CA Lyon, 1re ch. civ. B, 22 octobre 2024, n° 22/07905
LYON
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gonzalez
Conseillers :
Mme Lemoine, Mme Lecharny
Avocats :
Me Navarrete, Me Foillard
EXPOSE DU LITIGE
Le 10 juillet 2020, M. [N] [D] a fait l'acquisition auprès de M. [W] [K] d'un véhicule d'occasion Audi A3 immatriculé [Immatriculation 4] pour la somme de 8.700 euros.
Par acte introductif d'instance du 17 juin 2021, M. [N] [D], a fait assigner M.[K] en nullité de la vente du 10 juillet 2020 et indemnisation de son préjudice invoquant la garantie des vices cachés.
La société Polygone expertise a été missionnée par M. [D] afin d'examiner le véhicule et l'expert a rendu son rapport le 4 février 2021.
Par jugement du 20 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
- débouté M. [D] de toutes ses demandes,
- condamné M. [D] à payer à M. [K] la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [D] aux dépens.
Par déclaration du 28 novembre 2022, M. [D] a interjeté appel.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 28 juillet 2023, M. [D] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 22 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse sous le n°RG 21-02.112, en ses dispositions suivantes :
- débouté M. [D] de toutes ses demandes,
- condamné M. [D] à payer à M. [K] la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [D] aux dépens.
Statuant à nouveau :
- rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions formulées par M. [K] ;
- déclarer recevable et bien fondé son action ;
- prononcer la nullité de la vente du véhicule objet du litige en date du 17 juillet 2020 ;
- condamner M. [K] à lui restituer la somme de 8.700 euros dans un délai deux mois à compter de la présente décision, sous peine de condamnation à une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- ordonner à M. [K] d'organiser à ses frais la récupération du véhicule et d'organiser sous 8 jours à compter de la présence décision les formalités effectives de reprise du véhicule ;
- ordonner à M. [K] d'avoir à restituer à M. [D] les sommes engagées au titre de la souscription du contrat d'assurance du véhicule et de carte grise ;
- condamner M. [K] à payer à M. [D] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
- condamner M. [W] [K] à payer à M. [N] [D], la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le même aux entiers dépens.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 05 septembre 2023, M. [K] demande à la cour de :
- débouter M. [N] [D] de l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et y ajoutant,
- condamner M. [N] [D] à verser à M. [W] [K] la somme supplémentaire de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le même aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'existence d'un vice caché
M. [D] soutient que :
- l'expertise amiable réalisée contradictoirement a révélé de nombreux désordres affectant le véhicule : bruits moteur anormaux, fuites d'huiles anormales et consommation d'huile moteur anormal,
- en raison de la gravité et la rapidité de la survenance de ces désordres, l'expert en a déduit qu'ils étaient présents antérieurement à la vente, et qu'ils rendaient le véhicule impropre à son usage,
- au regard de l'importance des réparations à prévoir, il n'aurait jamais décidé d'acheter la voiture en cause,
- il a décidé de faire réaliser une nouvelle expertise à laquelle l'intimé a été régulièrement convoqué et le rapport du 25 mai 2023 et confirme en tout point la première expertise
M. [K] fait valoir en réplique que :
- le rapport d'expertise privé ne lui est pas opposable car s'il s'est rendu à la réunion d'expertise organisé par le cabinet Polygone, il n'a pour autant pas validé les conclusions de l'expert,
- la preuve de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente n'est pas rapportée : l'expert désigné par M. [D] ne conclut pas que les vices détectés rendant le bien impropre à sa destination, par ailleurs l'expertise est incohérente, déclarant que les vices sont visibles à l''il nu alors que le contrôle technique réalisé 4 jours avant le vente n'en fait aucune mention,
- il n'a jamais reçu la convocation pour une nouvelle expertise, son adresse étant erronée alors que M. [D] avait été informé de son changement, le nouveau rapport d'expertise produit par l'appelant est non contradictoire et comporte les mêmes incohérences que le premier.
Sur ce,
M. [D] fonde ses prétentions sur les articles 1641 et suivants du code civil.
Aux termes de l'article 1641 du code civil, 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.
L'acheteur, qui a la charge de la preuve et qui se prévaut d'un vice caché doit en conséquence démontrer l'existence d'un vice antérieur à la vente et rendant le véhicule impropre à sa destination ainsi que le caractère non apparent de ce vice au moment de la vente.
En l'espèce M. [D] se prévaut de deux rapports d'expertise successifs au soutien de ses prétentions fondées sur ces dispositions.
A juste titre, le premier juge a rappelé qu'il est jugé avec constance qu'hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait faite en présence de celles-ci et retenu que M. [D] se bornait alors à produire un rapport non judiciaire réalisé sur sa demande par l'expert [S] (cabinet Polygone) sans autre document technique probant corroborant le rapport, peu important que M. [K] ait été convoqué, y ait participé ou n'ait pas émis de critiques.
En cause d'appel , le premier rapport est complété par un second rapport amiable diligenté à l'initiative de M. [D] par l'expert [B] [J] (cabinet Adexauto), M. [K] n'ayant pas participé aux opérations d'expertise.
Ce second document technique complétant le premier peut dès lors permettre au juge, le cas échéant, de retenir le bien fondé des prétentions de l'appelant. Il convient donc d'examiner si la combinaison des éléments techniques des deux rapports permet de retenir l'existence de vices cachés au sens de l'article 1641 susvisé.
Les deux rapports retiennent conjointement l'existence de désordres antérieurs à la vente litigieuse eu égard au kilométrage parcouru par le véhicule ensuite de la vente.
Le premier rapport forme un récapitulatif des événements qui ne résulte que des dires de l'acheteur (aucune pièce n'est visée par l'expert), il constate sans démontage un bruit anormal du moteur (cliquetis) et la présence importante d'huile moteur. Il conclut à un bruit anormal du moteur nécessitant d'importants démontages pour en déterminer l'origine, une fuite d'huile et une consommation d'huile anormale. Il est indiqué que 'si M. [D] avait eu connaissance de ces désordres, il n'aurait pas acquis le véhicule'.
Le second rapport reprend également un historique, et relève des désordres similaires.
Cependant, ainsi que justement souligné par l'intimé, aucun des deux rapports ne conclut techniquement à l'existence de défauts cachés rendant le véhicule impropre à la destination à laquelle on le destine de sorte ou à une diminution telle que l'acquéreur ne l'aurait pas acquis de sorte que les conditions de l'article 1641 susvisées ne sont pas remplies. Il est donc inopérant que les rapports concluent à 'la responsabilité' de l'intimé, ce qui est insuffisant à caractériser l'action de l'acquéreur sur le fondement de l'article 1641.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la vente du véhicule Audi A3 sur le fondement des vices cachés, débouté M. [D] de ses demandes en remboursement du prix de vente, et restitution du véhicule.
Sur les demandes indemnitaires
M. [D] sollicite la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 1.500 euros à titre dommages et intérêts, arguant que ce dernier est un professionnel de l'automobile, dès lors l'expert en a conclu qu'il ne pouvait ignorer les désordres affectant son véhicule.
Sur ce,
Compte tenu de ce qui précède, M. [D] étant débouté de sa demande sur le fondement de l'article 1641 du code civil, sa demande de dommages intérêts d'ailleurs non explicitée dans ses conclusions ne peut prospérer et le jugement est également confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens d'appel sont à la charge de M. [D] qui succombe.
L'équité commande en outre de condamner M. [D] au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement querellé dans toutes ses dispositions.
Condamne M. [N] [D] aux dépens d'appel et à payer à M. [W] [K] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.