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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 17 octobre 2024, n° 23/00415

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

France Resort (SAS), France Resort Hotel (SCS)

Défendeur :

Sci Ac Immo Resort 38 (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Ribeiro, Me Grimaud, Me Bonnet-Saint-Georges, Me Philippot

TJ Grenoble, du 28 nov. 2022, n° 21/0158…

28 novembre 2022

Faits et procédure :

1. Par acte en date du 8 avril 2015, la Sci France Resort Immo a donné à bail à la société en commandite simple à capital variable France Resort Hôtel un bien à usage d'hôtel et restaurant et le terrain attenant situé [Adresse 15], sur la commune de [Localité 12] (38) pour l'exploitation de son activité de bar, hôtel, location de salles, séminaires, congrès et activités connexes à un complexe hôtelier. Par acte en date du même jour, la Sci France Resort Immo a donné à bail à la Sas France Resort les mêmes locaux pour l'exploitation d'une activité de restauration, organisation d'événements festifs ou culturels, salle de sport et activités connexes.

2. La Sci France Resort Immo n'ayant pas réglé ses échéances de prêt bancaire, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a procédé à la saisie du bien immobilier et, aux termes d'un jugement du 22 janvier 2019, messieurs [C] [Z] et [V] [S] ont été déclarés adjudicataires de l'immeuble pour le prix de 1.440.000 euros.

3. Par actes d'huissier du 21 janvier 2021, messieurs [S] et [Z] ont fait signifier à la Sas France Resort et à la société France Resort Hôtel des commandements de payer les sommes respectives de 99.550,62 euros et 144.102,07 euros visant la clause résolutoire.

4. Par actes d'huissier du 19 février 2021, la Sas France Resort a fait assigner [C] [Z] et [V] [S] devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de voir notamment annuler le commandement de payer du 21 janvier 2021. Par actes d'huissier du même jour, la société France Resort Hôtel a également fait assigner [C] [Z] et [V] [S] devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de voir notamment annuler le commandement de payer du 21 janvier 2021.

5. Par acte notarié du 24 février 2021, messieurs [Z] et [S] ont apporté à la Sci AC Immo Resort 38 le bien immobilier objet des locations. La Sci AC Immo Resort 38 est intervenue volontairement devant le tribunal en sa qualité de nouveau propriétaire.

6. Par jugement du 28 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- constaté l'acquisition, à la date du 21 février 2021, de la clause résolutoire insérée au bail commercial au bénéfice de France Resort Hôtel du 8 avril 2015 ;

- condamné la société France Resort Hôtel à payer à [C] [Z] et [V] [S] la somme de 193.528,82 euros au titre des loyers et charges impayés pour la période du 22 janvier 2019 au 21 février 2021, outre intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021 sur 144.102,07 euros et à compter du jugement pour le surplus ;

- condamné la société France Resort Hôtel à payer à la Sci AC Immo Resort 38 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges en cours (soit 8.349,84 euros) à compter du 22 février 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux ;

- ordonné à la société France Resort Hôtel et tous occupants de son chef de quitter les lieux, [Adresse 15] à [Localité 12], et remettre les clefs après l'établissement d'un état des lieux de sortie, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification du jugement ;

- ordonné, à défaut de départ volontaire dans le délai ci-dessus, l'expulsion des lieux de la société France Resort Hôtel et de tous occupants de son chef, avec l'assistance si nécessaire de la force publique ;

- condamné la société SCS France Resort Hôtel à régler à messieurs [Z], [S] et la Sci AC Immo Resort la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- constaté l'acquisition, à la date du 21 février 2021, de la clause résolutoire insérée au bail commercial au bénéfice de France Resort du 8 avril 2015 ;

- condamné la société France Resort à payer à [C] [Z] et [V] [S] la somme de 132.473,23 euros au titre des loyers et charges impayés pour la période du 22 janvier 2019 au 21 février 2021, outre intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021 sur 99.550,62 euros et à compter du jugement pour le surplus ;

- condamné la société France Resort à payer à la Sci AC Immo Resort 38 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges en cours (soit 5.766,56 euros), à compter du 22 février 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux ;

- ordonné à la société France Resort et tous occupants de son chef de quitter les lieux, [Adresse 15] à [Localité 12], et remettre les clefs après l'établissement d'un état des lieux de sortie, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification du jugement ;

- ordonné, à défaut de départ volontaire dans le délai ci-dessus, l'expulsion des lieux de la société France Resort et de tous occupants de son chef, avec l'assistance si nécessaire de la force publique ;

- condamné la société SCS France Resort à régler à messieurs [Z] et [S] et à la Sci AC Immo Resort la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que le jugement est opposable à la société Johnson Health Tech France, la société Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes, et la société Klesia Agirc Arrco ;

- condamné les sociétés France Resort et France Resort Hôtel aux entiers dépens de l'instance.

7. Les sociétés France Resort et France Resort Hôtel ont interjeté appel de cette décision le 24 janvier 2023, en toutes ses dispositions reprises dans leur acte d'appel.

8. Par jugements du 19 avril 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert une procédure de redressement judiciaire concernant les sociétés France Resort et France Resort Hôtel, et a désigné la Selarl [R] et Associés, prise en la personne de maître [F]-[I] [R] et [O] [N] [R], en qualité d'administrateurs judiciaires des deux sociétés. Le tribunal a désigné la Selarl Berthelot et Associés, prise en la personne de maître [J], en qualité de mandataire judiciaire de la société France Resort Hôtel, et maître [H] en qualité de mandataire judiciaire de la société France Resort.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 23 mai 2024.

Prétentions et moyens des sociétés France Resort et France Resort Hôtel, de la Selarl [R] et Associés, prise en la personne de maîtres [F]-[I] [R] et [O] [N] [R], en qualité d'administrateurs judiciaires des deux sociétés, de la Selarl Berthelot et Associés, prise en la personne de maître [J], en qualité de mandataire judiciaire de la société France Resort Hôtel, et de maître [H] en qualité de mandataire judiciaire de la société France Resort :

9. Selon leurs conclusions remises le 18 septembre 2023, ils demandent à la cour, au visa des articles L.145-41, L.622-7, L.622-21, L.622-22, L. 631-14 du code de commerce de recevoir les sociétés France Resort et France Resort Hôtel, représentées par la Selarl AJ Meneyt, prise en la personne de Maîtres [F]-[I] [R] et [O] [N] [R], ès-qualités, en leurs demandes, fins et conclusions, et d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- constaté l'acquisition, à la date du 21 février 2021, de la clause résolutoire insérée au bail commercial au bénéfice de France Resort Hôtel du 8 avril 2015 ;

- condamné la société France Resort Hôtel à payer à [C] [Z] et [V] [S] la somme de 193.528,82 euros au titre des loyers et charges impayés pour la période du 22 janvier 2019 au 21 février 2021, outre intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021 sur 144.102,07 euros et à compter du jugement pour le surplus ;

- condamné la société France Resort Hôtel à payer à la Sci AC Immo Resort 38 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges en cours (soit 8.349,84 euros) à compter du 22 février 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux ;

- ordonné à la société France Resort Hôtel et tous occupants de son chef de quitter les lieux, [Adresse 15] à [Localité 12], et remettre les clefs après l'établissement d'un état des lieux de sortie, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification du jugement ;

- ordonné, à défaut de départ volontaire dans le délai ci-dessus, l'expulsion des lieux de la société France Resort Hôtel et de tous occupants de son chef, avec l'assistance si nécessaire de la force publique ;

- condamné la société SCS France Resort Hôtel à régler à messieurs [Z], [S] et la Sci AC Immo Resort la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- constaté l'acquisition, à la date du 21 février 2021, de la clause résolutoire insérée au bail commercial au bénéfice de France Resort du 8 avril 2015 ;

- condamné la société France Resort à payer à [C] [Z] et [V] [S] la somme de 132.473,23 euros au titre des loyers et charges impayés pour la

période du 22 janvier 2019 au 21 février 2021, outre intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021 sur 99.550,62 euros et à compter du jugement pour le surplus ;

- condamné la société France Resort à payer à la Sci AC Immo Resort 38 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges en cours (soit 5.766,56 euros), à compter du 22 février 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux ;

- ordonné à la société France Resort et tous occupants de son chef de quitter les lieux, [Adresse 15] à [Localité 12], et remettre les clefs après l'établissement d'un état des lieux de sortie, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification du jugement ;

- ordonné, à défaut de départ volontaire dans le délai ci-dessus, l'expulsion des lieux de la société France Resort et de tous occupants de son chef, avec l'assistance si nécessaire de la force publique ;

- condamné la société SCS France Resort à régler à messieurs [Z] et [S] et à la Sci AC Immo Resort la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

10. Ils demandent à la cour, statuant à nouveau :

- de juger que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société France Resort interdit toute action qui tend à la constatation de la résiliation du bail commercial et à la condamnation de la société France Resort au paiement des loyers et charges afférent aux locaux dus antérieurement au jugement d'ouverture ladite procédure ;

- de juger que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société France Resort Hôtel interdit toute action qui tendent à la constatation de la résiliation du bail commercial et à la condamnation de la société France Resort Hôtel au paiement des loyers et charges afférent aux locaux dus antérieurement au jugement d'ouverture de ladite procédure ;

- par conséquent, de juger que les demandes de [C] [Z], [V] [S] et de la Sci AC Immo 38 tendant au constat de la résiliation des baux commerciaux des sociétés France Resort et France Resort Hôtel ainsi qu'au paiement des loyers et charges impayés antérieurs au 19 avril 2023 sont irrecevables ;

- de débouter [C] [Z], [V] [S] et la Sci AC Immo 38 de leurs demandes, fins et conclusions ;

- de condamner [C] [Z], [V] [S] et la Sci AC Immo 38, à verser aux sociétés France Resort et à la France Resort Hôtel la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective des sociétés France Resort et France Resort Hôtel.

Les appelants exposent :

11. - que pour la période 2019-2020, l'arriéré locatif a été causé par des décalages de règlement en fonction de la saisonnalité car les sociétés reçoivent moins de clientèle en fin d'année ainsi que par un ralentissement économique dû aux grèves des transports durant l'hiver 2019 ; que la SCS France Resort Hôtel a ainsi accumulé un arriéré de 60.603,57 euros et la SAS France Resort pour 41.885,02 euros ;

12. - qu'en raison de la crise sanitaire liée à la propagation de l'épidémie de la Covid 19, les preneurs ont rencontré des difficultés de paiement des loyers et charges et ont cessé de les payer régulièrement ; que les établissements ont été fermés pendant près de 15 mois, puisque la clientèle est principalement composée de clients en déplacement professionnel pour travailler dans les entreprises proches spécialisées dans l'électronique, suite aux restrictions de déplacement, de regroupement, et à la pratique du télétravail ;

13. - que suite à l'ouverture des procédures de redressement judiciaire, les bailleurs ont déclaré entre les mains de la Selarl Berthelot leurs créances ;

14. - concernant l'acquisition des clauses résolutoires, qu'il résulte de l'article L.622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent; que l'article L.622-22 du même code dispose que sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ; qu'elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ;

15. - qu'il en résulte que le bailleur a l'interdiction d'introduire ou de poursuivre toute action en recouvrement de loyers et charges échus avant le jugement d'ouverture, ou toute action en résiliation de bail commercial pour défaut de paiement de ces loyers et charges ;

16. - en l'espèce, que les sociétés ont été placées en redressement judiciaire postérieurement à la décision déférée, et après leur déclaration d'appel, de sorte que le jugement déféré n'était pas passé en force de chose jugée; que l'action en résiliation et en paiement des sommes impayées avant l'ouverture des procédures de redressement se heurte ainsi à l'interdiction des poursuites individuelles, et est ainsi irrecevable ;

17. - que concernant les sommes impayées, les effets des commandements sont suspendus par l'ouverture des procédures de redressement, de sorte qu'aucune condamnation en paiement ne peut être prononcée ; que les intimés ne peuvent que demander une fixation de leur créance au passif dans le cadre de la présente instance.

Prétentions et moyens de [C] [Z], [V] [S] et de la Sci AC Immo 38 :

18. Selon leurs conclusions remises le 15 décembre 2023, ils demandent à la cour, au visa des articles 1104 et suivants du code civil, des articles L.145-41 et suivants du code de commerce, de l'ordonnance du 25 mars 2020 et du décret du 30 mars 2020 :

- d'infirmer partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau ;

- de fixer la créance de [C] [Z] et [V] [S] au passif de la procédure collective de la société France Resort Hôtel à la somme de 197.992,16 euros, outre 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel ;

- de fixer la créance de [C] [Z] et [V] [S] au passif de la procédure collective de la société France Resort à la somme de 135.797,93 euros, outre 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel ;

- de fixer la créance de la Sci AC Immo Resort 38 au passif de la procédure collective de la société France Resort Hôtel aux sommes suivantes:

' 211.303,32 euros au titre des loyers, charges, intérêts et frais impayés au 19 avril 2023 ;

' 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel ;

' 35.737,01 euros au titre des loyers et charges impayés pour la période du 20 avril au 31 octobre 2023 ;

- de fixer la créance de la Sci AC Immo Resort 38 au passif de la procédure collective de la société France Resort aux sommes suivantes :

' 150.762,56 euros au titre des loyers, charges, intérêts et frais impayés au 19 avril 2023 ;

' 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel ;

' 30.162,70 euros au titre des loyers et charges impayés pour la période du 20 avril au 31 octobre 2023 ;

- de débouter la société SCS France Resort Hôtel, la société France Resort, la Selarl [R] & Associés, la Selarl Berthelot & Associés et maître [H] ès-qualités, de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions contraires ;

- de condamner la société SCS France Resort Hôtel, la société France Resort, la Selarl [R] & Associés, la Selarl Berthelot & Associés et maître [H] ès-qualités aux entiers dépens de l'instance.

Les intimés soutiennent :

19. - qu'eu égard à l'ouverture de procédures collectives concernant les deux sociétés locataires, ils se voient désormais contraints de reformuler et actualiser leurs demandes, pour voir fixer leurs créances au passif des deux sociétés, en lieu et place des condamnations prononcées par le tribunal ;

20. - que les créances ne sont pas contestées ;

21. - que si comme l'indiquent les appelants, l'action en résiliation de bail ne peut être poursuivie après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, si elle n'a pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée, cependant le jugement déféré, dès lors qu'il statue sur le fond et est assorti de l'exécution provisoire, est une décision passée en force de chose jugée ;

22. - que postérieurement aux jugements d'ouverture des procédures collectives du 19 avril 2023, les organes de la procédure n'ont pas réglé les échéances des loyers à leur terme, en violation de l'article L.622-17 du code de commerce, de sorte que ces seuls manquements autorisent les bailleurs à poursuivre la résiliation des baux ; que néanmoins, dans la mesure où les actifs des sociétés ont été cédés suivant ordonnance du 31 octobre 2023, les bailleurs renoncent à poursuivre la résiliation des baux et se bornent à demander la fixation de leurs créances.

*****

23. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

24. Concernant la résiliation des baux pour défaut de paiement des loyers et accessoires, la cour constate que les intimés indiquent renoncer à poursuivre cette résiliation, et qu'ils se bornent à demander la fixation de leurs créances.

25. En outre, la cour constate également que les appels des preneurs ont été interjetés avant le jugement du 19 avril 2023 ouvrant les procédures de redressement judiciaire des sociétés France Resort et France Resort Hôtel. En conséquence, le jugement n'a pas acquis la force de la chose jugée avant l'ouverture de ces procédures, le fait qu'il soit exécutoire de droit ne lui conférant pas une telle force, mais permettant seulement une exécution nonobstant appel. En conséquence, aucune décision passée en force de chose jugée n'a constaté l'acquisition des clauses résolutoires figurant dans les baux. L'instance reste en cours.

26. Il en résulte, ainsi que soutenu par les appelants, qu'en raison de l'interdiction de l'exercice des poursuites tendant au paiement d'une somme d'argent et tendant à la résiliation d'un contrat pour défaut de paiement, l'action visant la résiliation des baux et les conséquences de cette résiliation est devenue irrecevable en cours d'instance. Le jugement entrepris ne peut ainsi qu'être infirmé à ce titre. La cour ne peut en conséquence que procéder à la fixation des créances aux procédures de redressement judiciaire.

27. Concernant la fixation de la créance de messieurs [Z] et [S] au passif de la société France Resort Hôtel, leur décompte des loyers et charges n'est pas contesté, et est repris dans le commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 janvier 2021, pour la somme de 144.102,07 euros (hors coût du commandement). Il s'agit des loyers et charges impayés jusqu'au 31 décembre 2020. Un décompte est produit pour 49.426,75 euros concernant les loyers et charges impayés postérieurement à cette date et jusqu'à la vente de l'immeuble à la société AC Immo Resort 38 le 24 février 2021. En conséquence, la somme de 193.528,82 euros sera fixée au passif.

28. Concernant la fixation de la créance des mêmes personnes au passif de la société France Resort, leur décompte des loyers et charges n'est pas plus remis en cause, et le commandement signifié le 21 janvier 2021 a repris les soldes concernant les années 2019 et 2020, pour les sommes dues jusqu'au 31 décembre 2020, pour un total, hors coût du commandement, de 99.550,62 euros. S'ajoutent à cette somme les loyers et charges impayés postérieurement jusqu'à la vente de l'immeuble à la société AC Immo Resort 38 le 24 février 2021, pour 32.922,61 euros. En conséquence, la somme de 132.473,23 euros sera portée au passif.

29. Concernant la créance de la société AC Immo Resort 38, celle-ci a acquis les locaux donnés à bail le 24 février 2021, et les preneurs ont été placés en redressement judiciaire le 19 avril 2023. Selon la déclaration de créance de cette société, le solde des loyers portant sur la période du mois de février 2021 jusqu'au mois d'avril 2023 est de 208.803,32 euros pour la partie hôtel, et est de 148.262,56 euros pour la partie restaurant. Pour la période du 20 avril au mois d'octobre 2023, ce solde est d'un montant de 30.162,70 euros pour la société France Resort et de 35.737,01 euros pour la société France Resort Hôtel.

30. La cour ne peut ainsi que faire droit aux demandes de la société AC Immo Resort 38 dans ces limites concernant les sommes dues avant l'ouverture des redressements. Elle fixera également au passif des preneurs les sommes de 35.737,01 euros et 30.162,70 euros pour la période ultérieure, la société AC Immo Resort 38 limitant ses demandes à une fixation du montant de ses créances, alors qu'il s'agit de sommes impayées résultant de la poursuite de l'activité des preneurs dans le cadre du redressement judiciaire.

31. Le tribunal judiciaire a fait une exacte application de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que la somme complémentaire de 2.500 euros sera portée à ce titre au passif des procédures de chacun des preneurs. Il est en outre équitable d'allouer aux intimés, ensemble, la somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais exposés en cause d'appel. Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés des procédures de redressement judiciaire, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L.622-21 et suivants du code de commerce ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant dit que ce jugement est opposable à la société Johnson Health Tech France, la société Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes, et la société Klesia Agirc Arrco ;

statuant à nouveau ;

Déclare irrecevables les demandes de [C] [Z], [V] [S] et de la Sci AC Immo 38 tendant au constat de la résiliation des baux commerciaux des sociétés France Resort et France Resort Hôtel ainsi qu'au paiement des loyers et charges impayés antérieurs au 19 avril 2023 ;

Fixe au passif de la société France Resort Hôtel la créance de [C] [Z] et [V] [S] pour la somme de 193.528,82 euros ;

Fixe au passif de la société France Resort la créance de [C] [Z] et [V] [S] pour la somme de 132.473,23 euros ;

Fixe au passif de la société France Resort Hôtel la créance de la société AC Immo Resort 38 pour la somme de 208.803,32 euros, au titre des loyers et charges impayés au 19 avril 2023 ;

Fixe au passif de la société France Resort la créance de la société AC Immo Resort 38 pour la somme de 148.262,56 euros, au titre des loyers et charges impayés au 19 avril 2023 ;

Fixe au passif de la société France Resort Hôtel la créance de la société AC Immo Resort 38 pour la somme de 35.737,01 euros pour la période comprise entre le 20 avril 2023 et le mois d'octobre 2023 ;

Fixe au passif de la société France Resort la créance de la société AC Immo Resort 38 pour la somme de 30.162,70 euros pour la période comprise entre le 20 avril 2023 et le mois d'octobre 2023 ;

Fixe au passif de la société France Resort Hôtel la créance de [C] [Z], [V] [S] et de la Sci AC Immo Resort 38 pour la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fixe au passif de la société France Resort la créance de [C] [Z], [V] [S] et de la Sci AC Immo Resort 38 pour la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fixe au passif de la société France Resort Hôtel la créance de [C] [Z], [V] [S] et de la Sci AC Immo Resort 38 pour la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel ;

Fixe au passif de la société France Resort la créance de [C] [Z], [V] [S] et de la Sci AC Immo Resort 38 pour la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel ;

Condamne les sociétés France Resort et France Resort Hôtel aux dépens de première instance et d'appel, qui seront employés en frais privilégiés des procédures de redressement judiciaire.