert devra tenir compte de la valeur de la clientèle conservée par M. [G] en nature lors de son départ du cabinet,

- juger que M. [G] sera tenu de saisir la juridiction qu'il estime compétente pour statuer sur le rapport définitif de l'expert,

- condamner M. [G] au paiement des honoraires de l'expert dans leur intégralité,

sur l'injonction de communiquer :

- condamner M. [G] à dresser une liste exhaustive de la totalité des dossiers qu'il a emportés lors de son départ et de fournir une copie intégrale sur support papier et numérique de la totalité des dossiers qu'il a emportés,

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- se réserver la liquidation de l'astreinte et le prononcé d'une nouvelle,

sur la réparation des préjudices subis par le cabinet Akheos :

- condamner M. [G] à verser au cabinet Akheos les sommes suivantes :

30.000€ au titre du préjudice lié aux conditions dans lesquelles il a quitté le cabinet,

14.000€ au titre du préjudice de perte chance de recouvrer les honoraires non payés par les clients de M. [G] avant son départ et revenant au cabinet,

20.000€ au titre du préjudice lié à la sous-facturation par M. [G] au titre du second semestre 2021,

50.000€ au titre du préjudice d'image

20.000€ au titre du préjudice né de la désorganisation du cabinet et du non-respect de la protection de ses intérêts,

20.000€ au titre du préjudice moral,

sur la réparation des préjudices subis par les associés du cabinet Akheos :

- condamner M.[G] à verser à chacun des associés du cabinet Akheos (Mme [U] [E], M.[X] [D], M. [C] [R], M.[V] [P]) , la somme de 20.000€ au titre du préjudice moral,

sur les demandes de M. [G] :

- juger que la demande d'expertise pour l'évaluation de son compte courant d'associé est nouvelle en cause d'appel,

- la déclarer irrecevable, et en tout état de cause mal fondée,

- l' en débouter,

- rejeter les demandes indemnitaires de M. [G],

en tout état de cause,

- débouter M. [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [G] à payer au cabinet Akheos la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'audience sur réouverture des débats du 18 juin 2024, les appelants ont soutenu la recevabilité de leur appel et le bénéfice de leurs dernières conclusions déposées le 7 juin 2024. Ils ont demandé oralement la jonction de leur dernier appel par lettre recommandée avec AR du 3 juin 2024 (RG 24/02152) avec le premier appel par RPVA du 11 mai 2023 (RG 23/01842).

L'intimé s'est rapporté à ses précédentes écritures déposées le 29 février 2024, ajoutant ne pas s'opposer à la demande de jonction quand bien même il n'avait pas encore constitué avocat.

Le bâtonnier du barreau des Hautes-Alpes a été entendu en ses observations.

Le parquet général a déclaré s'en rapporter à la décision de la cour.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.

Sur instruction de la cour, le greffe a réclamé au conseil de M. [G] son dossier et reporté le délibéré au 22 octobre 2024 ; les pièces visées dans son dernier bordereau de communication de pièces (32 pièces) ont été adressées par RPVA à la cour le 15 octobre 2024.

Sur la recevabilité de l'appel formé par voie électronique le 11 mai 2023

La déclaration d'appel de la société Akheos et ses associés reçue par RPVA doit être jugée recevable au regard des articles 16 et 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991ensemble les articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et 1er de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel.

Il n'y a pas lieu de joindre la présente instance d'appel initiée par RPVA avec le second appel régularisé par lettre recommandée avec AR le 3 juin 2024, s'agissant de deux modes de saisine différents, sauf à dire que ce second appel est sans objet en l'état de la recevabilité du premier.

Sur la demande d'annulation de la décision arbitrale

Les appelants se prévalent in limine litis de la nullité de la décision arbitrale déférée pour absence de contradictoire et non pas pour excès de pouvoir dans le cadre d'un appel nullité, ce qui constitue en fait est un cas d'annulation de droit commun, de sorte que la demande de nullité est recevable.

M. [G] s'oppose à cette nullité en faisant valoir que le bâtonnier a parfaitement pris en compte les pièces de la société Akheos et de ses associés et qu'il peut être remédié à l'absence de contradictoire dès lors qu'il existe un contrôle de pleine juridiction permettant de statuer à nouveau sur le litige.

Sont sans emport les moyens en défense de M. [G] pour dire l'examen attentif et exhaustif des pièces par le bâtonnier dès lors que la société Akheos et ses associés n'ont pas fondé leur demande en nullité sur une motivation absente ou insuffisante de la décision arbitrale, mais sur un défaut de contradictoire.

Il est établi que le bâtonnier s'est émancipé de la procédure prévue à l'article 144 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 en n'élaborant pas de calendrier de procédure, en ne fixant pas une date d'audience pour entendre les observations orales des parties, en ne rendant pas les avocats des parties destinataires de ses correspondances adressées à celles-ci, en ne convoquant pas les parties par lettre recommandée avec AR au moins 8 jours avant la date d'audience, audience qui n'a d'ailleurs pas été tenue.

Le contradictoire, garantie du procès équitable, n'ayant pas été respecté en première instance à l'égard des parties, la décision arbitrale est en conséquence annulée.

Il est rappelé que selon l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité.

Sur le fond

' Sur l'évaluation des parts sociales de M. [G]

La cour n'étant pas saisie, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande des appelants tendant à voir 'juger irrecevable, puisque nouvelle en cause d'appel, et en tout état de cause mal fondée, toute demande d'annulation de l'Assemblée Générale en date du 6 janvier 2022",cette prétention n'étant plus soutenue par M. [G] en l'état de ses dernières écritures du 29 février 2024 reprises oralement à l'audience sur réouverture des débats.

Pour s'opposer à cette expertise, les appelants soutiennent que les parts sociales détenues par M. [G] au sein du cabinet Akheos ont une valeur unitaire d'un euro en faisant valoir en substance que :

- la fixation du montant des parts sociales des associés à un euro a toujours été considérée par ceux-ci dont M. [G], comme une pratique permettant de faciliter les opérations de cession entre associés,

- tous les associés du cabinet, dont M. [G], avaient conclu à l'origine un contrat de commodat par lequel ils mettaient leur clientèle à la disposition du cabinet ; même si ce contrat a été dénoncé lors de l'opération avec KPMG, « la même logique a continué à régir dans les faits »les relations entre les associés lors de la reconstitution du cabinet Akheos ; M. [G] est de mauvaise foi à réclamer la valorisation de ses parts sociales à dire d'expert alors qu'il avait prêté sa clientèle au cabinet et qu'il est reparti avec elle lorsqu'il a quitté celui-ci ,

- toute cession de parts sociales au sein du cabinet Akheos s'est toujours réalisée à un euro, indépendamment de toute autre considération ou contrepartie, comme notamment la cession au dernier actionnaire entrant, M. [V] [P], ou encore la cession des parts à M. [O] [B] ; considérer l'inverse conduirait à créer soudainement une rupture d'égalité entre les associés en faisant une exception pour M. [G],

- M. [G] avait accepté expressément ce montant d'un euro pour la cession de ses propres parts ainsi qu'en atteste le courrier de son conseil du 1 er octobre 2021, et est revenu sur cet accord qu'après qu'un différent soit apparu sur le remboursement de son compte courant,

- ainsi, la cession des parts de M. [G] au prix d'un euro est parfaite en vertu de l'assemblée générale du 6 janvier 2022 à laquelle il a été régulièrement convoqué et qui n' a fait que constater l'effectivité du retrait de celui-ci au 31 décembre 2021 conformément aux dispositions statutaires,

- l'expertise sollicitée est inutile car M. [G], qui avait signé un contrat de commodat à son arrivée a quitté le cabinet Akheos du jour au lendemain avec sa clientèle et n'y exerce plus depuis septembre 2021 ; cette cessation d'activité a emporté de plein droit la perte de sa qualité d'associé comme prévu aux statuts, en emportant sa clientèle mise à disposition du cabinet il a été payé en nature du montant de ses parts, sa clientèle n'ayant pas vocation à constituer l'actif du cabinet, le fonctionnement d'un cabinet d'avocats n'étant pas celui d'une société commerciale dont la qualité d'associés est décorrélée de l'exercice d'une activité au sein de celle-ci,

- si l'expertise devait être décidée, elle devrait en tout état de cause être suivie d'un débat contradictoire devant une juridiction chargée d'en tirer les conséquences juridiques, M. [G] ne pouvant pas réclamer la condamnation du cabinet à lui payer le prix de ses parts sociales dont la valeur sera fixée par l'expert judiciaire, cette demande de condamnation par anticipation et sans débat contradictoire étant infondée juridiquement.

M. [G] objecte en substance que :

- l'article 9.3 des statuts de la société Akheos relatif à la cessation d'activité d'un associé prévoit qu'à défaut d'accord sur le prix des parts sociales de l'associé retrayant, le prix en est fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil ; il ne fait donc montre d'aucune mauvaise foi en sollicitant l'évaluation de ses parts, cette évaluation en pouvant pas créer une rupture d'égalité entre les associés dès lors qu'elle n'est que la manifestation de l'exercice de son droit,

- aucun accord n'est intervenu entre les parties pour un rachat de ses parts sociales au prix global d'un euro et il a d'ailleurs contesté ce rachat par lettre recommandée avec AR du 7 janvier 2022 tout en remboursant la somme d'un euro à la société Akheos que celle-ci lui avait virée le 6 janvier 2022,

- les 4 cessions au prix d'un euro intervenues auparavant s'inscrivaient dans une opération globale assortie d'accords financiers globaux intégrant des contreparties financières et dans laquelle la vente des parts n'était qu'une partie et pour laquelle le prix de vente était l'objet d'un accord entre toutes les parties, de sorte que ces cessions à un euro ne peuvent pas servir de base à la valorisation de ses parts

- sa proposition d'évaluation au prix symbolique d'un euro s'inscrivait dans le cadre de discussions amiables qui ne peuvent valoir accord sur la chose et sur le prix, aucun accord n'ayant abouti,

- la société d'avocats Akheos qui exerce sous la forme d'une SELARL, est une société commerciale et ses statuts ne subordonnent pas la qualité d'associé à l'exercice d'une profession au sein de celle-ci ; il est inexact de dire qu'en quittant cette société, ses parts ont perdu toute valeur dès lors qu'il a emporté sa clientèle ; comme dans toute société commerciale, ses parts doivent être valorisées au regard de l'activité et du patrimoine global de la société,

- il résulte de l'article 9.3 précité des statuts que la société Akheos doit être condamnée à lui payer le montant de ses parts sociales au 31 décembre 2021 tel qu'elle sera déterminée par l'expert ; à défaut, la mission d'expertise sera complétée par l'évaluation des bénéfices qui lui sont dus depuis le 31 décembre 2021.

Sur ce,

Il est constant que le commodat auquel se réfèrent les appelants a été signé par M. [G] le 2 janvier 2018 (les autres associés de cette SCP ayant également régularisé chacun le même commodat) avec la SCP Akheos.

Ainsi que le concluent eux-mêmes les appelants, ces contrats de commodat ont été dénoncés lors de l'opération avec KPMG ; ils ne peuvent pas utilement ajouter que « la même logique a continué à régir dans les faits les relations entre les associés lors de la reconstitution du cabinet Akheos » sans rapporter la preuve de la régularisation d'une nouvelle convention de commodat.

En conséquence, aucun contrat de commodat liant M. [G] à la SELARL Akheos ne peut lui être opposé pour dire « la volonté des associés de ne pas valoriser le montant de leurs parts sociales avec la clientèle propre à chacun ».

De même, aucun acte ou écrit express et non équivoque quant à l'acceptation de l'évaluation de ses parts sociales à un euro ne peut être opposé à M. [G] ; si celui-ci a pu envisager une telle évaluation symbolique, sa proposition s'inscrivait dans des pourparlers faisant suite à l'annonce de son départ de la SELARL, pourparlers qui se sont soldés par un échec.

L'argument des appelants tiré des 4 cessions antérieures au prix d'un euro (cession du 1er juillet 2019 des parts d'Akheos à KPMG Avocats ; cession du 30 mai 2020 des parts de KPMG Avocats à Akheos ; cession du 30 mai 2020 des parts à M. [P] ; cession du 1er avril 2023 des parts des associés restant à M. [B]) est dénué de pertinence et ne peut faire jurisprudence pour déterminer le prix de vente des parts de M. [G] à un euro alors même que ce dernier expose, sans être sérieusement démenti par des éléments de preuve contraires, que ces cessions sont intervenues, les unes dans un contexte d'opération globale avec KPMG (le prix d'un euro étant compensé par d'autres dispositions), les autres alors que la SELARL était en situation difficile ( capitaux propres déficitaires).

Enfin et surtout, en droit, l'article 10 de la loi no 90-1258 du 31 décembre 1990 précise s'agissant de la valorisation des parts sociales que « Sauf dispositions contraires du décret particulier à chaque profession, la valeur des parts sociales prend en considération une valeur représentative de la clientèle civile ; toutefois, à l'unanimité des associés, les statuts peuvent exclure cette valeur représentative de la clientèle civile de la valorisation des parts sociales. »

Or, les statuts de la SELARL Akheos mis à jour le 2 juin 2020 ne comportent pas de clause écartant la valeur représentative de la clientèle civile de la valorisation des parts sociales.

La valorisation des parts sociales en cas de retrait d'un associé d'une SELARL s'effectuant au jour du retrait, la valeur vénale des parts intègre donc la valeur représentative de la clientèle de l'associé.

Au vu de l'ensemble de ces constatations et considérations, c'est donc à bon droit que M. [G] excipe des dispositions de l'article 9.3 des statuts de la SELARL Ahkeos pour demander l'évaluation de ses parts sociales par le biais d'une expertise judiciaire.

L'article 21, alinéa 3, de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction issue de la loi du 28 mars 2011 dispose que

« tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier qui, le cas échéant, procède à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats. En cette matière, le bâtonnier peut déléguer ses pouvoirs aux anciens bâtonniers ainsi qu'à tout membre ou ancien membre du conseil de l'ordre ».

Le régime de règlement de ces litiges est donc distinct de celui de l' article 1843-4 du code civil et le caractère d'ordre public des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 interdit que l'avocat retrayant puisse opter en faveur de l'article 1843-4, comme la Cour de cassation l'a jugé en disant que ces dispositions ne dérogent pas à ce texte qu'en ce qu'elle donne compétence au bâtonnier pour procéder à la désignation d'un expert aux fins d'évaluation des parts sociales de sociétés d'avocat , et que saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'une décision du bâtonnier, il revient à la cour d'appel saisie de la demande présentée par un avocat retrayant de procéder elle-même à la désignation de l'expert.

Au vu de l'ensemble de ces constatations et considérations, c'est donc à bon droit que M. [G] demande l'évaluation de ses parts sociales par le biais d'une expertise judiciaire.

L'expertise judiciaire sera en conséquence ordonnée dans les termes du dispositif ci-après aux frais avancés de M. [G] à l'effet de déterminer la valeur de ses parts sociales au 31 décembre 2021, jour de son retrait de la société Akheos.

La SELARL Akheos ne peut être d'ores et déjà condamnée au paiement du montant des parts sociales déterminé par cet expert, cette expertise devant être soumise à la discussion contradictoire des parties outre que l'article 9.3 précité des statuts offre une alternative, à savoir soit l'achat des parts sociales par un acquéreur agréé dans les conditions des statuts, soit par la société elle-même, soit par les associés restant.

Or, il résulte de l'article 1869 du code civil et 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 que la perte des droits patrimoniaux de l'associé retrayant, qui tiennent aussi bien à la valeur de ses parts qu'à la rémunération de son apport, ne saurait être préalable au remboursement de l'intégralité de ses droits sociaux et que ces droits s'exercent aussi longtemps que l'associé retrayant en demeure nominalement titulaire (Ccassation 1ère chambre du 1er juillet 2010 n° 09-15.358).

Ainsi, la perte de la qualité d'associé ne pouvant en cas de retrait volontaire ou forcé être antérieure au remboursement de la valeur des droits sociaux, M. [G] est en droit de prétendre aux bénéfices postérieurs à son retrait au 31 décembre 2021 tant qu'il n'a pas été payé de ses parts sociales.

Il sera fait droit en conséquence à la demande subsidiaire de M. [G] consistant à voir ajouter à la mission de l'expert judiciaire l'évaluation du montant des bénéfices à lui revenir à compter du 31 décembre 2021, jusqu'au paiement de ses parts sociales en se plaçant pour les besoins de ses investigations jusqu'au 31 décembre 2022 et 31 décembre 2023.

' Sur l'évaluation du compte courant d'associé de M. [G] et des sommes lui restant dues

C'est en vain que les appelants soutiennent que le bâtonnier a statué ultra petita sur ce point (sa décision étant annulée pour le tout, ils ne peuvent s'y référer ), et c'est à tort qu'ils qualifient de demande nouvelle en appel la demande d'évaluation de ce compte courant par expertise.

En effet, il résulte sans contestation possible de la pièce 14 des appelants que M. [G] avait exposé ce chef de prétention dans son mémoire destiné au bâtonnier en vue de la conciliation (page 9 de cette pièce correspondant à une lettre du 7 mars 2022 ainsi rédigée:

« à défaut de conciliation ' [N] [G] entend formuler les demandes suivantes auprès du bâtonnier qui serait saisi en qualité d'arbitre : '.

Constater l'exécution du préavis de [N] [G] jusqu'au 31 décembre 2021 et en conséquence condamner la société Akheos à payer à [N] [G] le montant total de son compte courant d'associé, soit la somme de 70.000€ (montant à parfaire) avec intérêt au taux légal à compter de l'envoi de la mise en demeure par courrier recommandé en date du 7 janvier 2022... » [soulignement dans le texte]

A titre subsidiaire, sur cette dernière demande, si par impossible M. le bâtonnier considérait que [N] [G] avait cessé d'exécuter son préavis à compter du 25 septembre 2021,

- condamner la société Akheos à payer à [N] [G] le montant total de son compte courant d'associé, soit la somme de 70.000€ (montant à parfaire) avec intérêt au taux légal à compter de l'envoi de la mise en demeure par courrier recommandé en date du 7 janvier 2022, [soulignement dans le texte]

'

En tout état de cause,

- condamner in solidum la société Akheos, [U] [E], [X] [D], [C] [R] et [V] [P] à payer à [N] [G] la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour rétention abusive du montant de son compte courant »

Par suite, est accueillie la demande de M. [G] tendant à voir intégrer dans l'expertise ordonnée sur l'évaluation des parts sociales la mission d'évaluer le montant de son compte courant d'associé au 31 décembre 2021.

Il sera également fait droit à sa demande relative à l'évaluation par voie d'expertise de « la totalité de sommes » lui restant dues par la société Akheos, (à savoir le remboursement des cotisations ordinales pour 2021, le paiement du solde de sa rémunération) cette demande relevant des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile en tant qu'accessoire et complément nécessaire à la demande d'évaluation du compte courant et n'encourant pas la qualification de demande nouvelle soutenue par les appelants.

Il est précisé qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir la juridiction compétente pour statuer au vu du rapport d'expertise sur les demandes relatives au paiement des parts sociales, au compte courant et des sommes restant dues.

' Sur l'injonction à M. [G] de dresser une liste exhaustive de la totalité des dossiers qu'il a emportés lors de son départ et de fournir une copie intégrale sur support papier numérique de la totalité des dossiers qu'il a emportés

Les appelants soutiennent que M. [G] « lors de son départ précipité du cabinet,M. [G] a emporté des dossiers sans avertir au préalable ses associés ni même veiller à en laisser une trace sur support numérique » et indiquent ne pas détenir d'information sur les dossiers traités par M. [G] et se trouver en conséquence dans l'incapacité d'établir les honoraires correspondant aux diligences effectuées par celui-ci avant son départ et qui doivent, par principe revenir au cabinet. Ils se disent préoccupés par le fait que c'est la responsabilité civile professionnelle de la SELARL Akheos qui pourrait être recherchée dès lors que les lettres de mission ont été signées par M. [G] en charge des dossiers au nom et pour le compte du cabinet.

M. [G] conclut communiquer le fichier excel des clients qui ont décidé de le suivre après son départ de la société Akheos au 31 décembre 2021 en visant à cette fin sa pièce 26 qui figure dans son bordereau de pièces sous le titre « nouvelles pièces ».

Considérant l'insuffisance de preuve quant à la suppression par M. [G] de dossiers numérisés sur la plateforme numérique du cabinet Poly Office il y a lieu de dire que celui-ci a satisfait à l'injonction des appelants en communiquant la liste précitée ; les appelants sont donc déboutés de ce chef de prétention.

' Sur la réparation des préjudices du cabinet Akheos et de ses associés

S'agissant de leur demande indemnitaire de 30.000€ au titre du préjudice lié aux conditions d'exécution du délai de préavis de six mois par M. [G], les appelants soutiennent que celui-ci ne justifie pas du travail effectué au cours du dernier trimestre 2021, et a sous-facturé ses clients ainsi qu'en atteste la facturation de 17.862,64€ alors qu'il a été rémunéré à hauteur de 24.000€, disant que « le montant dérisoire de sa facturation démontre soit qu'il n'a pas travaillé, soit qu'ayant travaillé, il n'a pas facturé ses diligences sous le timbre Akheos ».

M. [G] conteste cette allégation en se prévalant de factures produites en pièces 9 (factures émise de juin à septembre 2021) et 10 (factures émise d'octobre à décembre 2021) pour dire la réalité de son travail et de sa facturation.

L'examen de ces factures atteste du bien fondé de son affirmation exception faite des factures n°2019348 et 2019347 qui concernent des prestations couvrant une période antérieure (avril à mai 2021)

Par ailleurs, figure parmi les pièces des appelants, un courrier du 7 mars 2022 adressé par le conseil de M. [G] au bâtonnier dans le cadre de l'instruction de la tentative de conciliation, comportant en pages 5 et 6 une étude comptable sur le montant de la facturation réalisée par chacun des associés de la société Akheos, la rémunération perçue par chacun et le gain apporté à la société par le travail de chacun.

Plus particulièrement, ont été étudiés les résultats obtenus durant la période de préavis de M. [G] (du 1er juin au 31 décembre 2021), cette étude ayant été affinée pour distinguer la période au 1er juin au 30 septembre 2021 et celle du 1er octobre au 31 décembre 2021.

Il s'évince de ces analyses comptables que si M. [G] a facturé mensuellement des prestations de 11.783,33€ au cours de la période du 1er octobre au 31 octobre 2021 contre 25.232,97€ au cours de la période du 1er juin au 30 septembre 2021 et n'a rapporté aucun gain à la société (- 92€), il ne peut en être déduit péremptoirement qu'il s'est abstenu de toute activité professionnelle ou a facturé des prestations à titre personnel et non pas « sous le timbre Akheos » alors même que ses résultats lissés sur toute la durée du préavis font apparaître une facturation mensuelle de 19.468,84€ et un gain de 28.591,55€ pour la société, soit un gain bien supérieur à certains des 4 autres associés ([U] [E] = 26.728, 15€ ; [C] [R] = -5.892,14€ ; [X] [D]= 18.303,39€) quand bien même ce gain était inférieur à celui de [V] [P]= 40.711,17€.

En tout état de cause, les appelants n'opposent aucune présentation ou analyse comptable contraire à cette étude se limitant à analyser trois factures de M. [G] des 30 novembre et 22 décembre 2021.

Dès lors, il doit être retenu que les appelants procédant par affirmation sans offre de preuve, ils doivent être déboutés de leur réclamation indemnitaire pour ce chef de préjudice.

S'agissant de leur demande indemnitaire de 14.000€ au titre du préjudice de perte de chance de recouvrer les honoraires de 14.991€ , les appelants exposent que les comptes de la société Akheos faisaient apparaître qu' au 22 février 2024, le listing compte clients de M. [G] était débiteur de 14.991€ HT, somme qui reste due au cabinet , indiquant que « M. [G] n'a pas cru bon de facturer ses clients avant de quitter le cabinet et il est permis de penser que ce dernier a préféré reprendre cette facturation à son compte après s'être installé à titre individuel » ; ils ajoutent être dans l'impossibilité de procéder à la moindre mesure de recouvrement dès lors que M. [G] a quitté le cabinet avec ses dossiers contenant les informations afférentes à la facturation.

M. [G] qui répond que parmi les clients figurant sur ce listing, seuls l'ont suivi à son départ du cabinet Akheos, Deep Compagny, Soficoma et Generic Implants (qu'il dit avoir été dissoute et absorbée par Deep Compagny dans le cadre d'une TUP) et BSL, et indique avoir tout mis en 'uvre pour recouvrer les factures de ces clients, sans avoir le temps de facturer ainsi la somme de 3.750€, fait surtout valoir que la société Akheos a initié des procédures en recouvrement des honoraires .

Ce qui est attesté par sa pièce 27 dont il résulte que la société Akheos a mandaté à cette fin la société « Juris Sententia Recouvrement commercial, amiable et judiciaire de créances »

Les appelants sont en conséquence déboutés de leur demande indemnitaire pour perte de chance.

S'agissant de leur demande indemnitaire de 20.000€ au titre du préjudice résultant de la sous-facturation par M. [G] de ses prestations réalisées du 16 juin 2021 au 31 décembre 2021, les appelants réitèrent sous ce chef de préjudice les mêmes griefs que ceux allégués au soutien de leur réclamation indemnitaire relative à l'exécution du préavis ( cessation de l'activité de M. [G] pour le cabinet à compter de septembre 2021 et sous-facturation des prestations réalisées pour son compte personnel au titre du second trimestre).

Ne pouvant pas obtenir deux fois la réparation du même préjudice, outre que ce préjudice n'est pas étayé par la production d'analyses comptables, les appelants sont, sans plus ample discussion, déboutés de cette réclamation.

S'agissant de leur réclamation indemnitaire de 50.000€ au titre du préjudice d'image, les appelants font valoir tout à la fois que M. [G] :

- a modifié sa signature alors qu'il était toujours associé de la société Akheos en retirant la mention du cabinet Akheos au sein duquel il exerçait,

- a maintenu un site personnel au moyen duquel il a démarché une clientèle dont la société Akheos n'a pas bénéficié,

- s'est inscrit sur une plate-forme d'avocat ouverte à de potentiels clients qui ne correspondent pas à la cible du marché de la société Akheos, sans même recueillir l'accord de ses associés sur cette démarche, cette inscription ayant pour finalité « de préparer son départ du cabinet Akheos et de pouvoir travailler en solitaire sur de nouveaux dossiers démarchés par cette méthode ».

Or, au soutien de cette réclamation, les appelants ne visent aucune pièce et procèdent par affirmation, sans aucune offre de preuve ; en conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'argumentation opposée en défense par M. [G], il y a lieu de débouter les appelants de ce chef de demande.

S'agissant de leur demande indemnitaire de 20.000€ au titre du préjudice né de la désorganisation du cabinet et du non-respect de la protection de ses intérêts, les appelants font valoir que M. [G] a supprimé la totalité des courriels de sa messagerie, a procédé à l'effacement informatique de dossiers sur le logiciel PolyOffice permettant la gestion des clients, dont le dossier Vester Finance dont les factures n'apparaissent pas dans le logiciel de gestion/ facturation Lexipoly, et a ainsi porté atteinte à la sincérité de la comptabilité du cabinet Akheos, dès lors que les éléments transmis au comptable « en charge de l'édition du bilan de la structure se retrouvent faussés par ces man'uvres » tout en interdisant aux associés de la société d'intervenir sur ces dossiers tant comptablement que légalement ; ils concluent également qu'il « n'existe aucun moyen de savoir si M. [G] a occulté d'autres dossiers » et excipent que « les conditions dans lesquelles celui-ci a déserté le cabinet secrètement à l'occasion d'un week-end, laissant Akheos dans l'incapacité de faire face à la moindre réclamation des clients concernés par les dossiers traités par M. [G], son silence sur ses nouvelles conditions d'installation et le refus de communiquer son adresse etc.. démontrent à suffisance que les conditions exigées par la jurisprudence sont remplies » (quant à la désorganisation du cabinet).

M. [G] conteste l'ensemble de cette présentation, soulignant que ses conditions de départ du cabinet ne souffrent d'aucune critique, qu'il n'est pas démontré que l'exercice de son travail en télétravail au cours des derniers mois de son préavis a désorganisé le cabinet, qu'il n'est pas l'auteur de l'occultation de dossiers dans le logiciel PolyOffice, et que les procès-verbaux de constat de commissaire de justice des 10 et 22 mars 2022 n'en font pas la preuve.

De fait, les appelants s'abstiennent de toute communication disant l'existence de signes de désorganisation du cabinet en lien avec les agissements de M. [G] ; ainsi , outre que la preuve n'est aucunement rapportée en l'état des procès-verbaux de constat précités que M. [G] est « entré » dans le logiciel PolyOffice pour y effectuer des manipulations afin d'occulter l'existence de dossiers, il n'est pas justifié de relances de clients du cabinet en lien avec un dossier ayant été traité par M. [G], et pas davantage de courriers du cabinet comptable de la société Akheos disant l'existence de contrariétés ou de désordres dans la production de la comptabilité de celle-ci.

La circonstance qu'un dossier de M. [G] (Vester Finance) ait donné lieu à difficultés est insuffisante à caractériser une désorganisation du cabinet, étant rappelé que les appelants reconnaissent eux-mêmes l'impossibilité de faire la preuve d'autres dossiers que ce dossier Vester Finance (il « n'existe aucun moyen de savoir si M. [G] a occulté d'autres dossiers »).

Enfin, il ne peut être tiré aucun argument des circonstances dans lesquelles est survenu le départ physique de M. [G] du cabinet d'avocats, les parties étant sur ce point en totale discordance, sans que des témoignages tiers permettent de les départager.

En définitive, les appelants doivent être déboutés de leur réclamation au titre de la désorganisation du cabinet et du non-respect de la protection de ses intérêts.

S'agissant de leur demande indemnitaire de 100.000€ au titre du préjudice moral (soit 20.000€ pour la société Akheos et chacun des 4 associés), les appelants reprochent à M. [G] « d'avoir quitté le cabinet avec brutalité, sans respecter aucune des règles de courtoisie et de confraternité qui s'imposent à tout retrayant » ; ils lui font également grief de les avoir accusés « d'un comportement contraire à l'honneur et à la dignité en affirmant devant son ordre que ses associés avaient exercé sur lui des pressions psychologiques intolérables (') d'avoir commis à son égard une tentative d'extorsion de fonds et de l'avoir harcelé», ce qui est constitutif de sa part d'une faute déontologique constitutive d'une faute civile ouvrant droit à réparation.

M. [G] s'oppose à bon droit à cette réclamation dès lors que les allégations des appelants ne sont pas corroborées par des éléments de preuve pertinents.

En effet, les échanges de courriels entre celui-ci et les associés [U] [E] et [X] [D] sont contradictoires quant aux circonstances du départ de l'intéressé, le fait que dans ses courriers des 1er octobre 2021 et 7 mars 2022 adressés respectivement à la société Akheos et au bâtonnier, le conseil de M. [G] fasse état de « la pression psychologique que M. [G] subit au sein de la société », ou encore « du peu de délicatesse des associés de la société Akheos » à l'égard de celui-ci, ou vise également « malgré des conditions de travail peu favorables » étant notoirement insuffisant à retenir à l'encontre de M. [G] une faute déontologique constitutive d'une faute civile, étant rappelé que ces propos s'inscrivent dans un contexte de séparation conflictuelle, avec désaccords sur les répercussions financières du départ de M. [G].

En conséquence, la demande présentée au titre du préjudice moral est rejetée.

' Sur la réparation des préjudices de M. [G]

La demande indemnitaire présentée au titre du préjudice moral est écartée, M. [G] ne caractérisant pas l'existence et l'étendue d'un tel préjudice, les circonstances de son départ de la société Akheos qu'il décrit comme difficiles dans « une atmosphère pesante » faisant l'objet d'une version contraire de la part des appelants qui en imputent la responsabilité à l'intéressé, sans que les pièces communiquées permettent d'accréditer objectivement une version plutôt qu'une autre.

Est également rejetée sa demande indemnitaire pour rétention abusive de son compte courant dès lors qu'il apparaît avoir déjà perçu une partie de celui-ci et qu'une expertise est ordonnée pour déterminer le montant exact de ce compte courant à lui revenir.

Sur les mesures accessoires

Les parties, appelants et intimé, succombant partiellement dans leurs prétentions, il y a lieu de juger qu'elles conserveront la charge de leurs dépens personnels exposés au titre de la décision déférée et de l'appel.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en audience solennelle, par arrêt contradictoire,

Disant recevable l'appel formé par la société Akheos et ses associés le 11 mai 2023

(RG 23/01842) via le RPVA ,

Disant en conséquence sans objet le second appel formé par lettre recommandée avec AR du 3 juin 2024 (RG 24/02152),

Annule pour violation du contradictoire, la décision arbitrale rendue le 19 avril 2023 par le bâtonnier de l'ordre du barreau des Hautes Alpe

Et statuant sur le fond,

Déboute la SELARL Akheos , Mme [U] [E], M. [X] [D], M. [C] [R] et M.[V] [P]:

- de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts respectives,

- de leur demande de communication sous astreinte de la liste exhaustive de la totalité des dossiers emportés par M. [N] [G] lors de son départ et d'une copie intégrale sur support papier numérique de la totalité desdits dossiers,

Déboute M. [N] [G] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts,

Sur la valeur des parts sociales, le montant du compte courant d'associé et les sommes restant dues à M. [N] [G],

Ordonne avant dire droit une expertise comptable,

Désigne pour y procéder M. [H] [J], demeurant SARL [H] & Associés, [Adresse 3], Mèl : [Courriel 9] inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix en Provence,

avec la mission suivante :

- convoquer les parties et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

- se faire remettre par les parties tous documents qu'il estimera utiles à sa mission,

- fournir tous les éléments de nature à permettre de chiffrer :

la valeur des parts sociales de M. [N] [G] dans la SELARL Akheos à la date du 31 décembre 2021, date à laquelle il a perdu la qualité d'associé de cette société,

le montant du compte courant d'associé de M. [N] [G] dans la SELARL Akheos à la date du 31 décembre 2021, en ce compris le montant du solde de sa rémunération due au 31 décembre 2021 selon la méthode de calcul définie par la SELARL Akheos et le montant de remboursement de ses cotisations ordinales pour 2021,

le montant des bénéfices dus à M. [N] [G] à compter du 31 décembre 2021 jusqu'au paiement de ses parts sociales en se plaçant pour les besoins de ses investigations jusqu'au 31 décembre 2022 et 31 décembre 2023,

- déposer un pré-rapport et s'expliquer, dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés, sur les dires et observations des parties,

- dit que l'expert fera connaître au greffe de la première chambre de la cour d'appel de Grenoble , sans délai, son acceptation,

- dit qu'en cas de refus, d'empêchement légitime ou de retard injustifié, il sera pourvu aussitôt à son remplacement,

- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne, à charge d'en informer préalablement le juge chargé du contrôle de l'expertise,

- dit que M. [N] [G] devra consigner entre les mains du secrétariat de l'Ordre des avocats au barreau des Hautes Alpes, [Adresse 8] une somme de 4.000€ avant le 29 novembre 2024,

- rappelle qu'en application de l'article 271 du code de procédure civile, à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l'expert sera caduque,

- rappelle que l'expert devra commencer ses opérations d'expertise dès qu'il sera averti que M. [N] [G] a consigné la provision mise à sa charge,

- dit que le rapport devra être déposé au secrétariat de l'Ordre des avocats au barreau des Hautes Alpes, [Adresse 8] avec copie aux conseils des parties, dans le délai de cinq mois suivant la consignation , sauf prorogation qui serait accordée sur demande de l'expert à cet effet,

Dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir la juridiction compétente pour statuer au vu du rapport d'expertise sur les demandes relatives aux parts sociales, au compte courant et aux sommes restant dues à M. [N] [G],

Déboute à ce stade de la procédure M. [N] [G] de sa demande en condamnation de la SELARL Akheos au paiement du montant de ses parts sociales tel que déterminé par l'expert judiciaire,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.