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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 octobre 2024, n° 24/00203

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Aluminium (SAS)

Défendeur :

Transports Loir Laurent (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Prigent

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Guidoux, Me Guerre, Me Demeyere

Paris, JME, du 7 mars 2024, n° 22/05697

7 mars 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 25 novembre 2020, la société Transports Loir Laurent a assigné la société Alvance Aluminium Dunkerque devant le tribunal de commerce de Dunkerque en paiement des sommes de 63 522 euros pour rupture abusive de relations commerciales, 501 396 euros pour investissements spécifiques réalisés, 5 000 euros pour préjudice moral et 10 000 euros pour frais exposés outre dépens.

Par jugement du 17 janvier 2022, le tribunal de commerce de Dunkerque a :

- Débouté la société Transports Loir Laurent de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Aluminium [Localité 3] et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 1 500 euros pour indemnité procédurale ;

- Condamné la société Transports Loir Laurent aux dépens.

Par déclaration du 16 mars 2022, la société Transports Loir Laurent a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Alvance Aluminium Dunkerque, et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 1 500 euros pour indemnité procédurale et aux dépens.

Par déclaration du 18 mars 2022, la société Transports Loir Laurent a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Douai en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Alvance Aluminium Dunkerque, et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 1 500 euros pour indemnité procédurale et aux dépens.

Par arrêt du 28 septembre 2023, la cour d'appel de Douai a :

- Débouté la société Alvance Aluminium [Localité 3] de sa demande tendant à faire écarter les conclusions de la société Transports Loir Laurent ;

- Requalifié la demande de la société Transports Loir Laurent tendant à faire 'condamner la société Alvance Aluminium [Localité 3] à payer à la société Transports Loir Laurent la somme de 63 622 euros au titre de l'indemnisation de la perte de marge subie suite à la rupture abusive et donc fautive des relations contractuelles, la société Alvance Aluminium [Localité 3] ayant rompu ses relations avec la société Transports Loir France à compter a minima du mois de mai 2020, sans préavis, alors qu'en vertu du contrat type applicable entre les parties un préavis de 4 mois et 1 semaine aurait dû être respecté et l'économie du contrat maintenue' comme formée sur les dispositions de l'article L442-1 du code de commerce ;

- En conséquence l'a déclaré irrecevable ;

- Confirmé le jugement rendu le 17 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Dunkerque en toutes ses dispositions ;

- Y ajoutant :

- Débouté la société Transports Loir Laurent de sa demande indemnitaire au titre de l'indemnisation du contrat de la perte de marge subie du fait de la rupture abusive et avant terme du contrat de prestations de services signé entre les parties avec effet au 1er août 2020 ;

- Condamné la société Transports Loir Laurent à payer à la société Alvance Aluminium [Localité 3] la somme de 8 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

- Débouté la société Transports Loir Laurent de sa propre demande ;

- Condamné la société Transports Loir Laurent aux dépens d'appel ;

- Débouté Me [X] [R] de sa demande tendant à obtenir le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu de provision.

La société Alvance Aluminium [Localité 3] a saisi le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris d'un incident d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Transports Loir Laurent devant cette cour.

Par ordonnance du 7 mars 2024, le conseiller chargé de la mise en état a :

- Dit recevable l'appel formé par la société Transports Loir Laurent devant la cour d'appel de Paris,

- Débouté la société Alvance Aluminium [Localité 3] de sa demande,

- Rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Réservé les dépens.

Par requête en déféré du 19 mars 2024, la société Aluminium [Localité 3] demande de :

- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

* Dit recevable l'appel formé par la société Transports Loir Laurent devant la cour d'appel de Paris ;

* Débouté la société Alvance Aluminium [Localité 3] de sa demande ;

* Rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Réservé les dépens ;

Et statuant à nouveau,

- Juger irrecevable l'appel interjeté par la société Transport Loir Laurent devant la cour d'appel de Paris ;

- Débouter la société Transport Loir Laurent de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner la société Transport Loir Laurent à payer à la société Aluminium [Localité 3] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions du 4 juin 2024, la société Aluminium [Localité 3] demande de :

- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

* Dit recevable l'appel formé par la société Transports Loir Laurent devant la cour d'appel de Paris ;

* Débouté la société Alvance Aluminium [Localité 3] de sa demande ;

* Rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Réservé les dépens ;

Et statuant à nouveau,

- Juger irrecevable l'appel interjeté par la société Transport Loir Laurent devant la cour d'appel de Paris ;

- Débouter la société Transport Loir Laurent de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner la société Transport Loir Laurent à payer à la société Aluminium [Localité 3] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions du 10 juin 2024, la société Transports Loir Laurent demande, au visa des articles L442-1, L442-4 et D442-2 du code de commerce, 4 du code civil et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de :

- Débouter la société Alvance Aluminium [Localité 3] de ses demandes ;

- Confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 7 mars 2024 en ce qu'elle a dit recevable l'appel interjeté par la société Transports Loir Laurent devant la cour d'appel de Paris ;

- Condamner la société Aluminium [Localité 3] à payer à la société Transports Loir Laurent la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- La condamner au paiement d'une amende civile d'un montant a minima de 10 000 euros ;

- Condamner la société Alvance Aluminium [Localité 3] au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des dispositions de l'article D 442-2 du code de commerce qu'en cause d'appel, seule la cour d'appel de Paris peut connaître à titre exclusif des litiges mettant en cause les dispositions de l'article L 442-1du code de commerce.

En conséquence, quand bien même la juridiction de premier ressort ayant statué sur des demandes invoquant les dispositions de l'article L 442-1du code de commerce ne ferait pas partie des juridictions désignées par le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 relatif à la spécialisation des juridictions en matière de pratiques restrictives de concurrence, seule la cour d'appel de Paris peut connaître du litige, à l'exclusion de toute autre cour d'appel.

La règle découlant de l'application combinée des articles L 442-6 III, devenu L 442-4 III, et D 442-3, devenu D 442-2 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L 442-6 précité, devenues l'article L 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir (Com. 18 octobre 2023 n°21-15.378).

La cour d'appel de Douai a requalifié la demande de la société Transports Loir Laurent en paiement de la somme de 63 622 euros comme formée sur les dispositions de l'article L442-1 du code de commerce, l'a déclarée irrecevable et a statué sur les autres demandes.

La société Transports Loir Laurent a saisi la cour d'appel de Paris du litige relevant des dispositions de l'article L 442-1du code de commerce.

Il appartient en conséquence de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré recevable l'appel interjeté par la société Transports Loir Laurent devant la cour d'appel de Paris, exclusivement compétente pour statuer sur le litige relatif à la demande indemnitaire fondée sur les dispositions relatives à la brutalité de la rupture.

Sur les autres demandes

La société Transports Loir Laurent réclame la condamnation de la société Aluminium [Localité 3] à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une amende civile d'un montant a minima de 10 000 euros.

Cependant, elle allègue, sans le démontrer, un acharnement procédural de la société Aluminium [Localité 3] qui a exercé des voies de recours sans abus.

La demande d'indemnité sera rejetée. Et il n'y a pas lieu au prononcé d'une amende civile.

L'instance se poursuivant, les dépens seront réservés.

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il apparaît cependant équitable de condamner la société Aluminium [Localité 3], qui succombe en sa requête en déféré, à payer à la société Transports Loir Laurent la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance du 7 mars 2024 du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris en toutes ses dispositions ;

Rejette la demande de la société Transports Loir Laurent en paiement de la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile ;

Condamne la société Aluminium [Localité 3] à payer à la société Transports Loir Laurent la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Réserve les dépens.