CA Douai, 1re ch. sect. 1, 17 octobre 2024, n° 23/04474
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Franfinance Location (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vitse
Conseiller :
Mme Miller
Avocats :
Me Boulet, Me Croquelois, Me Leclercq
Le 22 février 2018, Mme [P] [G], agissant dans le cadre de son activité de pédicure-podologue, a conclu avec la S.A.S. Holding Lease France un contrat de location longue durée de matériels informatiques pour une durée de 60 mois, moyennant un loyer mensuel de 599 euros HT.
Se prévalant d'une cession de contrat intervenue à son profit et de la défaillance de la locataire dans le paiement des loyers à compter du 1er mai 2019, la S.A.S.U. Franfinance Location a fait assigner Mme [G] devant le tribunal judiciaire de Lille par acte du 13 juillet 2022 aux fins, principalement, de voir constater la résiliation de plein droit du contrat litigieux et, à défaut, prononcer la résiliation dudit contrat.
Par ordonnance d'incident du 29 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a déclaré la société demanderesse irrecevable à agir et l'a condamnée, outre aux dépens, à verser à Mme [G] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.
La société Franfinance Location a interjeté appel de cette ordonnance et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 15 mai 2024, demande à la cour, au visa des articles L. 221-3 et L. 218-2 du code de la consommation et de l'article 700 du code de procédure civile, d'infirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions, débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes au titre de la prescription et condamner cette dernière, outre aux dépens, à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 5 février 2024, Mme [G] demande à la cour, au visa des mêmes textes, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, statuant au surplus, de prononcer l'extinction de l'instance et condamner la société appelante, outre aux dépens, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article L.218-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
L'article liminaire de ce code précise que pour l'application de celui-ci, on entend par consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, par non-professionnel, toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles et par professionnel, toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel.
L'article L221-3 du même code prévoit que les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Or, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les dispositions de l'article L218-2 précité, qui sont contenues dans le livre II, titre I, chapitre VIII du code de la consommation, ne sont pas visées par le renvoi opéré par l'article L221-3 du même code, contenues dans son livre II, titre II, chapitre 1er.
Dès lors, afin de déterminer si la prescription biennale de l'article L218-2 précité est applicable en l'espèce, il importe d'établir si Mme [P] [G] a souscrit le contrat de location financière litigieux en qualité de consommateur, à savoir en agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
A cet égard, il résulte du répertoire Sirene que Mme [P] [G] est inscrite depuis le 1er juillet 2013 en tant qu'entrepreneur individuel exerçant une activité 'des professionnels de la rééducation, de l'appareillage et des pédicures-podologues'.
Le contrat litigieux, qu'elle a souscrit le 22 février 2018 auprès de la société Holding lease France, relatif à la location longue durée de matériels informatiques (deux serveurs HP Pro DL 580 et leur connectique), comporte sa signature sous son cachet professionnel avec la mention 'pédicure-podologue', ainsi que ses coordonnées téléphoniques et postales.
L'intimée, qui soutient que le contrat litigieux a été signé hors établissement et que la commande de matériel informatique ne relève pas de son activité principale de pédicure-podologue, ne conteste cependant pas que c'est bien à des fins professionnelles, pour les besoins de son activité de pédicure-podologue, qu'elle a souscrit le contrat litigieux.
Mme [G] ne peut donc se voir reconnaître la qualité de consommateur dans le cadre du contrat litigieux.
En conséquence, l'article L.218-2 du code de la consommation, relatif à la prescription biennale de l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, n'est pas applicable et c'est l'article L.110-4 du code de commerce, relatif à la prescription quinquennale des obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, qui doit trouver à s'appliquer.
Il n'est pas contesté que Mme [P] [G] a cessé de s'acquitter de son obligation de payer les loyers le 1er mai 2019, date à laquelle peut donc être fixée le point de départ du délai de prescription de la SASU Franfinance location.
Or c'est par acte d'huissier du 13 juillet 2022, soit dans le délai de cinq ans à compter du premier loyer impayé, que la SASU Franfinance location l'a fait assigner aux fins de résiliation du contrat litigieux et de paiement de l'arriéré de loyers majoré de l'indemnité contractuelle de résiliation.
Son action n'est donc pas prescrite et doit être déclarée recevable.
Sur les autres demandes
Les dépens de l'incident, y compris en appel, suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
L'équité et la situation économique respective des parties commandent par ailleurs de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme la décision entreprise,
Statuant à nouveau,
Ecarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Déclare la société Franfinance location recevable à agir à l'encontre de Mme [P] [G];
Dit que les dépens de l'incident, tant en première instance qu'en appel, suivront le sort des dépens au fond ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.