CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 17 octobre 2024, n° 22/11432
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
L'izé (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Girousse
Avocats :
Me Ohana, Me Paruelle, Me Ingold, Me Pottiee-Sperry
FAITS ET PROCEDURE
Par deux actes du 30 septembre 1997, Madame [Z] [D], Madame [G] [X] veuve [L] et Madame [B] [Y], aux droits desquels se trouve Madame [C], [U] [V], ont consenti à la société L'Ize deux baux commerciaux portant sur des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 7], à destination d'une activité de « objets de design et tous objets d'ameublement, décoration et cadeaux, prêt-à-porter hommes, femmes, enfants, accessoires, bijouterie fantaisie, tous articles de cuir ».
Ce bail s'est poursuivi par tacite prolongation à compter du 1er octobre 2006. Puis, à la suite de congés avec offres de renouvellement délivrés pour les deux baux le 15 décembre 2009, les parties se sont rapprochées et par acte sous seing privé du 19 décembre 2013, ont convenu de réunir les deux baux commerciaux pour ne faire qu'un seul bail consenti et accepté pour une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 2010 pour se terminer le 30 juin 2019, moyennant un loyer indexé fixé à la somme annuelle en principal hors taxes et hors charges de 39.811,50 euros à compter du 1er juillet 2010.
Par acte d'huissier du 31 décembre 2018, Madame [C] [V] a donné congé à la société L'Ize pour le 30 juin 2019, en offrant de renouveler le bail pour une nouvelle durée de 9 années, aux mêmes charges et conditions à l'exception du loyer en principal qu'elle proposait de fixer à la somme en principal hors taxes et hors charges de 265.000 euros, le dépôt de garantie étant réajusté dans les mêmes proportions que le loyer en principal.
Par lettre de son conseil du 28 février 2019, la société L'Ize a indiqué qu'elle acceptait le principe du renouvellement du bail expiré mais contestait le montant du loyer proposé et les motifs de déplafonnement invoqués par la bailleresse.
Les parties étant en désaccord sur le montant du loyer du bail renouvelé, Madame [C] [V] a notifié un mémoire préalable en fixation du loyer du bail renouvelé le 10 juillet 2019, maintenant sa demande de fixation du loyer à hauteur de 265.000 euros, puis par exploit d'huissier du 10 octobre 2019, a assigné la société L'Ize devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris en réitérant les demandes de son mémoire préalable.
Par jugement du 20 mai 2020, le juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise avant-dire droit . L'expert a déposé son rapport le 16 février 2021.
Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- fixé le montant du loyer du bail renouvelé pour les locaux sis à [Localité 7] ' [Adresse 2] à la somme de quarante cinq mille vingt sept euros et cinquante trois centimes (45.027,53 euros) et ce pour un renouvellement de bail de 9 ans à compter du 1er juillet 2019, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées sous réserve de l'application des dispositions d'ordre public de la loi dite « PINEL » du 18 juin 2014 ;
- condamné Madame [V] à verser à la société L'Ize la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Madame [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Madame [V] aux dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise de Madame [C] [W] ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration d'appel du 15 juin 2022, Madame [C], [U] [V], a interjeté appel total du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 avril 2024.
MOYENS ET PRETENTIONS
Par conclusions déposées le 21 février 2023, Madame [C] [V], appelante, demande à la cour de :
- recevoir Madame [C] [V] en son appel et l'y dire bien fondée ;
- infirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 par le juge des loyers du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'il a fixé le montant du loyer du bail renouvelé pour les locaux sis à [Localité 7] ' [Adresse 2] à la somme de quarante cinq mille vingt sept euros et cinquante trois centimes (45.027,53 euros) et ce pour un renouvellement de bail de 9 ans à compter du 1er juillet 2019, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées sous réserve de l'application des dispositions d'ordre public de la loi dite PINEL du 18 juin 2014 ;
- infirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 par le juge des loyers du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'il a condamné Madame [V] à verser à la société L'Ize la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté Madame [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a condamné Madame [V] aux dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise de Madame [C] [W] ;
Jugeant à nouveau,
- infirmer le jugement critiqué et juger que le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2019 doit être fixé à la valeur locative en raison d'une modification notable a cours du bail expiré des facteurs locaux de commercialité bénéficiant au commerce exploité par la société L'Ize ;
- fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 121.000 euros en principal, hors taxes et hors charges, par an à compter du 1er juillet 2019 ;
- condamner la société L'Ize aux dépens comprenant les frais d'expertise qu'elle devra rembourser à Madame [V] ;
- condamner la société L'Ize à payer à Madame [C] [V] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la société L'Ize de l'ensemble de ses prétentions.
Par conclusions déposées le 22 février 2023, la société L'Ize, intimée, demande à la cour de :
- recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de la société L'Ize ;
- débouter Madame [C] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer intégralement le jugement dont appel rendu le 10 mai 2022 en ce qu'il a :
- fixé le montant du loyer du bail renouvelé pour les locaux sis à [Localité 7] ' [Adresse 2] à la somme de quarante cinq mille vingt sept euros et cinquante trois centimes (45.027,53 euros) et ce pour un renouvellement de bail de 9 ans à compter du 1er juillet 2019, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées sous réserve de l'application des dispositions d'ordre public de la loi dite « PINEL » du 18 juin 2014 ;
- condamné Madame [V] à verser à la société L'Ize la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Madame [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Madame [V] aux dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise de Madame [C] [W] ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
A titre subsidiaire,
- fixer le montant du loyer du bail renouvelé pour les locaux sis à [Localité 7] '[Adresse 2] à la somme de quatre vingt dix neuf mille euros (99.000 €) par an, en principal,correspondant à la valeur locative, pour un bail de 9 années à compter du 1er juillet 2019, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées sous réserve de l'application des dispositions d'ordre public de la loi n°2014-626 dite « PINEL » du 18 juin 2014 ;
En tout état de cause,
- condamner Madame [C] [V] à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Madame [C] [V] aux entiers dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, dont distraction au profit de société Ingold & Thomas dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
Il résulte notamment des dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce que, dans le cadre d'un bail commercial, le montant du loyer des baux renouvelés doit correspondre à la valeur locative, toutefois, à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° du premier de ces textes, le taux de variation du loyer applicable lors du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux (ou des activités tertiaires selon le cas) intervenue depuis la fixation initiale du loyer.
Les éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 précité sont les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations respectives des parties et les facteurs locaux de commercialité.
Il n'est pas soutenu que les trois premiers éléments aient subis une modification notable. Mme [V] soutient, en revanche, qu'une modification notable est intervenue pour les facteurs locaux de commercialité.
Selon l'article R. 145-6 du même code, « les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire. ».
En application de l'article 9 du code de procédure civile, c'est à la partie qui se prévaut d'une modification des facteurs locaux de commercialité justifiant le déplafonnement du loyer d'en rapporter la preuve. Il incombe donc à Mme [V] d'établir d'une part, l'existence de modifications des éléments visés à l'article R. 145-6 susvisé survenues au cours du bail expiré soit durant la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2019 dans le secteur des locaux en cause et d'autre part, qu'elles ont entraîné une modification notable des facteurs locaux de commercialité pour le commerce en cause. Il en résulte notamment qu'il est inopérant de la part de l'appelante de se prévaloir de décisions jurisprudentielles ayant retenu une modification notable des facteurs locaux de commercialité pour des périodes antérieures à celle du bail en cause lorsque les modifications observées ont pu intervenir avant le début de ce bail.
Pour apprécier les modifications alléguées, il convient dans un premier temps de décrire les caractéristiques du commerce en cause.
Selon le contrat de bail, les locaux en cause à destination de « objets de design et tous objets d'ameublement, décoration et cadeaux, prêt-à-porter hommes, femmes, enfants, accessoires, bijouterie fantaisie, tous articles de cuir » se décomposent comme suit:
'- Au rez-de-chaussée :
Une grande boutique sur deux vitrines donnant sur la [Adresse 11] au numéro [Adresse 11], avec un placard et sous la chaudière, présence d'un évier, correspondant au lot de copropriété n° 1 et figurant sur le plan ci-après annexé,
- Au sous-sol :
Une cave n° 3 reliée directement à la boutique par un monte-charge, correspondant au lot de copropriété n°40 et figurant sur le plan ci-après annexé,
Une cave n° 7, non reliée à la boutique, correspondant au lot de copropriété n° 4 (...)'
Selon le rapport d'expertise les locaux donnent une bonne impression d'ensemble, dépendant d'un immeuble ancien, ils présentent un linéaire de façade d'environ 7,70 m sur la [Adresse 11]. Leur surface utile est d'environ 63,90 m2 au rez-de-chaussée et de 19,50 m2 au sous-sol.
S'agissant de leur situation, l'expert expose que les locaux en façade sur la [Adresse 11] sont en retrait de 15 mètres environ de la [Adresse 13] qui est l'une des voies les plus recherchées commercialement de l'est parisien; que cette rue se divise en trois tronçon, le premier allant de la [Adresse 12] à la [Adresse 1], le deuxième, aujourd'hui le plus recherché contrairement aux affirmations de la bailleresse, allant de la [Adresse 1] à la [Adresse 15] et le troisième, dont dépendent les lieux loués, allant de la [Adresse 15] à la [Adresse 9]; que la [Adresse 11] est une voie secondaire à sens unique allant de la [Adresse 10] à la [Adresse 14], on y relève 39 commerces dont 15 retailers avec une large dominante d'habillement (19 boutiques dont 12 retailers); que les locaux sont à 300 mètres de la station de métro Saint Paul, proches des arrêts de bus Payenne (80 mètres ligne 29) et [Adresse 9] (150 mètres ligne 96), qu'ils disposent d'un parking public à 400 mètres environ. Il en déduit que ces locaux ont une très bonne situation dans un quartier touristique et d'habitation à la mode et de très bonne commercialité, dont la population et le flux de chalands bénéficient d'un pouvoir d'achat élevé.
Pour se prévaloir d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité, l'appelante reprend essentiellement les arguments déjà présentés devant l'expert judiciaire et le juge des loyers commerciaux, lequel a admis que certains éléments ont pu augmenter la fréquentation de la zone de chalandise mais que ces éléments pris seuls ou ensemble sont trop modérés sur la période du bail considéré pour caractériser une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Il ressort des pièces du dossier :
- sur l'arrivée de nouvelles enseignes et la rénovation du BHV :
L'expert a cité le CODATA selon lequel dans la [Adresse 11] il y avait en 2010: 37 commerces dont 8 enseignes nationales et en 2019: 42 commerces (augmentation de 13,51 %) dont 14 enseignes nationales (augmentation de 75 %). L'expert a admis que l'étude du CODATA n'était pas exhaustive mais a observé que les nouvelles enseignes mentionnées par Mme [V] dans son dire, et citées à nouveau dans ses conclusions d'appel, ont remplacé des enseignes de qualité similaire, généralement dans le prêt à porter et la parfumerie, dans le cadre de la rotation classique des commerces (MIEL FACTORY remplace HIER ET AILLEURS; PARLE-MOI DE PARFUM remplace MARQUISE; BOUTIQUE 17 ONE PIECE remplace ROZ; MAC remplace AXARA, LES GEORGETTES remplace LES NEREIDES; LEVIS FEMMES remplace CARVEN; CHAPEAUX ET GANTS COURTOIS remplace L'ATELIER SCANDINAVE.
S'agissant de la [Adresse 13] l'expert a également cité le CODATA selon lequel il y avait en 2010: 46 commerces dont 23 enseignes nationales et en 2019: 44 commerces (diminution de 4,35 %) dont 25 enseignes nationales (augmentation de 8,70%). Il observe de même que, pour la [Adresse 11], les nouvelles enseignes omises par lui dans son pré-rapport (ce qui n'est pas le cas de MAJE arrivée en 2014 et partie en 2019), mentionnées par Mme [V] dans son dire, puis citées à nouveau dans ses conclusions d'appel, ont remplacé des enseignes de qualité similaire, généralement dans le prêt à porter ou les produits de parfumerie et cosmétique, dans le cadre de la rotation classique des commerces (MAJESTICS FILATURES remplace THE BODY SHOP, MAKE UP FOREVER remplace ETINCELLE ; ATELIER COLOGNE par L'OCCITANE EN PROVENCE ; ESTEBAN remplace FILOFAX ; JULIETTE HAS A GUN remplace POUCHKINE ; AQUA DI PARMA remplace FRED ; FRED remplace MELCHIOR).
S'agissant des enseignes arrivées en janvier, juin et juillet 2019, soit à l'expiration ou après l'expiration de la période considérée, situées [Adresse 13], dont l'omission est reprochée à l'expert, celui-ci précise dans son rapport qu'elles concernent des commerces de parfumerie et horlogerie. Elles ont donc un impact faible sur la commercialité du commerce en cause.
S'agissant de CHEAP MONDAY situé [Adresse 1], l'expert objecte à juste titre qu'elle est située hors de la zone de chalandise en cause.
Au demeurant, la bailleresse ne justifie pas des nouvelles arrivées d'enseignes dans le quartier, concernant essentiellement le prêt à porter, dont elle fait état ni ne précise quelles sont les enseignes remplacées par ces nouveaux commerces. A juste titre, ces arrivées qui lui ont été signalées, n'ont pas été prises en compte comme étant significatives par l'expert.
S'agissant du 2ème tronçon situé entre la [Adresse 1] à la [Adresse 15], désormais le plus recherché, l'expert relève pour 8 départs d'enseignes nationales, 13 nouvelles arrivées parmi lesquelles des enseignes de luxe notamment CHANEL et LANCEL .
Il souligne, par ailleurs, l'arrivée de l'enseigne UNIQLO au [Adresse 4] à 240 mètres des locaux en cause et celle de l'enseigne PRINCESSE TAM TAM [Adresse 3] à 240 mètres environ.
Au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le jugement déféré a considéré modérée la progression globale du nombre d'enseignes dans le secteur, étant relevé que, si de nouvelles enseignes se sont effectivement installées, cela reste majoritairement en remplacement de précédentes enseignes, ces nouvelles enseignes étant principalement tournées vers le prêt-à-porter ou la parfumerie alors que la locataire exploite une boutique d'ameublement et décoration , et qu'il en a déduit qu'elle ne constituait pas une modification des facteurs locaux de commercialité durant la période en cause.
Ainsi que l'a observé à juste titre le jugement déféré à la motivation duquel il convient de se référer sur ce point, la rénovation du BHV, grand magasin déjà très renommé avant 2010, se situant à environ 750 mètres donc hors de la zone de chalandise du commerce en cause, ne peut caractériser une modification des facteurs locaux de commercialité pour le commerce en cause.
- sur la fréquentation des musées et lieux culturels du voisinage
Ainsi que l'observe le jugement déféré, le quartier du Marais était déjà avant même la conclusion du bail en 2010, particulièrement riche en matière culturelle, s'agissant de musées ou autres lieux d'intérêts, en particulier la [Adresse 9] et les nombreux hôtels particuliers.
L'expert a repris le nombre d'entrants pour les années 2010 à 2019 des musées Carnavalet (situé à 80 mètres environ des lieux loués), Cognacq-Jay (à 270 mètres) et Picasso (400 mètres) en tenant compte des années de fermeture des musées Picasso et Carnavalet dont les effets se sont compensés. Il en ressort que le fréquentation totale pour l'ensemble de ces musées est globalement stable et que, pour la période en cause, la variation de la fréquentation de ces trois musées est de -0,78 %. Par ailleurs, l'expert a observé à juste titre que l'augmentation du nombre d'entrants au musée Victor Hugo entre 2014 (174.524) et 2018 (176.000), n'est pas significative pour l'activité du commerce en cause.
- sur les constructions nouvelles et restructurations, les locations AIRBNB :
L'expert relève l'édification ou la restructuration de trois appartements et de 191 m2 de locaux divers au cours du bail expiré, soit une évolution négligeable pour la commercialité du secteur.
S'agissant de l'augmentation des logements loués en AIRBNB dont se prévaut la bailleresse, qui ne l'avait cependant pas évoquée lors des opérations d'expertise, le jugement déféré, auquel il convient de se référer sur ce point, a considéré à juste titre que cet élément fondé sur un seul article de presse de 2015 faisant état de la baisse concomittante du nombre d'habitants, lesquels sont d'ailleurs plus susceptibles d'être intéressés par le commerce en cause qu'une clientèle de passage, ne caractérisait pas une modification notable des facteurs locaux de commercialité pour ce commerce.
- sur la fréquentation des stations de métro du voisinage :
Selon l'expert, la seule station pertinente au regard de la proximité des locaux donnés à bail est celle du métro Saint-Paul, laquelle a enregistré une augmentation de fréquentation durant la période de 2010 à 2019 de 5,92 %, étant précisé toutefois que ce chiffre ne se base pas sur toutes les stations de métro parisiennes et que durant la période de 2011 à 2019 cette augmentation était de 3,78 %, et ce, tandis qu'on observait une baisse de la fréquentation moyenne parisienne de 4,65 % durant cette période.
Compte tenu de l'évolution des modes de transports collectifs parisiens au détriment de la voiture et des nombreux autres centres d'intérêt du secteur desservi par la station Saint-Paul entraînant une dilution du flux des voyageurs, cette légère augmentation de fréquentation n'a pu avoir des effets notables sur la commercialité de l'établissement en cause.
La bailleresse fait état des autres stations de métro permettant d'accéder aux locaux loués (Bastille, Chemin Vert et Pont Marie) des arrêts de bus et d'une station VELIB à proximité, cependant elle ne donne pas d'éléments sur l'évolution de leur fréquentation durant la période considérée ni ne démontre qu'elle aurait pu être significative.
- sur la création de la zone touristique internationale et la piétonisation du quartier :
Mme [V] fait valoir que les locaux se trouvent dans l'une des zones touristiques internationales créées en septembre 2015 permettant l'ouverture des commerces en soirée et le dimanche et conteste l'affirmation de l'expert selon laquelle le commerce bénéficiait d'une autorisation d'ouverture les dimanches depuis 1994 ainsi que d'une piétonisation les dimanches et jours fériés depuis 2008, soit avant la période du bail expiré.
Mme [V] produit un document, dont l'origine n'est pas précisée, selon lequel en 1994 les sept zones touristiques ayant une autorisation d'ouverture dominicale comprenaient la zone [Adresse 9]-[Adresse 13], l'article renvoyant à une annexe contenant le plan de chaque zone qui n'est pas produite, de sorte que son affirmation selon laquelle la [Adresse 11] était exclue de cette zone n'est pas corroborée. Elle ne produit aucun règlement ou arrêté municipal, notamment celui du 14 octobre 1994 dont elle fait état, afin de justifier son affirmation selon laquelle contrairement aux explications de l'expert, c'est seulement durant la période en cause que le commerce de l'intimée aurait pu bénéficier de l'autorisation d'ouverture le dimanche.
Il ressort de l'article du Parisien daté du 12 septembre 2008 produit par l'appelante que dans le cadre de l'opération '[Localité 6] Respire', il est prévu d'interdire aux voitures à partir du 5 octobre 2008 le périmètre 'compris entre les [Adresse 13], [Adresse 1], [Adresse 5]', cette dernière rue étant celle des locaux en cause, lesquels ont donc bénéficié de la piétonisation le dimanche à tout le moins dès 2008 soit avant la période du bail expiré. Il est en outre indiqué dans cet article que la [Adresse 13] était 'prise d'assaut chaque dimanche par les passants venus faire du shopping'.
L'article de presse de 2017, faisant état du retour des chalands et touristes après les attentats de 2015, ne caractérise pas l'existence d'une évolution de la commercialité durant la période en cause, cette commercialité étant déjà importante en 2010 mais signale la fin des conséquences négatives des évènements de 2015, soit pendant la période en cause.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le jugement déféré a conclu à juste titre que si certains éléments relevés ont pu apporter une augmentation de la fréquentation dans la zone de chalandise, notamment l'arrivée de nouvelles enseignes surtout dans les domaines du prêt-à-porter et cosmétique et la légère augmentation de la station de métro Saint-Paul, ces éléments, pris seuls comme pris ensemble, ne suffisent pas à caractériser une modification notable des facteurs locaux de commercialité présentant un intérêt pour le commerce en cause à destination principalement d'ameublement et décoration. C'est également à juste titre qu'il en a déduit l'absence de motif de déplafonnement du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2019.
Il convient, en conséquence, de le confirmer en ce qu'il a fixé le loyer plafonné dû à partir de cette date à la somme de 45.027,50 € en principal calculée par l'expert en application des règles posées par l'article L. 145-34 du code de commerce.
Le jugement déféré sera confirmé également dans ses dispositions relatives aux dépens, à l'exécution provisoire et frais irrépétibles.
Mme [V] qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et condamnée à payer à l'intimée une somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 mai 2022 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris (RG n° 19/12355) ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [C] [V] de l'ensemble de ses prétentions ;
Condamne Mme [C] [V] à payer à la société L'Ize une somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne Mme [C] [V] aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de la SELARL Ingold & Thomas, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.