CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 22 octobre 2024, n° 20/09698
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Amal Hayati (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Toulouse
Conseillers :
Mme Ouvrel, Mme Allard
Avocats :
Me Tollinchi, Me Oliver-D'Ollonne, Me Verany
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique du 10 septembre 2009, M. [X] [T] a vendu en viager à la SCI Amal Hayati, société constituée entre M. [Y] [K] et son épouse, un bien immobilier situé [Adresse 3] à Cannes, moyennant un prix global de 840 000 euros dont 350 000 euros payés comptant à la signature de l'acte notarié, et, pour le surplus, sous forme d'une rente viagère annuelle de 54 000 euros, soit 4 500 euros par mois, payable tous les 15 de chaque mois, pendant la vie et jusqu'au décès du vendeur.
La SCI Amal Hayati a cessé de régler la rente viagère convenue dès mai 2012, à la suite d'un accident subi par M. [Y] [K]. Le 15 octobre 2012, un commandement de payer la somme de 29 928,12 euros, visant la clause résolutoire stipulée à l'acte de vente, a été délivré.
Par jugement du 8 avril 2014, le tribunal de grande instance de Grasse a, principalement :
- prononcé la résolution du contrat de vente viagère, à la demande de M. [X] [T],
- constaté que l'exécution du contrat ne peut plus être suspendue et débouté la SCI Amal Hayati de sa demande de délai de grâce,
- condamné M. [X] [T] et M. [G] [U], son curateur, à restituer à la SCI Amal Hayati la somme de 350 000 euros à la SCI Amal Hayati,
- condamné la SCI Amal Hayati à leur payer la somme de 91 248 euros,
- dit que les dettes réciproques pourront se compenser à hauteur de la plus faible des deux sommes,
- condamné la SCI Amal Hayati à payer à M. [X] [T] et son curateur une indemnité d'immobilisation égale au montant de la rente mensuelle indexée, soit 4 988 euros pour la période du 1er février 2014 jusqu'à la libération effective des lieux,
- ordonné l'expulsion de la SCI Amal Hayati et de tous occupants de son chef dans un délai de 45 jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,
- ordonné la publication du jugement au 1er bureau des hypothèques de Grasse,
- débouté M. [X] [T] et son curateur de leur demande de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.
Par arrêt du 24 novembre 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à préciser que les condamnations prononcées contre, ou, au profit, de M. [X] [T] et de M. [G] [U], doivent être prononcées contre ou au profit de M. [X] [T], assisté de M. [G] [U], et, qu'il y a lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue au contrat de vente à l'expiration du délai d'un mois ayant couru à compter du 15 octobre 2012, et non de prononcer la résolution du contrat de vente à l'expiration du même délai.
M. [X] [T] est décédé le 18 février 2015, laissant pour lui succéder sa seule héritière, Mme [A] [I] épouse [L], sa nièce.
Suivant protocole d'accord non daté, la SCI Amal Hayati et Mme [A] [I] épouse [L], après avoir visé les décisions rendues par le tribunal de grande instance de Grasse et la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ont convenu que 'la SCI Amal Hayati céderait à Mme [A] [I] épouse [L] une maison d'habitation d'environ 50 m² avec jardin, à distraire de la propriété vendue en viager le 10 septembre 2009 par Mme [A] [I] épouse [L] à la SCI Amal Hayati, d'une valeur de 300 000 euros, à laquelle s'ajoute une somme forfaitaire de 100 000 euros versée en complément de liquidité, soit une transaction arrêtée à une somme globale de 400 000 euros, représentant forfaitairement :
1°.le montant des arrérages dus à ce jour au titre de la rente viagère stipulée dans l'acte de vente du 10 septembre 2009, ainsi que toutes sommes dues en vertu de la décision de première instance et d'appel,
2°. le montant de la capitalisation des versements à venir au titre de cette même rente, déterminée en fonction de l'âge du crédirentier,
3°. sous déduction de la somme due par le crédirentier au titre de la résolution de la vente'.
Ce protocole précisait également :
'en conséquence, dès signature de l'acte authentique de vente constatant le transfert de propriété du bien objet du présent protocole et du paiement total de la somme complémentaire, compensation sera constatée entre les sommes dues par les deux soussignés. Il ne sera donc dû plus aucune somme par le débirentier au crédirentier pour l'avenir.
Mme [A] [I] épouse [L] renonce à la poursuite des procédures ci-dessus exposées et au bénéfice des décisions de première instance et d'appel.
La SCI Amal Hayati renonce à toute procédure à l'encontre de Mme [A] [I] épouse [L] du chef des causes ci-dessus rappelées.
Les parties entendent conférer au présent accord la valeur d'une transaction au sens des articles 2044 et suivants du code civil. Elles se désistent irrévocablement de toutes les instances.
Les parties conviennent que le paiement de 400 000 euros pourra se faire également en totalité en liquidité'.
Par acte d'huissier de justice du 4 juin 2015, Mme [A] [I] épouse [L] a fait délivrer à la SCI Amal Hayati un commandement d'avoir à quitter les lieux, visant le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 8 avril 2014 et l'arrêt de la cour d'appel du 24 novembre 2014.
Par acte du 8 juillet 2015, la SCI Amal Hayati a assigné Mme [A] [I] épouse [L] devant le tribunal de grande instance de Grasse pour homologation du protocole d'accord sus-visé, pour obtenir la condamnation de Mme [A] [I] épouse [L] à saisir tel notaire qu'elle voudra pour établir les actes nécessaires à l'exécution du protocole et régulariser ces actes, et pour obtenir sa condamnation à réaliser les formalités de levée des inscriptions sur le fonds.
Par jugement en date du 13 octobre 2015, le juge de l'exécution a prononcé l'expulsion de la SCI Amal Hayati du bien cédé en viager. La SCI Amal Hayati a quitté les lieux le 28 octobre 2015.
Le 12 avril 2016, la SCI Amal Hayati a déposé plainte contre M. [X] [C] et Mme [A] [I] épouse [L], affirmant que le premier aurait établi une fausse attestation aux intérêts de la seconde et lui reprochant d'en avoir fait usage en justice. La plainte a été classée sans suite le 14 avril 2016.
La SCI Amal Hayati, M. [Y] [K] et son épouse, Mme [S] [E] épouse [K], se sont constitués parties civiles et ont déposé plainte entre les mains du juge d'instruction le 22 avril 2016. Une ordonnance de non lieu a été rendue le 30 juin 2017, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction le 23 novembre 2017. Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt, mais n'a pas été admis le 26 septembre 2018.
A la suite de cet arrêt, selon ordonnance d'incident du 18 mai 2018, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans le cadre de l'instance initiée par l'assignation du 8 juillet 2015 délivrée par la SCI Amal Hayati.
Le 12 décembre 2018, Mme [A] [I] épouse [L] a sollicité le ré-enrôlement de l'instance relative à la validité ou non du protocole d'accord et à ses conséquences financières entre les parties.
Par jugement en date du 17 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a :
débouté la SCI Amal Hayati de l'intégralité de ses demandes,
ordonné à la SCI Amal Hayati de procéder, à ses frais, à la radiation de l'inscription de l'assignation introductive d'instance au service de la publicité foncière de Grasse 1 (formalité initiale du 3 janvier 2017 Vol.2017P37 et formalité du 31 juillet 2017 Vol.2017P5673), sous astreinte de 200 € par jour de retard commençant à courir à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement,
débouté Mme [A] [I] épouse [L] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
débouté la SCI Amal Hayati et Mme [A] [I] épouse [L] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la SCI Amal Hayati aux entiers dépens, avec distraction,
ordonné l'exécution provisoire.
Pour refuser à la SCI Amal Hayati la possibilité de se prévaloir d'une inexécution fautive du protocole par Mme [A] [I] épouse [L], le tribunal a considéré que la SCI Amal Hayati ne rapportait pas la preuve, dont la charge lui incombait, de la date de signature du protocole d'accord invoqué, et notamment ne démontrait pas que celui-ci avait été signé postérieurement au décès de M. [X] [T], de sorte que la validité de celui-ci, signé uniquement par Mme [A] [I] épouse [L], sans référence au décès de son oncle, n'était pas acquise, Mme [A] [I] épouse [L] n'ayant pas la capacité d'agir au nom de son oncle, ni pour le compte de celui-ci. Le tribunal a examiné les mails échangés entre les parties qui démontrent l'existence de pourparlers antérieurs au décès de M. [X] [T] sans démontrer la date du protocole. Il a tenu compte de l'attestation de M. [C] contre laquelle la SCI Amal Hayati avait déposé plainte, en vain, ainsi que de la teneur même du protocole.
Le tribunal a, par ailleurs, estimé que si la publication de son assignation par la SCI Amal Hayati n'était plus justifiée dès lors qu'elle avait modifié ses demandes, ne sollicitant plus la régularisation des actes de cession des biens immobiliers visés au protocole, Mme [A] [I] épouse [L] ne justifiait d'aucun préjudice, de sorte que sa demande de dommages et intérêts devait être rejetée.
Selon déclaration reçue au greffe le 9 octobre 2020, la SCI Amal Hayati a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 21 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Amal Hayati sollicite de la cour qu'elle :
déboute l'intimée de sa demande de nullité de la déclaration d'appel,
la déclare bien fondée en son appel,
infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
constate la validité du protocole signé entre les parties,
dise que Mme [A] [I] épouse [L] a de mauvaise foi refusé d'exécuter le protocole,
condamne Mme [A] [I] épouse [L] à lui payer la somme de 685 000 euros au titre du préjudice subi,
déboute Mme [A] [I] épouse [L] de sa demande condamnation au paiement de la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts, outre 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne Mme [A] [I] épouse [L] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne Mme [A] [I] épouse [L] aux entiers dépens, dont ceux de première instance.
S'agissant de la caducité ou nullité de la déclaration d'appel invoquée par l'intimée, la SCI Amal Hayati soutient qu'il s'agit d'une fin de non recevoir irrecevable pour n'avoir pas été soulevée avant toute défense au fond, devant le conseiller de la mise en état. Elle ajoute avoir régularisé la communication de son adresse actuelle par conclusions de procédure du 1er mars 2021, et soutient qu'il n'est démontré aucun grief de la part de Mme [A] [I] épouse [L].
La SCI Amal Hayati soutient au fond que le protocole litigieux est opposable entre les parties.
Elle fait valoir que les échanges de mails, principalement entre M. [C] et maître [N], conseil de Mme [A] [I] épouse [L], démontrent que les discussions relatives à l'exécution du protocole étaient postérieures au décès de M. [X] [T]. Elle met en avant la signature non contestée par Mme [A] [I] épouse [L] du protocole, celle-ci n'ayant nécessairement pu intervenir qu'en tant qu'héritière de M. [X] [T]. Enfin, la SCI Amal Hayati rappelle que l'absence d'homologation par le juge du protocole n'est pas une condition d'exécution, ni de validité de ce dernier.
L'appelante ajoute que le protocole est parfaitement valide au fond, présentant des termes clairs et non équivoques, et, comprenant des concessions réciproques.
Enfin, la SCI Amal Hayati invoque un préjudice, ayant engagé des travaux importants dans le bien acquis en viager à hauteur de plus de 303 000 euros, permettant une plus-value du bien et occasionnant une perte financière chiffrée à 685 000 euros.
Par dernières conclusions transmises le 25 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [A] [I] épouse [L] sollicite de la cour qu'elle :
constate la caducité de la déclaration d'appel et sa nullité,
confirme le jugement attaqué,
déboute la SCI Amal Hayati de toutes ses demandes,
ordonne la radiation de l'inscription de l'assignation du 8 juillet 2015, effectuée le 3 janvier 2017, au service des hypothèques d'[Localité 4] sous le n°2017737, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt,
condamne la SCI Amal Hayati à lui payer la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts outre 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Mme [A] [I] épouse [L] invoque la nullité de la déclaration d'appel de la SCI Amal Hayati, et donc l'irrecevabilité de ses conclusions, sur le fondement des articles 901 et 58 du code de procédure civile, en ce que celle-ci s'est domiciliée au [Adresse 3] à Cannes, lieu dont elle a été expulsée le 28 octobre 2015, et qui ne constituait plus, lors de la déclaration d'appel du 9 octobre 2020, son domicile.
Au fond, Mme [A] [I] épouse [L] se fonde sur l'article 1599 du code civil pour soutenir que le protocole invoqué par l'appelante ayant été signé par elle avant le décès de M. [X] [T], porte sur la chose d'autrui, et est donc nul. Elle assure que le document litigieux a été signé au début du mois de décembre 2014, ce qui serait démontré par l'attestation de M. [C] du 10 juin 2015, par le mail préparatoire du 24 octobre 2014 et par le mail de M. [Y] [K] du 3 février 2015. Elle affirme que le mail de M. [C] du 4 mars 2015 fait référence à un autre protocole d'accord, sans lien avec l'actuel litige.
En tout état de cause, elle invoque le caractère lésionnaire du protocole litigieux, et ajoute qu'il n'a jamais été homologué par un juge, de sorte qu'il ne constitue pas un titre exécutoire.
A titre reconventionnel, Mme [A] [I] épouse [L] sollicite l'octroi de dommages et intérêts, assurant que, du fait de la publication indue de l'assignation, la vente d'une partie de la propriété n'a pu avoir lieu, ce qui lui a causé un préjudice.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 12 août 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient d'observer que les textes applicables à la présente espèce sont ceux antérieurs à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats dans la mesure où le protocole, certes non daté, a nécessairement été signé avant l'assignation délivrée le 8 juillet 2015 par la SCI Amal Hayati aux fins d'homologation de celui-ci.
Sur la nullité de la déclaration d'appel
Par application de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
En vertu de l'article 57 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, la requête qui saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé, contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :
- lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
- dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
Elle est datée et signée.
En l'occurrence, Mme [A] [I] épouse [L] fait valoir que la SCI Amal Hayati, dans sa déclaration d'appel du 9 octobre 2020, s'est domiciliée au [Adresse 3] à Cannes qui correspond au lieu de l'immeuble vendu en viager en 2009, dont elle a été expulsée par jugement du 13 octobre 2015, et qu'elle a effectivement quitté le 28 octobre 2015. Cette même adresse est mentionnée dans ses premières écritures d'appelante du 23 décembre 2020.
La mention d'une adresse erronnée dans la déclaration d'appel constitue une cause de nullité de forme, qui n'est sanctionnée que si la preuve d'un grief est rapportée. Il n'est donc pas ici question de caducité de la déclaration d'appel.
D'une part, il y a lieu d'observer que Mme [A] [I] épouse [L] n'a pas saisi le conseiller de la mise en état d'une telle exception de procédure.
D'autre part, il appert que par conclusions de procédure du 1er mars 2021, la SCI Amal Hayati a régularisé la mention de l'adresse de son siège social comme étant situé [Adresse 1]. Or, Mme [A] [I] épouse [L] n'allègue ni ne justifie d'aucun grief tenant en une mention dans un premier temps inexacte de l'adresse de l'appelante, notamment quant à l'exécution du jugement de première instance.
Dans ces conditions, aucune nullité de la déclaration d'appel n'est encourue, ni aucune sanction subséquente quant aux écritures prises ensuite par l'appelante. Cette demande sera écartée.
Sur la demande relative à l'indemnisation du préjudice de la SCI Amal Hayati à raison du refus par Mme [A] [I] épouse [L] d'exécuter le protocole intervenu entre les parties
En application de l'article 2044 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.
L'article 2045 du même code ajoute que pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction.
Par application de l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
La SCI Amal Hayati se prévaut du protocole d'accord transactionnel signé avec Mme [A] [I] épouse [L] portant transaction sur la chose jugée par le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 8 avril 2014 et par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 novembre 2014, dont elle assure qu'il régit les rapports entre les parties. Or, ce protocole emporte cession d'une partie du bien immobilier dont M. [X] [T] était propriétaire jusqu'à son décès le 18 février 2015, Mme [A] [I] épouse [L] ne disposant du droit d'en disposer qu'au delà de cette date, en tant que bénéficiaire de la succession de M. [X] [T].
Se pose donc la question de la validité du protocole qui dépend de la date de sa signature. En effet, toute transaction engageant Mme [A] [I] épouse [L] et portant sur le bien en cause n'est valable que si elle est postérieure au décès de M. [X] [T], l'intimée n'ayant pas au préalable la capacité d'en disposer. L'absence d'homologation du protocole ne fait pas échec à sa force exécutoire.
La date de l'acte constitue ici une condition substantielle de validité, puisqu'elle conditionne la capacité des parties.
Or, lorsque la validité d'une convention dépend de la date de sa conclusion, c'est à celui qui se prévaut de l'acte d'apporter la preuve de sa date, donc, en l'espèce, la charge de la preuve de la date de signature du protocole pèse sur la SCI Amal Hayati.
Il n'est pas contesté que Mme [A] [I] épouse [L] a signé le dit protocole, en son nom, sans aucun mandat de représentation de M. [X] [T].
La chronologie des échanges entre les parties, tels que produits aux dossiers, établit que des négociations ont été entamées entre M. [Y] [K] et Mme [A] [I] épouse [L] dès le mois d'octobre 2014, dès avant l'arrêt d'appel. Un premier protocole d'accord est produit au demeurant au nom de M. [X] [T], mais non signé. Par mail du 24 octobre 2014, M. [Y] [K] émet une proposition de règlement amiable en évoquant une somme forfaitaire de 400 000 euros à la charge de la SCI comme solde de tout compte, avec dation en paiement et/ou mise en vente de la totalité du bien de Cannes. Par mail du 24 janvier 2015, Mme [A] [I] épouse [L] indique à M. [Y] [K] qu'elle 'n'a pas reçu la totalité du protocole où est mentionnée la somme de 400 000 euros qu'il s'engagerait à lui verser au moment de la vente du bien et cela dans un délai maximum d'un an'. Elle ajoute 'être prête à aller voir M. [U], curateur de M. [X] [T], la semaine suivante s'il le lui procure'.
Ce mail est suivi d'un autre, adressé par M. [Y] [K] à M. [X] [C] le 3 février 2015, par lequel le premier indique au second lui transmettre 'son' protocole.
Par ailleurs, dans un mail adressé par M. [X] [C] à l'avocat de Mme [A] [I] épouse [L] le 4 mars 2015, ce dernier indique : '[A] me demande si vous avez avancé sur le protocole de M. [K]'. Aucun document ou courrier ne permet de savoir à quel protocole il est fait référence, étant observé que d'autres protocoles transactionnels sont intervenus notamment entre Mme [A] [I] épouse [L], d'autres SCI et M. [X] [C] au titre d'autres biens, à la même époque.
En tout état de cause, le protocole litigieux, signé entre la SCI Amal Hayati et Mme [A] [I] épouse [L], est intervenu entre le 24 octobre 2014, date démontrée de début des pourparlers, et le 8 juillet 2015, date de l'assignation délivrée par la SCI Amal Hayati en vue de son homologation par la juridiction.
Toutefois, il y a lieu de relever que le protocole invoqué par la SCI Amal Hayati, s'il retrace l'historique du bien sur lequel il porte, de sa vente et du contentieux dont il a fait l'objet, à savoir les décisions du tribunal de grande instance de Grasse du 8 avril 2014 et de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 novembre 2014, opposant au demeurant la SCI Amal Hayati et M. [X] [T], et non Mme [A] [I] épouse [L], ne fait aucune référence au décès de M. [X] [T], élément qui aurait pu expliquer l'intervention de sa nièce, s'il avait été signé postérieurement à celui-ci.
De plus, M. [X] [C], dans une attestation du 10 juin 2015 indique expressément 'avoir été sollicité par M. [Y] [K] aux alentours du 5 décembre (2014) pour convenir d'un rendez-vous avec Mme [A] [I] épouse [L] pour signer le protocole relatif au bien acquis en viager à [Localité 5] auprès de M. [X] [T]', et assure avoir été présent lors de ce rendez-vous au cours duquel Mme [A] [I] épouse [L] aurait signé ladite transaction 'tout en rappelant ne pas pouvoir le faire puisque seul son oncle était propriétaire et sous mesure de protection'. M. [X] [C] ajoute que M. [Y] [K] aurait alors indiqué 'ne pas dater le document afin de le faire viser par M. [U] pour le valider'. Cette attestation a fait l'objet d'une plainte pour faux de la part de M. [Y] [K] qui n'a pas abouti, mais a conduit à une ordonnance de non lieu du juge d'instruction, confirmée par la cour, et devenue définitive.
Ainsi, les éléments produits tendent à établir que le protocole litigieux a été signé avant le décès de M. [X] [T]. En tout état de cause, aucun élément probant ne démontre avec certitude qu'il a été signé après le 18 février 2015.
Certes, les échanges ci-dessus rappelés font état d'une volonté manifestée par Mme [A] [I] épouse [L] de tenter de poursuivre, un temps, l'exécution du protocole, postérieurement au décès de M. [X] [T], mais telle n'est pas ici la problématique. En effet, c'est à la date de la signature de la transaction qu'il convient de se placer pour apprécier la capacité juridique de Mme [A] [I] épouse [L] à contracter, peu important les démarches entreprises en vue de l'exécution de celle-ci, qui sont sans incidence sur la validité de l'acte.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la validité du protocole transactionnel n'était pas acquise, de sorte que la SCI Amal Hayati ne peut s'en prévaloir, ni reprocher à Mme [A] [I] épouse [L] une inexécution fautive d'un tel acte.
La décision rejetant les prétentions de la SCI Amal Hayati en termes d'indemnisation résultant d'une inexécution fautive du protocole transactionnel par l'intimée doit donc être confirmée.
Sur la radiation de l'inscription de l'assignation
Tout en sollicitant l'infirmation de la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions, la SCI Amal Hayati ne formule aucun moyen critique à l'endroit de la disposition du jugement l'ayant condamnée sous astreinte à procéder au retrait à ses frais de l'inscription de l'assignation introductive d'instance, disposition dont Mme [A] [I] épouse [L] sollicite la confirmation.
Il est acquis que la SCI Amal Hayati a abandonné, en cours d'instance devant le premier juge, ses prétentions initiales, figurant dans son assignation du 8 juillet 2015, tendant à voir régulariser devant notaire les actes de cession de biens immobiliers visés au protocole d'accord. Aucune raison ne justifie donc le maintien de l'inscription de l'assignation au bureau de la publicité foncière concernée. Il convient donc de confirmer le jugement de ce chef, y compris quant à l'astreinte ordonnée puisque la SCI Amal Hayati n'y a pas procédé spontanément, simultanément à la modification de ses demandes, étant observé qu'il n'en est pas justifié au titre des pièces versées en appel.
Sur les dommages et intérêts sollicités par Mme [A] [I] épouse [L]
En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Si le maintien de l'inscription à la publicité foncière de l'assignation initiale en justice délivrée par la SCI Amal Hayati, fait obstacle à la revente du bien en cause, ce qui est susceptible de caractériser un acte fautif de la part de l'appelante, il convient d'observer que Mme [A] [I] épouse [L] ne justifie, pas plus qu'en première instance, de l'existence d'un préjudice. Elle fait état d'une promesse de vente du 14 juin 2018 qui n'aurait pu aboutir de ce fait, mais n'en justifie par aucune pièce. Elle ne démontre pas autrement avoir souffert d'un préjudice en lien causal avec cet élément.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes reconventionnelles de Mme [A] [I] épouse [L] ; la décision sera là encore confirmée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SCI Amal Hayati, qui succombe au litige, supportera les dépens d'appel.
En outre, une indemnité sera mise à sa charge en appel à hauteur de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Rejette la demande de nullité de la déclaration d'appel transmise par la SCI Amal Hayati,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant :
Condamne la SCI Amal Hayati à payer à Mme [A] [I] épouse [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SCI Amal Hayati de sa demande sur ce même fondement,
Condamne la SCI Amal Hayati au paiement des dépens de l'appel.