CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 18 octobre 2024, n° 24/01354
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sci Minou (SCI)
Défendeur :
Tomen & Tomen International (SAS), Tomen Consulting (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lagemi
Conseiller :
Mme Gaffinel
Avocat :
Me Franchitto
Par acte sous seing privé du 1er mars 2017, la société Minou a consenti à la société Tomen consulting un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 1], dans le [Localité 5], en l'espèce une salle d'attente et une cuisine commune avec la société Tomen & Tomen international et une pièce à usage de bureau, pour une durée de neuf ans à compter du 1er mars 2017, moyennant un loyer indexé de 20.000 euros par an hors charges et hors taxes, payable par trimestre et d'avance.
Le 13 septembre 2023, la société Minou a fait signifier à la société Tomen consulting un commandement de payer, visant la clause résolutoire du bail, d'avoir à lui payer la somme de 52.509,36 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges.
Par acte délivré à la même date, la société Minou, se référant à un bail conclu avec la société Tomen & Tomen International, le 1er mars 2017, pour des locaux donnés à bail à la même adresse, a fait signifier à cette dernière un commandement visant la clause résolutoire du bail d'avoir à lui payer la somme de 79.170,29 euros au titre de l'arriéré de loyers et de charges.
Par acte du 17 octobre 2023, la société Minou a fait assigner les sociétés Tomen consulting et Tomen & Tomen international devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de constat de l'acquisition des clauses résolutoires insérées aux baux consentis à chacune de ces sociétés, expulsion des locataires et condamnation de ces dernières au paiement, à titre provisionnel, des arriérés de loyers et de charges les concernant ainsi que d'indemnités d'occupation.
Par ordonnance réputée contradictoire du 28 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par la société Minou à l'encontre de la société Tomen & Tomen international ;
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 1er mars 2017 conclu avec la société Tomen consulting portant sur les locaux situés [Adresse 3] et [Adresse 1], à [Localité 5], avec effet à la date du 13 octobre 2023 à 24h00 ;
- dit qu'à défaut de restitution volontaire des locaux précités dans le délai de 30 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, la société Tomen consulting pourra être expulsée, ainsi que tous occupants de son chef, avec le cas échéant le concours d'un serrurier et de la force publique ;
- dit que le sort des meubles se trouvant dans les lieux loués sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- débouté la société Minou de sa demande de prononcé d'une astreinte ;
- condamné la société Tomen consulting à payer à la société Minou une indemnité d'occupation fixée à titre provisionnel au montant du loyer augmenté des charges et taxes, tel qu'il résulterait de la poursuite du bail, à compter du 14 octobre 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés ;
- condamné la société Tomen consulting à payer à la société Minou la somme provisionnelle de 52.509,36 euros à valoir sur l'arriéré de loyers, charges et taxes selon décompte arrêté au 1er septembre 2023, échéance du 3ème trimestre 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2023 ;
- condamné la société Tomen consulting à payer à la société Minou la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 13 septembre 2023.
Par déclaration du 4 janvier 2024, la société Minou a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la société Tomen & Tomen international.
Par dernières conclusions remises le 22 février 2024 et signifiées le 28 février suivant, la société Minou demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a jugé n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par elle à l'encontre de la société Tomen & Tomen international ;
statuant à nouveau,
- dire que le commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 13 septembre 2023 a été délivré de bonne foi à la société Tomen & Tomen Internationl et est parfaitement valable ;
- constater que la clause résolutoire stipulée dans le bail consenti à la société Tomen & Tomen international est acquise à son bénéfice à compter du 14 octobre 2023 ;
- ordonner l'expulsion de la société Tomen & Tomen international ainsi que celle de tous occupants de leur chef, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu ;
- la condamner à lui payer la somme de 79.170,29 euros au titre des loyers impayés pour la période de juillet 2020 à septembre 2023 ;
- fixer l'indemnité d'occupation due par la société Tomen & Tomen International à compter du 14 octobre 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clefs à une somme égale au montant du loyer contractuellement prévu, augmenté du montant des charges ;
- condamner la société Tomen & Tomen International à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont la somme de 395,09 euros au titre du commandement de payer signifié à la société Tomen & Tomen international.
Les sociétés Tomen consulting et Tomen & Tomen International, auxquelles la société Minou a fait signifier la déclaration d'appel par acte du 28 février 2024 délivré conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 juin 2024.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
La cour n'est saisie que des demandes formées par la société Minou à l'encontre de la société Tomen & Tomen International.
Cette dernière n'a pas constitué avocat. Il appartient à la cour, en application de l'article 472 du code de procédure civile, de ne faire droit à la demande que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences
L'article 835 du code de procédure civile dispose : 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
La société Minou fait valoir que l'existence d'un bail, dont elle produit une copie signée des parties, ne se heurte à aucune contestation sérieuse, comme n'est pas davantage sérieusement contestable l'acquisition de la clause résolutoire insérée du bail, résultant de la non exécution par la société Tomen & Tomen International de son obligation de paiement des loyers et de son absence de réaction dans le mois du commandement de payer qu'elle lui a délivré le 13 septembre 2023 pour la somme de 79.170,29 euros.
Il résulte en l'espèce des pièces versées aux débats que la société Minou a conclu un bail commercial avec la société Tomen & Tomen International signé le 1er mars 2017 (pièce Minou n°6).
Ce bail inclut la clause résolutoire suivante : 'Il est expressément convenu qu'à défaut de paiement d'un seul terme à son échéance ou d'inexécution de l'une quelconque des clauses ou conditions du présent bail, un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d'exécuter les conditions en souffrance restés sans effet et contenant déclaration par le bailleur de l'intention d'user du bénéfice de la présente clause, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, même dans le cas de paiement ou d'exécution postérieure à l'expiration du délai ci-dessus.
Dans le cas où le preneur se refuserait à évacuer les lieux, l'expulsion pourrait avoir lieu par simple ordonnance de référé, laquelle sera exécutoire par provision et nonobstant appel.'
Il est constant que les causes du commandement de payer délivré le 13 septembre 2023 à la société Tomen & Tomen International n'ont pas été réglées dans le mois prescrit, de sorte que la clause résolutoire s'est trouvée acquise au 14 octobre 2023.
Il convient en conséquence de constater la résiliation du bail, avec toutes conséquences de droit, dont l'expulsion de la locataire, sans qu'il y ait lieu cependant d'assortir cette mesure d'une astreinte et de condamner de la société Tomen & Tomen International au paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation, contrepartie du maintien sans droit ni titre dans les lieux de cette société à compter du 14 octobre 2023, d'un montant égal à celui du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, outre les charges.
Sur la demande en paiement au titre de l'arriéré de loyers et charges
Selon l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Au vu du bail et des pièces produites par la société Minou, l'arriéré de loyers et charges s'élève à la somme de 79.170,29 euros au titre de la période de juillet 2020 à septembre 2023.
L'obligation de la société Tomen & Tomen International au paiement de cette somme n'étant pas sérieusement contestable, elle sera condamnée à payer à l'appelante une provision de ce montant.
Sur les frais et dépens
La société Tomen & Tomen International, partie perdante, sera tenue aux entiers dépens et condamnée au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans la limite de l'appel,
Infirme l'ordonnance entreprise des chefs dont il a été fait appel ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail consenti par la SCI Minou à la société Tomen & Tomen International à la date du 14 octobre 2023 ;
Ordonne l'expulsion de la société Tomen & Tomen international et de tous occupants de son chef des locaux qu'elle occupe au [Adresse 3] et [Adresse 1], dans le [Localité 5], au besoin avec le concours de la force publique ;
Dit n'y avoir lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte ;
Dit que le sort des meubles trouvés sur place sera régi par les articles L. 433-1 et suivants, R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamne la société Tomen & Tomen International à payer à la SCI Minou une provision de 79.170,29 euros au titre des loyers impayés pour la période de juillet 2020 à septembre 2023 ;
La condamne à payer à une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation égale au montant du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, outre les charges, à compter du 14 octobre 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux ;
La condamne aux entiers dépens d'appel incluant le coût du commandement de payer signifié le 13 septembre 2023 ;
La condamne à payer à la SCI Minou la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.