CA Douai, 2e ch. sect. 2, 17 octobre 2024, n° 23/01696
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ec France (SAS)
Défendeur :
NRC (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Soreau
Avocats :
Me Domnesque, Me Chirola
EXPOSE DES FAITS :
La société EC France (la société EC), qui a pour objet l'installation d'équipements thermiques, de climatisation et de rénovation énergétique, a fait appel à la société NRC dont l'activité est notamment le commerce de matériels et logiciels informatiques, l'installation de réseaux informatiques et le déploiement informatique de solutions de gestion pour les entreprises.
Le 15 septembre 2020 la société EC a accepté l'offre de la société NRC pour :
- l'achat de licences des prologiciels Sage et Myportal pour la somme de 4 860 euros HT ;
- les prestations « analyse et rédaction de projets », « installation », « paramétrages » et « formation des utilisateurs et administrateurs » pour la somme de 14 097 euros HT.
Un acompte de 2 000 euros a été versé par la société EC.
Le 10 décembre 2021, après plusieurs relances et une mise en demeure infructueuses, la société NRC a assigné la société EC en règlement de :
- la somme de 1 057,32 euros correspondant à la facture n°37 839 du 15 décembre 2020 référencée « Analyse »
- la somme de 3 832 euros TTC, déduction faite de l'acompte de 2 000 euros correspondant à la facture n°37828 référencée « Logiciel Sage »
Par jugement du 24 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- condamné la société EC à payer à la société NRC la somme de 4 889,32 euros outre intérêt égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 15 mars 2021 ;
- condamné la société EC à payer à la société NRC la somme de 1 000 euros pour résistance abusive ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné le société EC à payer à la société NRC la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens.
Par déclaration du 7 avril 2023, la société EC a relevé appel de l'entier jugement.
PRETENTIONS des PARTIES :
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 16 avril 2024, la société EC demande à la cour de :
Vu les articles 1219, 1112, 1186, 1217 et suivants du code civil,
Vu l'article [L.] 442-1 alinéa 2 du code de commerce,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel de la décision rendue le 24 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole ;
- infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau :
- prononcer la nullité du contrat de concession de licence et du contrat d'entreprise du 15 septembre 2020 pour vice du consentement ;
* Subsidiairement :
- prononcer la caducité du contrat de concession de licence et du contrat d'entreprise du 15 septembre 2020 ;
* Très subsidiairement :
- prononcer la résolution du contrat de concessions de licence et du contrat d'entreprise du 15 septembre 2020 ;
* A titre infiniment subsidiaire :
- la juger bien fondée à invoquer le bénéfice de l'exception d'inexécution ;
* En tout état de cause :
- en raison de l'anéantissement rétroactif des contrats,
- condamner la société NRC à lui restituer l'intégralité des sommes qu'elle a perçues à l'occasion de l'exécution des conventions du 15 septembre 2020, soit la somme de 2 000 euros ;
- juger les pratiques commerciales de la société NRC abusives,
- condamner par voie de conséquence la société NRC à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique, outre la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- condamner la société NRC à lui payer la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et d'appel ;
- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
La société EC estime qu'elle a accepté une proposition commerciale globale d'un montant de 15 840 euros HT qui devait comprendre :
- l'installation des deux prologiciels ;
- les paramétrages standards et ceux spécifiques à la société EC.
Or, une fois le contrat conclu le 15 septembre 2020, la société NRC a prétexté, le 21 janvier 2021, des difficultés pour implanter ses logiciels, évoquant des process spécifiques à la société EC qui nécessitaient des paramétrages et/ou des développements spécifiques, et lui a proposé le choix, soit de renoncer à la mise en place des fonctionnalités spécifiquement convenues (notamment l'automatisation des calculs de prix de vente), soit de payer la réalisation d'un applicatif spécifique d'un montant de 5 396,25 euros HT et de consentir obligatoirement à un contrat d'assistance de 850 euros par an.
Elle reproche à la société NRC de subordonner les prestations initiales à la conclusion d'un nouveau contrat.
Elle soulève en conséquence, :
- à titre principal la nullité du contrat pour vice de consentement, en estimant que :
- la société NRC était tenue à une obligation d'information et de conseil (article 1112-1 du code civil) ;
- elle aurait dû l'informer, avant la conclusion du contrat, de l'éventualité qu'elle aurait de devoir faire réaliser un applicatif spécifique, le montant de cette prestation et l'obligation de souscrire à un contrat d'assistance ;
- si elle, société EC, avait eu connaissance, avant la signature du contrat, de ce que les prestations souscrites ne seraient pas suffisantes pour obtenir un outil de gestion commerciale, de gestion comptable et de Customer Relationship Management (ci-après CRM) visé dans la proposition commerciale du 15 septembre 2020, elle n'aurait pas conclu ;
- la société NRC ne lui a jamais demandé de cahier des charges ;
- la société NRC ne l'a jamais mise en garde sur le fait que la solution proposée ne pourrait pas suffire ;
- à titre subsidiaire, la caducité du contrat (1186 du code civil), estimant que :
- l'on peut scinder la proposition commerciale de NRC en deux conventions : un contrat de cession de licence de logiciels (Sage et Myportal) et un contrat d'entreprise de « prestations de déploiement », ces deux contrats participant à une même opération ;
- le contrat « prestation de déploiement » n'a pu être mis en place, la société NRC ayant constaté des difficultés pour mettre en place l'automatisation du calcul du prix de vente, alors que c'était une fonction spécifiquement demandée par elle, société EC, et qui avait déterminé son accord à la proposition commerciale ;
- l'exécution du contrat d'entreprise était une condition déterminante de son consentement à l'acquisition des licences de logiciel ;
- à titre subsidiaire encore, la résolution du contrat, soulignant que :
- l'engagement promis par la société NRC n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement ;
- la société NRC a reconnu que le contrat conclu le 15 septembre 2020 ne pouvait être exécuté selon ce qui a été convenu entre les parties ;
- la société NRC n'a pas exécuté l'intégralité de ses prestations ;
- à titre encore subsidiaire, l'exception d'inexécution (1219 du code civil), pointant que ;
- la société NRC demande le paiement de 4 889,32 euros, alors qu'elle reconnaît l'absence d'exécution de l'intégralité des prestations auxquelles elle s'était pourtant engagée ;
- les modalités de paiement étaient les suivantes : les licences à réception de facture après installation et les prestations à réception de la facture à l'issue des prestations réalisées.
Elle conteste par ailleurs sa condamnation injustifiée pour résistance abusive par les premiers juges et demande des dommages et intérêts pour préjudices économique (10 000 euros) et moral (5 000 euros).
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 13 septembre 2023, la société NRC demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré ;
- débouter la société EC de toutes ses demandes ;
Y ajoutant,
- condamner la société EC à lui régler la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens d'instance et d'appel.
La société NRC indique, pour sa part, que le contrat conclu a deux phases d'intervention :
- la mise en place d'une solution informatique avec paramétrages couvrant les besoins de base exprimés par le client : la mise en place de logiciels informatiques et la fourniture de toutes les licences leur étant inhérentes ;
- un audit ayant pour but d'identifier d'éventuels développements spécifiques non exprimés par la société EC lors de sa commande ; une phase de « prestations de déploiement », laquelle doit faire l'objet d'une étude pour s'adapter aux besoins réels du client.
Ces modalités sont clairement reprises dans la proposition commerciale du 15 septembre 2020.
L'enveloppe financière sur laquelle la société EC s'est engagée (15 840 euros HT) constitue un budget de base pour ce type de prestations qui ne comprennent pas les développements spécifiques.
Sur le manquement à l'obligation de conseil, elle indique qu'il appartenait à la société EC d'établir son cahier des charges pour exprimer ses besoins réels, ce qu'elle n'a pas fait. Elle n'a jamais subordonné l'exécution de ses prestations à la conclusion d'un nouveau contrat, certains clients se contentant des prestations de base, ce qui ne pose aucune difficulté.
La société EC, en signant le contrat, a validé le principe selon lequel plusieurs opérations seraient nécessaires ; le contrat était clair sur ce point, les prestations avaient vocation à pouvoir évoluer. Les logiciels ont été parfaitement installés au sein de la société EC, ils étaient en parfait état de fonctionnement.
Sur la caducité, elle conclut que le contrat de base qui correspond à l'implantation des logiciels Sage et My Portal n'a pas vocation à disparaître, et peut continuer à produire ses effets, même s'il n'y a pas d'extension adaptée aux besoins spécifiques du client.
Sur l'exception d'inexécution, elle précise qu'elle a installé les logiciels Sage et Myportal et que la société a pu travailler avec les fonctionnalités de base des logiciels fournis. Elle indique que dans la mesure où aucun cahier des charges n'avait été rédigé, elle n'avait rien à prévoir de plus.
Elle ajoute que la société EC pouvait faire évoluer son offre, pour des développements plus spécifiques, moyennant facturation, ce qu'elle n'a pas fait.
MOTIVATION
I- Sur la demande d'annulation du contrat
Aux termes des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
L'article 1128 du code civil précise que sont nécessaires à la validité du contrat le consentement des parties, les vices du consentement étant une cause de nullité relative du contrat suivant l'article 1131 du même code.
L'article 1112-1 prévoit que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
L'article 1130 du même code précise que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Et, conformément aux dispositions de l'article 1132 du code civil, l'erreur de droit ou de fait à moins qu'elle ne soit inexcusable est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou celles du cocontractant.
Afin de permettre de donner un consentement éclairé, la jurisprudence a imposé un devoir de conseil pesant sur le fournisseur d'un produit complexe, et cela vaut tout spécialement en matière d'informatique (Com., 11 juillet 2006, pourvoi no 04-17.093).
Ce devoir de conseil consiste à rechercher une solution qui soit adaptée aux besoins du client et à le mettre en garde contre les difficultés que présente l'implantation et l'exploitation d'un équipement présentant une certaine complexité (Cass. com., 20 juin 2018, n° 17-14.742 ).
Il connaît des limites à savoir la compétence suffisante de l'acquéreur et a un corolaire l'obligation pour ce dernier de collaboration. Il doit ainsi fournir les éléments nécessaires pour apprécier ses besoins et notamment procéder à la réalisation d'un cahier des charges.
La jurisprudence a également pu rappeler que le devoir de conseil du fournisseur en informatique se limite à une obligation de moyen, les manquements éventuels du fournisseur devant s'apprécier en fonction des besoins et des objectifs définis par son client (Com. 14 mars 1989, Bull n°89).
En l'espèce, la société EC évoque pêle mêle l'article 1112-1 du code civil, propre à l'obligation d'information, et l'article 1132 du code civil relatif à l'erreur au soutien de sa demande d'annulation du contrat souscrit.
La cour observe, en premier lieu, qu'il n'est transmis que peu de pièces permettant de connaître les échanges des parties antérieurement à la souscription de la proposition commerciale du 15 septembre 2020.
Seuls sont versés aux débats par la société EC, deux courriels, l'un du 11 septembre 2020, l'autre du 14 septembre 2020, émanant de la société NRC, dont il s'évince que :
- les négociations contractuelles ont été menées très rapidement, le courriel de la société NRC du 11 septembre 2020, qui transmet la proposition commerciale actualisée, débutant par ces termes : « bon eh bien, ça aura été rapide », voire dans la précipitation, ce prestataire souhaitant une obtention rapide du « bon pour accord », puisque « l'idéal serait d'avoir votre « bon pour accord » aujourd'hui si possible (courriel du 11 septembre) et que « le bon pour accord seul dans un premier temps me suffit pour bloquer les dates et « geler » les tarifs » (courriel du 14 septembre 2020) auprès du représentant My PortalCRM, qui était présent dans les locaux de NRC le jour de l'envoi de ce courriel ;
- la question tarifaire était un élément central de ces courriels, la société NRC mentionnant des « efforts déjà au maximum », « avoir pu grignoter quelques euros supplémentaires », précisant que ces prix sont « ultra-compétitifs », et que l'« acompte peut très bien être versé plus tard ( mais avant le 25 septembre) ou via un virement avec date de valeur au 24 septembre. »
Il s'en déduit, d'une part, que cette commande à hauteur de 4 860 euros au titre de licences logicielles et de 14 097, 60 euros au titre des prestations de déploiement représentait pour la société EC un investissement conséquent, d'autre part, que la société NRC avait connaissance des impératifs budgétaires de la société EC.
Aucun élément ne laissait à penser, dans ces courriels, que la prestation commandée était susceptible de nécessiter des prestations complémentaires nécessitant des versements supplémentaires.
En second lieu, il est constant que la société EC est une toute petite entreprise de moins de 5 salariés, spécialisée dans le secteur d'activité des travaux d'installation d'équipements thermiques, de climatisation et de rénovation énergétique, tandis que la société NRC se présente, suivant les propres termes de sa proposition commerciale, comme un prestataire reconnu dans le déploiement des solutions informatiques disposant de plus de 45 collaborateurs.
Cette dernière société est d'ailleurs spécialisée dans le commerce de gros matériels et logiciels informatiques, d'installation des réseaux et des prestations de service en lien avec ces activités.
Il s'en déduit que dans le domaine de la mise en place de logiciels et de solutions informatiques, la société NRC est un professionnel qui maîtrise une technologie spécifique, échappant aux domaines de compétence dans lesquels la société EC intervient habituellement.
Il n'est ni soutenu ni démontré que la société EC ait eu, dans le domaine envisagé par l'offre litigieuse, une quelconque compétence acquise, compte tenu d'une utilisation de longue date de telles solutions informatiques.
Il résulte de tout ce qui précède qu'il est démontré qu'en sa qualité de professionnel de l'informatique, la société NRC était tenue d'une obligation d'information à l'égard de son client profane qu'était la société EC, qui pouvait légitimement faire confiance à ce professionnel pour lui donner toutes les informations nécessaires sur la qualité et les caractéristiques du bien ou service proposé, en précisant notamment les exigences d'installation ou d'environnement, et en attirant son attention sur les risques et difficultés pouvant naître de l'installation de ces biens ou services sur l'installation existante.
En troisième lieu, la proposition commerciale ECFRANCE 110920-SP-v2 concerne d'une part, l'acquisition de deux licences logiciel, à savoir Sage 100cEntreprise et Report One MyPortal, d'autre part, des prestations de déploiement de ces logiciels.
L'examen de ce document permet de constater notamment :
- en exergue de cette offre, une partie consacrée au « contexte du projet », qui est décrit en ces termes : « la société EC, dans le cadre de son rapide et fort développement, est soucieuse de se doter d'un outil de gestion commerciale (Circuit « Ventes »), d'une solution de gestion comptable (avec communication auprès des banques) et d'une solution CRM qui outre ses fonctions de gestion de la relation Clients et Prospects, doit être en mesure d'être un réel outil de gestion des affaires/projets. Bien entendu ces deux systèmes d'information doivent être totalement interfaçables et interfacés afin de pouvoir mettre à disposition des utilisateurs, de part et d'autre, l'ensemble des informations nécessaires » (page 6) ;
- une partie consacrée à l'acquisition des deux licences logicielles, détaillant le nombre d'utilisateurs pour laquelle la licence est souscrite, et son prix, soit 4 860 euros au total (page 6), et une seconde partie, consacrée aux « Prestations de déploiement », pour un prix de 14 097,60 euros (page 7) ;
- une présentation des « Prestations de déploiement » comme suit :
Prestations Prix unitaire Quantité Prix de vente
en jour
Analyse et rédaction du projet 990 1.5 1 485
Analyse sur site
Rédaction du projet et validation
Installation
Installation Sage entreprise 990 0.5 495
Paramétrages
(standards et spécifiques) 990 9 8 910
Paramétrages G. commerciale
Paramétrage Comptabilité
Paramétrages CRM/ Affaires
Paramétrages Sage/Myportal
Formation des utilisateurs 990 4 3 960
Formation administrateur 990 1 990
TOTAL 16 15 840 € - 11%
Nouveau total 14 097, 60 €
- en dessous du détail précité, un paragraphe, en caractères d'imprimerie plus fins et plus petits, précisant que « ce chiffrage ne saurait engager notre société sans analyse préalable effectuée par l'un de nos chefs de projet validée par votre société.
La facturation est effectuée sur la base de journées réellement prestées sauf dans le cadre d'un forfait.
Les prestations de formations peuvent faire l'objet pour tout ou partie d'une prise en charge par votre OPCA. »
Tout d'abord, il importe d'observer, à la vue de ce document, que les relations contractuelles unissant les parties reposent sur un seul et unique contrat, qui porte sur des biens complexes, comprenant l'acquisition de ces biens, dans le cadre d'une prestation de vente, puis l'adaptation et l'installation de ces biens, dans le cadre d'une prestation d'entreprise, le tout à la charge de la société NRC.
Ensuite, la société NRC soutient qu'étaient envisagées dans le cadre de la relation contractuelle précitée, une « solution informatique avec des paramétrages de base » et « un audit ayant pour but d'identifier d'éventuels développements spécifiques s'imposant sur le plan pratique », ce qui était de nature à faire évoluer les prestations et leur coût.
Cependant, le débat n'est pas tant de savoir si, à la suite de l'analyse, des prestations complémentaires pouvaient s'avérer nécessaires et si la société EC avait été informée de ce fait, ce qui serait l'objet du paragraphe relatif au chiffrage, que de déterminer si légitimement la société EC a pu comprendre du document précité et des échanges entre les parties, qu'elle allait obtenir un outil de gestion commerciale, comptable et CRM, répondant à l'ensemble des besoins qu'elle avait exprimés.
Il n'est produit aucun cahier des charges qui aurait été établi par la société EC avant la souscription du contrat.
Si la société NRC évoque l'absence de cahiers des charges établi par la société EC afin d'identifier et de présenter les besoins spécifiques, elle n'en tire aucune conséquence précise, se bornant à rappeler la jurisprudence qui impose au client du prestataire informatique un devoir de collaboration et d'information sur les spécificités des besoins et de son entreprise.
Cependant, concernant les besoins et attentes de la société EC, la société NRC se contente de généralités et ne critique pas l'affirmation de la société EC selon laquelle celle-ci l'avait consultée pour avoir un outil global de gestion commerciale, comptable, et CRM, qui aurait dû permettre une « automatisation du calcul du prix de vente », reprenant différents critères.
Il ressort, des courriels de début janvier 2021 sur les prestations complémentaires, que la société NRC avait été informée dès l'origine de l'objectif poursuivi par la société EC, la première ne contestant pas savoir que l'automatisation du calcul de prix de vente était un élément recherché par la seconde et central dans sa démarche d'acquisition. En effet, elle savait que l'automatisation du calcul de prix de vente était un élément recherché par la société EC et central dans sa démarche d'acquisition, ce qui l'amène à qualifier l'impossibilité pour les logiciels commandés de « véritable point noir ».
L'absence de cahier des charges ne peut donc être exploitée par la société NRC pour échapper à son obligation, en sa qualité de professionnelle, d'informer le client profane en la matière, sur la nécessité de cerner les besoins ou fonctionnements spécifiques à l'entreprise, pour adapter le bien proposé et déterminer les caractéristiques du bien et de la prestation à fournir.
A tout le moins, il appartenait le cas échéant à la société NRC, si elle se jugeait insuffisamment informée, d'émettre des réserves ou d'inviter le client profane en la matière à préciser ses besoins, ce qu'e la société NRC n'a manifestement pas fait, cherchant, au contraire, à obtenir le plus rapidement possible l'accord de la société EC sur l'offre effectuée, comme le démontre l'empressement des courriels du commercial des 11 et 14 septembre 2020 précités.
Il résulte tout autant des courriels échangés, et plus particulièrement de celui du 21 janvier 2021, que selon les propres termes de la société NRC, le logiciel Sage était « un standard du marché qui ne propose pas en natif de paramétrages aussi profonds et pointus », notamment sur le sujet d'une automatisation du calcul de prix de vente, qui ressort de « paramétrages et/ou développements spécifiques selon la solution utilisée », ce qu'elle ne pouvait ignorer dès la proposition du présent contrat.
En effet, la société NRC se présente comme un professionnel aguerri en matière informatique et met en exergue, en page 5 de son offre, son travail habituel avec des « entreprises situées dans divers secteurs d'activité, cette diversité nous permett[ant] d'apprendre et d'anticiper les nouvelles problématiques métiers de votre activité ». L'offre précise, ensuite, la répartition des clients de la société NRC en fonction de leurs domaines d'activité, le domaine de l'industrie, auquel appartient la société EC, représentant 25 % de la clientèle de la société NRC.
Compte tenu de ces éléments, la société EC pouvait légitimement attendre une appréhension fine de ses besoins par son interlocuteur et que ce dernier attire éventuellement son attention préalablement à l'acceptation de la proposition sur l'absence de réponse de base au besoin exprimé, et qui était pour elle essentiel, compte tenu de l'objectif recherché, à savoir un outil global, interfaçable et interfacé, permettant la gestion du domaine commercial, comptable et CRM.
La société NRC ne peut se dédouaner en arguant du fait que cette demande d'automatisation du prix ressort de « paramétrages et/ou développements spécifiques selon la solution utilisée », qui n'est offert par aucune des solutions sur le marché, ce qui justifierait, selon elle qu'elle ait été amenée à proposer des prestations complémentaires, et devrait conduire à écarter tout manquement de sa part.
Dans l'offre ci-dessus reproduite, il est expressément consacré un item au « Paramétrages (standards et spécifiques) » [souligné par la cour], dans la description des prestations relatives au déploiement des logiciels, cette partie de la prestation représentant d'ailleurs le plus grand nombre de jours de prestations et la part la plus importante du prix.
Dès lors, à la lecture même du détail des prestations relatives au déploiement des logiciels dans l'offre, la société EC, qui n'était pas habile en matière informatique, a pu légitimement comprendre que des paramétrages spécifiques étaient d'ores et déjà compris dans la prestation originelle.
D'ailleurs, la société NRC n'explicite toujours pas ce que recouvrirait cette mention, si elle ne vise pas à prendre en compte les besoins particuliers du client et de son domaine d'activité.
Le fait qu'il ait été indiqué, en dessous du détail des prestations de déploiement, dans l'offre précitée, que « ce chiffrage ne saurait engager notre société sans analyse préalable effectuée par l'un de nos chefs de projet validée par votre société. La facturation est effectuée sur la base de journées réellement prestées sauf dans le cadre d'un forfait' », pouvait se comprendre comme la possibilité de voir le nombre de jours et le coût varier en fonction d'une appréciation affinée après analyse et rédaction du projet, à la suite de la visite du chef de projet, et non comme une détermination a posteriori des paramètres spécifiques de l'activité exigeant des prestations complémentaires distinctes et non comprises dans celles initialement souscrites.
Il découle de l'ensemble de ces éléments que la société NRC a manqué à son obligation d'information à l'égard de la société EC, client profane, sur un point déterminant de son consentement, conduisant cette dernière, de manière complètement excusable, à se méprendre sur la possibilité pour l'installation commandée à répondre aux besoins exprimés. Cette erreur déterminante a vicié son consentement, ce qui justifie qu'il soit fait droit à la demande d'annulation du contrat litigieux sur le fondement des articles 1112-1 et 1131 du code civil.
Aucun motif de la décision querellée n'est consacré à la demande d'annulation, les premiers juges n'ayant pas statué sur cette demande, quand bien même le dispositif de la décision entreprise comporte un chef déboutant les parties de toutes leurs autres demandes.
Cependant, en condamnant la société EC à payer les sommes dues au titre du contrat, les premiers juges ont implicitement considéré que le contrat litigieux était valide, ce qui s'oppose à la solution du présent arrêt.
Il convient donc de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, les premiers juges ayant, en condamnant la société EC à payer les sommes dues au titre du contrat, implicitement considéré que le contrat litigieux était valide.
La décision entreprise doit tout autant être infirmée en ce qu'elle a condamné la société EC au titre d'une résistance abusive au paiement, le présent arrêt faisant droit aux demandes de la société EC.
Compte tenu de l'annulation du contrat souscrit le 15 septembre 2020, il convient d'ordonner les restitutions réciproques, à savoir, d'une part, la restitution par la société EC à la société NRC des deux licences logiciels Sage 100cEntreprise et Report One MyPortal Sage, d'autre part, la restitution par la société NRC à la société EC de l'acompte versé de 2 000 euros.
II- Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la société EC
En application des dispositions de l'article L 441-2, I, 2°, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
2° De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
En application des dispositions 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe à de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leur prétention.
Les faits invoqués par la société EC au soutien de sa demande d'indemnisation à hauteur de 10 000 euros au titre d'un préjudice économique et 500 euros au titre d'un préjudice moral, sont insusceptibles de constituer un déséquilibre significatif au sens du texte précité.
Il sera en outre observé qu'aucun élément ne vient établir les préjudices invoqués.
La demande d'indemnisation formée par la société EC tant au titre du préjudice moral que du préjudice économique est rejetée.
III- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société NRC succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont infirmés.
La société NRC supportant les dépens, il convient de la condamner à payer à la société EC la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 24 janvier 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau et y ajoutant,
ANNULE le contrat du 15 septembre 2020 conclu entre la société EC France et la société NRC ;
ORDONNE les restitutions réciproques :
- la restitution par la société EC France à la société NRC des deux licences de logiciels acquises ;
- la restitution par la société NRC à la société EC France de l'acompte versé à hauteur de 2 000 euros ;
DEBOUTE la société EC France de sa demande d'indemnisation pour pratiques commerciales abusives ;
CONDAMNE la société NRC aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE la société NRC à payer à la société EC France la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
LA DEBOUTE de sa demande d'indemnité procédurale.