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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-5, 17 octobre 2024, n° 23/00218

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/00218

17 octobre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 OCTOBRE 2024

N° RG 23/00218 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VUJI

AFFAIRE :

[Z] [Y] ÉPOUSE [I]

C/

E.U.R.L. MERINEL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Novembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 20/00186

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nicolas BORDACAHAR

Me Stéphane LIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [Y] ÉPOUSE [I]

née le 01 Janvier 1979 à Algérie

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1833

APPELANTE

****************

E.U.R.L. MERINEL

N° SIRET : 507 587 871

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Stéphane LIN de la SELARL SELARL GRIMBERG ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 98

Me MAIRAU-COURTOIS Marie-Laure, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Septembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

Greffier lors du prononcé : Madame Anne REBOULEAU

FAITS ET PROCEDURE,

Mme [Z] [Y] épouse [I] (ci-après Mme [Y]) a été embauchée, à compter du 4 janvier 2000, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'équipière polyvalente par la société MERINEL, exploitante d'un restaurant à l'enseigne Quick.

Après diverses promotions, Mme [Y] a été nommée dans l'emploi de directeur de restaurant (catégorie de cadre), au sein de l'établissement de [Localité 3], par avenant du 20 février 2016.

Par lettre du 29 août 2019, la société MERINEL a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 11 septembre 2019, la société MERINEL a notifié à Mme [Y] son licenciement pour faute grave.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société MERINEL employait habituellement au moins onze salariés.

Le 22 mai 2020, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société MERINEL à lui payer notamment des indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour manquement à l'exécution de bonne foi.

Par jugement du 23 novembre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [Y] repose sur une faute grave ;

- débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [Y] à payer à la société MERINEL une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société MERINEL du surplus de ses demandes ;

- laissé à la charge des parties les dépens.

Le 17 janvier 2023, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées 17 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société MERINEL à lui payer les sommes suivantes :

* 22'793,34 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 11'936,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1193,64 euros au titre des congés payés afférents ;

* 900 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 90 euros au titre des congés payés afférents ;

* 59'682 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2754,55 euros à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 23'872,80 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail ;

* 2500 euros au de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société MERINEL de l'ensemble de ses demandes ;

- ordonner à la société MERINEL de lui remettre un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification ;

- condamner la société MERINEL aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 25 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société MERINEL demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [Y] repose sur une faute grave, débouter cette dernière de ses prétentions, a statué sur l'article 700 du code de procédure civile,

- et statuant à nouveau, condamner Mme [Y] à lui payer une somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 4 juillet 2024.

SUR CE :

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée à Mme [Y], qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : '(...) Les faits que nous vous reprochons sont les suivants : graves manquements aux règles de la législation sociale, vol de marchandises, détournements financiers en votre faveur.

1°/ Manquements aux règles de la législation sociale

* Manipulation des pointages équipiers et managers et dissimulation de temps de travail

- Lors des audits réalisés par l'entreprise au mois de juillet 2019, nous avons constaté des anomalies conséquentes dans le traitement des pointages des salariés du restaurant. Ces constats nous ont amené à vérifier sur plusieurs mois, et il est apparu qu'entre avril et juillet 2019, 152 fois les pointages d'équipiers ou de managers avaient été modifiés sur le logiciel en leur défaveur. A chaque fois, entre 15 minutes et 1h30 de travail avaient été retirées, ce qui signifie que ce temps de travail, qui avait bien été effectué, a été dissimulé et ne leur a jamais été payé.

En tant que directrice du restaurant, vous aviez la responsabilité de contrôler la cohérence des pointages et de vous assurer de ce que les payes soient réalisées correctement.

Il est totalement intolérable que vous ayez ainsi dissimulé du temps de travail et que vous n'ayez pas payé aux employés du restaurant les heures qu'ils avaient pourtant effectuées.

- Par ailleurs, nous avons constaté, que Mme [V] [O] était venue travailler les 17 et 18 juin 2019, soit pendant son arrêt maladie qui s'étendait du 10 au 30 juin 2019. Mais qu'en outre, les pointages de Mme [O] ont ensuite été effacés sur ces dates-là, pour être reportés sur les 1 er et 2 juin 2019. Vous avez ainsi tenté de dissimuler le fait d'avoir fait travailler Mme [O] pendant son arrêt maladie.

Préserver la santé et la sécurité des salariés fait partie de vos prérogatives de directrice.

D'une part, nous ne pouvons accepter que vous ayez ainsi fait travailler un salarié alors qu'il vous avait fourni un justificatif d'arrêt maladie, et d'autre part nous constatons qu'une fois de plus vous avez essayé de dissimuler ces faits.

- Toujours concernant les pointages des salariés du restaurant, nous avons constaté qu'à plus d'une dizaine de reprises sur la période citée ci-dessus, des pointages avaient été modifiés afin de dissimuler un non-respect des règles sur la législation sociale. Par exemple, Mme [G] [L] avait fini à 00h06 dans la nuit du 4 au 5 juin 2019. Son pointage a été modifié à 23 heures le 4 juin, pour masquer le fait que reprenant à 11h le 5 juin, elle ne bénéficiait pas des 12h de repos obligatoires entre 2 jours de travail lorsqu'un salarié finit après minuit.

Il y a là deux graves anomalies, puisque d'une part Mme [L] n'a pas bénéficié du repos légal entre ses deux jours de travail, que d'autre part vous avez dissimulé ces faits.

- Malgré les règles de pointages claires, nous avons également constaté que vous faisiez travailler plusieurs salariés, notamment Mme [J], Mme [E] ou M.[I], sans les faire pointer. Les heures étaient ajoutées sans aucune traçabilité et sans aucun contrôle possible.

- Enfin, plusieurs salariés, notamment M.[R] ou M. [D] se sont plaints d'avoir travaillé à votre demande sans pointer et sans que leurs heures de travail soient payées.

L'ensemble de ces faits nous inquiète fortement quant aux conditions de travail des employés sous votre direction, et interroge quant au turn-over extrêmement important sur le restaurant.

En outre, ces faits mettent en lumière une intention d'en tirer profit à titre personnel, puisqu'en dissimulant et en ne payant pas des heures de travail, des heures de nuit, des heures complémentaires ou des heures supplémentaires, vous avez masqué une mauvaise gestion du personnel pour faire croire que vos objectifs en la matière étaient atteints et bénéficier ainsi de

vos primes trimestrielles de résultats.

Autrement dit vous avez délibérément retiré de l'argent aux employés dont vous aviez la charge pour pouvoir, vous, mais aussi votre mari M. [I], manager et votre s'ur Mme [O], assistante manager toucher des primes supplémentaires.

Ces diverses violations de règles élémentaires en droit du travail ont exposé la société MERINEL à des poursuites et des sanctions financières graves pour le devenir de notre entreprise, étant de nature à la mettre en péril.

Elles constituent à elles-seules des fautes graves.

* Non-respect des procédures financières :

Les procédures mises en place dans l'entreprise prévoient que lorsqu'un salarié prend son poste en accueil, il doit compter sa caisse au préalable, être le seul à la manipuler pendant son service, et la compter de nouveau en présence du manager à la fin du service.

Ces procédures n'ont pas été appliquées au sein du restaurant dont vous aviez la direction, ce qui a entraîné des écarts financiers inexpliqués.

Pour masquer ces écarts, vous avez mis la pression sur les équipiers en exigeant qu'ils remboursent sur leurs deniers personnels ces écarts, les menaçant de sanctions s'ils refusaient.

De la même façon, vous avez exigé que les managers remboursent à leurs frais les écarts constatés lors des comptages coffre.

Plutôt que de faire appliquer les procédures pour résoudre les problèmes, vous avez fait le choix par facilité d'appliquer des pénalités financières sur vos équipes. Ces pénalités, pour certain, ont pu monter jusqu'à 100€ par mois.

Là aussi, il apparaît que votre motivation à mettre en place ce type de pratique était liée à votre situation financière personnelle, puisqu'encore une fois, vous aviez des objectifs sur la maîtrise des écarts financiers au sein du restaurant.

Masquer les écarts que vous faisiez rembourser par les salariés vous permettait de gonfler vos propres primes, ainsi que celles de votre mari M. [I], manager, et de votre s'ur Mme [O], assistante manager.

2°/ Vol de marchandises

- Nous avons été alertés par un mail en date du 30 juillet 2019 par QSL, prestataire pour la logistique, suite aux livraisons des 27 et 30 juillet 2019. QSL s'étonnait de la quantité de produits déclarés manquants et demandait une vérification.

En enquêtant sur les deux derniers mois, nous avons constaté que vous déclariez des produits manquants, systématiquement les produits les plus chers, à une fréquence anormalement élevée (13 fois en deux mois, soit plus d'une livraison sur deux).

Les managers nous ont alors expliqué qu'il leur était demandé de déclarer de faux manquants afin d'améliorer les résultats de marge brute, vous permettant de masquer une mauvaise gestion des marchandises mais aussi de fausser en votre faveur les évaluations aboutissant à vos primes trimestrielles de résultats.

Ces pratiques, outre leur malhonnêteté, ont mis en danger la légitimité et la confiance de notre relation avec le franchiseur qui aurait pu à la lumière de ces faits rompre le contrat nous liant ; entraînant des conséquences financières désastreuses, et mettant en péril la viabilité de notre société MERINEL.

3°/ Détournement financiers en votre faveur

Vous êtes convenue avec M. [I], manager et également votre mari, d'un avenant à 140h par mois, afin qu'il bénéficie de disponibilités avantageuses à sa demande. Cette demande était justifiée par des obligations familiales. Pourtant tout en bénéficiant de ces disponibilités, nous avons constaté qu'en réalité il était systématiquement payé 150h par mois, ce qui vous permettait

de lui payer en heures complémentaires majorées la différence.

Il en est de même pour Mme [O] [V], assistante manager et également votre s'ur, à qui vous avez établi un avenant de 130h par mois, là aussi avec des disponibilités avantageuses par rapport aux autres membres de l'équipe et aux contraintes liées à la restauration. De la même façon, Mme [O] a pourtant été payée systématiquement 150h par mois et non 130h, soit 13 heures complémentaires majorées de 10% et 7h complémentaires majorées de 25%.

Ces faits font apparaître un manque d'équité total dans le traitement des équipes, puisque pour certains les heures étaient dissimulées ou non pointées et donc non rémunérées, alors que pour les membres de votre famille le système de paye était détourné pour qu'ils soient payés plus.

Nous avons même constaté que vous poussiez ce détournement jusqu'au remboursement d'un titre de transport fictif pour votre s'ur Mme [O].

Votre comportement est totalement intolérable en plus d'être répréhensible. Il nuit gravement au bon fonctionnement de notre établissement.

Eu égard à ce qui précède, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave. (...)'.

Mme [Y] soutient que les faits reprochés ne sont pas établis et que son licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle réclame en conséquence l'allocation d'indemnités de rupture, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'un rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire outre les congés payés afférents.

La société MERINEL soutient que les faits reprochés sont établis et constitutifs d'une faute grave. Elle conclut donc au débouté des demandes de Mme [Y].

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque.

En l'espèce, s'agissant du grief relatif à la manipulation des pointages des salariés, il ressort des débats et des pièces versées que, alors que Mme [Y] nie les faits reprochés, la société MERINEL ne verse aucun élément sur 'l'audit' qu'elle dit avoir mené et sur les '152 pointages' modifiés dans le logiciel afférent qu'elle dit avoir décelés. Elle ne verse non plus aucun élément relatif à la fiabilité du logiciel de pointage en question. Elle se borne en définitive à produire trois attestations imprécises, non circonstanciées et stéréotypées de salariés ou anciens salariés accusant Mme [Y] de leur avoir imposé de ne pas pointer certaines heures de travail ou de 'manipuler' les pointages.

En outre, la société MERINEL ne verse aucun élément sur les griefs d'effacement de pointage de Mme [O] pendant un arrêt de maladie et de modification du pointage de Mme [L] les 4 et 5 juin qui sont mentionnés dans la lettre de licenciement.

La réalité de ce grief n'est donc pas établie.

S'agissant du grief tiré d'un non-respect des procédures de caisse et d'avoir obligé les salariés à rembourser les écarts de caisses sur leurs propres deniers, il ressort des débats et des pièces versées que la société MERINEL ne produit tout d'abord pas les procédures de caisse en cause. Elle se borne ensuite à produire des attestations de trois salariés ou anciens salariés, là encore imprécises, non circonstanciées et stéréotypées, accusant Mme [Y] de les avoir obligés à rembourser des écarts de caisse en espèce ou par carte bancaire. Aucun élément objectif sur les écarts en cause n'est produit ou sur des paiement par carte bancaire des trois attestants à la société MERINEL à ce titre.

La réalité de ce grief n'est donc pas établie.

S'agissant des 'vols de marchandises', il ressort tout d'abord des débats qu'il est seulement reproché à Mme [Y] d'avoir faussement déclaré comme manquants des produits livrés par des fournisseurs, la société MERINEL indiquant dans ses conclusions que 'les produits manquants se trouvaient en réalité dans le restaurant' et étaient in fine utilisés pour la production. Aucune soustraction frauduleuse n'est donc en réalité reprochée. En outre, alors que la réalité d'une faute est niée par Mme [Y], la société MERINEL se borne à verser aux débats à ce titre une unique attestation d'une salariée accusant Mme [Y] de lui avoir ordonné les fausses déclarations en litige ainsi que des tableaux présentés comme des listes de produits manquants dépourvus de toute fiabilité et qui ne font, en tout état de cause, en rien ressortir une faute de Mme [Y] à ce titre.

La réalité de ce grief n'est donc pas établie.

S'agissant du grief de 'détournements financiers en votre faveur', la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne reproche pas à Mme [Y] d'avoir signé le contrat de travail à temps partiel de son époux, M. [I], ou le contrat de sa soeur, Mme [V], sans délégation de pouvoir contrairement à ce qui est mentionné dans les conclusions de la société MERINEL. Ensuite, il ressort des débats que les contrats en cause réduisant le temps de travail de ces deux salariés sont connus de la société MERINEL depuis décembre 2017 et avril 2018 et qu'elle a payé la rémunération correspondante y compris les heures complémentaires sans émettre la moindre protestation pendant des dizaines de mois. De plus, la réalité de l'accomplissement d'heures complémentaires par M. [I] et Mme [V] n'est pas contestée par l'employeur. En outre, aucun élément n'est apporté par la société MERINEL sur le caractère exorbitant de ces contrats à temps partiel au sein de l'entreprise et le 'manque d'équité' allégué à ce titre.

Par ailleurs, la société MERINEL ne soutient pas dans ses conclusions le grief de remboursement d'un titre de transport fictif au profit de la soeur de l'appelante.

Aucune faute de Mme [Y] tirée de 'détournements financiers en votre faveur' n'est donc établie.

S'agissant du grief tiré de ce que Mme [Y] aurait 'malmené' des salariés, mentionné dans les conclusions de la société MERINEL, il ne figure pas dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et ne peut donc être invoqué par l'employeur.

Il résulte de ce qui précède que le licenciement de Mme [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges.

En conséquence, eu égard à une rémunération moyenne mensuelle non contestée de 3978,80 euros brut, il y a lieu d'allouer à Mme [Y] les sommes suivantes, non critiquées dans leur quantum par l'employeur :

- 22'793,34 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 11'936,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1193,64 euros au titre des congés payés afférents ;

- 900 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 90 euros au titre des congés payés afférents.

De plus, Mme [Y], qui avait une ancienneté de 19 années complètes au moment du licenciement, est fondée à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant compris entre 3 et 15 mois de salaire brut. Eu égard à son âge (née en 1979), à sa rémunération, à sa situation postérieure au licenciement (chômage justifié jusqu'en février 2020), il y a lieu d'allouer une somme de 40'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

Mme [Y] soutient qu'elle a travaillé pendant toute la durée de son congé de maternité du 4 novembre 2017 au 5 mai 2018 sans être rémunérée et demande en conséquence l'allocation d'une indemnité pour travail dissimulé.

Toutefois, elle se borne à verser aux débats :

- quelques échanges sibyllins de messages téléphoniques n'offrant aucune garantie quant aux interlocuteurs et aux dates en cause ;

- des rapports d'audits qu'elle dit avoir réalisés pendant la période litigieuse, n'offrant aucune garantie quant à leur date d'élaboration ;

- des courriers épars et vagues adressés à la gérante de la société MERINEL ne faisant pas ressortir l'accomplissement d'une prestation de travail sous la subordination de l'employeur.

Aucun travail dissimulé n'est donc établi. Il y a lieu dès lors confirmer le débouté de la demande d'indemnité à ce titre.

Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés :

En l'espèce, les décomptes de congés payés versées aux débats par la société MERINEL établissent que, au moment de la rupture du contrat de travail, Mme [Y] bénéficiait d'un solde de congés payés de 11 jours et que ceux-ci ont été payés par le versement des sommes de 3068,17 euros et 978,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés dans le cadre du solde de tout compte.

Mme [Y] n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle bénéficiait d'un reliquat de 18 jours de congés payés au moment de la rupture.

Il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur les dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail :

En l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucun élément ne démontre que Mme [Y] a été contrainte de travailler pendant son congé de maternité. Par ailleurs, Mme [Y] n'établit en rien que son licenciement a été entouré de circonstances brutales ou vexatoires.

Dès lors, en l'absence de preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution du contrat de bonne foi, il y a lieu de confirmer le débouté de la demande indemnitaire formée à ce titre.

Sur la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif sous astreinte :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'ordonner à la société MERINEL de remettre à Mme [Y] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt. Le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.

En revanche, il y a lieu de confirmer le débouté de la demande d'astreinte à ce titre, une telle mesure n'étant pas nécessaire.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive réclamés par la société MERINEL :

Eu égard à la solution du litige, la présente procédure judiciaire menée par Mme [Y] n'est pas abusive. Il y a donc lieu de débouter la société MERINEL de cette demande.

Sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur :

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société MERINEL aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [Y] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points.

La société MERINEL, partie succombante, sera condamnée à payer à Mme [Y] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur l'indemnité pour travail dissimulé, le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés, les dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail, l'astreinte,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [Z] [Y] épouse [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société MERINEL à payer à Mme [Z] [Y] épouse [I] les sommes suivantes :

- 22'793,34 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 11'936,40 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1193,64 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 900 euros brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire est 90 euros brut au titre des congés payés afférents.

- 40'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Ordonne à la société MERINEL de remettre à Mme [Z] [Y] épouse [I] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt

Ordonne d'office le remboursement par la société MERINEL aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [Z] [Y] épouse [I] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société MERINEL aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Anne REBOULEAU, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président