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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 17 octobre 2024, n° 24/00207

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fournil 38 (SARL)

Défendeur :

Sci Les Vieux Baux (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Philippot, Me Hattab

TJ Grenoble, du 7 déc. 2023, n° 23/01179

7 décembre 2023

Faits et procédure

Par acte du 31 octobre 2000, la société civile de placement immobilier Epargne Foncière a consenti un bail commercial à la société Glorexia sur un local situé [Adresse 1] moyennant un loyer annuel de 9.525,62 euros hors charges.

La société civile de placement immobilier Epargne Foncière a cédé ce local à la SCI Les vieux baux le 13 novembre 2009.

Le preneur a cédé son fonds de commerce incluant le droit au bail à la Sarl Fournil 38 par acte du 31 août 2011.

Par acte du 21 février 2023, la SCI Les vieux baux a fait délivrer un commandement de payer la somme de 5.842,73 euros visant la clause résolutoire à la Sarl Fournil 38.

Par acte du 26 juillet 2023, la SCI Les vieux baux a assigné en référé la Sarl Fournil 38 devant le président du tribunal judiciaire de Grenoble en constat de la résiliation du bail, en expulsion et en paiement d'une provision.

Par ordonnance du 7 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- constaté la résiliation du bail liant les parties au 21 mars 2023,

- ordonné l'expulsion de la Sarl Fournil 38 et de toute personne de son chef des lieux loués, avec le concours de la force publique si nécessaire, sans qu'il y ait lieu de prononcer d'astreinte,

- condamné la Sarl Fournil 38 à verser à titre provisionnel à la SCI Les vieux baux la somme de 11.020,61 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation suivant compte arrêté au 30 septembre 2023 avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2023, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail jusqu'au départ effectif du preneur,

- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 26 juillet 2023,

- condamné la Sarl Fournil 38 à verser à la SCI Les vieux baux la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Fournil 38 aux entiers dépens comprenant le coût du commandement.

Par déclaration du 8 janvier 2024, la Sarl Fournil 38 a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions qu'elles a reprises dans sa déclaration.

La SCI Les vieux baux qui a constitué avocat n'a pas conclu.

La clôture de l'instruction de la procédure a été prononcée le 13 juin 2024.

Prétentions et moyens de la Sarl Fournil 38

Dans ses conclusions remises le 12 juin 2024, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel de la Sarl Fournil 38,

En conséquence,

- réformer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire du 7 décembre 2023 en ce qu'elle a :

* constaté la résiliation du bail liant les parties au 21 mars 2023,

* ordonné l'expulsion de la Sarl Fournil 38 et de toute personne de son chef des lieux loués, avec le concours de la force publique si nécessaire, sans qu'il y ait lieu de prononcer d'astreinte,

* condamné la Sarl Fournil 38 à verser à titre provisionnel à la SCI Les vieux baux la somme de 11.020,61 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation suivant compte arrêté au 30 septembre 2023 avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2023, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail jusqu'au départ effectif du preneur,

* ordonné la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 26 juillet 2023,

* condamné la Sarl Fournil 38 à verser à la SCI Les vieux baux la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la Sarl Fournil 38 aux entiers dépens comprenant le coût du commandement.

Statuant à nouveau,

- débouter la SCI Les vieux baux de sa demande de résiliation du bail commercial et de sa demande d'expulsion,

- suspendre la clause résolutoire prévue dans le contrat de bail,

A titre principal,

- constater le jour où la cour statuera qu'il n'existe plus de dette de loyer de la Sarl Fournil 38,

A titre subsidiaire, si par impossible une dette de loyer subsiste au jour ou la cour statuera,

- accorder à la Sarl Fournil 38 des délais de paiement de l'arriéré locatif,

- dire et juger que la Sarl Fournil 38 pourra apurer sa dette sur un délai de 6 mois,

- débouter la SCI Les vieux baux de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires,

- dire et juger que chacune des parties gardera ses dépens à sa charge.

Elle fait valoir qu'elle a connu des difficultés financières en 2023 en raison de l'arrêt maladie de son gérant, que la dette est en cours d'apurement, que la dette locative ne s'élève plus qu'à 2.679,33 euros et devrait être prochainement apurée, qu'il est indispensable qu'elle puisse garder son bail commercial pour poursuivre son activité qu'elle exerce depuis plus de 12 ans.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Selon les stipulations du bail, celui-ci se trouve résilié de plein droit à défaut de paiement d'une somme due en vertu du bail, un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux.

Il n'est pas contesté qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 21 février 2023 à la Sarl Fournil 38 et que celle-ci ne s'est pas libérée dans le délai d'un mois.

La résiliation du bail pourrait donc être constatée. Toutefois, la cour est saisie par la Sarl Fournil 38 d'une demande de délais qui si elle est acceptée suspend la réalisation et les effets de la clause résolutoire.

Au vu du décompte établi le 30 juin 2023 par la SCI Les vieux baux, la dette de loyer de la Sarl Fournil 38 s'élevait à cette date à la somme de 9.564,35 euros, somme reprise par le preneur dans ses conclusions.

Depuis cette date, la Sarl Fournil 38 est aussi redevable au vu des factures versées aux débats des loyers du 3ème trimestre 2023 pour un montant de 5.933,26 euros, des loyers du 4ème trimestre 2023 pour 6.155,46 euros, des loyers du 1er trimestre 2024 pour un montant de 6.266,57 euros soit une somme totale de 34.186,19 euros arrêtée à la date des débats comprenant l'arriéré de 9.564,35 euros.

La Sarl Fournil 38 justifie par ses relevés bancaire accompagnés des ordres de virement qu'elle a versé à son bailleur la somme de 33.417,61 euros intégrant un virement de 2.000 euros en date du 15 juin 2024 et un virement de 2.000 euros en date du 27 juin 2024.

Le solde de la dette locative est donc au jour du 27 juin 2024 de 768,58 euros. Contrairement à ce qu'elle soutient, la Sarl Fournil 38 n'a donc pas totalement apuré sa dette locative.

Néanmoins, il ressort des éléments précédemment exposés que la société preneuse a réglé ses loyers courants et une grande partie de son arriéré locatif.

Au regard de sa bonne foi et de ses efforts réguliers de réglement, la demande de délai de paiement formée par la Sarl Fournil 38 sera accueillie. Il en résulte une suspension de la réalisation et des effets de la clause résolutoire.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du bail et ordonné l'expulsion.

En conséquence, la Sarl Fournil 38 sera condamnée à payer la somme provisionnelle de 768,58 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 27 juin 2024. Elle sera autorisée à se libérer de ce montant à la fin du mois suivant celui de la signification du présent arrêt.

A défaut de paiement de ce montant à son échéance ou des loyers courants, la clause résolutoire retrouvera son plein effet et le propriétaire pourra faire procéder à l'expulsion de la Sarl Fournil 38 et de tous occupants de son chef avec l'aide de la Force Publique en cas de besoin, des lieux occupés.

Enfin, la Sarl Fournil 38 sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme l'ordonnance de référé du 7 décembre 2023 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Condamne la Sarl Fournil 38 à payer à la SCI Les vieux baux la somme provisionnelle de 768,58 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 27 juin 2024, outre intérêt au taux légal à compter du 21 février 2023.

Autorise la Sarl Fournil 38 à se libérer de cette somme à la fin du mois suivant celui de la signification du présent arrêt.

Suspend en conséquence la résiliation et les effets de la clause résolutoire du bail.

Dit que la clause résolutoire ne joue pas si la Sarl Fournil 38 se libère dans les conditions fixées par le présent arrêt.

Mais dit qu'en cas de non paiement de ce montant à son échéance ou du loyer courant, le bail se trouvera résilié de plein droit et la Sarl Fournil 38 sera tenue de payer à la bailleresse cette somme et une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer augmenté des charges, ce jusqu'à libération effective des lieux par la remise des clés.

Dit que dans cette hypothèse, le propriétaire pourra faire procéder à l'expulsion de la Sarl Fournil 38 et de tous occupants de son chef avec l'aide de la Force Publique en cas de besoin, des lieux occupés.

Condamne la Sarl Fournil 38 aux dépens de première instance et d'appel.